Djaafar Khemdoudi — Wikipédia

Djaafar Khemdoudi
Djaafar Khemdoudi à Neuengamme
Biographie
Naissance
Décès
Nationalité
Activité
Autres informations
Organisation
Religion
Grade militaire

Djaafar Khemdoudi (en arabe : جَعْفَر خَمْدُودِي) ou Jean Djaafar Khemdoudi, né le à Aumale (aujourd'hui Sour El Ghozlane dans la wilaya de Bouira) et mort le à Lyon, est un résistant français d'origine algérienne de la Seconde Guerre mondiale.

Par son action, il sauve de nombreux réfractaires au STO ainsi que des Juifs de Saint-Fons et Vénissieux.

Déporté au camp de concentration de Neuengamme, à celui de Malchow et enfin à Ravensbrück, il parvient à survivre et à rentrer en France.

Djaafar Khemdoudi s'éteint en 2011 à Lyon.

Biographie[modifier | modifier le code]

Naissance et jeunesse[modifier | modifier le code]

Il naît à Sour El-Ghozlane le [1]. Les Khemdoudi sont une famille de la ville, où ils possèdent quelques terres[2] ; l'un d'entre eux, Louakal ben Laggoun Khemdoudi est brigadier dans le 1er régiment de spahis algériens pendant dix-sept ans[3], où il cumule 10 campagnes et reçoit la médaille militaire en 1930[4],[5] avant d'être pensionné comme ancien combattant[6].

En 1931, il est diplômé de l'« École indigène »[7],[8], un type d'écoles coloniales françaises enseignant la langue française et les rudiments de l'éducation française à certains indigènes en Algérie française[9],[10] et en Nouvelle-Calédonie[11].

Son père est tailleur. À ses 17 ans, en 1934, il quitte le domicile familial après une dispute avec son père[12] pour se rendre à Marseille, puis en Moselle, où il trouve un emploi. En 1936, il publie dans L'Écho d'Alger une déclaration en soutien à Jacques Duroux, sénateur socialiste de l'Algérie et propriétaire du journal, qui s'était engagé à soutenir la représentation des indigènes algériens au Parlement[13], il le remercie de ses efforts pour les « musulmans français »[14].

Après une affaire personnelle, il quitte la Moselle pour se rendre à Lyon[12]. Il s'installe au 133 rue Bugeaud, dans le 6e arrondissement de Lyon[15].

Engagement dans la Résistance et déportation[modifier | modifier le code]

Mobilisé en 1939 à l'âge de 22 ans, il dirige un bataillon de soldats maghrébins grâce à sa maîtrise de la langue française[12].

Après la capitulation de la France, il rejoint la Résistance le [16],[17].

Il est poussé à rejoindre le Service de travail obligatoire allemand en qualité d'interprète par l'Armée Secrète[15], ce qu'il fait avec zèle[15],[18].

Là, il délivre des faux certificats[19] pour les réfractaires ; il aide des Juifs à préparer leur évasion[20] et leur clandestinité et alerte les autres résistants qu'il sait surveillés[12],[21]. Dans ce cadre là, il est en contact avec Georges Durand, surnommé « Doris » ou « Dubreuil », l'un des responsables de Combat et des maquis du Grésivaudan[22], déporté plus tard à Buchenwald, qui cache notamment les jeunes réfractaires dans des fermes[23].

Témoignage de Georges Durand, alias Doris.

Par ailleurs, il vient en aide aux enfants juifs de Saint-Fons et Vénissieux[21]. Il est probable qu'il se soit coordonné avec Bel Hadj El Maafi, l'un des responsables de la résistance algérienne de Lyon, aussi connu pour être intervenu à Saint-Fons en faveur de la communauté juive[24].

Dénoncé, il est arrêté le [12] à Lyon. Lors de son arrestation, son commerce lyonnais est pillé[15].

Il est incarcéré à la prison Montluc[12],[21],[24] avant d'être déporté au camp de Neuengamme le [1].

Face à l'avancée des troupes soviétiques, il est déplacé au camp de Malchow puis à Ravensbrück, où l'armée soviétique le libère finalement[12].

Vie après la guerre et mort[modifier | modifier le code]

Il revient en France le [25] mais son passage dans les camps de concentration le rend invalide à 100 pour cent[26]. Il refuse de prendre la parole sur son passage dans la Résistance, préférant conserver cela pour lui sans en parler[20].

Certificat d'appartenance à la Résistance par Pierre Marche-Lacour

Après la guerre, Djaafar Khemdoudi voit son œuvre dans la Résistance être reconnue par les autorités françaises ; ainsi, Georges Durand, surnommé « Doris » dans la Résistance[27], témoigne le qu'il a été infiltré auprès des autorités allemandes sous ordres de la Résistance, que son commerce a été pillé lors de son arrestation, qu'il a obtenu le grade de sous-lieutenant pour ses actions et que « grâce à son incessante activité et son grand patriotisme, un très grand nombre de travailleurs ont été sauvés par l'Armée secrète »[15].

Témoignage de l'imam Bel Hadj El Maafi

Lors d'une lettre au gouverneur militaire de Lyon, Bel Hadj El Maafi, déclare qu'il[28],[18]:

« a empêché le départ en Allemagne d’un très grand nombre de personnes “nord-africaines”, “européennes” et “israélites" sur ma recommandation et chaque fois que je suis allé le voir, pour n'importe quoi, Monsieur Khemdoudi m'a toujours été dévoué ainsi qu'à tous ses compatriotes. »

Le , le capitaine Pierre Marche-Lacour, résistant, certifie qu'il a bien participé à la Résistance, et qu'il a été déporté pour son activité[17]. Enfin, le , il reçoit son certificat de résistant de la part du lieutenant-colonel Jacques Le Belin de Dionne, résistant[16]. Il est homologué résistant avec la côte GR 16 P 319554[29]. Djaafar Khemdoudi reçoit la Légion d'Honneur, dont il est officier ainsi que la médaille militaire et la médaille de la Résistance[21].

Il meurt à Lyon[30] le [1],[31].

Postérité[modifier | modifier le code]

Comme d'autres résistants, principalement d'origine étrangère, il est oublié après la guerre[32]. L'auteur Kamel Mouellef contribue à la mémoire de Djaafar Khemdoudi en publiant des ouvrages à son sujet[21],[25]. Une plaque en son honneur est apposée dans son ancienne cellule, dans la prison Montluc[20], mais cela provoque une polémique au sein de l'Association des Résistants de Montluc (ARM), pour qui ses origines algériennes posent problème[33].

En , il figure dans l'exposition « Ces résistants oubliés » à Saint-Chamond[34],[35]. Les Archives Arolsen, spécialisées dans les persécutions nazies et la Shoah, confirment qu'il a sauvé de nombreux Juifs et réfractaires au STO[19],[20].

Décorations[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b et c « KHEMDOUDI DJAAFAR », sur Neuengamme (consulté le ).
  2. Algérie (Période coloniale) Auteur du texte, « Journal officiel de l'Algérie », sur Gallica, (consulté le ).
  3. « Visionneuse - Mémoire des Hommes », sur memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr (consulté le ).
  4. « Journal officiel de la République française. Lois et décrets », sur Gallica, (consulté le ).
  5. « Médaille militaire », La France militaire,‎ , p. 2 (lire en ligne Accès payant)
  6. « Alger républicain / directeur Pascal Pia », sur Gallica, (consulté le ).
  7. « L'Echo d'Alger : journal républicain du matin », sur Gallica, (consulté le ).
  8. « La Dépêche algérienne : journal politique quotidien », sur Gallica, (consulté le ).
  9. Claude Bisquerra, « Les « écoles indigènes » en Algérie à la fin du XIXe siècle : l’expérience de maîtres français et indigènes dans le sud-est algérien au cours des années 1895-1897 », Documents pour l’histoire du français langue étrangère ou seconde, no 27,‎ (ISSN 0992-7654, DOI 10.4000/dhfles.2613, lire en ligne, consulté le )
  10. Histoire coloniale et postcoloniale, « L’enseignement primaire en Algérie coloniale », sur histoirecoloniale.net, (consulté le ).
  11. Raoul Lucas, « Salaün Marie. L’école indigène. Nouvelle-Calédonie, 1885-1945 », Revue française de pédagogie. Recherches en éducation, no 161,‎ , p. 140–142 (ISSN 0556-7807, DOI 10.4000/rfp.895, lire en ligne, consulté le )
  12. a b c d e f et g Mémorial de Montluc, « Djaafar Khemdoudi », sur memorial-montluc.fr.
  13. Charles Robert Ageron, Histoire de l'Algérie contemporaine (1830-1994), Presses Universit. de France, coll. « Que sais-je? », (ISBN 978-2-13-042159-7)
  14. « L'Écho d'Alger : journal républicain du matin », sur Gallica, (consulté le ).
  15. a b c d et e (en) J. Khemdoudi, Certificate of membership in the resistance of Djaafar Khemdoudi, (lire en ligne)
  16. a et b (en) J. Khemdoudi, Certificate of membership in the resistance of Djaafar Khemdoudi, (lire en ligne)
  17. a et b (en) J. Khemdoudi, Certificate of membership in the resistance of Djaafar Khemdoudi, (lire en ligne)
  18. a et b « Fichier:Témoignage Bel Hadj El Maafi.png — Wikipédia », sur commons.wikimedia.org, (consulté le ).
  19. a et b Kamila Kolakowski, « Héros oubliés », sur Arolsen Archives, (consulté le ).
  20. a b c et d (en-GB) Kamila Kolakowski, « Forgotten heroes », sur Arolsen Archives, (consulté le ).
  21. a b c d et e « Vaulx-en-Velin. Djaafar Khemdoudi, héros de la Résistance française », sur leprogres.fr (consulté le ).
  22. Julien Guillon, « Dessiner le territoire de la Résistance : Essai sur la dissidence en Isère (1934-1944) », Université Jean Monnet - Saint-Étienne, Université Jean Monnet - Saint-Étienne,‎ , p. 209 (lire en ligne, consulté le )
  23. « m_chappays », sur sf.38340.free.fr (consulté le ).
  24. a et b Marc André, Une prison pour mémoire Montluc, de 1944 à nos jours., (ISBN 979-10-362-0575-0 et 979-10-362-0573-6, OCLC 1366495180, lire en ligne)
  25. a et b Olivier Jouvray, Batist et Kamel Mouellef, Résistants oubliés, Glénat, dl 2015 (ISBN 978-2-344-00764-8 et 2-344-00764-4, OCLC 919029704, lire en ligne)
  26. La rédaction de Mondafrique, « Ces héros maghrébins oubliés (volet 2), les secrètes filières d’évasion algériennes », sur Mondafrique, (consulté le ).
  27. « Villard-Bonnot. Georges Durand, ce héros de la Résistance si discret », sur ledauphine.com (consulté le ).
  28. Marc André, « Commémorer et réprimer », dans Une prison pour mémoire : Montluc, de 1944 à nos jours, ENS Éditions, coll. « Sociétés, Espaces, Temps », (ISBN 979-10-362-0575-0, lire en ligne), p. 31–82
  29. Liste des résistants avec leur côte par le Service historique de la Défense : https://www.servicehistorique.sga.defense.gouv.fr/sites/default/files/2020-01/GR16P_A_Z.pdf
  30. « matchID - Moteur de recherche des décès », sur deces.matchid.io (consulté le ).
  31. Coret Genealogie, « Décès Djaafar Khemdoudi le 26 juillet 2011 à Lyon 7e Arrondissement, Rhône, Auvergne-Rhône-Alpes (France) », sur Archives Ouvertes (consulté le ).
  32. (en) Nina Wardleworth, « Reflections on ‘Identifying North Africans in the French Resistance’ at end of first year of Laidlaw research and leadership Scholarship. », sur frenchempireww2, (consulté le ).
  33. Marc André, « Un patrimoine palimpseste », dans Une prison pour mémoire : Montluc, de 1944 à nos jours, ENS Éditions, coll. « Sociétés, Espaces, Temps », (ISBN 979-10-362-0575-0, lire en ligne), p. 461–498
  34. « Ces résistant(e)s oublié(e)s à Saint-Chamond », sur agenda-des-sorties.com (consulté le ).
  35. « « Ces Résistants oubliés » : une exposition à voir absolument à Saint-Chamond, du 4 mars au 3 avril ! », sur Oumma, (consulté le ).

Articles connexes[modifier | modifier le code]