Annette Zelman — Wikipédia

Annette Zelman
une illustration sous licence libre serait bienvenue
Biographie
Naissance
Décès
Voir et modifier les données sur Wikidata (à 20 ans)
AuschwitzVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité

Annette Zelman ( à Nancy - à Auschwitz) est une victime de la politique antisémite du régime de Vichy puis du Reich hitlérien.

Juive française née de parents immigrés d’Europe de l'Est, elle est arrêtée en à Paris à la suite de la dénonciation du docteur Hubert Jausion, père de son fiancé Jean Jausion, qui voulait s’opposer à leur mariage. Arrêtée à titre « préventif », puis déportée alors que la mesure épargnait les femmes jusque-là, elle est morte au camp d'Auschwitz, probablement en .

Biographie[modifier | modifier le code]

Peu après la déclaration de guerre de 1939, Annette Zelman et sa famille se réfugient à Bordeaux[1]. Recensée comme « israélite » en , Annette Zelman se rend à Paris pour y entamer des études aux Beaux-Arts, elle y fréquente artistes et intellectuels du Quartier latin (Jean Rouch, Yannick Bellon, etc.)[1] Le , elle se rend à la mairie du 10e arrondissement de Paris pour déposer une demande de mariage avec Jean Jausion, poète né en 1917 et lié à la mouvance surréaliste[1]. Opposé au mariage, le père de Jean Jausion, le Dr Hubert Jausion, intervient, selon des modalités qui restent mal éclaircies, auprès des autorités[1]. La jeune fille est arrêtée à son domicile, 58, boulevard de Strasbourg[2], dans le 10e arrondissement de Paris, le sur ordre exprès de Theodor Dannecker, chef du service des Affaires juives de la Gestapo à Paris pour un motif « politique »[1]. Détenue jusqu’au au dépôt de la préfecture de police de Paris puis au camp des Tourelles, Annette Zelman fait partie, le , du troisième convoi de déportés à destination d’Auschwitz[1]. Elle y est morte sans qu’aucune information sur son sort n’ait pu être retrouvée[1].

Jean Jausion déclare renoncer au mariage afin qu'Annette soit remise à sa famille; en vain. Fâché avec son père, il se réfugie à Limoges chez les parents d’Annette qui, après l’invasion de la zone sud, restent cachés dans une cave. Il écrit sur le thème de la dénonciation un roman qui paraîtra en 1945 chez Gallimard et sera adapté au cinéma sous le même titre Un homme marche dans la ville. En août 1944, il est de retour à Paris ; arrêté par une patrouille ennemie place de la Concorde lors des combats de la Libération, il est échangé contre un officier allemand. Il retrouve pendant quelques jours Saint-Germain-des-Prés puis devient correspondant de guerre du journal Franc Tireur. Le 6 septembre 1944, dans un geste suicidaire, il lance sa jeep contre une colonne allemande ; son corps n’a jamais été retrouvé[3]. D'autres témoignages l'évoquent criblé de balles devant la ferme Mogador, près de Metz.

Témoignages littéraires et postérité[modifier | modifier le code]

La figure tragique d’Annette Zelman apparait dans les souvenirs de Simone de Beauvoir[4] lorsqu’elle décrit le microcosme du Café de Flore sous l’Occupation, ainsi que dans un texte de Boris Vian[5]. Son destin a par ailleurs ensuite attiré l’attention de l’historien Henri Amouroux[6] et du romancier Patrick Modiano[7].

Une exposition lui est consacrée en 2024 à la mairie du Xè arrondissement de Paris, à partir de documents familiaux de la famille Zelman et de photographies contemporaines de Jean Sierpinski, qui lui est apparenté et est parti sur ses traces : https://mairie10.paris.fr/pages/exposition-la-disparition-ou-le-destin-tragique-d-annette-zelman-26440 .

Analyse historique[modifier | modifier le code]

Le destin d’Annette Zelman a été analysé par l’historien Laurent Joly selon deux axes[1]. D’une part, il est une illustration du massif phénomène de délation, nourri de l’antisémitisme ordinaire et des rancœurs personnelles, qui a touché la société française sous Vichy[1]. Loin de se cantonner aux marges de la société, la délation a ainsi touché des franges de la société considérées comme honorables[8] (le père de Jean Jausion, Hubert Jausion est un médecin, fin lettré et homme du monde[1]). D’autre part, il préfigure la « Solution finale » avec une accélération du rythme des déportations et leur extension aux femmes. La volonté d’anéantir totalement la communauté juive rendra vaines les tentatives d’Hubert Jausion et de Jean Jausion pour intervenir auprès des autorités[1].

Filmographie[modifier | modifier le code]

Documentaire[modifier | modifier le code]

Le cas d'Annette Zelman est évoqué dans le documentaire Dénoncer sous l'Occupation, de David Korn-Brzoza, coécrit avec l'historien Laurent Joly[9], diffusé dans la série Histoire immédiate, sur France 3, les [10] et [11].

Téléfilm[modifier | modifier le code]

Le téléfilm L'Histoire d'Annette Zelman, tourné en 2022, est réalisé par Philippe Le Guay sur un scénario d'Emmanuel Salinger et Laurent Joly, avec Julie Gayet, Laurent Lucas, Ilona Bachelier et Vassili Schneider[12].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b c d e f g h i j et k Laurent Joly, « Le cas Annette Zelman et les débuts de la « Solution finale » en France (mai-juin 1942) », Vingtième Siècle – Revue d'histoire, no 119,‎ , p. 29-41 (lire en ligne).
  2. Serge Klarsfeld, Mémorial de la déportation des Juifs de France, Beate et Serge Klarsfeld, Paris, 1978 ; nouvelle édition, mise à jour, avec une liste alphabétique des noms, FFDJF (Fils et filles de déportés juifs de France), 2012.
  3. Henri Nahum, L'affaire Annette Zelman ou les conséquences dramatiques de l'antisémitisme ordinaire ; dans Archives Juives 2013/1 (Vol. 46), pages 45 à 53, https://www.cairn.info/revue-archives-juives1-2013-1-page-45.htm.
  4. Simone de Beauvoir, La Force de l’âge, Paris, Gallimard/Le Livre de poche, 1960, 1965, p. 402-404, 547.
  5. Boris Vian, Manuel de Saint-Germain-des-Prés, Paris, Éditions du Chêne, , p. 118.
  6. Henri Amouroux, La Vie des Français sous l’Occupation, Paris, Fayard, , 577 p., p. 399-400.
    Dans cet ouvrage, l'auteur mentionne les protagonistes ainsi : « Annette Z… », « Jean J… », « le père de Jean est médecin » et note en bas de page : « Dans l'histoire d'Annette Z…, c'est volontairement encore que j'omets de citer les références. » Cependant, après avoir écrit qu'« il semble bien que l'autorité allemande ait été mise au courant », il sous-entend assez clairement que Dannecker avait connaissance de l'origine de la délation. Et indique que, dans la note de la police française qu'il a retrouvée, « Les deux futurs époux ont déclaré par écrit renoncer à tout projet d'union, conformément au désir du docteur J… qui avait souhaité qu'ils fussent dissuadés et que la jeune Z… fût simplement remise à sa famille, sans être aucunement inquiétée.
  7. Patrick Modiano, Dora Bruder, Paris, Gallimard, , p. 120-122.
  8. Laurent Joly (dir.), La Délation dans la France des années noires, Paris, Perrin, , 384 p. (ISBN 978-2-262-03481-8, BNF 42660684), p. 63-69.
  9. « Dénoncer sous l'Occupation (France 3) », sur histoire-pour-tous.fr, (consulté le ).
  10. « La délation sous l'Occupation », sur leparisien.fr, Le Parisien, (consulté le ).
  11. « Dénoncer sous l’Occupation », sur 9docu.co (consulté le ).
  12. « L'Histoire d'Annette Zelman », sur allocine.fr (consulté le ).