Abdelkader Mesli — Wikipédia

Abdelkader Mesli
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Fonctions
Aumônier
Fort du Hâ
-
Imam
Grande mosquée de Paris
-
Biographie
Naissance
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Algérie
Décès
Nom dans la langue maternelle
عَبْد ٱلْقَادِر مَسْلِي
Nationalité

Algérie

France
Activités
Appartenance ethno-culturelle
Algérien
Autres informations
Lieu de détention

Abdelkader Mesli (en arabe : عَبْد ٱلْقَادِر مَسْلِي, ʿabd ʾal-Qādir Maslī), né en 1902 à Khémis dans la wilaya de Aïn Defla (alors en Algérie française) et mort le à Paris, est un imam et résistant qui s'illustre pendant la Seconde Guerre mondiale. À travers ses actions à la grande mosquée de Paris, au fort du Hâ, ainsi qu'au sein de l'Organisation de résistance de l'Armée (ORA), il aide au sauvetage de plusieurs centaines de personnes juives de la Shoah. Il vient aussi en aide à des soldats africains évadés. Survivant de Dachau, il rentre en France après la guerre et meurt dans un certain oubli.

Son action est redécouverte bien après sa mort, au début du XXIe siècle. Les estimations des historiens sur les personnes sauvées varient, mais elles se situent entre 500 et 1600 pour les personnes de confession juive uniquement.

Aux côtés du recteur de la Grande mosquée de Paris, Kaddour Benghabrit, et de l'imam de Lyon, Bel Hadj El Maafi, il fait partie des responsables religieux musulmans impliqués dans la résistance française.

Biographie[modifier | modifier le code]

Naissance et imamat[modifier | modifier le code]

Abdelkader Mesli naît en 1902 à Khémis (alors en Algérie française[1]). À l'âge de 17 ans, il quitte son pays natal pour la France métropolitaine et arrive à Marseille[2]. Pour vivre, il entreprend différents métiers : docker, charpentier, employé des mines et commercial[1]. Au début des années 1930, il est nommé imam de la grande mosquée de Paris, poste qu'il occupe bénévolement[1]. En parallèle, il est fiché par le service des affaires nord-africaines de la préfecture de Paris, qui est chargé d'espionner et de diriger les activités des nord-africains en France Continentale[3].

Seconde guerre mondiale, résistance et déportation[modifier | modifier le code]

Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate, Mesli s'engage avec Kaddour Benghabrit, recteur de la mosquée, dans le sauvetage de personnes juives en délivrant de faux certificats de confession musulmane[1]. Cette technique permet de sauver entre 500 et 1600 personnes selon les historiens[1],[2],[4].

En 1942, Kaddour Benghabrit l'envoie à Bordeaux en tant qu’aumônier musulman du fort du Hâ[1] après qu'il a été suspecté par les autorités allemandes[5]. Il y organise des évasions et continue la délivrance de faux certificats, ce malgré les soupçons de la Kommandantur[1]. À partir de , il s'engage dans une organisation de la Résistance[1],[2] en rejoignant l'Organisation de résistance de l'Armée (ORA)[5],[6]. Dans ce cadre là, il prend en charge les faux papiers et fournit l'hébergement à des soldats africains évadés[5]. Il est en lien avec Paul et Roger Valroff, qui sont ses amis et l'aident[3], Paul Valroff lui écrit de nombreuses lettres, l'invite à s'occuper de son fils Roger et le remercie ; par exemple, le 6 septembre 1943, Paul Valroff écrit à Abdelkader Mesli[3] : « Je m'excuse de vous mettre à contribution et je vous remercie par avance de ce que vous voudrez bien faire pour un fils. J'espère pouvoir descendre très prochainement à Bordeaux et vous reverrai avec grand plaisir. Je vous envoie, mon cher ami, toute mon amitié. Le personnel de la mosquée me charge de vous transmettre leur souvenir. »

Le , il est dénoncé et arrêté avec Roger Valroff dans un restaurant de Bordeaux par la Gestapo[1] et perquisitionné par la police française collaborationniste[3]. Ils confisquent, chez lui « trois costumes, un pardessus, deux paires de souliers, six chemises, trois caleçons, une douzaine de mouchoirs, une montre en or, une bague avec pierre en or et un lot de marchandises réservées aux musulmans »[3]. Mesli est déporté, par le « Train fantôme »[7], au camp de concentration de Dachau, puis transféré à celui de Mauthausen[1]. A Dachau, on lui attribue le matricule numéro 94020, à Mathausen, son matricule est 98671[3],[8]. Malgré des interrogatoires poussés et la torture, il ne dénonce aucun camarade résistant[1].

Retour de déportation et mort[modifier | modifier le code]

Abdelkader est libéré le , grandement affaibli physiquement, il ne pèse alors plus que 30 kg[2]. On lui délivre une carte de déporté résistant, dont le numéro d'identification est le 1.001.00526[9]. Il reprend ensuite son activité d'imam à la mosquée de Bobigny et s'occupe du cimetière musulman de Bobigny[1],[10].

Il se marie le avec Aïcha Mesli[1] à la Grande mosquée de Paris, il a deux enfants avec elle ; Yamina Mesli (1950) et Mohamed Mesli (1951)[3]. Mesli est fait officier de l'ordre du Ouissam alaouite par Mohammed V, roi du Maroc[3],[5]. Il reçoit aussi l'ordre de la Libération, la croix du combattant et la médaille de la déportation et de l'internement pour faits de Résistance[3]. Cependant, il n'en parle pas de son vivant et il faut attendre sa mort pour que ses décorations soient redécouvertes par sa famille[3]. Le 22 juin 1952, il se rend à l'ossuaire de Douaumont, à côté de Verdun, et participe à une cérémonie qui y est organisée par le maréchal Alphonse Juin en tant que représentant de Kaddour Benghabrit[11].

Il meurt le [1].

Postérité[modifier | modifier le code]

Ses actions tombent dans l'oubli après la Seconde Guerre mondiale. Ce n'est qu'en 2010, que son fils, Mohamed, redécouvre le passé de son père et entreprend de témoigner pour sauvegarder cet héritage familial[1]. Malgré le fait qu'Abdelkader Mesli soit resté relativement discret sur son passage dans la Résistance, il laisse une production écrite et des archives assez conséquentes, des dizaines de documents d'archives et de témoignages sont recensés dans les dossiers qu'il laisse en héritage à ses enfants[3].

Abdelkader Mesli n'a pas reçu le titre de Juste parmi les nations car des recherches précises doivent encore être effectuées par le mémorial de Yad Vashem[2]. Le , la mairie de Paris vote à l'unanimité pour qu'une rue de la capitale française porte le nom d'Abdelkader Mesli[12]. Le , le parvis devant la grande mosquée de Paris porte son nom[10]. Une rue a été nommée Abdelkader Mesli à Bobigny en son honneur[13].

Le , le président français Emmanuel Macron rend hommage à Abdelkader Mesli lors du centenaire de la Grande mosquée de Paris[14],[15].Par rapport à son action, le recteur de la Grande mosquée de Paris, Chems-Eddine Hafiz, déclare[16] :

Mes illustres prédécesseurs ont gravé dans la mémoire nationale une certaine idée de l’humanisme. Le premier recteur de la Grande Mosquée de Paris, Kaddour Ben Ghabrit, a aidé à sauver, avec l’imam Abdelkader Mesli, des personnes juives de la barbarie nazie.

Décorations[modifier | modifier le code]

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b c d e f g h i j k l m n et o Raphaël de Bengy, « Mohamed Mesli : « Mon père, l’imam sauveur de juifs » », sur leparisien.fr, (consulté le )
  2. a b c d et e Glenn Cloarec, « Abdelkader Mesli, l’imam parisien qui a sauvé des Juifs pendant la Shoah », sur fr.timesofisrael.com (consulté le )
  3. a b c d e f g h i j et k Mohammed Aïssaoui, L'étoile jaune et le croissant, Gallimard, (ISBN 978-2-07-013891-3)
  4. « Une « résistance oubliée » : quand la Grande Mosquée de Paris venait en aide aux juifs », sur Middle East Eye édition française (consulté le )
  5. a b c et d Marie-Cécile Bouju, « MESLI Abdelkader », dans Le Maitron, Maitron/Editions de l'Atelier, (lire en ligne)
  6. Jean-Paul Lefebvre-Filleau, Les résistants de Dieu: chrétiens, juifs et musulmans unis contre le nazisme en France occupée, Éditions du Rocher, (ISBN 978-2-268-10737-0)
  7. "Le train fantôme, les nazis et la résistance : un nouveau livre retraçant l'histoire du train fantôme à Sorgues en 1944" par Jean-Michel Le Ray, France Bleu, 11 janvier 2019
  8. « 98671 - Monument Mauthausen III », sur monument-mauthausen.org (consulté le )
  9. Jean-Paul Lefebvre-Filleau, Les résistants de Dieu: chrétiens, juifs et musulmans unis contre le nazisme en France occupée, Éditions du Rocher, (ISBN 978-2-268-10737-0)
  10. a et b « 2021 DU 95 Dénomination parvis Abdelkader Mesli (5e). », sur paris.fr, (consulté le )
  11. « La Dépêche de Constantine : journal politique quotidien », sur Gallica, (consulté le )
  12. « Interview Crif - Une rue de Paris au nom d'Abdelkader Mesli, Imam et résistant : le mot de Karen Taïeb, adjointe à la mairie de Paris », sur Crif - Conseil Représentatif des Institutions Juives de France, (consulté le )
  13. Délibération du Conseil municipal de Bobigny, 6 Juillet 2023, https://www.bobigny.fr/fileadmin/images/PDF/Conseils_municipaux_et_Actes_Administratifs/CM_2023/CM_du_06.07.2023/11_060723_C%C5%93ur_de_Ville_-_Convention_de_garantie_d_emprunts_accord%C3%A9e_%C3%A0_la_SA_HLM_Batig%C3%A8re.pdf
  14. « Grande Mosquée de Paris : "un havre de paix" selon Emmanuel Macron », sur Linfo.re (consulté le )
  15. La-Croix.com, « “On peut être français et musulman, harmonieusement, indissolublement” déclare Emmanuel Macron », sur Documentation catholique - La Croix (consulté le )
  16. « Chems-Eddine Hafiz, recteur de la Grande Mosquée de Paris : « C’est l’heure du choix : pas entre les musulmans et les juifs, pas entre Israël et la Palestine, mais entre l’humanisme et l’horreur » », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )