Élections législatives françaises de 1898 — Wikipédia

Élections législatives françaises de 1898
581 députés à la Chambre des députés
et
Type d’élection Élections législatives
Corps électoral et résultats
Inscrits 10 779 123
Votants 8 106 123
75,2 % en augmentation 0,5
Progressistes – Jules Méline
Voix 3 518 057
43,4 %
en diminution 5,2
Députés élus 232 en diminution 40
Radicaux – Henri Brisson
Voix 2 472 377
30,5 %
en augmentation 3,9
Députés élus 183 en augmentation 17
Monarchistes – Albert de Mun
Voix 1 191 601
14,7 %
en diminution 2,4
Députés élus 92 en augmentation 4
Socialistes – Jules Guesde
Voix 786 294
9,7 %
en augmentation 4,3
Députés élus 55 en augmentation 14
Nationalistes – Gustave Cluseret
Voix 137 804
1,7 %
en diminution 0,6
Députés élus 14 en stagnation
Composition de la Chambre des députés
Diagramme
  • Parti ouvrier français : 42 sièges
  • Radicaux-socialistes : 52 sièges
  • Radicaux: 86 sièges
  • Union progressiste : 154 sièges
  • Progressistes : 175 sièges
  • Monarchistes : 92 sièges
  • Nationalistes : 14 sièges
  • Indépendants : 5 sièges
Gouvernement
Sortant Élu
Jules Méline
Progressiste
Jules Méline
Progressiste
Législature élue
Septième de la IIIe Rép.

Les élections législatives de 1898 pour élire les députés de la VIIe législature de la IIIe République ont eu lieu les et . Elles se sont déroulées au scrutin uninominal à deux tours par arrondissements (loi du 13 février 1889), comme les précédentes élections.

Contexte[modifier | modifier le code]

Les précédentes élections ont donné la majorité absolue aux républicains, et plus particulièrement aux modérés. Le Conseil des ministres est présidé par le modéré Jules Méline lorsque les législatives de 1898 sont organisées (Gouvernement Jules Méline). Mais ce dernier n'est pas soutenu par le camp républicain au sens large ; son conservatisme social fait dresser contre lui les socialistes et les radicaux, de toutes tendances[1]. Il n'est soutenu que par les modérés du parti républicain et de plus en plus, surtout depuis le ralliement et les attentats anarchistes, par les ralliés et occasionnellement par une partie de la droite. Quand arrivent les élections, il a cependant à son actif le protectionnisme, qui satisfait les industriels et les Français en général, l'alliance russe, qui rassure tout le monde, et l'expansion coloniale, qui apporte à la France une envergure internationale que n'a pas l'Allemagne. En revanche, la lecture des professions de foi comme de la presse de l'époque force à constater que les débuts de l'affaire Dreyfus, commencée en 1894, n'ont pas entamé son crédit, pas davantage que le J'accuse… ! d'Émile Zola, publié en , quelques mois avant les élections. La grande majorité des candidats ne l'évoquent même pas.

Résultats[modifier | modifier le code]

Les résultats sont cependant en demi-teinte. L'extrême gauche progresse nettement, surtout les radicaux dans le Sud-Ouest (en lieu et place des bonapartistes)[2],[3], même si deux figures socialistes (Jules Guesde et Jean Jaurès) sont battues. Les progressistes (nom des ex-opportunistes) reculent en voix comme en sièges, mais restent le groupe le plus important à la Chambre, tout en y étant légèrement déportés vers la droite. La droite stagne, avec pourtant moins de candidats qu'en 1893 (267 sans les 17 nationalistes qui les remplacent souvent, contre à peine plus de 300 en 1893)[4].

Le président de la République de l'époque, Félix Faure, effectue dans son journal privé[5] les catégorisations suivantes : un premier ensemble regroupe les « républicains » (tout court, ils ne sont ni « progressistes » ni « modérés » mais peuvent être qualifiés de « nationaux »), les « ralliés » (ce sont les catholiques ralliés plus ou moins sincèrement à la République à l'instigation du pape Léon XIII ) et les « monarchistes » ; un second ensemble regroupe les « socialistes », les « radicaux-socialistes », les « radicaux » et les « républicains modérés » ; enfin, Félix Faure distingue un troisième groupe marginal, composés d'agitateurs.

Les chiffres selon Bertrand Joly donnent :

  • D'un côté : 240 « républicains » + 35 « ralliés » + 50 « monarchistes », soit une majorité de 325 députés ;
  • De l'autre : 45 « socialistes » + 180 « radicaux » et « radicaux-socialistes », soit une minorité de 225 députés ;
  • 25 à 30 marginaux.

Ces catégorisations et ces chiffres sont tirés du livre de Bertrand Joly[6].

Par ailleurs, Bertrand Joly, très justement, remarque « la complexité des étiquettes, qui déconcerte souvent les historiens. Faute de partis constitués et de groupes parlementaires (...), chaque candidat reste libre de prendre le label de son choix ; il faut, dans bien des cas, attendre les votes des élus (...) pour connaître leur orientation exacte »[7].

En réalité, le vote d'un député après l'arrivée à Paris ne correspond plus forcément à l'image que celui-ci s'était donnée avant les élections[8]. Les votes qui précèdent doivent être utilisés, si l'élu est un sortant. La presse locale est indispensable pour comprendre comment est perçu le candidat par l'électeur. En dernier ressort, il reste les professions de foi figurant au Barodet. L'examen de ce dernier permet par exemple d'observer que la césure entre gauche et centre méliniste passe au sein des républicains dits de gouvernement. Deux sur six environ se désolidarisent plus ou moins ouvertement du gouvernement en place, quand trois se montrent fidèles et qu'un ne se prononce pas.

C'est après le scrutin que l'affaire Dreyfus devient un enjeu politique. Et c'est quand les deux camps se fixent, entre dreyfusards et antidreyfusards, que le grand reclassement de 1899 peut avoir lieu[9]. Les élus expressément antisémites et même antijuifs, élus en 1898 (à l'instar de l'élu d'Alger Édouard Drumont) deviendront nationalistes, et le nationalisme deviendra ainsi un phénomène de droite, ayant remplacé par étapes successives, à travers le boulangisme notamment, le vieux patriotisme républicain remontant à la Révolution française.

Corps électoral
Inscrits 10 779 123 100,00 %
Votants 8 106 123 75,20 %
Abstentions 2 673 000 24,80 %
Résultats
Alliances et partis[10] Votes % Sièges
Républicains progressistes 2 518 057 30,8 175
Républicains opportunistes 2 442 890 30,4 154
Union progressiste 1 029 477 12,7 86
Nationalistes 786 294 9,7 67
Gauche radicale 607 960 7,5 52
Parti ouvrier français 583 641 7,2 42
Total 581

VIIe législature[modifier | modifier le code]

Durée de la législature : - .

Président de la République : Félix Faure (jusqu'au ), Émile Loubet ensuite.

Président de la Chambre des députés : Henri Brisson (jusqu'au ), Paul Deschanel ensuite.

Liste des gouvernements successifs
Gouvernement Dates (Durée) Président du Conseil Composition initiale
1 Jules Méline Méline du au (2 ans et 61 jours) Jules Méline (Progressiste) 11 ministres
1 sous-secrétaire d'État
2 Henri Brisson Brisson (2) du au (120 jours) Henri Brisson (Radical) 11 ministres
3 Charles Dupuy Dupuy (4) du au (109 jours) Charles Dupuy (Union progressiste) 10 ministres
2 sous-secrétaires d'État
Dupuy (5) du au (114 jours) 10 ministres
2 sous-secrétaires d'État
4 Pierre Waldeck-Rousseau Waldeck-Rousseau du au (2 ans et 346 jours) Pierre Waldeck-Rousseau (Union progressiste, Alliance républicaine démocratique) 11 ministres
1 sous-secrétaire d'État

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Jacques Kayser, Les grandes batailles du radicalisme: dès origines aux portes du pouvoir, 1820-1901, Rivière, .
  2. « Elections législatives de 1893: élus », sur geoelections.free.fr (consulté le ).
  3. « Elections législatives de 1898: élus », sur geoelections.free.fr (consulté le ).
  4. Frédéric Salmon, Les résultats des élections et référendums en France - 1848-2018
  5. Félix Faure, Journal à l'Élysée, 1895-1899, publié et annoté par Bertrand Joly, éditions des Équateurs, 2009, 406 pages
  6. Joly, Op. Cit. p. 326.
  7. Joly, Op. Cit. p. 320.
  8. Frédéric Salmon, Atlas électoral de la France. Voir notamment les pages 34-35 sur les différences entre étiquette arborée avant l'élection et attitude au Palais-Bourbon après élection.
  9. Jean-Marie Mayeur, La vie politique sous la Troisième République, Seuil.
  10. « Élections législatives de 1898 par Laurent de Boissieu sur son site internet www.france-politique.fr ».

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]