Élections constituantes françaises de 1945 — Wikipédia

Élections constituantes françaises de 1945
Corps électoral et résultats
Votants 21 277 720
77,8 %
Parti communiste français – Maurice Thorez
Voix 5 024 174
26,23 %
en augmentation 12,8
Députés élus 159 en augmentation 87
Mouvement républicain populaire – Maurice Schumann
Voix 4 580 222
23,91 %
Députés élus 151
Section française de l'Internationale ouvrière – Léon Blum
Voix 4 491 152
23,45 %
en augmentation 2,7
Députés élus 146 en diminution 3
Modérés – Michel Clemenceau
Voix 3 001 063
15,67 %
en diminution 1,2
Députés élus 64 en diminution 47
Parti républicain, radical et radical-socialiste – Édouard Herriot
Voix 2 018 665
10,54 %
en diminution 5,4
Députés élus 60 en diminution 50
Résultats par département
Carte
Assemblée constituante
Diagramme
  • PC : 159 sièges
  • SFIO : 146 sièges
  • PRRRS : 60 sièges
  • MRP : 151 sièges
  • Modérés : 64 sièges
  • Divers : 6 sièges
Gouvernement
Sortant Élu
De Gaulle I
Aucune (gouvernement d'unité nationale sans parlement élu)
De Gaulle II
Tripartisme (MRP, PCF, SFIO)
Législature élue
Ire Assemblée constituante de la IVe République
Reportage des actualités cinématographiques sur les élections.

Les élections constituantes se déroulent en France le afin d'élire une assemblée législative. Elles sont couplées avec un référendum à l'issue duquel les électeurs se prononcent pour que cette dernière soit constituante.

Contexte[modifier | modifier le code]

Les dernières élections remontent à 1936. Se tenant en temps normal tous les quatre ans, les suivantes devaient avoir lieu en 1940, mais à cause de la Seconde Guerre mondiale, un décret du a prolongé l’investiture des députés de deux ans jusqu'en 1942. Ayant voté les pleins pouvoirs à Philippe Pétain, l'Assemblée nationale dut attendre la chute du régime collaborationniste pour pouvoir se reformer.

Le constitue une date importante pour trois raisons :

  • Les Français sont invités à se prononcer par référendum sur leur choix quant au maintien ou au rejet des institutions de la IIIe République, ainsi que sur l'organisation des pouvoirs provisoires.
  • Pour la première fois depuis la guerre, des élections nationales permettent de connaître le poids respectif des différentes forces politiques.
  • Le suffrage universel, jusque-là réservé aux hommes, est étendu aux femmes par l'article 17 de l'ordonnance du 21 avril 1944, droit qu'elles exercent pour la première fois lors des élections municipales de 1945.

Le référendum proposé aux Français par le GPRF comporte deux questions :

La première leur propose la rédaction d'une nouvelle Constitution et, par conséquent, l'abandon des institutions de la IIIe République. Une réponse positive est préconisée par le général de Gaulle ainsi que l'ensemble des partis politiques à l'exception des radicaux, fidèles à la IIIe République. Le , 96 % des Français se prononcent pour le changement des institutions en votant « oui » à la première question du référendum : l'Assemblée élue ce jour sera donc constituante.

La seconde question porte sur les pouvoirs de cette Assemblée constituante. Redoutant une prépondérance des communistes au sein de celle-ci, le général de Gaulle a prévu un texte limitant strictement ses prérogatives : sa durée est restreinte à sept mois ; le projet constitutionnel qu'elle a pour mission d'élaborer sera soumis au référendum populaire ; elle ne peut renverser le gouvernement que par une motion de censure votée par la majorité absolue de ses membres. Si de Gaulle, le MRP, les socialistes, les modérés demandent aux citoyens de voter « oui », les communistes se joignent aux radicaux pour préconiser le « non ». Néanmoins, 66 % des Français approuvent la limitation des pouvoirs de l'Assemblée en votant « oui » au référendum[réf. à confirmer][1].

L'élection de l'Assemblée nationale a lieu le même jour que le référendum.

Mode de scrutin[modifier | modifier le code]

L'Assemblée constituante est composée de 586 sièges pourvus à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne dans chaque département, sans panachage ni vote préférentiel.

Résultats[modifier | modifier le code]

Résultats des élections constituantes françaises de 1945[2]
Parti Voix % Sièges
Parti communiste français et apparentés (PCF) 5 024 174 26,23 159
Mouvement républicain populaire (MRP) 4 580 222 23,91 151
Section française de l'Internationale ouvrière (SFIO) 4 491 152 23,45 146
Modérés (FR, AD, PRSRF, RI) 3 001 063 15,67 64
Parti républicain radical et radical-socialiste (PRRRS) 2 018 665 10,54 60
Divers 37 440 0,19 6
Suffrages exprimés 19 152 716 97,43
Votes blancs et nuls 504 887 2,57
Total 19 657 603 100 586
Abstentions 4 965 259 20,17
Inscrits / participation 24 622 862 79,83

Analyse[modifier | modifier le code]

Ces élections bouleversent profondément l'équilibre des forces politiques en France.

On constate dès lors une forte poussée de la gauche d'inspiration marxiste. Socialistes et communistes qui, en 1936, représentaient moins de 35 % des suffrages progressent d’environ 15 points et frôlent la majorité absolue des voix (49,6 %). Ils l'obtiennent en sièges en faisant élire 302 députés sur 586 : s’ils se coalisent, ils peuvent dominer la Constituante. Cette percée de la gauche est avant tout celle du Parti communiste qui double son poids politique d'avant-guerre et devient le premier parti de France.

Cette poussée s'accompagne d'un fort affaiblissement du centre-gauche (qui atteint particulièrement le Parti radical, clé de voûte de la IIIe République) et des forces politiques assimilées. Cette dénomination inclut la jeune Union démocratique et socialiste de la Résistance (UDSR) qui était à l'époque liée aux socialistes et apparaît comme une force neuve, fort éloignée du passéisme radical.

L'analyse du cas de la droite et du centre-droit est plus délicate. Passant de 42,5 % à 15,6 % des suffrages, les modérés connaissent en apparence un effondrement, conséquence du discrédit qui les frappe en raison de leur assimilation au régime de Vichy. Toutefois, cette constatation doit être corrigée par le fait qu'une bonne partie de l'électorat traditionnel de la droite s'est rangée derrière le Mouvement républicain populaire (MRP) pour des raisons stratégiques.

De façon centrale, les élections de 1945 apportent une simplification considérable du paysage politique français. Près des ¾ des électeurs (73,5 %) ont regroupé leur vote sur les trois grands partis politiques — communiste, socialiste, MRP —, renforcés par leur rôle dans la Résistance. De fait, ces trois partis dominent largement l'Assemblée. Or, ce sont trois formations très différentes des groupements aux structures lâches, formés de factions luttant les unes contre les autres, qu’étaient les partis de gouvernement de la IIIe République, radicaux ou modérés. Tous trois sont des partis fortement structurés, disciplinés, imposant à leurs élus un contrôle qui les contraint à voter en bloc pour ou contre l'ensemble des lois.

Entre ces trois grandes forces, légitimées désormais par le suffrage universel, et le général de Gaulle, fort de sa mission historique et de sa certitude d'incarner le destin national, le conflit ne tarde guère à s’ouvrir[3].

À l'issue de ce vote, on compte 5,6 % de femmes députées[4], soit 33 sièges occupés par les premières femmes élues à l'Assemblée nationale[5],[Note 1].

Conséquences[modifier | modifier le code]

Les trois principaux partis, PCF, SFIO et MRP, forment la nouvelle majorité parlementaire chargée de rédiger la nouvelle constitution dans le cadre d’un tripartisme. Toutefois, ces partis ne parviennent pas à s'entendre sur les institutions : si les communistes et les socialistes sont favorables à l'instauration d'un régime parlementaire monocaméral, le MRP exige quant à lui qu'une seconde assemblée et un président de la République disposant de réels pouvoirs soient inclus dans le projet constitutionnel. Le projet des seuls PCF et SFIO, non soutenu par le MRP et le général de Gaulle, est rejeté par référendum à 53 % des voix exprimées le . L'Assemblée est dissoute et une nouvelle assemblée constituante est élue le 2 juin 1946.

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Depuis 2016, un odonyme local[Où ?] (« Rond-pont du 21-Octobre-1945 ») rappelle cet événement.

Références[modifier | modifier le code]

  1. Serge Berstein et Pierre Milza, Histoire de la France au XXe siècle, Bruxelles, Editions Complexe, p. 662-663.
  2. Laurent de Boissieu, « Assemblée nationale constituante 1945 », sur www.france-politique.fr (consulté le )
  3. Serge Berstein et Pierre Milza, Histoire de la France au XXe siècle, Bruxelles, Editions Complexe, p. 663-664.
  4. Magazine Le Monde 2 des 18-19 avril 2004, page 89.
  5. Mathieu Mazza, « Inauguration du rond-point du 21 octobre 1945 », sur ouest-var.net, (consulté le ).

Articles connexes[modifier | modifier le code]