Histoire des porte-avions et porte-aéronefs — Wikipédia

L'histoire des porte-avions et porte-aéronefs est une évolution dans le temps des navires de guerre qui permettent le lancement et la réception d'aéronefs, rythmée par des interventions militaires et fluctuée par des innovations dans le matériel, les techniques et les usages.

Créés peu après l'invention de l'aviation militaire pendant la Première Guerre mondiale, les porte-avions ont d'abord été considérés comme des bâtiments auxiliaires et n'ont joué un rôle majeur dans la guerre navale qu'à partir de la Seconde Guerre mondiale. Il a fallu l'attaque de Pearl Harbor de pour démontrer la supériorité de l'aviation embarquée sur la grosse artillerie des navires de ligne, grâce à sa portée incomparablement plus grande pour une force de frappe équivalente. La bataille de la mer de Corail, en , est le premier affrontement uniquement aéronaval de l'histoire, dans lequel les forces navales japonaises et américaines s'affrontèrent par avions interposés sans jamais être à portée de canon. En 1944-45, les plus grands cuirassés japonais jamais construits coulent sous les attaques de l'aviation embarquée américaine.

Avec l'apparition de l'arme atomique, les porte-avions ont été un moment considérés comme dépassés, comme vecteurs du bombardement stratégique, mais ils ont retrouvé tout leur rôle de projection dans les conflits locaux conventionnels, lors de la guerre de Corée et des autres conflits de la guerre froide.

Les premiers grands porte-avions ont été construits à partir de navires autrement condamnés à la démolition, tels que des croiseurs de bataille, au début des années 1920. Ils sont progressivement devenus des bâtiments spécifiques, dont les équipements (brins d'arrêt, catapultes, tremplins de pont d'envol) ont évolué avec les caractéristiques des avions embarqués. Ce sont aujourd'hui des instruments de projection de force pour les pays disposant d'une marine de guerre, qui demeurent cependant vulnérables à des armes (torpilles, missiles) pouvant être portées par des bâtiments plus petits.

Premières tentatives (1910-1918)[modifier | modifier le code]

« Donc, un bateau porte-avion devient indispensable. Ces navires seront construits sur des plans différents de ceux usités actuellement. D'abord, le pont sera dégagé de tout obstacle ; plat, le plus large possible, sans nuire aux lignes nautiques de la carène, il présentera l'aspect d'une aire d'atterrissage. Le mot atterrissage n'est peut-être pas le terme à employer, puisqu'on se trouvera sur mer, nous lui substituerons celui d'appontage. »
Clément Ader, L'Aviation militaire, Berger-Levrault, Paris (1909)

Alors que les « plus lourds que l'air » prennent leur essor au début du XXe siècle, plusieurs marines s'intéressent à leur utilisation à bord de leurs lourds navires de guerre. En 1909, l'inventeur français Clément Ader publie dans son ouvrage L'Aviation militaire la description de « navires porte-avion » servant à l'observation, au torpillage des navires ennemis et à la protection du territoire national français. D'autre part, « le remisage des avions devra nécessairement être aménagé sous le pont ». L'accès s'effectue par un monte-charge obturé par une grande trappe à coulisse comprenant des joints étanches ne laissant pas filtrer l'eau. Ce procédé est appliqué sur les porte-avions actuels. Ader imagine aussi « des cheminées rétractiles afin de laisser libre le pont pendant les manœuvres des avions ». Ce système est essayé sur certains porte-avions japonais à partir des années trente. Ader décrit également le décollage et l'appontage des appareils vent debout tel qu'il est pratiqué de nos jours[1].

De l’utilité des plates-formes sur les cuirassés[modifier | modifier le code]

Le 1er appontage sur l'USS Pennsylvania ().
Le premier transport d'hydravions du monde, la Foudre de la Marine française avec un hydravion Canard Voisin (juin 1912).

L’US Navy commence à s’intéresser à l’aviation à l’été 1910 et charge le capitaine Washington Irving Chambers (en) et ses adjoints William McEntee du Bureau of Construction and Repair et Nathaniel H. Wright du Bureau of Steam Engineering (en) de la tenir au courant des progrès accomplis. Le premier décollage d'un avion en mer a lieu à titre expérimental dans la baie de Chesapeake le , à bord du croiseur USS Birmingham de 3 750 tonnes équipé pour l'occasion d'une plate-forme de 24,60 × 7 mètres et inclinée à 5 %. C'est le pilote américain Eugene Ely qui réalise l'exploit à bord d'un biplan Curtiss 1911 modèle D, qui se pose à 4 km de là, sur la plage de Willoughby Spit (Virginie)[Note 1]. Le secrétaire d’État à la Marine George von Lengerke Meyer déclare peu après : « Cette expérience et les progrès accomplis en aéronautique semblent indiquer que l’aviation est appelée à jouer un rôle dans la guerre navale du futur », même s’il n’est pas encore question de concevoir une plate-forme dédiée (on parle de plate-forme amovible installée sur les tourelles des cuirassés) tant « que vous m’aurez montré qu’il est possible pour un aéroplane de se poser sur l’eau le long d’un cuirassé et d’être hissé à bord sans l’aide d’une quelconque plate-forme. » Le , Ely apponte avec le même avion sur la plage arrière de 36,4 × 9,6 mètres du cuirassé USS Pennsylvania dans la baie de San Francisco (Californie). Glenn Curtiss amène le son hydravion le long du Pennsylvania et le fait hisser à bord.

L’intérêt pour l’aviation navale est plus palpable en France et, surtout, au Royaume-Uni. Le premier navire spécifiquement destiné à emporter des aéronefs est le transport d'hydravions français Foudre, un croiseur de 6 000 tonnes, lancé en 1895, et qui est modifié pour son nouveau rôle entre 1911 et 1912[Note 2] Lors des grandes manœuvres navales de mai 1914, une douzaine d'hydravions équipés de la TSF est affectée à des missions de reconnaissance jusqu'à 200 km sur divers points de la mer Méditerranée, principalement à Toulon et à Bizerte (Tunisie)[2]. Le lieutenant Charles Rumney Samson (en) est le premier à décoller à bord d’un biplan Short S.38 (en) d'un navire en mouvement (18 nœuds, le cuirassé HMS Hibernia, le . Refusant cependant en 1912 la construction d’un bâtiment de 15 000 tonnes et 130 mètres de vol doté de deux ponts puis d’un autre de 20 000 tonnes avec pont continu (flush-deck) de 150 mètres, la Royal Navy préfère adjoindre une plate-forme fixe à des navires existants, dont le croiseur HMS Hermes transformé en transport d'hydravions en 1913 (et comprenant le premier aéronef à voilure repliable, un Short Admiralty 184) puis, à partir de mai 1915, les HMS Arethusa, ses navires sœurs Aurora, Penelope (en) et Undaunted, plus le Caledon, le Dublin (en), le Yarmouth et le Cassandra[Note 3]

Première Guerre mondiale et premiers porte-avions[modifier | modifier le code]

C’est à partir du transport d'hydravions Wakamiya qu’est conduit le 1er raid aéronaval en septembre 1914.

La première attaque aéronavale de l’histoire a lieu en à partir du transport d'hydravions Wakamiya (en) (ex-Lethington) de 7 720 tonnes de la Marine impériale japonaise contre la baie de Jiaozhou, une concession de l’Empire colonial allemand en Chine continentale. Quatre hydravions Maurice Farman bombardent les cibles allemandes (centres de communication et de commandement), coulant un mouilleur de mines dans la péninsule de Tsingtao, jusqu’à la reddition des Allemands le .

L'HMS Argus au mouillage, en livrée de camouflage dazzle (1918).
Le HMS Furious avec à bord des Sopwith Camel avant l'attaque sur Tønder (juillet 1918).

Sur le front occidental, le premier raid aéronaval a lieu le lorsque 12 hydravions des HMS Engadine (en), Riviera (en) et Empress (en) attaquent préventivement la base de Zeppelin de Cuxhaven[3]. Ce raid, qui n’est pas un succès total en dépit du bombardement du croiseur de bataille SMS Von der Tann démontre la faisabilité d’une attaque aéroportée par voie de mer. Dès mai 1915, la Marine impériale russe déploie plusieurs transports d'hydravions (l’Almaz, l’Imperator Alexander I et l’Imperator Nicolaï) lors des opérations contre les Turcs en mer Noire (transports renforcés à l’hiver 1917 par des unités de la flotte roumaine, le Romania, le Regele Carol, le Dacia et l’Imperator Traian embarquant des Grigorovich M-9 (en)). Le , l'HMS Ben-my-Chree (en) lance un hydravion Short Type 184 à l'attaque d'un navire turc de 5 000 tonnes en mer de Marmara, tandis que le , les avions de l’Imperator Nicolaï et de l’Imperator Alexander I envoient par le fond le cargo turc Jamingard, qui sera le plus gros navire marchand coulé durant la guerre.

Au Royaume-Uni, la traque des Zeppelin de reconnaissance allemands devient systématique à partir de 1915, avec des patrouilles quotidiennes à 80 km des côtes[Note 4],[4]. Mais les transports d’hydravions, assez anciens, sont à la peine. Conçu pour accueillir 4 hydravions de reconnaissance et 4 chasseurs monoplaces, le croiseur HMS Furious de 22 000 tonnes est modifié en cours de fabrication : il est mis en service le avec un pont continu de 70 mètres, rallongé à partir du à 90 mètres. Doté d’un hangar couvrant cette longueur et de 2 ascenseurs électriques, il embarque 16 aéronefs (Sopwith Pup, Sopwith Camel et Sopwith 1½ Strutter) et peut être considéré comme le premier porte-avions. Il compte à son actif le premier appontage sur un navire en mouvement (par un Sopwith Pup le ), l’attaque le d’une usine de Zeppelin à Tønder (Danemark) et la destruction d'un Z-54 et d'un Z-60 par 7 Sopwith “Camel” dont un est porté disparu[5].

Peu avant la fin de la guerre, le , est commissionné l'HMS Argus de 15 750 tonnes, le premier porte-avions conçu dès l'origine pour recevoir un pont continu (sans îlot) de 160 × 26 mètres. Il met en œuvre 20 aéronefs, dont des Sopwith Camel et des avions d'attaque Sopwith Cuckoo.

Essor du porte-avions (1919-1935)[modifier | modifier le code]

Traité de Washington ou temps des transformations[modifier | modifier le code]

Tonnages autorisés
Pays Navires de bataille Porte-avions Nombre
Empire Britannique 580 450 tonnes 150 000 tonnes 22
États-Unis 500 600 tonnes 135 000 tonnes 18
Japon 301 320 tonnes 81 000 tonnes 10
France 220 170 tonnes 60 000 tonnes 10
Italie 180 800 tonnes 60 000 tonnes 10

Pendant l'été 1921, une concertation a lieu entre les États-Unis et le Royaume-Uni sur la limitation des armements navals, car s'est amorcée une nouvelle course aux armements entre les États-Unis et l'empire du Japon, particulièrement en matière de cuirassés et de croiseurs de bataille. À l'instigation du Président des États-Unis, Warren Harding, une conférence se tient à Washington du au , et aboutit au traité naval de Washington[6]. Pour ce qui concernait les porte-avions, le traité a stipulé une limitation du tonnage global par pays (cf. le tableau ci-contre), qui n'incluait pas les porte-avions de moins de 10 000 tonnes, et le déplacement maximal autorisé pour les porte-avions fut fixé à 27 000 tonnes (les déplacements indiqués comme calculés conformément aux stipulations du traité de Washington utilisent comme unité la tonne anglaise de 1 016 kg)[7].Toutefois les États-Unis et l'empire du Japon, qui devaient détruire plusieurs grands cuirassés non encore achevés, furent autorisés à en transformer deux en porte-avions, mais leur déplacement ne devait pas excéder 33 000 tonnes[Note 5]. L'artillerie anti-aérienne d'un calibre inférieur à 127 mm n'était pas limitée. Contre buts marins, l'artillerie ne devait pas dépasser dix pièces de 6 pouces (152 mm), pour les navires ne déplaçant pas plus de 27 000 tonnes, ou huit pièces de 8 pouces (203 mm) pour les quatre unités pouvant atteindre 33 000 tonnes[8].

Le HMS Furious en 1918, avec des plates-formes d'envol et d'appontage à l'avant et à l'arrière, mais toujours la passerelle et la cheminée en position centrale.

Le Royaume-Uni, on l'a vu plus haut, avait inauguré, dès avant le traité de Washington de 1922, la formule du porte-avions à pont plat (flush deck) avec le HMS Argus[9], et avait doté, en 1917, le grand croiseur léger HMS Furious d'une plate-forme d'envol à l'avant, au lieu de la tourelle simple de 457 mm, initialement prévue, puis d'une plate-forme d'appontage, qui avait été substituée à la tourelle arrière, tout en gardant la passerelle et la cheminée au centre du navire. Les turbulences provoquées par cette superstructure centrale et par les gaz d'échappement de la cheminée rendaient l'appontage sur la plate-forme arrière à peu près impossible.

Le HMS Eagle a connu une histoire particulière : commandé par le Chili en tant que Almirante Cochrane, un cuirassé de classe Almirante Latorre, sa construction commence avant la Première Guerre mondiale avant d'être interrompu par celle-ci. Au début de l'année 1918, il est racheté par le Royaume-Uni puis converti en porte-avions sous le nom de HMS Eagle[10].

Enfin, le premier porte-avions britannique construit en tant que tel, le HMS Hermes de 11 000 tonnes environ, lancé en , était encore en travaux au moment de la conférence de Washington[11]. Ces deux bâtiments avaient une caractéristique nouvelle, un îlot à tribord incorporant la passerelle et les conduits de fumée des chaudières.

Classe Courageous[modifier | modifier le code]

Le HMS Furious (à droite) et un des deux autres porte-avions de la classe Courageous, probablement le HMS Glorious, dans les années 1930.

De 1921 à 1925, le HMS Furious a encore été transformé, la supersture centrale enlevée, les deux plates-formes réunies en un seul pont d'envol, avec sur un cinquième de la longueur une petite plate forme d'envol à l'avant du hangar. Les deux derniers grands croiseurs légers de la Classe Courageous ont été transformés en porte-avions de 23 000 tonnes, avec cette fois un îlot à tribord, incorporant la cheminée[12]. Aucun de ces bâtiments n'atteignait la limite maximale de déplacement fixée par le traité naval de Washington de 27 000 tonnes, mais cela tenait à ce que les coques utilisées correspondaient à des navires construits pendant la Première guerre mondiale, et non pas à des navires conçus pendant la course aux armements navals à laquelle le Traité de Washington avait mis fin, et dont le déplacement prévu était de l'ordre de 40 000 tonnes et plus. En revanche, les trois grands croiseurs légers de la classe Courageous étaient dotés d'une propulsion qui leur assurait une vitesse maximale de l'ordre de 29½ nœuds. Cela ne correspondait pas à une spécification particulière pour les porte-avions, car à l'époque, on se contentait d'une vitesse de 24 à 25 nœuds, mais on avait conservé la propulsion des navires que l'on transformait. Cela se révéla un avantage lorsque furent mis en service des appareils plus lourds, la vitesse du porte-avions permettant d'augmenter la vitesse du vent apparent pour décoller, en venant debout au vent, ou de la réduire en appontant vent arrière.

Dans la conception de ces nouveaux bâtiments, la Royal Navy va porter une attention particulière à la protection contre l'incendie et ainsi commencer à développer l'idée du « hangar fermé », auquel on accède par des sas, avec un système autonome de ventilation, pour éviter la dispersion dans tout le bâtiment des vapeurs d'essence d'aviation inflammables, système qui a cependant l'inconvénient de limiter l'espace disponible pour parquer les avions[13].

Kaga et Akagi[modifier | modifier le code]

Le Hōshō, en 1922.
L'Akagi en essais en 1927, avec ses deux ponts d'envol.

La Marine impériale japonaise avait, avec l'aide des Britanniques, mis en service le , donc avant la fin de la conférence de Washington, un porte-avions de 10 500 tonnes, le Hōshō. Long de 165 mètres et large de 22,70 mètres[14], il était doté d'un îlot décalé sur tribord (supprimé deux ans plus tard) et de trois cheminées rétractables. Aussitôt le traité signé, et dans le but de bénéficier de toutes les stipulations qui lui étaient favorables, le Japon entreprit de convertir deux croiseurs de bataille inachevés en porte-avions de 33 000 tonnes. Les travaux ont commencé sur les coques des Akagi et Amagi, mais à la suite des dégâts subis par l'Amagi, lors du séisme de Kantō en 1923, on le remplaça par le cuirassé Kaga. Dans leur première version, les grands porte-avions japonais présentaient deux ponts d'envol avec une plate-forme de décollage à partir du hangar, dans le même esprit que le HMS Furious[15].

L'artillerie comportait dix pièces simples de 203 mm[16], et l'artillerie anti aérienne à longue portée douze pièces de 120 mm en tourelles doubles[17]. Comme protection, la ceinture blindée était épaisse de 9 à 11 pouces (229 à 281 mm). Le groupe aérien comprenait une soixantaine d'avions.

Les machines du Kaga étaient un peu moins puissantes que celles de l'Akagi, respectivement 91 000 et 131 200 ch, ce qui est normal s'agissant dans un cas d'un ancien cuirassé et dans l'autre d'un ancien croiseur de bataille, et leurs vitesses maximales étaient donc respectivement de 27,5 nœuds et 32,5 nœuds[18].

Classe Lexington[modifier | modifier le code]

Un Aeromarine 39B se pose sur l'USS Langley, vers 1922.
L'USS Saratoga en 1935. On remarque ses tourelles doubles de 8 pouces (203 mm) devant l'îlot.

Aux États-Unis, en 1922, le Congrès autorise la conversion d’un ancien charbonnier en porte-avions expérimental (qui n'est donc pas décompté des quotas) : disposant d'une catapulte à air comprimé, de brins d’arrêt et d'un ascenseur. Le peu rapide USS Langley (CV-1) de 11 500 tonnes met en œuvre 34 avions et sert à tester les procédures liées à l’aviation embarquée[Note 6]. Bien que contraignant, le traité naval de Washington est une aubaine pour le contre-amiral William A. Moffett, chef du Bureau of Aeronautics (BuAer) qui présente en mars 1922 un « plan à cinq ans », finalisé le qui aboutit à la transformation des croiseurs de bataille USS Lexington et USS Saratoga (construits à 30 %) en porte-avions disponibles fin 1924. Ces bâtiments de 36 000 tonnes ne sont cependant lancés que le et le . Lors du lancement de la tête de série, le contre-amiral Moffett déclare : « Je suis convaincu qu’une attaque lancée depuis de tels porte-avions, depuis un lieu tenu secret, à un moment tenu secret, vers un objectif tenu secret, ne peut être contrée. » Il faut dire que les deux sisterships ont déjà toutes les caractéristiques des grandes unités des années 1950 : longs (271 mètres), larges (32 mètres), rapides (33 nœuds), dotés d'une “étrave fermée”[Note 7] d’un pont élevé, d’un îlot conçu pour opérations de commandement et de contrôle, d’une hauteur de hangar importante, etc.

Mais ces grands porte-avions n'ont pas la faveur de l'opinion publique, qui les trouve trop coûteux[Note 8]. Entre deux porte-avions dont le déplacement est dans un rapport de 2 à 1, on considère que la longueur de coque du plus petit est 80 %, et la surface de plate-forme de l'ordre des 2/3 de celle du plus lourd. Cette considération et le fait que le traité de Washington de 1922 ne prévoyait pas de limitation en nombre ou en tonnage maximal pour les porte-avions de moins de 10 000 tonnes ont conduit la Marine impériale japonaise à ne pas mettre en service après 1927 de porte-avions plus lourd que le Ryūjō de 8 000 tonnes[19] en 1933. En 1927, dans le même esprit, le General Board de la Marine des États-Unis établit un programme de construction de cinq ans pour cinq porte-avions (CV-4) d'un déplacement de 13 500 tonnes, soit la moitié du déplacement maximal fixé par le Traité naval de Washington.

Hésitations entre porte-avions et hydravions[modifier | modifier le code]

Les autres marines hésitent sur l'aéronavale, face au primat des canons. La question se pose alors si un porte-aéronef doit recevoir un pont ou des catapultes, contenir des avions ou des hydravions, être un hybride de cuirassé ou de croiseur. Par ailleurs, les défenseurs de l'aéronavale n'ont pas toujours les bons arguments pour plaider leur cause, victimes du fonctionnement incertain de leurs propres avions. Enfin, les budgets sont difficilement accordés à un domaine militaire encore naissant.

En France, du Bapaume au Béarn et au Commandant Teste[modifier | modifier le code]

La Marine française, dont la flotte de croiseurs est sortie exsangue de la Première Guerre mondiale, se préoccupe plus de contre-torpilleurs et de sous-marins que de porte-aéronefs. Ce navire reste un auxiliaire de la flotte, partagé entre avions et hydravions et limité par les questions financières.

L'expérimentation du porte-avions

Une délégation française se rend au Royaume-Uni et visite le HMS Argus. Il s'agit, on l'a vu, du premier porte-avions avec un pont d'envol continu, sur lequel sont mis en œuvre vingt appareils depuis 1918. Impressionnée, la mission du lieutenant Latham recommande l'achèvement d'un cuirassé de classe Normandie en porte-avions. Le programme naval du prévoit deux bâtiments d’aviation d’escadre et la transformation de deux cuirassés inachevés en porte-avions[20].

Cet ambitieux projet bute sur les réalités budgétaires et seul le Béarn de classe Normandie est concerné.

Le Bapaume, en 1920.

Paul Teste, pionnier de l’aviation navale prématurément disparu en avion (1925), mène les expérimentations nécessaires à la mise en œuvre de l’aviation d’escadre. Dans l'attente du Béarn, il obtient[21] la transformation de l'aviso Bapaume.

La modification d'un transport de la classe Jacques Cœur en porte-avions est étudiée mais s'avère impraticable faute d'un tonnage et d'une vitesse suffisants[22].

La Marine nationale utilise de 1920 à 1924 le Bapaume en porte-avions école, pour former des pilotes au décollage[23].

Le Béarn.

Elle fait achever le Béarn, de 1923 à 1927, en porte-avions de 25 000 tonnes. Ce navire est handicapé par la faible cadence d'appontage et de décollage des escadrilles : quinze avions en une heure contre quarante avions en onze minutes sur l'USS Saratoga[24]! Sa vitesse de pointe de 21,5 nœuds est adaptée aux escadres des années 1920, mais se révèle vite insuffisante face à l'évolution de la technologie navale[25].

Le Béarn, au mouillage à Agadir, emploie ses avions au-dessus des territoires dissidents du Sud-marocain le [26]. Cette action constitue sa première opération de guerre.

Le soutien aux hydravions
Le Commandant Teste.

La Marine nationale continue de développer le concept de l'hydravion et du transport d'hydravions, après l'expérience du Foudre et des nombreuses réalisations britanniques de la Première guerre mondiale.

La transformation des navires de soutien logistique Alfred de Courcy et Hamelin de type Jacques Cœur[27] en ravitailleur d'hydravions est décidée en 1928[28].

La Marine française lance en 1929 la construction d'un transport d'hydravions, le Commandant Teste, équipé d'une puissante batterie anti-aérienne, de vingt-six hydravions et de tout le nécessaire à leur entretien[29]. Il rallie l'escadre de la Méditerranée en .

En Italie[modifier | modifier le code]
Le Giuseppe Miraglia.

La conversion du cuirassé rapide Francesco Caracciolo en porte-hydravions est projetée en 1920 et échoue devant la crise économique que connaît l'Italie après-guerre[30].

Le paquebot Città di Messina est converti en 1927 en porte-hydravions, sous le nom de Giuseppe Miraglia (it), mais manque de vitesse pour suivre l'escadre, avec 21,6 nœuds en pointe[31]. Il est utilisé comme transport d'aviation en 1935 et 1936, effectuant des navettes entre l'Italie et l'Érythrée au cours de la seconde guerre italo-éthiopienne[32].

Sous l'influence des idées du général Douhet et d'Italo Balbo auprès du Duce Benito Mussolini, les projets de porte-avions de l'amiral Romeo Bernotti[33] sont rejetés. Ils sont jugés trop vulnérables aux attaques aériennes, compte tenu de la présence du « porte-avions Italie », au cœur de la Méditerranée[34],[35].

En Espagne, en Australie et en Suède[modifier | modifier le code]
Dédalo espagnol[modifier | modifier le code]
Autogire sur le Dédalo, en 1934.

L'Espagne expérimente l'aéronavale au début des années 1920. À titre de dommage de guerre, à l'automne 1921, le cargo Neuenfels est cédé à l'Espagne par l'Allemagne. Il est transformé en 1922 en porte-hydravions et base de dirigeables, et peut abriter vingt appareils. Rebaptisé Dédalo, (es)[36],[37] il déplace 9 900 tonnes et file 10 nœuds. Ses capacités sont mises à l'épreuve entre 1922 et 1925, au cours de la Guerre du Rif. Le navire réalise des activités de renseignement et de bombardement puis l'appui au débarquement de vingt mille soldats à Alhucemas.

HMAS Albatross australien[modifier | modifier le code]
Le HMAS Albatross en 1938.

L'Australie est peu convaincue par les intentions britanniques, et s'inquiète de l'expansion japonaise. Elle décide la construction du transport d'hydravions HMAS Albatross lancé en 1927. Le bâtiment se révèle moins efficace à l'usage que l'installation d'hydravions sur les croiseurs australiens.

HSwMS Dristigheten et Gotland suédois[modifier | modifier le code]
Le HSwMS Gotland.

La Suède expérimente l'installation d'hydravions sur l'ancien cuirassé de défense côtière HSwMS Dristigheten (en). Un projet de porte-avions est conçu en 1927. Il n'est réalisé que sous la forme d'un croiseur doté d'une plateforme et de onze hydravions, le HSwMS Gotland, finalement mis en service en 1936[38].

Techniques d'appontage et de décollage, tactique d'emploi, place de l'aéronautique navale[modifier | modifier le code]

En cette période où en matière d'utilisation de l'aéronautique navale, tout est à inventer, on teste plusieurs systèmes pour ralentir les avions à l'appontage, des brins d'arrêt longitudinaux, mais finalement, à l'instigation des Français et des Américains, ce sont les brins d'arrêt transversaux qui prévalent[39]. Des catapultes sont mises en place, mais on ne les juge utiles que pour les hydravions, les avions à roues étant si légers qu'ils n'ont pas besoin d'aides au décollage, et les Américains les retirent de leurs porte-avions au début des années 1930[40].

Pour autant, l'existence même de ces nouveaux bâtiments permet aux états-majors de se familiariser avec leur technique d'emploi. En 1928, les appareils du Langley simulent une attaque sur Pearl Harbor qui démontre clairement les possibilités de l’aviation embarquée. De même, en janvier 1929, lors de l’exercice Fleet Problem IX, l'USS Saratoga lance contre des installations du canal de Panama une attaque de 83 avions, à laquelle les avions de l’United States Army Air Corps sont incapables de s’opposer. Le Saratoga est cependant virtuellement coulé lors de la contre-offensive qui s’ensuit… Aucun enseignement n’est pourtant vraiment tiré de ces exercices.

Mais dans cette période de tâtonnements, une grande énergie est dépensée en querelles interarmées (Armée de l'Air contre Armée de Mer), voire inter-services, pour décider qui aura la mainmise sur l'aéronautique navale et sur la commande de ses matériels[Note 9],[41]. Au Royaume-Uni, le , le Royal Flying Corps (RFC) and le Royal Naval Air Service (RNAS) fusionnent pour créer la Royal Air Force (RAF)[40]. Certes, en 1924, se crée au sein de la RAF la Fleet Air Arm, mais celle-ci n'a pas d'autonomie en matière de choix de ses matériels et ne rejoindra le giron de l'Amirauté qu'en 1939[Note 10].

D'un traité de Londres (1930) à l'autre (1936)[modifier | modifier le code]

Du au , se tient à Londres une conférence pour déterminer quelle suite devait être donnée à la politique de désarmement naval, après l'échec des travaux menés sous l'égide de la S.D.N., en 1927, à Genève, et alors que le traité de Washington de 1922 approche de son expiration[Note 11]. Le Traité naval de Londres de 1930, en ce qui concerne les porte-avions, a reconduit le quota de 135 000 tonnes pour les États-Unis et le Royaume-Uni, 81 000 tonnes pour le Japon, et 60 000 tonnes pour la France et l'Italie, a également maintenu les limitations de 1922, pour le déplacement maximal (27 000 tonnes) et le calibre de l'artillerie, et de surcroît, interdit la construction de porte-avions de moins de 10 000 tonnes et la transformation d'un navire de guerre en porte-avions.

Sous l'égide de ce traité, plusieurs porte-avions (ou classes de porte-avions) ont été construits, par les États-Unis, le Royaume-Uni et l'empire du Japon, qui ont joué un rôle très important pendant la Seconde guerre mondiale.

USS Ranger, classe Yorktown et USS Wasp[modifier | modifier le code]

L'USS Ranger.
L'USS Yorktown.
Le monte-charge extérieur à bâbord du pont d'envol de l'USS Wasp.

En 1931, est mis en construction pour l'U.S. Navy un porte-avions de 14 500 tonnes standard (17 577 tonnes à pleine charge), conçu pour mettre en œuvre 80 avions, et prévu, on l'a vu plus haut, pour être le premier d'une série de cinq. Lancé sous le nom de Ranger, il déçoit[Note 12], son déplacement est trop faible pour le doter d'un armement, d'une protection et d'une vitesse donnant satisfaction[42]. Un tonnage de 20 000 tonnes apparaît nécessaire pour mettre en œuvre 80 appareils et pouvoir marcher à 33 nœuds. Ce sera la classe Yorktown. Les deux premières unités, USS Yorktown et Enterprise furent lancées en avril et .

Dotés d'un hangar de type « ouvert », c'est-à-dire construit en superstructure sur la coque, avec trois ascenseurs axiaux pour desservir le pont d'envol, armés de huit pièces simples de 127 mm[43] comme artillerie à double usage, anti-navires et anti-aérien à longue portée, les porte-avions de la classe Yorktown avaient une protection comparable à celle d'un grand croiseur léger de la classe Brooklyn, dont ils étaient contemporains. Leurs turbines à engrenages Parsons alimentées par neuf chaudières Babcock & Wilcox développaient 120 000 ch. Ils embarquaient 40 % de chasseurs, 40 % de bombardiers en piqué et 20 % de bombardiers torpilleurs[44].

Le déplacement global autorisé aux États-Unis par les traités de limitation des armements navals a conduit à commander, en 1935, un porte-avions de 14 700 tonnes, donc un peu plus petit que ses deux aînés. Il en différait par seulement deux ascenseurs axiaux et un monte-charge latéral sur bâbord, pour pouvoir embarquer le même nombre d'appareils dans un hangar de taille plus réduite. Sa protection horizontale est un peu plus faible, et sa propulsion de 75 000 ch ne permettait qu'une vitesse maximale de 29½ nœuds. Lancé en 1939, ce sera l'USS Wasp. On verra plus loin comment une troisième unité de la classe Yorktown sera commandée en 1938, l'USS Hornet, qui entrera en service en 1941, et rejoindra la Flotte du Pacifique pour lancer le raid sur Tokyo.

On notera également l'expérimentation de dirigeables porte-avions dont trois exemplaires sont mis en service au cours de cette période, mais avec des résultats non probants[Note 13]

Sôryû[modifier | modifier le code]

Du Ryūjō au Sôryû[modifier | modifier le code]
Cette photo du Ryūjō montre bien ses problèmes de surcharge des hauts.

Commandé en 1929, alors que les porte-avions de moins de 10 000 tonnes n'étaient pas pris en compte dans les quota nationaux, le Ryūjō, dont le déplacement annoncé était de 7 100 à 8 000 tonnes, a été mis sur cale en 1931, et est entré en service en . Il a été modifié pendant sa construction pour accroître le groupe aérien embarqué jusqu'à une quarantaine d'avions, ce qui lui faisait accueillir un groupe aérien supérieur à la moitié de celui des grands porte-avions, avec un déplacement de l'ordre du quart. Il a donc été doté d'un étage de hangar supplémentaire, ce qui avec une artillerie de six tourelles doubles de 127 mm/40 Type 89[45], à hauteur du pont d'envol, mettait beaucoup de poids dans les hauts. Ceci était alors fréquent de la part des architectes navals japonais qui s'efforçaient d'avoir le maximum d'armements pour un déplacement minimum.

En , le torpilleur Tomozuru a chaviré dans une tempête, et une commission d'enquête a incriminé son manque de stabilité. On a alors décidé de ramener l'artillerie du Ryūjō à quatre tourelles au lieu de six et de lui installer une quille-ballast. Mais en , le Ryūjō a encore été endommagé au cours d'un typhon, ainsi que plusieurs autres grands bâtiments de la 4e Flotte, notamment le croiseur Mogami, et cette fois, on décida d'accroître son franc-bord en augmentant son gaillard d'avant d'un pont, pour améliorer sa tenue à la mer par mauvais temps. Ainsi transformé, son déplacement a dépassé 10 000 tonnes et sa vitesse maximale été réduite de 2 nœuds[46].

Caractéristiques du Sôryû[modifier | modifier le code]
Le Sōryū en 1938, au cours de ses essais de vitesse, au large de Tateyama.

Dans le cadre du deuxième plan de réarmement, qui avait dû être retardé, à la suite de l'incident du Tomozuru, la décision a été prise de construire deux porte-avions « moyens », avec un déplacement “standard” de 15 900 tonnes (18 800 à pleine charge), c'est-à-dire nettement moins que le déplacement maximum des porte-avions autorisé par les traités, soit 27 000 tonnes.

Le groupe aérien prévu de 57 avions, mais pouvant atteindre 73, était inférieur à celui des grands porte-avions américains ou japonais, mais supérieur à celui des porte-avions britanniques. Mais la taille des deux hangars (142,3 m x 18,3 m pour le hangar inférieur et 171,3 m x 18,3 m, pour le hangar supérieur), déterminée par la dimension de la coque, elle-même inspirée de celle des croiseurs de la classe Mogami, faisait que l'on n'aura pas la possibilité de plier ou de déployer les ailes d'un bombardier torpilleur Nakajima B5N "Kate" dans le hangar supérieur.

Avec douze pièces de 127 mm type 89, à double usage, il n'y avait pas d'artillerie anti-navires au calibre de 203 mm, comme les grands porte-avions américains et japonais, ni même au calibre de 152 mm, ou de 140 mm comme les HMS Eagle ou HMS Hermes, mais une artillerie anti-aérienne à longue portée d'un calibre un peu supérieur à celui de 120 mm des canons AA des porte-avions britanniques de la classe Courageous. La Défense Contre Avions rapprochée était constituée d'affûts bi-tubes de 25 mm fabriqués sous licence Hotchkiss, caractéristiques des navires japonais[47].

Le Kaga avec sa cheminée latérale, après la modernisation en 1935.

La caractéristique de cette classe a été, qu'avec une puissance de plus de 150 000 ch, fournie par leurs turbines Kampon, et des dimensions de coque (longueur : 222 m, largeur: 21 m) qui leur donnait un rapport longueur/largeur supérieur à 10, ils ont affiché la plus grande vitesse maximale des porte-avions de l'époque, supérieure à 34 nœuds[48].

Mis sur cale en , lancé en , le Sōryū est armé dans les derniers jours de 1937. Malgré une brève carrière, ce porte-avions est resté la référence pour la classe la plus importante des porte-avions construits en urgence pendant la guerre, la classe Unryū.

On verra plus loin les différences entre les deux unités de la classe, qui tiennent pour partie à ce qu'entre les dates de mise en service du Sōryū et du Hiryū, le Japon s'était affranchi des contraintes liées aux traités de limitation des armements navals.

Pendant ce temps, en 1935, à l'arsenal naval de Sasebo, le grand porte-avions Kaga a bénéficié d'une grande refonte. Les longs conduits d'évacuation des fumées qui longeaient le pont d'envol vers l'arrière ont été remplacés par une cheminée rectangulaire évacuant la fumée vers l'extérieur et vers le bas, en dessous du pont d'envol, au milieu du navire sur tribord. Le pont d'envol a été prolongé vers l'avant, la plate-forme de décollage devant le hangar supprimée, et un petit îlot installé à tribord. L'artillerie anti-aérienne de 120 mm a été remplacée par des pièces de 127 mm Type 89, et une vingtaine de tubes de 25 mm AA ajoutés. La puissance de la propulsion a été accrue, passant à 128 400 ch, pour porter la vitesse maximale à 28⅓ nœuds. Le groupe aérien a été porté de soixante à quatre-vingt-dix appareils[49].

HMS Ark Royal[modifier | modifier le code]

Le HMS Ark Royal, fin 1938-début 1939.

En 1934, pour remplacer le HMS Argus, la Royal Navy décida la construction d'un porte-avions de 22 000 tonnes, c'est-à-dire un peu plus lourd que les porte-avions alors en construction aux États-Unis et au Japon, pour embarquer un groupe aérien de 72 appareils avec 20 % de chasseurs. Ce surcroît de poids résultait du choix d'un hangar « fermé », c'est-à-dire intégré dans la coque et non pas construit en superstructure. Cela entraînait que les parois latérales étaient protégées par la ceinture blindée de 4,5 pouces (114 mm) et un pont blindé de 3,5 pouces (89 mm) à hauteur de plancher du hangar, au-dessus des chaudières et de la machinerie du gouvernail, et de 2,5 pouces (63,5 mm) au-dessus des turbines[50]. Le pont d'envol, en acier et non en lattes de bois de teck, comme sur la classe Yorktown, ne portait cependant pas de blindage. Deux catapultes hydropneumatiques ont été installées à l'avant, pour pouvoir catapulter des appareils, pendant que d'autres apponteraient, mais cela conduisait à une longueur du pont d'envol de l'ordre de 240 m, alors que pour des raisons de maniabilité, la coque n'a pas mesuré plus de 210 m. Il en a résulté un porte-à-faux arrière du pont par rapport à la coque de 24 m, ce qui aura été une caractéristique de la silhouette de ce porte-avions[51]. Un soin particulier a été porté à l'aérodynamisme de l'îlot et de la cheminée, dotée d'un profil d'aile d'avion, pour réduire les turbulences sur le pont d'envol[52].

L'artillerie comportait huit affûts doubles de 114 mm[53] à double usage, en tourelles ouvertes Mark III UD, disposées en quatre groupes de deux aux angles du pont d'envol. L'artillerie de DCA rapprochée comprenait six “pom-pom” octuples, et huit affûts quadruples de mitrailleuses de 12,7 mm[54]. Cette DCA, la plus puissante de la flotte à l'époque, se justifiait par les faibles performances des avions de chasse embarqués face à l'aviation basée à terre que la Royal Navy aurait à affronter[55].

En ce qui concernait la propulsion, le choix ayant été fait de privilégier la manœuvrabilité par rapport à la vitesse, la longueur à la flottaison était de 209 m. Avec un maître-bau de 28,9 m, le rapport longueur/largeur était de moins de 7,6, contre 9,72 et 10,6 pour les porte-avions américains et japonais respectivement. Mais les chaudières Admiralty à trois tambours fonctionnant à 28 kgf/cm2 alimentaient des turbines Parsons à engrenages entraînant trois hélices, pour donner une vitesse maximale de 30¾ nœuds, avec une puissance de 102 000 ch, soit 64 % de la puissance du Sōryū, qui pouvait filer 3½ nœuds de plus[56].

Construit par Cammell Laird, lancé en , baptisé Ark Royal, ce porte-avions est entré en service à la fin de 1938.

Marche vers la guerre[modifier | modifier le code]

Signé le , à l'issue de la conférence tenue entre le et le , le second traité naval de Londres a réduit à 23 000 tonnes le déplacement maximal des porte-avions, qui était de 27 000 tonnes depuis le traité naval de Washington de 1922. Les signataires en étaient les États-Unis, le Royaume-Uni et la France. L'empire du Japon avait été partie au traité du Washington de 1922 et au premier traité naval de Londres de 1930[Note 14], qui avait prolongé les effets du traité de 1922 jusqu'au . Mais devant le refus des États-Unis et du Royaume-Uni de rééquilibrer ses droits en matière d'armements navals, le Japon avait annoncé le sa décision de ne plus être partie aux traités de limitation des armements navals. La délégation japonaise se retire ainsi de la conférence de Londres, le [Note 15], le Japon ne reconnaissant alors plus aucune limitation en matière d'armement naval.

Mais il faut s'intéresser un instant à des projets de porte-avions qui ne posaient pas de problèmes au regard des traités de limitation des armements navals.

Projets allemand et français, l'un inachevé, l'autre avorté[modifier | modifier le code]

L'Allemagne n'avait pas été partie prenante à la conférence de Washington en 1921-1922, car elle était soumise aux stipulations du traité de Versailles. Elle n'avait le droit de conserver que six pré-dreadnoughts, dont les trois plus récents appartenaient à la classe Deutschland, qui faisaient office de bâtiments de défense côtière, qu'elle pouvait remplacer par des bâtiments de 10 000 tonnes au maximum, sans qu'un calibre maximum de l'artillerie principale soit fixé. Elle ne pouvait avoir que des croiseurs de moins de 6 000 tonnes, pas de sous-marins, ni d'aviation militaire, donc pas de porte-avions. Mais très vite, sous l'impulsion de l'amiral Zenker, des études ont été entamées par la Reichsmarine pour un bâtiment capable de distancer les cuirassés de l'époque, et dont l'artillerie surclasserait celle des croiseurs respectant les stipulations du traité naval de Washington. Ce fut le Deutschland, avec un déplacement déclaré, mais sous-évalué, de 10 000 tonnes, armé de six canons de 280 mm, et pouvant filer 26 nœuds[57]. La France prit prétexte de la mise en service de ce « Panzershiff », sorte de résurrection du croiseur cuirassé, pour refuser de souscrire aux nouvelles limitations que le traité naval de Londres de 1930 introduisait relativement au nombre et au déplacement global des croiseurs par pays[58].

Mis sur cale en 1936, lancé, ici, le , le Graf Zeppelin ne sera pas achevé.

L'Allemagne n'étant pas partie aux traités de Washington de 1922 et de Londres de 1930, et Adolf Hitler, devenu chancelier du Reich en 1933, ayant lancé, dès 1934, un plan de réarmement naval aussi important que secret, au mépris des stipulations du traité de Versailles, le Royaume-Uni signe avec le Reich, le un traité naval germano-britannique, qui fixe la limite du déplacement total des bâtiments de la Kriegsmarine à 35 % de celui de la Royal Navy. En ce qui concerne les porte-avions, une limite est fixée à 47 250 tonnes, soit deux porte-avions[59].

Graf Zeppelin[modifier | modifier le code]

Un premier porte-avions, Flugzeugträger A, déplaçant 23 200 tonnes (32 600 tonnes à pleine charge), long de 263 m, large de 31,4 m, avec un pont d'envol de 241 m x 36 m, portant un blindage de 23 mm, et une ceinture blindée de 100 mm, inspiré du porte-avions Akagi, dont les plans ont été fournis par le Japon après sa transformation en 1935-36, aurait eu une importante artillerie anti-navires, en huit affûts doubles de 150 mm sous casemates[60], six tourelles doubles de 105 mm pour la DCA éloignée, groupées autour de l'îlot à tribord, et une imposante DCA rapprochée de 37 et de 20 mm. Seize chaudières alimentant des turbines à engrenages Brown-Boveri, développant 200 000 ch, auraient permis une vitesse maximale de 33¾ nœuds.

Mis sur cale au chantier de Kiel de la Deutsche Werke, fin , lancé deux ans plus tard, en , sous le nom de Graf Zeppelin, il est alors prévu d'y embarquer une quarantaine d'appareils, des Messerschmitt “Bf 109” navalisés comme chasseurs, des Ju-87 Stuka comme bombardiers en piqué. Il est à 85 % d'achèvement lorsque les travaux sont arrêtés, dans le courant de l'été 1940. Son artillerie de 150 mm est démontée pour servir de batterie côtière en Norvège. Les travaux reprennent en 1942, sur fond de désaccord entre la Marine et le ministère de l'Air sur les appareils dont il conviendrait de le doter, et s'arrêtent définitivement en 1943.

Le dernier croiseur lourd en construction, le Seydlitz, qu'il avait été question de transformer en porte-avions en 1942-43, ne sera pas achevé non plus.

Classe Joffre[modifier | modifier le code]
Projet de porte-avions Joffre.
Contexte

Malgré les faiblesses du Béarn, qui permet cependant de développer la lutte anti-sous-marine au profit de l'escadre[61], la Marine Nationale continue de promouvoir l'aéronautique navale. L'aviso Belfort[62] et la canonnière Surveillante[63] en 1935, la canonnière Diligente en 1939[64] sont transformés en ravitailleurs d'hydravions.

L'idée de modifier en porte-avions les deux plus anciens croiseurs de 10 000 tonnes, les Tourville et Duquesne, construits dix ans auparavant, n'est pas retenue.

La Marine nationale engage aussi ses porte-aéronefs dans la guerre d'Espagne et en retire de l'expérience opérationnelle[32].

Dès , le Béarn appuie les cuirassés de l'escadre patrouillant face à l'Espagne. Le Commandant Teste évacue des réfugiés à Barcelone en août 1936 puis participe à la protection des lignes commerciales à partir de 1937.

Historique

La politique de renforcement de l'aéronautique navale, liée à la montée des tensions internationales, va pousser la Marine Nationale à programmer en 1936 deux porte-avions qui auraient constitué la classe Joffre[65]. Issus d'une longue suite de projets d'étude (PA 1 à 15), ces navires, dessinés par l'ingénieur général Louis Kahn[Note 16] sont prévus avec un déplacement « lège » de 18 000 tonnes. Ils devaient avoir une longueur de 236 m et une largeur de 35 m (hors-tout), le pont d'envol de 200 m x 28 m, étant déporté sur bâbord pour compenser le poids de l'îlot. Leur artillerie aurait comporté quatre tourelles doubles de 130 mm[66] à double usage[Note 17], quatre affûts doubles ACAD de 37 mm[67],[Note 18] et six mitrailleuses quadruples de 13,2 mm. La protection aurait été comparable à celle des croiseurs de la classe La Galissonnière avec une ceinture blindée de 105 mm, mais un pont blindé principal plus épais (70 mm sur les magasins). Huit chaudières Indret, alimentant des turbines à engrenages Parsons auraient développé 125 000 ch pour entraîner quatre hélices et obtenir une vitesse maximale de 33 nœuds. Deux hangars auraient accueilli un groupe aérien de quarante avions[68], quinze chasseurs Dewoitine 520, et vingt-cinq avions d'assaut bimoteurs, dans des versions navalisées (Dewoitine D.750 et Breguet Br.810), qui n'ont jamais été mises en production.

La coque de la première unité, qu'il était prévu d'appeler Joffre, est commandée aux Ateliers et Chantiers de la Loire à Penhoët, et construite à partir de sur la cale no 1, qui a servi pour le grand transatlantique Normandie et le Strasbourg. Les travaux sont interrompus avant le lancement, au moment de l'occupation allemande, en , et le démantèlement commence en . La seconde unité, qui aurait été baptisée Painlevé, ne sera jamais commencée[Note 19],[69].

Hiryū et USS Hornet[modifier | modifier le code]

Le porte-avions Hiryū, venant d'être armé à Yokosuka, en 1939. On remarque l'îlot à bâbord et plus à l'arrière que sur le Sōryū.

Le , soit six mois après l'armement du Sōryū, l'incident du pont Marco-Polo marque le début de la seconde guerre sino-japonaise. Les équipages des porte-avions japonais et les concepteurs de l'aéronautique navale vont y acquérir une incomparable expérience. Un porte-avions est mis sur cale à l'arsenal de Yokosuka en , dix-huit mois après le Sōryū, dont il était prévu qu'il soit le jumeau. Mais entretemps, le Japon s'est soustrait à toutes les stipulations des traités de désarmement naval, et cela a été pris en compte dès sa conception. Les dimensions de coque sont presque identiques, avec un mètre de longueur de plus à la flottaison et en largeur. Mais le franc-bord avant est plus élevé d'un pont, pour lui donner une meilleure tenue à la mer. La propulsion développe une puissance un peu supérieure (153 000 ch au lieu de 152 000), ce qui assure la même vitesse maximale de plus de 34 nœuds, avec un déplacement plus élevé de 1 400 tonnes[70],[71].

La différence principale entre les deux porte-avions résidait dans la position de l'îlot, situé sur le Sōryū à tribord, juste devant les deux conduits d'évacuation des fumées des chaudières, au ras du pont d'envol. Sur le Hiryū, la décision fut prise de placer l'îlot plus à l'arrière et à bâbord, ce qui a abouti à l'idée de faire manœuvrer de concert les deux porte-avions, de façon à avoir l'îlot du côté de l'autre porte-avions. Comme l'Akagi subissait alors une grande refonte, analogue à celle qu'avait connue le Kaga quelque deux ans auparavant, on décida de transférer l'îlot sur ce bâtiment de tribord à bâbord[72]. Mais très vite, il apparut que tant l'îlot à bâbord que sa position plus à l'arrière n'étaient pas de bonnes idées, ce dont la Marine impériale japonaise s'affranchit pour ses porte-avions ultérieurs[73]. Le Hiryū a été achevé le .

L'USS Hornet sur la côte atlantique en octobre 1941.

La mise en service de ce porte-avions portait le nombre des porte-avions japonais reconstruits ou récents à cinq, alors que le nombre de porte-avions de l’US Navy était de six (si l'on ne comptait pas l'USS Langley, obsolescent), mais avec la nécessité d'une présence dans deux océans. Il n'y avait plus, depuis le , de limite globale de déplacement par nation pour aucun type de bâtiment, mais il demeurait la limite de 23 000 tonnes pour le déplacement maximal d'un porte-avions, pour les trois pays signataires du second traité naval de Londres. À cette époque le Congrès des États-Unis était préoccupé par la nécessité d'amorcer une politique de réarmement naval, et plusieurs lois avaient été votées à l'instigation du président de la Commission des Affaires navales de la Chambre des représentants, Carl Vinson[Note 20], Vinson -Trammel Navy Act de 1934, Second Vinson Act de 1938 (Naval Act of 1938 (en)). Mais les spécifications d'une nouvelle classe de porte-avions n'étaient pas encore arrêtées, aussi la décision est-elle prise en de construire une nouvelle unité de la classe Yorktown. Comme pour le Hiryū par rapport au Sōryū, le nouveau porte-avions a eu quelques améliorations, 252 m de longueur au lieu de 247 m, un pont d'envol large de 34,8 m au lieu de 33,25 m, un déplacement à pleine charge de 29 100 tonnes au lieu de 25 500. L'artillerie antiaérienne a été renforcée avec quatre affûts quadruples de 28 mm[74], qui n'ont pas été jugés très performants, et 16 mitrailleuses de 12,7 mm[44]. Pendant ce temps, les travaux ont continué pour définir ce qui allait devenir la classe Essex.

Mis sur cale en fin , lancé le , l'USS Hornet a été armé le .

Classe Illustrious et HMS Unicorn[modifier | modifier le code]

Au Royaume-Uni, le Programme de Réarmement de 1936 a prévu deux nouveaux porte-avions, déplaçant 23 200 tonnes, qui ont encore accentué les caractéristiques spécifiques déjà observées sur le HMS Ark Royal, en ce sens qu'ils sont dotés d'un hangar de type « fermé », mais également d'un pont blindé, à l'instigation du contre-amiral Henderson (en), Troisième Lord de la Mer (Third Sea Lord) et Contrôleur de la Marine, qui avait été le commandant du HMS Furious et était persuadé de l'infériorité des chasseurs embarqués de la Fleet Air Arm, par rapport aux appareils de la Luftwaffe qu'il faudrait très vraisemblablement affronter, d'où l'importance donnée au blindage et à la Défense Contre Avions[75].

Le pont d'envol, plus court que celui du HMS Ark Royal (226 m au lieu de 240 m de long), portait ainsi un blindage de 3 pouces (76 mm), les parois du hangar intégrées à la coque conservant le blindage de 4,5 pouces (114 mm), ainsi que 3 pouces (76 mm) sur le plancher du hangar, comme sur le HMS Ark Royal. Ce pont blindé permettait de mettre en œuvre des appareils pesant jusqu'à 20 tonnes, ce qui excédait considérablement le poids des appareils de l'époque. Mais cette accumulation de poids dans les hauts obligeait à n'avoir qu'un hangar à un seul étage, ce qui ramenait le groupe aérien à trente-six appareils au lieu de soixante-douze.

L'HMS Illustrious en 1940.

L'artillerie anti-aérienne à longue portée était constituées de seize canons au calibre de 4,5 pouces (114 mm)[76], en quatre groupes de deux tourelles doubles Mark II BD, disposant d'un poste de direction de tir du modèle Mk.4 à courte et longue portée, à proximité de chaque groupe de deux tourelles, sauf pour le groupe tribord avant dont le poste de direction de tir était installé sur l'îlot. Pour la Défense Contre Avions rapprochée, on comptait six “pom-pom” octuples et huit affûts simples de 20 mm. Pour la première fois, un radar de veille aérienne, Type 79Z (en) a été installé sur un porte-avions.

Les dimensions de coque étaient un peu plus petites que celles du HMS Ark Royal, 205 m au lieu de 209 m en longueur à la flottaison, même largeur, même tirant d'eau. La propulsion était semblable à celle du HMS Ark Royal: six chaudières Admiralty à trois tambours, fonctionnant à 28 kgf/cm2 alimentaient des turbines Parsons à engrenages, entraînant trois hélices pour donner une vitesse maximale de 30½ nœuds, avec une puissance de 111 000 ch.

La première unité construite par Vickers-Armstrongs, à Barrow-in-Furness, a été lancée le . L'Illustrious a été armé le . Construit par Vickers-Armstrongs, à Newcastle upon Tyne, lancé le , le Victorious a été armé le .

Deux unités supplémentaires ont été inscrites au budget de 1937. Construit par Harland and Wolff à Belfast, lancé le , le Formidable a été armé le . Alors que les premières unités étaient encore en construction, on décida d'accroître le nombre des appareils embarqués. Sur la quatrième unité, un demi-hangar inférieur, a été aménagé à l'arrière, qui n'était desservi que par l'ascenseur arrière, avec une hauteur de hangar réduite de 16 pieds (4,9 m) à 14 pieds (4,3 m). Pour compenser l'accroissement de poids, l'épaisseur du blindage des parois des hangars a été réduite à 1,5 pouce (38 mm). Le nombre des appareils embarqués en a été porté à quarante-six. Cette quatrième unité, construite par Vickers-Armstrongs, à Barrow-in-Furness, a été lancée le . L'Indomitable a été armé le .

Deux autres porte-avions, les HMS Implacable et Indefatigable, qui constituent une sous-classe Implacable, lancés en 1942, seront armés en 1943-44[77].

Commandé en , un bâtiment de soutien ou d'entretien des porte-avions, comme il existait des bâtiments de soutien des sous-marins, a été mis sur cale, le , chez Harland and Wolff à Belfast. Prévu pour 15 000 tonnes de déplacement (il a déplacé finalement 16 770 tonnes), long de 195 m, large de 27 m, il avait un pont d'envol muni d'une catapulte ainsi que deux hangars hauts de 16,5 pieds (5 m), desservis par des ascenseurs de grande dimensions pour pouvoir accueillir tous les modèles d'avions embarqués. Il pouvait accueillir trente-six avions. Son blindage était plus léger que celui des porte-avions d'escadre, car il ne devait pas intervenir en première ligne. Comme artillerie, il disposait de quatre tourelles doubles de 4 pouces (102 mm), de trois « pom-pom » quadruples, et de deux affûts doubles et de huit affûts simples de 20 mm. Quatre chaudières Admiralty à trois tambours, fonctionnant à 28 kgf/cm2 alimentaient des turbines Parsons à engrenages, entraînant deux hélices pour donner une vitesse maximale de 24 nœuds, avec une puissance de 40 000 ch. Lancé le , le HMS Unicorn n'a été armé que le [78].

Shokaku et Zuikaku[modifier | modifier le code]

Le Shōkaku lors de son armement (25 septembre 1941).

La Marine impériale japonaise a bénéficié en 1937 d'un troisième programme de renforcement ; le refus du Japon de signer le second traité naval de Londres ne lui fixait aucune contrainte, pas même celle d'indiquer le déplacement et le calibre de l'artillerie principale des cuirassés qu'elle entreprenait de construire[Note 21] Ce plan prévoyait donc deux cuirassés géants et deux grands porte-avions.

Il s'agissait, pour les porte-avions, d'extrapolations des Sōryū-Hiryū, avec un déplacement de 25 675 tonnes, soit près de 30 % de plus, 30 mètres de plus en longueur, 4,60 mètres de plus en largeur, 1,60 m de tirant d'eau supplémentaire. Le pont d'envol mesurait 242 m x 29 m, contre 216 m x 27 m sur la classe précédente. Il n'y avait pas de catapultes, la légèreté des avions embarqués rendant celles-ci inutiles pour le décollage. Les deux hangars superposés, plus spacieux, permettaient d'embarquer jusqu'à 84 appareils au lieu de 73. On a abandonné l'idée de placer l'îlot à bâbord, et les conduits d'évacuation des fumées ont été installés à tribord, à hauteur du plan d'envol, dirigés vers le bas, comme sur la classe précédente.

La protection verticale était importante, comparable, en ceinture, à celle des cuirassés rapides de la classe Kongō, et la protection horizontale était renforcée, sur les machines et les magasins, mais toujours sans blindage du pont d'envol. L'intégration des réservoirs d'essence d'aviation dans la coque les rendait sensibles à l'ébranlement des coups qui manquaient le navire de peu, et ne garantissait pas l'étanchéité du bâtiment aux émanations de vapeur d'essence d'aviation des hangars, ce qui ne fut pas sans conséquences pour le destin du Shōkaku en mer des Philippines. L'artillerie anti-aérienne de 127 mm Type 89, comportait huit tourelles doubles au lieu de six, et 12 affûts triples de 25 mm Type 96[79], et non plus 14 affûts doubles et 3 triples, comme sur les Sôryû-Hiryū.

La coque avait un franc-bord élevé, identique à celui du Hiryū, et un bulbe à l'avant. Les turbines Kampon développaient 160 000 ch, ce qui assurait une vitesse maximale de 34 nœuds malgré la différence de déplacement et l'augmentation des dimensions de coque avec un rapport longueur/largeur de 9.

Mis sur cale en à l'arsenal de Yokosuka et lancé le , le Shōkaku a été armé le . Mis sur cale en , aux Chantiers navals Kawasaki de Kobe et lancé le , le Zuikaku a été armé le .

Les Japonais étaient à l’avant-garde du design de porte-avions et, en 1941, les deux Shokaku représentaient le nec plus ulta des designs japonais d’avant-guerre et étaient supérieurs à tout porte-avions alors en service[80] avant l’apparition de la classe américaine Essex durant la guerre.

Classes Zuihō, Taiyō et Hiyō[modifier | modifier le code]

Lorsque le huitième porte-avions américain, l'USS Hornet, est armé le , le Zuikaku est en service depuis un mois, et c'est aussi le huitième porte-avions construit pour la Marine impériale japonaise. Mais trois porte-avions issus de conversions de navires auxiliaires ou de paquebot, sont entrés (ou vont entrer) en service, le Zuihō, le , le Taiyō, le , et le Shōhō, le .

Deux d'entre eux avaient été construits à l'origine comme des pétroliers auxiliaires rapides. Quand ils ont été mis en construction, sous l'empire du premier traité naval de Londres, la transformation de navires en porte-avions était interdite. Mais le Tsurugizaki a été lancé le , et à cette date, l'empire du Japon avait déjà fait savoir qu'il ne serait plus partie aux traités de limitation des armements navals, qui cesseraient d'être applicables le . Sa construction a été longue, sa coque a bénéficié d'une construction renforcée et il a été finalement achevé comme ravitailleur de sous-marins en . Il a rejoint la Flotte Combinée comme navire amiral de l'escadre des sous-marins. Un second bâtiment, le Takasaki a été lancé en , et en cours de construction, en , la décision a été prise de l'achever en porte-avions. Devenu le Zuihō, il a rejoint la Flotte Combinée en , et été affecté à la 3e Division de porte-avions, avec le Hōshō. En , la décision de transformer le Tsurugizaki en porte-avions a été prise. Devenu le Shōhō, il a été armé fin , et en , il a rejoint la Flotte Combinée, pour constituer avec le Ryūjō, une 4e division de Porte-avions.

Le porte-avions léger Zuihō, en 1940.

Ces porte-avions ressortissaient de la catégorie des porte-avions légers, déplaçant 11 300 tonnes (14 000 tonnes à pleine charge), avec 201 m de long, 18 m de large, un pont d'envol de 180 m x 23 m, sans îlot (la passerelle étant installée à l'avant de la superstructure, sous le pont d'envol), sans catapultes, avec deux ascenseurs axiaux. Ils pouvaient embarquer trente appareils. L'artillerie comportait quatre tourelles doubles de 127 mm Type 89, et huit affûts bitubes de 25 mm Type 96. Ils n'avaient pas de blindage. La propulsion, qui avait été substituée aux moteurs diesel d'origine, était assurée par des turbines à engrenages Kampon qui entraînaient deux hélices, assurant une vitesse maximale de 28 nœuds. Leur pont était petit, ils manquaient de protection, mais étaient très manœuvrables.

Un troisième ravitailleur de sous-marins, le Taigei, mis en service en 1934, se trouvait être le navire amiral de la 3e escadre de sous-marins au début de la guerre du Pacifique. Il a été transformé en porte-avions à partir de la mi-. Sa transformation a été achevée en , et sous le nom de Ryūhō, il a rallié la 3e Flotte. Ses dimensions étaient un peu supérieures (210 m de long et 19,85 m de large) déplaçant 13 360 tonnes. Mais sa vitesse, avec des machines comparables, n'atteignait que 26 nœuds, et il a été relégué à des missions de seconde ligne après la bataille de la mer des Philippines.

Le porte-avions d'escorte Taiyō, en septembre 1943.

Trois navires de la compagnie Nihon Yusen Kaisha (N.K.L.), Nitta Maru, Yawata Maru, Kasuga Maru, lancés respectivement en , et , ont été pour les deux premiers mis en service comme paquebots. Le troisième, alors qu'il était en construction aux Chantiers navals Mitsubishi de Nagasaki a été remorqué, en , à l'arsenal de Sasebo, où il a été achevé en porte-avions, et a rejoint la Flotte Combinée, sous le nom de Taiyō en septembre.

Comme porte-avions, déplaçant près de 18 000 tonnes, long de 180 m, large de 22,5 m, avec un pont d'envol de 172 m x 23,5 m, sans îlot, sans catapulte ni brins d'arrêt, il ne portait pas de blindage, son artillerie comptait deux tourelles doubles de 120 mm et 4 affûts doubles de 25 mm Type 96. Il avait une vitesse maximale de 21 nœuds. Il était donc plus lourd, et plus rapide que les navires marchands transformés en porte-avions des marines alliées. Mais l'absence de brins d'arrêt le rendait à peu près inutiliable au sein de la flotte et il a eu à remplir principalement des missions de transport d'avions.

Ses deux sister-ships ont été transformés à leur tour à l'arsenal de Kure, entre janvier et pour le Yawata Maru, qui a été rebaptisé Unyo, et entre mai et pour le Nitta Maru, qui a été rebaptisé Chūyō.

Le porte-avions Hiyo.

Deux grands paquebots de la N.K.L., l'Isumo maru et le Kashiwara maru, destinés à la ligne d'Amérique du Nord, mais qui avaient été conçus pour pouvoir être transformés en porte-avions, ont été commencés en 1939. En 1940, ils ont été achetés sur cales par la Marine impériale japonaise, et leur transformation a commencé en . Ils ont été lancés le . Devenus le Hiyō et le Jun'yō, ils ont été achevés le et le . Ils avaient des caractéristiques assez proches du Hiryu, quant à leurs installations d'aviation (deux hangars, deux ascenseurs), et à leur artillerie. Ils étaient dotés d'un îlot sur tribord, surmonté d'une cheminée inclinée, solution qui, ayant donné satisfaction, a été reprise sur les derniers grands porte-avions japonais. Leur propulsion, avec des turbines à engrenages entraînant deux hélices, ne développait qu'un peu plus de 56 000 ch, et leur vitesse maximale n'était que de 25½ nœuds.

Porte-avions d'escorte, un type de porte-avions délaissé[modifier | modifier le code]

La sécurité des routes commerciales maritimes est restée une des principales préoccupations des marines britannique et française dans les années 1920-1930, mais le risque sous-marin n'est pas jugé le plus dangereux, alors que le traité de Versailles a interdit à l'Allemagne d'avoir des sous-marins[81]. Le sous-marin océanique ou de grande croisière[Note 22],[82] apparaît plutôt à l'Amirauté française, comme un moyen efficace de défense des territoires coloniaux, même si un « croiseur submersible » comme le Surcouf[82], apparaît dangereux aux Britanniques qui feront inscrire l'interdiction de bâtiments similaires dans le traité naval de Londres de 1930[81]. Les menaces principales pour le trafic maritime commercial paraissent celle des bâtiments de surface, d'où la construction de nombreux croiseurs lourds, conformes au traité de Washington dans les années 1920, et le coup de tonnerre du Deutschland qui les surclasse, au début des années 1930, et celle de l'aviation terrestre, à proximité de côtes ennemies. L'aviation embarquée n'ayant pas alors la capacité d'emporter des armes efficaces pour repérer et détruire les sous-marins, telles que le radar ou les grenades anti-sous-marines, et la Royal Navy préférant s'en remettre à l'ASDIC, embarqué sur ses destroyers, pour attaquer les sous-marins, l'intérêt de la construction de porte-avions d'escorte n'apparait pas, dans une période de réduction des budgets militaires. Enfin on reproche au porte-avions d'escorte sa finalité unique qui rendrait son intégration difficile au sein d'une escadre[83],[84]. En tout état de cause, le résultat est qu'aucun porte-avions d'escorte n'est en construction, ni même prévu, à la veille de la guerre.

Seconde Guerre mondiale[modifier | modifier le code]

Les hostilités entre puissances qui se combattent pendant la Seconde guerre mondiale ont en réalité commencé avec l'incident de Mukden, en 1931, puis avec la seconde guerre sino-japonaise, à partir de . Pour ce qui concerne la guerre navale et plus précisément les porte-avions, ces hostilités ont permis à la Marine impériale japonaise d'acquérir une maîtrise[Note 23] qui se manifestera pendant la campagne d'invasion des possessions des États-Unis, du Royaume-Uni, des Pays-Bas en Asie du Sud-Est, en particulier dans le domaine de la coopération des forces navales et des forces aériennes, pour contrôler les liaisons maritimes côtières, couvrir et opérer des débarquements et intervenir en soutien de combats terrestres.

Les porte-avions Hōshō et Kaga opèrent en 1932 dans le secteur de Shanghaï. Dès 1934, le Ryūjō expérimente le bombardement en piqué. Pendant l'été 1937, ces trois porte-avions opèrent devant Shanghaï et Canton[85]. De à , le vice-amiral Kondo est le commandant-en-chef de la 5e flotte. Le contre-amiral Yamaguchi en est le chef d'état-major, avant de prendre, à partir du , le commandement du 1er groupe combiné aérien et de diriger la campagne de bombardements de saturation en Chine centrale pendant l'année 1940.

Comparaison de quelques classes[modifier | modifier le code]

Les données ci-dessous concernent les caractéristiques théoriques des navires lors de leur lancement.

Nom Mise en chantier Années de service Unités construites Déplacement (lt) Puissance (103 ch) Vitesse
(nœuds (km/h))
Équipage
(hommes)
Nombre d'aéronefs
Drapeau du Japon Classe Shōkaku[86] 1939 1941 - 1944 2 25 675 160 34,2 (63) 1 660 84
Drapeau du Japon Taihō[87] 1941 1944 - 1944 1 29 300 160 33,3 (62) 1 751 84
Drapeau des États-Unis Classe Yorktown[88] 1934 1937 - 1958 3[Note 24] 19 875 120 32,5 (60) 2 175 96
Drapeau des États-Unis Classe Essex[89] 1941 1942 - 1991 24 27 208 150 32,7 (61) 2 682 91
Drapeau du Royaume-Uni Ark Royal[90] 1935 1938 - 1941 1 22 000 102 31 (57) 1 580 60
Drapeau du Royaume-Uni Classe Implacable[91] 1939 1942 - 1956 2 23 450 148 32 (59) 1 585 60

Dans l'Atlantique et en Méditerranée[modifier | modifier le code]

À partir de et jusqu'en , la Royal Navy, et dans une moindre mesure la Marine française jusqu'en , se sont trouvées opposées à la Kriegsmarine allemande et à la Regia Marina italienne, qui ne disposent ni l'une ni l'autre de porte-avions.

Mais dans la tactique d'emploi de ces navires, dans les eaux européennes au début de la guerre[92], la Royal Navy a considéré le porte-avions comme un bâtiment auxiliaire, sa mission étant de ralentir et d'affaiblir la flotte ennemie (le choc final incombant aux cuirassés), d'assurer une couverture de chasseurs à la flotte, d'aider au réglage des tirs d'artillerie et d'assurer les missions de reconnaissance[93]. Cela tient pour partie à ce que la force de la Royal Navy, dans l'esprit des amiraux de l'époque, réside dans sa quinzaine de cuirassés datant, pour les plus récents, de la fin des années 1920. Par ailleurs, avec seulement trois « croiseurs de bataille », les porte-avions, dont seulement quatre sur sept sont relativement récents, se retrouvent dispersés dans les multiples escadres qui doivent être déployées dans des théâtres d'opérations parfois éloignés, pour remplir des missions d'éclairage et de couverture aérienne.

Le HMS Courageous en train de couler, le 17 septembre 1939.

Les choses sont encore aggravées par le fait que le premier grand bâtiment de guerre coulé au cours de la Seconde Guerre mondiale a été le porte-avions HMS Courageous : celui-ci a été torpillé le par le sous-marin U-29 au cours d'une patrouille anti-sous marine au large de l'Irlande, évènement qui eut moins de retentissement que le torpillage du cuirassé ancien HMS Royal Oak, en rade de Scapa Flow, le mois suivant.

Ainsi, de à , le porte-avions sont dispersés dans les différents groupes de chasse, désignés par des lettres, qui ont donné la chasse aux “corsaires” de surface de la Kriegsmarine : le groupe I avec le HMS Eagle dans l'Océan Indien, le groupe K avec le HMS Ark Royal est basé à Freetown pour l'Atlantique Sud, le groupe L avec le Béarn dans l'Atlantique Nord, le groupe M avec le HMS Hermes à Dakar[94].

À partir du moment où les opérations terrestres ont commencé, en Norvège puis avec l'offensive allemande en [95], une autre caractéristique de la guerre aéronavale a été d'opposer à l'aviation embarquée britannique des appareils basés à terre, plus lourds et plus puissants, au moins en ce qui concerne les chasseurs et bombardiers allemands, ce qui a conforté les architectes navals britanniques dans leur décision de blinder les ponts d'envol, contrairement aux architectes navals américains : les appareils japonais, embarqués comme basés à terre, se caractérisaient par leur légèreté et leur maniabilité plus que par leur puissance et leur protection[96].

Couper la route du fer en 1940[modifier | modifier le code]

Dès la fin de 1939, le Grand-amiral Raeder souhaite disposer de bases en Norvège, considérant que les bases de la Kriegsmarine en baie allemande sont situées « dans l'angle mort d'une mer morte »[97]. Du côté franco-britannique, on souhaite « couper la route du fer », qui permet l'acheminement du fer suédois vers l'Allemagne, par le port de Narvik et le « corridor norvégien », c'est-à-dire les eaux territoriales de la Norvège, neutre, à l'abri d'une multitude d'archipels côtiers.

Attaque allemande de l'opération Weserübung (9-13 avril 1940)[modifier | modifier le code]

Alors qu'après de longues discussions interalliées, la Royal Navy est sur le point de mouiller des mines dans le Vestfjord, la Kriegsmarine lance la quasi-totalité de ses bâtiments, cuirassés, croiseurs, destroyers, en couverture d'un débarquement (l'opération Weserübung) dans tous les ports norvégiens, d'Oslo à Narvik, le [98]. Les débarquements ne se firent pas partout sans difficultés, dues à la pugnacité des défenseurs norvégiens, notamment dans le fjord d'Oslo ou devant Bergen[99], et à la traditionnelle agressivité des marins britanniques devant Trondheim[100]. Mais le gros de la Home Fleet, aux ordres de l'amiral Forbes sur le HMS Rodney n'a finalement intercepté personne, bien qu'elle ait quitté Scapa Flow dès que de grands navires allemands avaient été repérés à la mer, le , sans attendre le porte-avions HMS Furious, qui se trouvait alors dans la Clyde.

Les Junkers JU 87“Stuka” ont constitué une redoutable menace pour les navires de guerre alliés en Norvège.

Mais si la Kriegsmarine ne disposait pas de porte-avions opérationnel (le Graf Zeppelin était encore en travaux), la Wehrmacht n'a pas négligé la dimension aérienne de la guerre sur mer. Dès le au matin, le 1er régiment de parachutistes a sauté sur l'aérodrome de Sola, près de Stavanger[101], où vont prendre position les KG 30 et KG 26 du 10e Corps Aérien de la Luftwaffe, spécialisés dans le combat anti-navires[102]. Aussi lorsque dans l'après-midi du , la Home Fleet s'est approchée de Bergen, la totalité des appareils des deux KG (47 “Ju-88” et 41 “He-111”) ont attaqué, le HMS Rodney a été touché, ainsi que les HMS Southampton et Glasgow, et le destroyer HMS Gurkha coulé. La Home Fleet a dû se replier sans avoir affronté un seul navire de guerre[103].

Le au matin, le HMS Furious, escorté du cuirassé HMS Warspite, a rallié la Home Fleet et lancé deux attaques, sans résultats notables, la première sur Trondheim (mais les navires allemands étaient déjà repartis vers l'Allemagne), puis une seconde dans la soirée sur Narvik, où avait eu lieu, le matin, une attaque de destroyers britanniques détachés par le vice-amiral Withworth (qui avait sa marque sur le croiseur de bataille HMS Renown)[100].

Le chasseur-bombardier “Skua”, premier monoplan de la Fleet Air Arm, a été remplacé en première ligne en 1941.

Le , le croiseur Königsberg a été coulé à Bergen, par une attaque de seize Skua de la Fleet Air Arm[104], tandis que la Home Fleet mettait le cap au nord. Le 13 à l'aube, le vice-amiral Withworth a transféré sa marque sur le cuirassé HMS Warspite, avec lequel, accompagné de neuf destroyers et sous la couverture des “Swordfishes” du HMS Furious, il a détruit tous les destroyers allemands restant à flot dans le fjord de Narvik. Mais ne disposant pas de fusiliers-marins en nombre suffisant, il a renoncé à attaquer sans délai les chasseurs de montagne allemands débarqués des destroyers allemands[105].

Cependant l'Amiral de la Flotte Lord Cork and Orrery (en), nommé Commandant-en-Chef des forces navales en Norvège, reçut la mission de déloger les Allemands de Narvik, en prenant comme base de départ le port d'Harstad, dans les îles Lofoten au nord de Narvik. Il en fut empêché par la tempête régnant sur la zone dans la deuxième moitié d'avril et les ordres divergents donnés à Lord Cork et au général commandant les forces terrestres, qui s'étaient rencontrés à Harstad le [106].

Devant Namsos et Andalsnes (19 avril-3 mai)[modifier | modifier le code]
Le Gloster “Gladiator”, ici aux couleurs norvégiennes, a été le dernier chasseur biplan britannique.

Les troupes allemandes débarquées dans les ports norvégiens avaient cependant avancé en Norvège centrale, bénéficiant d'un appui aérien décisif, et il est apparu très vite qu'un débarquement allié était indispensable pour éviter aux Norvégiens de déposer les armes à très brève échéance. Dans une grande confusion, avec une inorganisation assez générale, et après de multiples tergiversations et une succession d'ordres contradictoires, on est arrivé, à la mi-avril, à débarquer des troupes françaises (chasseurs alpins et Légionnaires) et une brigade d'infanterie britannique à Namsos et deux autres brigades d'infanterie à Åndalsnes, au nord et au sud de Trondheim, pour aller attaquer ce port[107]. Mais la supériorité aérienne allemande demeurait totale. Devant Namsos, le , le croiseur Émile Bertin a été touché, et tout le matériel débarqué a été réduit en cendres par deux jours de bombardements aériens[108]. Les unités d'infanterie britanniques qui se sont portées au secours des Norvégiens ont, quant à elles, été bousculées. Certes, le 24, le porte-avions HMS Glorious est arrivé, pour relever le HMS Furious et a permis de faire prendre position à un renfort de biplans Gloster “Gladiators”, passablement démodés, mais capables de décoller sur des pistes courtes, en l'occurrence la surface gelée du lac Lesjakog, entre Dombås et Åndalsnes : ils ont été anéantis, dès le lendemain, au cours d'une bataille aérienne où les avions allemands ont « effondré » la surface du lac sous leurs bombes[109]. Il ne restait plus, dès lors, qu'à évacuer les troupes franco-britanniques de Norvège centrale[110],[111].

Les Britanniques se replient vers les ports, talonnés par les Allemands. Le rembarquement se fait à Andalsnes, les -1er mai, sur des croiseurs britanniques, et à Namsos, les 1er-, sur des croiseurs auxiliaires français[112], dont l'escorte va perdre le contre-torpilleur Bison et le destroyer HMS Afridi, coulés par des Ju-87 Stuka allemands[113]. Le roi Haakon VII a gagné Tromsø et les troupes norvégiennes de Norvège centrale ont déposé les armes le . Une colonne allemande a alors entrepris de progresser sur la route côtière qui mène de Namsos à Narvik[114]. À Londres, l'échec en Norvège centrale provoque le remplacement du Premier ministre Sir Neville Chamberlain par Sir Winston Churchill.

Autour de Narvik, jusqu'à la destruction du HMS Glorious (15 mai-8 juin)[modifier | modifier le code]
La dernière photo du HMS Glorious ().

En Norvège septentrionale, après que les navires britanniques de Lord Cork eurent bombardé les positions allemandes de Narvik, le [115], un convoi de troupes françaises initialement destiné à Namsos est finalement arrivé en renfort, le , au nord de Narvik, où le contact a été établi avec les troupes norvégiennes. Le , les chasseurs alpins et la Légion ont débarqué à Bjerkvik. Et dans les jours suivants, des “Hurricanes” et des “Gladiators” qui avaient décollé du HMS Ark Royal ont pris position à Bardufoss, pour contrer l'aviation allemande opérant depuis l'aérodrome de Værnes, puis de Bodö[116].

Mais la dégradation de la situation militaire en France conduit à arrêter l'envoi de renforts en Norvège et le , Lord Cork est averti de la décision d'évacuer la Norvège. Cependant, le , Narvik est occupé[117] et les Allemands du général Dietl sont repoussés vers la frontière suédoise. Le général Béthouart doit se résigner le à arrêter la poursuite. Le , toutes les troupes britanniques, françaises et polonaises ont rembarqué[118], le HMS Glorious a récupéré les Gloster “Gladiators” de Bardufoss, mais aussi les huit Hawker “Hurricanes” qui bien que dépourvus de crosses d'appontage, ont réussi à se poser sans casse sur le porte-avions, qui met le cap sans plus attendre sur Scapa Flow, avec deux destroyers d'escorte[119].

À la mi-mai, il avait été décidé, du côté allemand, une sortie des cuirassés Scharnhorst et Gneisenau pour aller attaquer les bases établies dans les îles Lofoten et le Vestfjord et réduire ainsi la pression subie par les chasseurs de montagne à Narvik. Les cuirassés ont appareillé de Kiel le , avec la marque de l'amiral Marschall sur le Gneisenau, accompagnés du croiseur lourd Admiral Hipper et de quatre destroyers. Ils ont ravitaillé à la mer le 7 au soir. L'amiral allemand, persuadé qu'il trouverait vide la base de Harstad, a décidé de rechercher les convois qui seraient à la mer[120].

Le 8 au matin, l'escadre allemande a repéré et coulé un pétrolier et le chalutier armé qui l'escortait, puis un grand paquebot, épargnant un navire-hôpital, et a repéré dans l'après-midi, vers 16 h 30, le HMS Glorious et ses deux escorteurs HMS Acasta et HMS Ardent commandés par le capitaine Guy D'Oyly-Hughes, alors qu'aucune patrouille aérienne d'éclairage n'était en l'air. Ouvrant le feu à 26 000 mètres, le Scharnhorst a touché le porte-avions à la troisième salve. Vers 19 h, les trois navires britanniques avaient été coulés[121]. Le vice-amiral John Cunningham, sur le croiseur HMS Devonshire, qui avait capté un message d'alerte incomplet du HMS Glorious, ne s'est pas dérouté : il transportait le Roi Haakon VII, qui avait quitté la Norvège, pour continuer la guerre. Les autres convois d'évacuation de Narvik, dont un très important convoi transportant 10 000 hommes et escorté du HMS Ark Royal, sont passés le lendemain sans encombre.

Avec plus de 1 500 marins tués, le nombre des pertes était égal, dans cette seule journée du , à celui de toutes les autres pertes de l'armée britannique pendant toute la campagne de Norvège.

Le Scharnhorst a été attaqué à Trondheim, dans la nuit du 12 au , par quinze “Skuas” du HMS Ark Royal, dont huit ont été abattus par la flak des navires et la chasse allemande[122].

Pendant la campagne de France, le Béarn n'a pas été engagé, son aviation embarquée a été basée à terre et les bombardiers en piqué Loire-Nieuport LN 401, et Vought V-156-F[123] ont subi des pertes très lourdes en allant attaquer les blindés allemands, en .

Opération Catapult à Mers el-Kébir et à Dakar (juillet 1940)[modifier | modifier le code]

Des quatre navires de ligne français présents à Mers el-Kébir, le 3 juillet 1940, seul le Strasbourg va réussir à s'échapper (3 juillet 1940).

Déclenchée dans la nuit du 2 au par la Royal Navy, l'opération Catapult a eu pour but d'empêcher que la flotte française ne tombe aux mains des Allemands ou des Italiens. Son objectif était donc de s'emparer ou (à défaut) de détruire les bâtiments français, où qu’ils soient stationnés. Le Premier Ministre, Winston Churchill n'avait en effet aucune confiance dans la parole des autorités du IIIe Reich, et pas beaucoup plus dans la capacité de l'amiral de la flotte Darlan, de tenir ses engagements sur le fait que la Flotte française ne passerait pas sous contrôle allemand, et il pensait qu'un coup de force contre les alliés de la veille montrerait bien sa détermination de poursuivre la lutte contre l'Allemagne nazie[124]. Du côté des marins français, malgré les alertes de l'Amirauté, la surprise aura été totale.

Le HMS Hermes, ici avec le HMS Dorsetshire en juin 1940, a immobilisé le Richelieu en juillet 1940 à Dakar.

Les porte-avions britanniques vont jouer dans cette affaire un rôle capital. Si, à Mers el-Kébir, le , le mouillage de mines magnétiques par les avions du HMS Ark Royal à la sortie de la rade n'a eu aucun effet, les cuirassés français sont surpris amarrés à quai par trois cuirassés britanniques dont l'artillerie les surclasse, avec des effets horriblement douloureux (mille marins tués sur le cuirassé ancien Bretagne qui explose et chavire) mais des conséquences somme toute prévisibles (le Dunkerque et le Provence gravement endommagés, immobilisés mais réparables). Le Strasbourg, sorti quasi indemne de la rade, a échappé aussi bien à la poursuite du HMS Hood, qu'aux Swordfishes du HMS Ark Royal, et a gagné Toulon, ce que les Britanniques souhaitaient surtout éviter.

Mais le , une nouvelle attaque de l'aviation embarquée britannique, malgré la faiblesse des effectifs engagés (six Swordfishes) met cette fois le Dunkerque hors de combat, jusqu'à son sabordage en 1942. Deux jours plus tard, à Dakar, des appareils du HMS Hermes, du même type et en aussi petit nombre, immobilisent le Richelieu pour plus de deux ans, sans, cette fois, de nouvelles pertes en vies humaines[125].

En Méditerranée, de Tarante au cap Matapan (1940-1941)[modifier | modifier le code]

Le HMS Ark Royal, ici en 1939, survolé par des Fairey Swordfishes a eu une carrière particulièrement glorieuse en 1940-1941.

En Méditerranée, l’île de Malte, possession britannique, occupe une position stratégique remarquable au sud-est de la Sicile, mais malgré cela, peu de choses, c'est-à-dire presque rien avait été fait avant guerre pour en faire une base militaire sérieuse.

Porte-avions en tant qu'instruments de la suprématie britannique en Méditerranée en 1940[modifier | modifier le code]
HMS Eagle à la bataille de Punta Stilo[modifier | modifier le code]

Le , l'amiral Andrew Cunningham, qui doit accompagner un convoi de Malte à Alexandrie avec trois cuirassés, le porte-avions HMS Eagle et des croiseurs légers, se porte à la rencontre de la flotte italienne pratiquement au grand complet[126] : celle-ci comprend deux cuirassés modernisés, six croiseurs lourds et huit croiseurs légers et rentre après avoir accompagné un convoi de Naples à Benghazi.

La rencontre a lieu au sud de la Calabre, c'est la bataille de Punta Stilo. Après une rencontre des croiseurs et des attaques aériennes réciproques, de l'aviation italienne basée à terre, dont les bombardements à haute altitude ne réussissent à endommager qu'un croiseur, et de l'aviation embarquée du HMS Eagle, guère plus efficace, un bref duel d'artillerie entre cuirassés, au cours duquel le cuirassé britannique modernisé HMS Warspite touche à 26 000 mètres le navire amiral Giulio Cesare, entraîne le repli des Italiens, que les Britanniques ne poursuivent pas. L'amiral britannique, de retour à Alexandrie, réclame alors à l'Amirauté un second cuirassé modernisé, un porte-avions « blindé », des croiseurs lourds et des croiseurs légers anti-aériens. Mais ce sont les deux cuirassés modernes Vittorio Veneto et Littorio qui ont rejoint la flotte italienne au début d'août.

HMS Ark Royal et HMS Argus inaugurant les renforcements de l'aviation de Malte[modifier | modifier le code]

La première opération de renforcement de l'aviation de Malte a lieu au début d' (Opération Hurry). Le HMS Argus a lâché douze “Hurricanes” et deux “Skuas” qui sont allés se poser à Malte, tandis que l'aviation embarquée du HMS Ark Royal allait faire diversion en bombardant l'aérodrome de Cagliari. On a donné à ce type d'opération le nom de « Club Run ». Fin août, la Force H avec le HMS Ark Royal est allée, de nouveau, faire diversion contre Cagliari, tandis que le cuirassé HMS Valiant, le porte-avions HMS Illustrious et deux croiseurs légers anti-aériens ralliaient Alexandrie, sans que les Italiens les aient repérés.

En septembre, l'offensive italienne contre l'Égypte commence, ce qui provoque une augmentation du trafic maritime entre l'Italie vers l'Afrique du Nord. L'aviation basée à Malte, qui reçoit ses renforts en bombardiers directement depuis la Grande-Bretagne, et l'aviation embarquée sur les HMS Illustrious et Eagle multiplient leurs attaques.

Le Fairey “Fulmar” a été le chasseur embarqué de la Fleet Air Arm en 1940-41, malgré de piètres performances.

Courant , le HMS Hermes ayant été endommagé, le HMS Ark Royal l'a remplacé au sein de la Force M, qui va tenter, avec le concours des Français Libres de prendre pied à Dakar. Les appareils embarqués ont été surclassés par les chasseurs français basés à terre de sorte que ce sont les cuirassés et les croiseurs qui ont joué le rôle principal dans le bombardement de la ville et du port, où était amarré le Richelieu, avant qu'un sous-marin endommage le HMS Resolution, ce qui a entraîné l'abandon de l'opération.

En octobre, le HMS Ark Royal a reçu comme chasseurs des Fairey “Fulmars”, qui, bien qu'encore inférieurs aux chasseurs basés à terre (tels que les “Hurricanes”), étaient plus performants que les Blackburn “Skua”[127].

HMS Illustrious à l'attaque des cuirassés italiens à Tarente[modifier | modifier le code]

Le renfort des deux cuirassés modernes reçu par la Regia Marina pousse alors l'amiral Andrew Cunningham à utiliser l'aviation embarquée dans une attaque des cuirassés italiens au port. L’Amirauté britannique avait envisagé une telle action avant guerre. Les plans sont réactivés par leur auteur, le contre-amiral Lyster[128]. À l’origine, l’attaque devait être menée simultanément par les deux porte-avions HMS Illustrious et Eagle, le , anniversaire de la bataille de Trafalgar[129].

Le HMS Ark Royal sous les bombes de l'aviation italienne basée à terre, pendant la bataille du cap Teulada, fin novembre 1940.

L'attaque a finalement lieu dans la nuit du 11 au . Le porte-avions “blindé” HMS Illustrious lance douze “Swordfishes” contre la base navale italienne de Tarente (Opération Judgement), coulant le Conte di Cavour, endommageant le Littorio et l’Andrea Doria. Une seconde vague de neuf “Swordfishes” touche à nouveau le Littorio et également le Caio Duilio. Deux avions seulement sont perdus durant l’opération ; la tactique britannique[130] retient l'attention de l’amiral Isoroku Yamamoto de la Marine impériale japonaise[131]

En novembre, plusieurs opérations de renforcement de l'aviation de Malte (“Club runs”) sont menées à bien. Fin novembre, alors que la Force H et une partie de la Flotte de Méditerranée doivent se rejoindre pour faire passer des navires de guerre de Gibraltar à Malte et d'autres d'Alexandrie à Gibraltar, une rencontre a lieu au large du cap Teulada, avec une forte escadre italienne comprenant le Vittorio Veneto, sorti indemne de l'attaque de Tarente[132]. Bien qu'une rencontre entre les croiseurs des deux flottes donne plutôt l'avantage à l'amiral Campioni, la présence à la mer du HMS Ark Royal le conduit à se replier. Après trois vaines attaques de son aviation embarquée, le vice-amiral James Somerville choisit de ne pas le poursuivre[133].

Porte-avions britanniques à la peine en 1941[modifier | modifier le code]

En Égypte, les troupes du maréchal Graziani sont taillées en pièces en par la contre-offensive du général Maitland Wilson (Opération Compass), ce qui provoque une intervention allemande.

Le 10e Corps aérien de la Luftwaffe (X. Fliegerkorps) est transféré en décembre de Norvège en Sicile. Le , Ju 87 “Stuka” et Ju 88 attaquent le HMS Illustrious[134]. Six bombes l’ont endommagé au point qu’il doit gagner Norfolk, aux États-Unis, pour y être réparé jusqu'en novembre.

En février-mars, les quelque 120 000 hommes du Deutsches Afrikakorps du général Rommel sont passés sans encombre en Libye (Opération Sonnenblume)[135].

Le HMS Formidable, qui devait remplacer le HMS Ark Royal au sein de la Force H, arrive à Alexandrie le [136], où il remplace le HMS Illustrious. Mais l'Italie a aussi attaqué en la Grèce, qui a résisté farouchement : le Royaume-Uni lui a apporté son soutien, ce qui accroît le trafic maritime entre l'Égypte et la Grèce.

Autour du , la Force H, avec le HMS Ark Royal, fait une incursion dans l'Atlantique, pour essayer d'intercepter les deux cuirassés allemands Scharnhorst et Gneisenau qui rentrent d'une croisière de deux mois dans l'Atlantique, pendant laquelle ils ont coulé 22 navires marchands. Ils sont repérés, mais le porte-avions ne peut gagner une position d'attaque, et ils rentrent se réfugier à Brest.

HMS Formidable à la bataille de Matapan (29 mars 1941)[modifier | modifier le code]
Le HMS Formidable (1942).

À la mi-, le Haut-Commandement allemand a demandé au Haut-Commandement de la Marine italienne (Supermarina) d'agir contre les convois Égypte-Grèce, estimant que la Flotte britannique de Méditerranée n'avait qu'un cuirassé opérationnel[137]. Le , alors que l'intervention de la Wehrmacht dans les Balkans est imminente[138], tous les croiseurs lourds italiens, sauf le Gorizia, et deux croiseurs légers ont pris la mer, avec le cuirassé Vittorio Veneto portant la marque de l'amiral Iachino. Le 28 au matin ils ont repéré et attaqué au sud de la Crète trois croiseurs légers de la classe Leander et un de la classe Town. Ceux-ci se sont dérobés, à la faveur d'une attaque menée vers 11 h par six avions torpilleurs Fairey “Albacores” du porte-avions HMS Formidable, qui, avec trois cuirassés aux ordres de l'amiral Andrew Cunningham et neuf destroyers, avait appareillé d'Alexandrie la veille au soir. L'amiral italien ayant mis le cap vers ses bases, l'aviation embarquée britannique a lancé plusieurs attaques[139]. Le cuirassé amiral italien a été ralenti vers 15 h 20, et le croiseur Pola a été immobilisé vers 19 h. Trois croiseurs de la classe Zara et deux destroyers ont été coulés au canon dans la nuit par les cuirassés britanniques au large du cap Matapan[140],[141].

Le Fairey “Albacore” a remplacé le Fairey “Swordfish” dans les flottilles de la Fleet Air Arm, mais ne réussit pas à le faire oublier.

L'insuffisance des reconnaissances aériennes italiennes, et plus généralement la mauvaise coordination entre forces navales et forces aériennes, ont été des facteurs de cette défaite italienne, et le Duce Benito Mussolini en a conclu qu'il fallait doter la Regia Marina de porte-avions. La transformation des paquebots SS Roma et MS Augustus en porte-avions a été accélérée, mais ni l'Aquila, ni le Sparviero, qui devaient en résulter, n'ont été achevés avant la capitulation italienne de .

Le , les forces terrestres allemandes prennent l'offensive dans les Balkans, envahissant la Yougoslavie, puis la Grèce. Les bâtiments britanniques vont alors être en butte aux attaques de la Luftwaffe, qui fait venir d'Allemagne le IV. Fliegerkorps (4e Corps Aérien). Les pertes vont être lourdes pendant l'évacuation des troupes britanniques de Grèce vers la Crète, puis pendant l'attaque de la Crète après le [142]. Mais le transfert du X. Fliegerkorps (10e Corps Aérien) de Sicile en Grèce à ce moment va alléger la pression sur Malte. Dans le même temps, les forces de l'Axe avancent en Libye jusqu'à Halfaya et le entreprennent d'assiéger Tobrouk. Pour autant le général Rommel souhaiterait que Malte soit occupée, car les Britanniques renforcent la base navale, comme le montre la destruction d'un convoi de troupes allemandes à la bataille des îles Kerkennah à la mi-avril.

En , le HMS Formidable participe à la protection de convois d'évacuation de troupes de Crète, tandis que le HMS Ark Royal escorte en Méditerranée occidentale le convoi « Tiger », qui doit apporter un renfort de blindés nécessaire à l'armée d'Égypte, et acheminer le cuirassé HMS Queen Elizabeth à Alexandrie ; il assure ensuite avec le HMS Furious des missions de convoyages de “Spitfires” et de “Hurricane” à Malte. Mais le , la Force H a dû quitter Gibraltar pour l’océan Atlantique afin d'essayer d'intercepter le Bismarck.

Le , rentrant d'une attaque sur l'aérodrome de Scarpanto, dans le Dodécanèse, le HMS Formidable est attaqué par une formation de “Stuka” du St.G.2 et endommagé par 2 bombes d’une tonne. Il réussit à gagner Malte puis Alexandrie, et rejoint ensuite les États-Unis fin août, pour des réparations qui vont durer jusqu'en décembre.

HMS Victorious et Ark Royal contre le Bismarck (24 et 26 mai 1941)[modifier | modifier le code]
Un “Swordfish” à l’appontage sur l’HMS Ark Royal après le torpillage du cuirassé Bismarck ().

Le , le cuirassé Bismarck et le croiseur lourd Prinz Eugen[143] aux ordres du Chef de la Flotte, l'amiral Lütjens, quittent Bergen (Norvège) en direction du nord-est de l’Islande pour commencer à attaquer les convois traversant l’Atlantique. Le , le croiseur de bataille HMS Hood et le cuirassé HMS Prince of Wales quittent Scapa Flow pour intercepter les deux bâtiments allemands. La Home Fleet les suit de peu, aux ordres de l'amiral Tovey sur le cuirassé HMS King George V, avec le croiseur de bataille ancien HMS Repulse et le porte-avions HMS Victorious, qui vient d'entrer en service.

Au matin du , dans le détroit de Danemark, le Bismarck fait exploser à la cinquième salve le Hood, avec 1 400 marins. Avarié, le HMS Prince of Wales rompt le combat, alors qu'il a atteint une soute à combustible du cuirassé allemand. Celui-ci met le cap sur Brest pour réparation, après s'être séparé du Prinz Eugen. Le au soir, le porte-avions HMS Victorious lance neuf “Swordfishes” et deux “Fulmars” contre le cuirassé allemand, qui n'est atteint que par une seule torpille, sans effet notable. Il sème ses poursuivants dans la nuit. Le , un avion de patrouille maritime PBY “Catalina” le retrouve. La Force H du vice-amiral Somerville, arrivant de Gibraltar, est alors en position de l'intercepter. Quatorze avions torpilleurs “Swordfishes” s'envolent du porte-avions HMS Ark Royal, mais attaquent par méprise le grand croiseur léger HMS Sheffield, heureusement sans l'atteindre. Réarmés en une heure et repartis à l’attaque, ils réussissent à mettre au but une torpille qui bloque le gouvernail du navire allemand, ainsi privé de sa manœuvre. Le lendemain matin, les cuirassés HMS King George V et Rodney l'écrasent au canon. Torpillé par le Dorsetshire le navire allemand coule avec environ 1 900 marins à bord. Le Prinz Eugen rejoint Brest le . Ni la Luftwaffe ni les U-Boots n'ont pu se porter au secours du Bismarck.

Le Scharnhorst et le Gneisenau qui avaient été endommagés par des attaques de la R.A.F.[144] n'ont pas pu accompagner le Bismarck. Ils vont rester à Brest, jusqu'en , et vont rentrer en Allemagne en forçant le Pas de Calais (opération Cerberus), surprenant les Britanniques, malgré une tentative désespérée d'une flottille de “Swordfishes” de la Fleet Air Arm[145].

Destruction du HMS Ark Royal (13 novembre 1941)[modifier | modifier le code]
Le HMS Ark Royal, torpillé, a pris de la gîte. Le destroyer HMS Legion s'est approché pour évacuer l'équipage.

Au début de , les HMS Ark Royal et HMS Victorious reprennent le renforcement de l'aviation de Malte depuis Gibraltar, car la perte de la Crète et l'avance allemande en Libye, qui a fait perdre aux Britanniques les aérodromes de Cyrénaïque, rendent plus dangereux les convois depuis Alexandrie, dans ce qui a été surnommé « l'allée des bombes ». Force a donc été de s'en remettre au croiseur auxiliaire HMS Breconshire et à des ravitaillements par sous-marins, pour les renforcements depuis Alexandrie. Pour autant, Malte sert de base à la 10e flottille de sous-marins qui va s'illustrer en coulant plusieurs grands navires des convois de Libye[146]. Y sont également basées des escadrilles de bombardiers “Blenheim” pour les attaques de convois le jour, laissant aux “Swordfishes” les attaques de nuit.

L'offensive allemande en Russie, qui éloigne les formations de la Luftwaffe de la Méditerranée et laisse à la Regia Aeronautica la charge d'affronter les Britanniques va faciliter les choses pour les convois de Gibraltar à Malte au cours de l'été de 1941. Le HMS Ark Royal va être associé à des grands bâtiments comme le HMS Nelson, trois croiseurs et un mouilleur de mines, pour l'Opération Substance en juillet, ou comme le cuirassé HMS Prince of Wales lors de l'Opération Halberd en septembre. En octobre, une escadre de deux croiseurs, la Force K, est basée à Malte.

Hitler ordonne alors à l'amiral Doenitz, réticent, d'envoyer des sous-marins en Méditerranée. Le , à proximité de Gibraltar, le HMS Ark Royal est torpillé par le sous-marin allemand U-81. Privé de puissance électrique, dans l'impossibilité de pomper l'eau qui pénètre par la brèche, le porte-avions coule au bout de quatorze heures.

Quelques jours plus tôt, le HMS Indomitable, la quatrième unité de la classe Illustrious, a été avarié devant Kingston, et il n'a pas pu rejoindre les deux navires de ligne expédiés à Singapour pour faire face aux menaces japonaises, le HMS Prince of Wales et le Repulse, les privant de couverture aérienne.

Dans la bataille de l'Atlantique, des CAM ships aux porte-avions d'escorte[modifier | modifier le code]

La Kriegsmarine a mené dès 1939 une guerre intense contre le trafic maritime allié dans l'Atlantique. L'emploi en des porte-avions HMS Ark Royal et Courageous dans des patrouilles anti-sous-marines a été arrêté dès le torpillage de ce dernier. La tactique des convois escortés a été mise en place, et les porte-avions utilisés dans des groupes de chasse contre les corsaires de surface, avec des succès très relatifs[147]. Mais la principale menace s'est révélée celle des sous-marins, aux ordres du contre-amiral Doenitz[148], surtout lorsqu'après la défaite française de 1940, les Allemands ont pu utiliser les ports français de l'Atlantique. En 1940, sur un peu plus de 1 000 navires coulés, jaugeant près de 4 millions de tonneaux, près de 500 navires, jaugeant plus de 2 millions de tonneaux, l'ont été du fait des sous-marins, un peu moins de 200 jaugeant 580 000 tonneaux par des avions, 200 jaugeant 500 000 tonneaux par des mines, et 70 jaugeant 460 000 tonneaux par des navires de surface[149]. Les États-Unis, bien que neutres, vont apporter une aide substantielle au Royaume-Uni en leur livrant à la fin de 1940 cinquante destroyers anciens pour renforcer l'escorte des convois, en contrepartie de l'usage de bases britanniques aux Antilles[150].

Utilisant la « tactique des meutes » (Rudeltaktik) prônée par le contre-amiral Doenitz, attaquant en surface, de nuit[151], les U-boote bénéficiaient de l'éclairage d'avions de reconnaissance à longue distance, comme les FW 200 “Condor” du KG 40 basé à Bordeaux. Malgré les avions du Coastal Command[152] (“Hudsons”, “Wellingtons”, “Catalinas”), à proximité des Îles britanniques[153], et la présence de la Patrouille de Neutralité mise en place par les États-Unis, à proximité des côtes américaines[154], la zone la plus dangereuse demeurait le « trou noir de l'Atlantique », hors de portée des appareils ayant le plus long rayon d'action de l'époque.

Fighter Catapult Ships et Catapult Merchant ships[modifier | modifier le code]
Le HMS Pegasus (ex-HMS Ark Royal).
Un Hawker Hurricane sur la catapulte d'un CAM ship.

Aussi, en , on installa une catapulte sur le gaillard d'avant du vieil HMS Ark Royal, rebaptisé HMS Pegasus en 1934, sur lequel on embarqua trois chasseurs, aménagement réalisé au printemps 1941 sur quatre autres navires auxiliaires qui embarquèrent un Fairey “Fulmar” ou un Hawker “Hurricane”[155]. Ces chasseurs ont réussi à tenir à distance les avions de reconnaissance allemands, et le “Hurricane” du HMS Maplin a été le premier à abattre un FW 200 “Condor”, le .

Il y eut ensuite trente-cinq navires marchands à catapultes (Catapult Merchant ships). Quatre ont été torpillés en 1941, huit en 1942, et un en 1944[156]. Des “Hurricanes” y ont été embarqués.

L'inconvénient de la formule était que le chasseur, une fois catapulté, était irrécupérable, il devait soit aller se poser sur un aérodrome ami, s'il y en avait un à proximité, soit faire un amerrissage forcé. La solution était donc d'avoir dans le convoi un navire à pont plat où on puisse le faire apponter, et ceci conduisait à remettre à l'ordre du jour la formule du porte-avions d'escorte, dont on a vu qu'elle avait été délaissée avant guerre[157].

Premiers porte-avions d'escorte, HMS Audacity, USS Long Island, et classe Avenger[modifier | modifier le code]
Le HMS Audacity, le premier porte-avions d'escorte, mis en service en juin 1941, perdu en décembre.

Dans le cadre de l'accord de Prêt-Bail avec les États-Unis, le Royaume-Uni a commandé au début de 1941 cinq porte-avions d'escorte par transformation de navires marchands. Dans le même temps, un navire bananier allemand, le MV Hannover, capturé en et rebaptisé finalement Empire Audacity, a eu ses superstructures rasées pour être sommairement transformé en porte-avions d'escorte. Déplaçant 5 500 tonnes (10 000 tonnes à pleine charge), long de 132 m et large de 17 m, avec un groupe aérien de chasseurs parqué sur un pont d'envol de bois de 138 m sur 18 m, il n'avait pas de hangar, ni de catapulte. Il avait pour artillerie une pièce simple de 4 pouces (102 mm) et six affûts simples de 20 mm. Ses moteurs Diesel le propulsaient à 16 nœuds[158].

Armé le , il a été rebaptisé HMS Audacity fin juillet, a embarqué huit chasseurs “Martlet” et a escorté à partir de septembre deux convois Liverpool-Gibraltar, et vice-versa. Au cours de l'escorte des trois premiers convois, ses chasseurs embarqués ont abattu cinq “Condors”, et en décembre, pendant l'escorte des trente-deux navires du convoi HG-76 (en), deux “Condors” ont encore été abattus et deux autres repoussés. Au cours de la bataille de plus d'une semaine qui a opposé le 36e Groupe d'Escorte du commander Walker à une quinzaine d'U-boote, quatre de ceux-ci ont été coulés. Bien que le HMS Audacity ait été torpillé et coulé par l'U-751, le , au large des côtes portugaises, ce fut la première victoire alliée dans la bataille de l'Atlantique[159].

L'USS Long Island, premier porte-avions d'escorte de l’U.S. Navy.

L’U.S. Navy a acheté en avril- six navires marchands pour les transformer en porte-avions d'escorte. Le premier à être transformé, acheté le , a été armé le comme USS Long Island (AVG-1). Sa transformation était moins sommaire que celle du HMS Audacity : il avait un hangar sur la moitié arrière de la coque, desservi par un ascenseur. Il pouvait embarquer 21 appareils. Son pont d'envol avait une catapulte, il n'avait pas d'îlot, la passerelle étant sous l'avant du pont d'envol. Comme artillerie, il avait un affût simple de 127 mm/38 calibres, deux affûts simples de 76 mm et dix affûts simples de 20 mm. D'un déplacement de 7 900 tonnes, long de 142 mm, à la flottaison, large de 21 m, quatre moteurs Diesel lui donnaient une vitesse de 16 nœuds[160].

Le HMS Biter, construit aux États-Unis, armé par la Royal Navy, ici en 1943. Il finira sa carrière dans la Marine française sous le nom de Dixmude.

Les cinq transformations suivantes aboutissent à des bâtiments ayant un pont d'envol un peu plus long que l'USS Long Island, une petite passerelle ouverte de chaque côté du pont d'envol, remplacée sur les dernières unités par un îlot à tribord. Leur artillerie est un peu renforcée et ils sont dotés de radar. Leur propulsion est modifiée, les dernières unités ayant deux moteurs Diesel entraînant deux hélices (et non plus quatre moteurs pour un seul arbre)[161],[162].

Les Archer (BAVG-1), Avenger (BAVG-2), Biter (BAVG-3), et Dasher (BAVG-5) sont armés par l'U.S. Navy, et transférés à la Royal Navy, dans le courant de 1942, sauf l'USS Charger ex-(BAVG-4), qui va rester sous pavillon américain, pour former dans le cadre du Prêt-Bail du personnel d'appontage. En , ils participent à la couverture des débarquements devant Casablanca, Oran et Alger (opération Torch). Ils n'interviendront pour l'escorte des convois dans l'Océan Atlantique que dans le courant de 1943.

Une fois lancée la machine industrielle américaine, ce seront environ cent-trente porte-avions d'escorte qui auront été construits[163], les classes Bogue, Sangamon, Casablanca, Commencement Bay. Mais compte tenu de leur date de mise en service, la plupart de ces porte-avions d'escorte vont plutôt avoir un rôle de couverture d'opérations de débarquement, devant Salerne, aux Philippines et à Okinawa[164], démentant ainsi ceux qui pensait que la sûreté du trafic commercial était la seule mission possible de ce type de bâtiments.

Il fallut cependant, en attendant, avoir encore une fois recours à un expédient dans la bataille de l'Atlantique. Ce furent les Merchant Aircraft Carriers (MAC) (en).

Merchant Aircraft Carriers (MAC)[modifier | modifier le code]

En 1941, le tonnage de navires de commerce alliés et neutres coulés par des sous-marins est resté du même ordre de grandeur qu'en 1940 (un peu moins de 2 200 000 tonneaux), mais les pertes dans la zone autour de la Grande-Bretagne ont diminué de près de 60 %, alors qu'elles augmentaient de 34 % dans l'Atlantique Nord. C'était l'effet de la recrudescence des attaques au milieu de l'Atlantique. Au cours des six premiers mois de 1942, les pertes dans l'Atlantique Nord dépassent largement celles de toute l'année 1941, et le tonnage coulé par les sous-marins dépasse 3 millions de tonneaux. C'était l'effet de l'entrée en guerre de États-Unis, qui permettait au vice-amiral Doenitz de lancer l'opération Paukenschlag (Coup de cymbales), c'est-à-dire de porter la guerre sous-marine jusqu'aux côtes américaines[165].

Le premier MAC mis en service fut le MV Empire MacAlpine.

Les délais pour disposer des porte-avions d'escorte commandés au titre du Prêt-Bail conduisent l'Amirauté britannique à réexaminer les projets de “porte-avions marchands”, c'est-à-dire la possibilité de doter certains cargos d'un pont d'envol, sans les retirer du trafic commercial, à un moment où les U-Boots prélèvent un tribut très élevé sur le tonnage marchand disponible. Le problème n'est pas simple, l'Amirauté estimait que ces cargos auraient un pont d'envol bien court et une vitesse bien faible pour faire décoller des chasseurs. De surcroît, il devait s'agir de vraquiers, c'est-à-dire de navires qui n'ont pas besoin de mâts de charge, que l'adjonction d'un pont d'envol supprimerait, mais la question se pose pour les pétroliers, compte tenu de la nature inflammable de leur cargaison et de la faiblesse habituelle de leur franc-bord. Se pose aussi la question du statut de l'équipage des « MAC », car si ces navires continuent à porter l'enseigne rouge (Red Ensign) de la marine de commerce et non pas l'enseigne blanche (White Ensign) de la Royal Navy, il ne faut pas que leurs équipages soient susceptibles d'être traités comme des « francs-tireurs ».

Nécessité faisant loi, en , on décida de construire des cargos vraquiers en « merchant aircraft carriers ». Le premier construit, le MV Empire MacAlpine, a été lancé en et achevé en , et le dernier de cette première série de six a été achevé en . Déplaçant 8 000 tonnes, long de 126 m à 130 m, larges de 19 m, ils embarquaient quatre “Swordfishes”, avaient un îlot à tribord et leurs diesels leur permettaient de filer 12½ nœuds. En , ce furent quatre pétroliers dont on décida la construction en « merchant aircraft carriers ». Un peu plus lourds, déplaçant 9 000 tonnes, ils ne filaient que 11 nœuds. Mais surtout, on renonça à les doter d'un hangar d'aviation, de sorte qu'ils n'ont embarqué que trois avions, parqués sur le pont d'envol. Les travaux n'ont commencé qu'en , de sorte qu'ils ne sont entrés en service qu'en octobre-. Leur nom a comporté le préfixe Empire, comme il était habituel pour les bâtiments appartenant au Ministère du Transport de Guerre et commençait toujours par Mac[166]. Au début de 1943, neuf pétroliers de l'Anglo-Saxon Petroleum Company, la compagnie de transport maritime de la Royal-Deutch “Shell”, ont été transformés en « MAC », qui ont constitué la sous-classe Rapana[167]. Ils sont entrés en service en tant que « MAC » entre et .

L'U-505 peu de temps après sa capture par l'USS Guadalcanal (4 mai 1944).

Finalement, si la bataille de l'Atlantique a été à l'origine de la conception des porte-avions d'escorte, et des « MAC », d'autres éléments ont permis de réussir à contenir les assauts des U-Boots, comme les progrès de la technologie du radar, passant des longueurs d'onde métriques aux longueurs d'onde centimétriques, ou les travaux de recherche opérationnelle du Professeur P.M.S. Blackett sur la taille optimale des convois. On doit aussi citer la mise en service des “Liberators” VLR (à très grand rayon d'action), ou la mise au point des grenades anti-sous-marines largables par avions[168].

Mis en service alors que l'issue de la bataille de l'Atlantique est acquise, après , les porte-avions d'escorte intégrés dans des groupes hunter-killer voient leurs attaques couronnées de succès. Le , l'U-569 est le premier sous-marin allemand perdu après une attaque de l'aviation embarquée d'un porte-avions d'escorte, l'USS Bogue. Le , les avions de l'USS Card coulent trois sous-marins d'un coup. Le bâtiment terminera la guerre avec huit victoires à son actif, contre dix pour l'USS Bogue. Le , l'USS Guadalcanal arraisonne et capture l’U-505 au large de l'Afrique-Occidentale française[169]. Le décryptage des codes allemands et l'aide des bombardiers à long rayon d'action B-24 Liberator permet d'avril à septembre 1943 aux porte-avions d'escorte d'envoyer par le fond 33 U-Boote (et d'aider à en couler 12 autres) dans l'Atlantique et 14 dans l'Arctique.

Années charnières, 1942-1943[modifier | modifier le code]

Après avoir reçu trois torpilles de l’U-331, le cuirassé HMS Barham explose le .

Lorsque s'achève l'année 1941, la situation terrestre en Afrique du Nord est plutôt favorable aux Britanniques : le général Cunningham a réussi avec l'opération Crusader à faire lever le siège de Tobrouk et à repousser les forces italo-allemandes en Cyrénaïque, jusqu'à El Agheila, à l'ouest de Benghazi. Mais la situation navale est proche de la catastrophe. Moins de quinze jours après la perte du HMS Ark Royal, le cuirassé HMS Barham s'est volatilisé, torpillé par l’U-331 (). En Méditerranée orientale, à la première bataille du golfe de Syrte (), les croiseurs du contre-amiral Vian n'ont pas cédé devant les cuirassés italiens et le HMS Breconshire est parvenu à Malte. En revanche, les cuirassés HMS Queen Elizabeth et Valiant ont été immobilisés en rade d'Alexandrie par les “hommes-grenouilles” de la “Decima MAS”. Les porte-avions HMS Formidable et Indomitable, quant à eux, doivent rejoindre la Flotte Britannique d'Orient (Eastern Fleet), emmenant le vice-amiral Somerville nommé à sa tête[170] Il n'y a donc plus de porte-avions britannique récent en Méditerranée.

Convois de Malte et de Russie[modifier | modifier le code]

Au début de 1942, le renforcement de Malte, qui permet aux Britanniques d'attaquer les convois qui assurent l'approvisionnement des troupes de l'Axe en Libye, est plus que jamais une priorité. L'île subit des bombardements intenses, 262 raids pendant le seul mois de janvier, de la part du II. Fliegerkorps (2e Corps Aérien de la Luftwaffe) basé en Sicile. Deux petits convois de deux cargos ont réussi à passer en janvier. Un troisième convoi a échoué à la mi-février. Aucun « Club Run » n'a pu être effectué, avant le lâcher de quinze “Spitfires” par le HMS Eagle le . Un convoi plus important a donné lieu à la seconde bataille du golfe de Syrte, le , où le contre-amiral Vian a réussi à faire échapper quelques cargos aux cuirassés italiens, mais, cette fois, le HMS Breconshire a été coulé, et 5 000 tonnes d'approvisionnements seulement sur 25 000 sont parvenues à bon port. Le , l'USS Wasp qui avait rejoint la Home Fleet, est allé en Méditerranée occidentale, escorté du HMS Renown, lâcher 47 “Spitfires” Mk V pour renforcer Malte. Tous ces chasseurs ont été surpris et détruits, aussitôt arrivés, par de violents bombardements aériens. L'USS Wasp est donc retourné le , accompagné du HMS Eagle (Opération Bowery), lâcher une soixantaine de chasseurs qui, cette fois, ont accueilli comme il se devait, les raids aériens ennemis. Après quoi, le porte-avions américain est parti rejoindre la Flotte américaine du Pacifique[171].

Le général Rommel étant repassé à l'offensive fin janvier, Benghazi est tombé et les Italo-Allemands ont attaqué Gazala et entrepris de contourner Tobrouk, à la bataille de Bir Hakeim (-). Tobrouk tombe le , les Britanniques ont dû continuer à se replier. Aussi bien le maréchal Kesselring, qui était chargé de l'opération Herkules (le débarquement à Malte), le général Rommel, qui a demandé que le II.Fliegerkorps fût mis à sa disposition pour appuyer son offensive, que le Fuhrer lui-même, ont estimé que Malte n'avait plus de valeur stratégique, dès lors que l'Afrikakorps allait atteindre le Canal de Suez. Mais ce n'était pas la position britannique.

Convois de Malte de mi-juin 1942, opérations Vigorous et Harpoon[modifier | modifier le code]

Les moyens aériens de Malte ayant été reconstitués par le “club run” de mai, deux opérations simultanées ont été organisées par les Britanniques pour assurer le réapprovisionnement de l'île, notamment en carburant, et lui permettre d'attaquer les lignes de communications maritimes entre Naples et Tripoli et entre Tarente et Bengazi.

L'une, l'opération Vigorous, consistait à envoyer un convoi de onze cargos, dont un pétrolier, depuis Port-Saïd et Haïfa. Dans l'escorte de huit croiseurs et 26 destroyers, aux ordres du contre-amiral Vian, il y avait quatre destroyers australiens de la classe N et deux grands croiseurs légers Newcastle et Birmingham[172] arrivant de l'océan Indien, où les deux porte-avions, HMS Formidable et Indomitable couvraient l'attaque britannique contre Madagascar.

Sachant que la Flotte britannique de Méditerranée ne disposait plus de cuirassé, ni de porte-avions, sitôt le convoi repéré dès son appareillage le , la Supermarina a fait appareiller de Tarente une force navale comprenant notamment les cuirassés Littorio et Vittorio Veneto, deux croiseurs lourds et deux croiseurs légers. L'aviation allemande et italienne, et des vedettes- lance-torpilles, ont attaqué le convoi dans « l'allée des bombes », coulant deux cargos et endommageant le croiseur HMS Newcastle, tandis qu'une escadrille de “Wellingtons” et des “Beauforts” venus de Malte, attaquaient l'escadre italienne et torpillaient un croiseur lourd. Le vice-amiral Harwood[173] a signalé au contre-amiral Vian de faire demi-tour, en attendant que l'aviation anglo-américaine, notamment des “Liberators” basés en Égypte, aient arrêté l'escadre italienne, ce qui ne fut pas le cas. Aussi dans la soirée du , la décision a été prise de rebrousser chemin définitivement, pour éviter, le 16 au matin, une rencontre entre les deux escadres qui aurait pu durer seize heures, par temps clair, alors que les navires britanniques avaient déjà fait une consommation de munitions anti-aériennes « effroyable », de sorte que les destroyers n'auraient plus eu assez de munitions pour atteindre Malte[174],[175].

L'opération Harpoon consistait à faire passer cinq cargos et le grand pétrolier américain SS Kentucky[176] de Gibraltar à Malte. Un croiseur léger antiaérien et neuf destroyers constituaient l'escorte rapprochée (Force X), mais une couverture éloignée était assurée par le cuirassé ancien HMS Malaya, deux grand croiseurs légers, un croiseur anti-aérien, et les deux porte-avions anciens HMS Eagle et HMS Argus, avec seize Sea Hurricanes, huit “Fulmars” et dix-huit “Swordfishes” (Force W, aux ordres du Vice-amiral Curteis, Commandant-en-second de la Home Fleet). La Supermarina choisit d'attaquer au sud de la Sardaigne, avec l'aviation basée à terre, et se heurta à l'aviation embarquée, un cargo fut coulé et un grand croiseur léger fut endommagé. La force de couverture fit demi-tour au large de Bizerte, et lorsque le convoi eut doublé le cap Bon, il fut attaqué par une division de deux croiseurs légers, dans le canal de Sicile, à proximité de l'île de Pantelleria. L'escorte étant dominée, le convoi dut être dispersé, et sous les attaques incessantes de l'aviation italo-allemande, deux cargos et le SS Kentucky furent coulés. Deux cargos seulement, sur cinq, réussirent à atteindre Malte. Le Gouverneur avertit Londres que l'île ne disposait toujours que de sept semaines de carburant.

Premiers convois de Russie[modifier | modifier le code]

Ne pas traiter distinctement des convois de Russie et des convois de Malte ne répond pas seulement au respect de la chronologie. Il s'agit aussi de montrer que malgré la distance, il ne s'agissait pas de théâtres d'opérations dotés chacun de leurs moyens, mais les responsables de la Royal Navy, le Premier Lord de la Mer comme le Commandant en-Chef de la Home Fleet devaient sans cesse arbitrer entre les priorités et les équipages passer des rigueurs arctiques aux chaleurs méditerranéennes.

Très vite après l'attaque allemande contre l'Union soviétique, le bénéfice du Prêt-Bail fut accordé à ce pays et un système de convois a été mis en place pour livrer du matériel de guerre, en utilisant la route de l'Islande à Mourmansk et Arkhangelsk.

Les premiers convois de l'été 1941 sont passés sans encombre, mais la situation s'est dégradée au début de 1942. Alors que les attaques contre les convois étaient jusqu'alors le fait des U-boote, de l'aviation et des destroyers allemands, le Tirpitz et les croiseurs lourds Admiral Scheer, Lützow, et Admiral Hipper sont arrivés en Norvège en février-mars.

Le Tirpitz, portant la marque du vice-amiral Ciliax, n'a pas réussi, au début de mars, à intercepter les convois PQ-12 (Reykjavik-Mourmansk) et QP-8. Le , il a été repéré et attaqué sans résultats par l'aviation embarquée du porte-avions HMS Victorious. Le résultat de cette attaque a beaucoup affecté l'amiral Tovey, Commandant-en-Chef de la Home Fleet, mais elle a eu des conséquences lointaines, car elle a conduit Hitler à interdire ultérieurement l'engagement du Tirpitz, si la menace de l'aviation embarquée britannique n'était pas écartée avec certitude[177].

La perte de deux grands croiseurs qui avaient fait, de bout en bout, partie de l'escorte des convois PQ-13 et QP-11, a conduit l'Amirauté britannique à réorganiser la protection des convois : elle a distingué l'escorte immédiate, constituée de petites unités, la couverture rapprochée, constituée d'une escadre de croiseurs lourds et de grands croiseurs légers, qui accompagnerait les convois jusqu'à la ligne Spitzberg-Île aux Ours-Mourmansk, et la couverture éloignée, constituée d'une escadre de grands bâtiments, cuirassés et porte-avions, positionnée vers l'île Jan Mayen, pour intercepter les grands bâtiments allemands stationnés en Norvège, et les empêcher de déboucher dans l'Atlantique[178].

En avril, l'U.S. Navy détacha auprès de la Home Fleet la TF.39, aux ordres du contre amiral Giffen. Constituée autour du cuirassé USS Washington et des croiseurs lourds USS Wichita et Tuscaloosa, celle-ci a participé à la couverture éloignée des convois PQ-15 et PQ-16[179].

Le convoi PQ-16, du 21 au , a perdu sept navires de charge sur trente-quatre, mais six de ceux-ci ont été coulés par l'aviation. En effet, l'attaque par les sous-marins, en meutes en surface, était trop risquée aux latitudes polaires pendant une période où les nuits étaient très courtes[180]. Comme plus de vingt-cinq cargos du convoi PQ-16 étaient arrivés à bon port, le Grand-amiral Raeder exposa à la mi-juin à Adolf Hitler son projet d'attaquer le convoi suivant avec les navires de surface. Ce serait l'opération Rösselsprung (« le saut du Cavalier »). Hitler maintint son exigence que le Tirpitz ne soit pas engagé tant que la Luftflotte 5 n'aurait pas écarté la menace de l'aviation d'assaut embarquée britannique[181].

Comme l'aviation soviétique basée à terre se montrait incapable de contrer la Luftwaffe et que le Coastal Command britannique s'était vu refuser par le Comité des Chefs d'État-Major britanniques l'autorisation de baser quelques escadrilles autour de Mourmansk[182], l'amiral Tovey a demandé la suspension des convois pendant l'été. Mais tant Staline que le président des États-Unis ont fait pression sur le Premier ministre britannique Winston Churchill pour les maintenir, et même accroître le nombre des navires qui les composaient[183].

Fatale décision de dispersion du convoi PQ-17[modifier | modifier le code]

Un nouveau convoi, le PQ-17, prévu pour la mi-juin, eut son départ reporté à la fin juin, car les croiseurs et destroyers de la Home Fleet étaient alors engagés dans les opérations de ravitaillement de Malte de la mi- (l'opération Harpoon en particulier), que l'on a évoquées plus haut. Ainsi, le grand croiseur léger HMS Liverpool et les destroyers HMS Blankney, Escapade, Icarus, Middleton et Onslow, qui faisaient partie de l'escorte du convoi PQ-16 fin mai, ont fait partie de l'escorte du convoi de l'opération Harpoon, à la mi-juin en Méditerranée. À l'exception du croiseur HMS Liverpool, très endommagé le , et du destroyer HMS Icarus, qui a participé à l'opération Pedestal à la mi-août, ils sont revenus fin juin dans l'Arctique pour escorter le convoi PQ-17[184].

L'annonce par les services de renseignements à la fin juin d'une intervention des grands navires allemands inquiéta beaucoup le Premier Lord de la Mer, Sir Dudley Pound, qui ignorait les réticences d'Hitler. Dans une conversation téléphonique avec l'amiral Tovey, les deux amiraux tombèrent d'accord sur le fait qu'il ne fallait pas risquer les croiseurs de la force de couverture à l'est du cap Nord, en raison de la supériorité aérienne allemande dans cette zone, et le Premier Lord fit part de son intention de donner l'ordre au convoi de se disperser, s'il venait à être menacé par de grands navires de surface[185].

Les croiseurs lourds USS Wichita et HMS London escortant le convoi PQ-17.

Le convoi PQ 17, 34 cargos et pétroliers, quitta Reykjavik le . Outre les destroyers, corvettes, et dragueurs de mines habituels de l'escorte immédiate, la force de couverture rapprochée, aux ordres du contre-amiral Hamilton, comptait quatre croiseurs lourds, dont deux américains, et la force de couverture éloignée comportait les cuirassés HMS Duke of York, navire amiral de l'amiral Tovey, et l'USS Washington, portant la marque du contre-amiral Giffen, deux croiseurs (HMS Cumberland et HMS Nigeria, aux ordres du contre-amiral Burrough) et le porte-avions HMS Victorious, portant la marque du vice-amiral Fraser. Le convoi prit une route très au nord, pour entrer en mer de Barents au nord de l'île aux Ours.

Le convoi ayant été repéré le 1er juillet, les grands navires allemands quittèrent leurs mouillages le , cap au nord[186], en attendant l'ordre d'attaquer, pour lequel il fallait l'accord d'Hitler, tandis que le convoi subissait ses premières attaques de l'aviation et des sous-marins. Le 3, l'Amirauté britannique apprit que les navires allemands avaient quitté leur mouillage[186], et dans la crainte d'une attaque du Tirpitz, l'ordre fut donné par le Premier Lord de la Mer au contre-amiral Hamilton dans la soirée du , de « se retirer vers l'ouest à grande vitesse », bientôt suivi de l'ordre au convoi de « se disloquer pour gagner les ports russes », puis « ordre de se disperser ». Les destroyers d'escorte ont donc, après l'ordre de dispersion du convoi, rallié les croiseurs, ne laissant avec le convoi que les corvettes, dragueurs, chalutiers, et deux petits navires anti-aériens[187]. Cette tactique se justifiait en cas d'attaque de forces de surface très supérieures, et cela avait permis en au croiseur auxiliaire HMS Jervis Bay de sauver 31 navires sur les 36 du convoi pour lequel il s'était sacrifié[186]. Mais dans la circonstance, les navires ne pouvaient pas se disperser vers le nord, où ils allaient se heurter très vite à la banquise, et surtout le retrait de l'escorte laissait le champ libre aux sous-marins qui n'avaient plus à craindre l'attaque des destroyers, et facilitait grandement l'attaque de l'aviation, qui n'avait plus à affronter le feu concentré d'un convoi bien groupé[188].

La situation du convoi a très vite évolué de façon catastrophique. Dès le , dix navires avaient été coulés. Du côté allemand, Hitler, informé que les croiseurs avaient mis cap à l'ouest, et que les cuirassés et le porte-avions HMS Victorious se trouvaient à 450 nautiques dans le sud-ouest, donna, le 5 peu avant midi, l'autorisation d'un raid-éclair en mer de Barents. Le Tirpitz, l'Admiral Scheer et l'Admiral Hipper quittèrent aussitôt l'Altenfjord, cap au nord, puis mirent à 17 h cap à l'est, où ils ont été très vite repérés par des sous-marins. Dès que les résultats exceptionnels des attaques des sous-marins et des avions contre le convoi PQ-17 furent connus, le cuirassé et les croiseurs lourds allemands furent rappelés vers 21 h 30, au grand désappointement de l'amiral Schniewind, responsable de la conduite de l'opération[189].

Pour les navires du convoi, l'hécatombe a continué, malgré la pugnacité et l'héroïsme des équipages des navires d'escorte, en particulier des navires anti-aériens. Onze navires seulement arrivèrent à Arkhangelsk, après avoir longé la banquise et les côtes de la Nouvelle-Zemble, les premiers vers le , et les derniers le , que le commodore Dowding, responsable du convoi était parti rechercher[190].

Au total, treize navires ont été coulés par deux cents avions, dix ont été coulés par des sous-marins, 57 000 tonnes ont été déchargées sur les 156 500 tonnes embarqués ; 430 chars, 210 avions et 3 350 véhicules sont allés au fond de l'eau[191].

Ce fut une grande victoire allemande, sans tirer un seul coup de canon des grands navires de surface, et sans avoir eu à affronter l'aviation embarquée britannique.

L'Amirauté britannique obtint l'arrêt des convois de Russie, pendant le mois d', les moyens de la Home Fleet étant accaparés par l'opération Pedestal en Méditerranée, tandis qu'à la mi-août également, l'USS Washington était appelé à rejoindre le Pacifique, où venait d'avoir lieu le débarquement américain à Guadalcanal.

Convoi de Malte de la mi-août 1942, opération Pedestal[modifier | modifier le code]

L'offensive allemande du printemps1942 a atteint Sidi Barrani le et Marsa Matrouh le , mais s'est arrêtée à El-Alamein. Le général Rommel, qui sera promu Generalfeldmarschall le , obtient d'Hitler que soit différée l'attaque sur Malte, et la division italienne de parachutistes Folgore qui devait y participer est envoyée en renfort sur le front égyptien : la priorité est l'attaque d'Alexandrie, où le vice-amiral Harwood organise le repli de la base navale sur Port-Saïd, Haïfa et Beyrouth[192]. Mais la ligne d'approvisionnement des forces terrestres italo-allemandes est soumise aux attaques des “Beauforts” de Malte et des “Liberators” américains basés en Égypte. Elle est aussi très longue, par voie terrestre depuis Benghazi, alors que les capacités portuaires de Tobrouk sont faibles et que la flotte italienne, en raison de la pénurie de carburant, ne peut pas se renforcer en Méditerranée orientale, pour ouvrir une nouvelle voie, vers la Cyrénaïque, par la mer Égée[193].

Vue des HMS Indomitable et HMS Eagle depuis l’HMS Victorious durant l’opération Pedestal (août 1942).

L'opération Pedestal, conçue dès le début juillet, a consisté à organiser un nouveau convoi vers Malte depuis Scapa Flow, passant par Gibraltar, pour la mi-août, d'une importance un peu supérieure à celle du convoi de la mi-juin, quatorze navires marchands, avec un grand pétrolier, le SS Ohio de construction américaine, mais sous pavillon et avec un équipage britanniques. L'escorte a toutefois été accrue, avec les deux plus puissants cuirassés de la Home Fleet, les HMS Nelson et Rodney, trois porte-avions, le HMS Eagle et deux porte-avions “blindés”, le porte-avions de la Home Fleet, HMS Victorious, et le HMS Indomitable, qui a été rappelé de l'océan Indien, et sept croiseurs (trois grands croiseurs légers et quatre croiseurs anti-aériens, trois récents et un ancien). Le contre-amiral Syfret[194] avait sa marque sur le HMS Nelson, et la force de couverture rapprochée, aux ordres du contre-amiral Burrough sur le HMS Nigeria, avait été renforcée pour pouvoir faire face à une attaque de grands bâtiments de surface, à la fin du parcours, comme cela avait été le cas lors de l'opération Harpoon, à la mi-juin. Au dernier moment, le HMS Furious, transportant 36 “Spitfires” destinés à la Royal Air Force à Malte avait été ajouté à l'escadre, après le départ de Scapa Flow.

Le porte-avions HMS Eagle torpillé par un sous-marin au cours de l'Opération Pedestal, le 11 août 1942.

Entré en Méditerranée, le convoi se ravitaille à la mer, auprès de pétroliers auxiliaires de la Flotte, car il n'y a pas assez de carburant à Malte, pour y effectuer cette opération. Du côté des forces de l'Axe, plusieurs barrages de sous-marins ont été déployés en Méditerranée occidentale, ainsi au large d'Alger, le porte-avions HMS Eagle est torpillé et coulé par l'U-73, le [195]. Le HMS Furious a pu lancer ses chasseurs vers Malte, avant de mettre le cap sur Gibraltar. Les attaques aériennes ont été continuelles dans la journée du . Vers 18 h 30, une centaine d'avions ont attaqué, le pont d'envol du porte avions HMS Indomitable a reçu trois bombes[195], ses avions ont dû être accueillis sur le HMS Victorious. Vers 19 h les cuirassés et les porte-avions de la force de couverture éloignée ont fait demi-tour, à hauteur de Bizerte, comme prévu. Avant d’atteindre Malte, le convoi a été de nouveau attaqué, toujours par l'aviation, mais aussi par des sous-marins, et par des vedettes lance-torpilles. Les pertes sont très lourdes, le navire amiral du vice-amiral Burrough et le HMS Kenya sont gravement endommagés et doivent regagner Gibraltar, le petit croiseur anti-aérien ancien HMS Cairo, et le grand croiseur léger HMS Manchester sont coulés. Le vice-amiral Syfret doit envoyer le croiseur HMS Charybdis et plusieurs destroyers en renfort.

La pénurie de carburant a conduit le haut-commandement de la Regia Marina à renoncer à engager les cuirassés italiens, mais six croiseurs sont à la mer, le au soir pour attaquer le lendemain matin. Cependant il leur faut une couverture aérienne, pour les protéger de l'aviation de Malte, toute proche, où 180 appareils ont été repérés. Mais les aviateurs et parmi eux le maréchal Kesselring, refusent cette couverture, qui absorberait tous les moyens de la chasse et ne permettrait donc pas de fournir d'escorte aux bombardiers. Les aviateurs, italiens autant qu'allemands, ne veulent pas laisser les lauriers de la victoire aux marins. L'affaire est soumise au Duce, les croiseurs doivent rentrer au port[196]. Finalement sous la protection de l'aviation de Malte, cinq cargos seulement vont, tout de même, arriver à Malte, ainsi que le pétrolier SS Ohio, en si mauvais état qu'il ne reprendra jamais plus la mer, mais sa cargaison d'essence sera déchargée[197].

C'est un succès tactique pour les forces de l’Axe, les Italiens en parlent comme de la Vittoria di mezz'agosto (la victoire de la mi-août). Néanmoins, une fois les sous-marins et les “Beauforts” et “Beaufighters” basés à Malte ravitaillés, ils vont perturber l’approvisionnement de l’Afrika Korps de Rommel, tandis que la VIIIe Armée britannique reçoit un approvisionnement formidable par la route du Cap et de la Mer Rouge. Fin août, lorsque le maréchal Rommel attaque à Alam el Halfa (30-), il est tenu en échec, par le manque de carburant de ses unités blindées[198].

Convois de Russie à l'automne 1942[modifier | modifier le code]

En attendant le grand choc prévisible à l'automne en Égypte, il était possible de céder aux représentations pressantes de Staline pour reprendre les convois de Russie.

La principale leçon du calamiteux convoi PQ-17 était la nécessité d'accompagner le convoi en mer de Barents, à l'est de la ligne Spitzberg-Île aux Ours-Mourmansk, et donc de contester la supériorité aérienne allemande des quelque 200 appareils de la Luftwaffe opérant à partir des aérodromes de Kirkenes, de Banak et de Petsamo, pour permettre aux croiseurs de la force de couverture rapprochée de repousser les grands bâtiments de surface allemands et aux destroyers d'attaquer les sous-marins. En l'absence d'un grand porte-avions dans la force de couverture éloignée (le HMS Victorious devant subir des opérations de maintenance), un porte avions d'escorte, HMS Avenger embarquant douze Sea Hurricanes et trois Sworfishes anti sous-marins fut incorporé à l'escorte, avec dix-huit grands destroyers, considérés comme constituant le meilleur moyen de dissuader les Allemands de faire sortir leurs grands bâtiments de surface. Le Coastal Command fut, de son côté, autorisé, cette fois, à implanter, sur les aérodromes de Vaenga et de Grasnaya, une escadrille de Catalinas, quatre Spitfires pour la reconnaissance et deux groupes de bombardiers-torpilleurs, soit une trentaine de Hampdens, pour l'attaque des bâtiments de surface. Vingt-trois appareils arrivèrent le de Grande-Bretagne, neuf se perdirent ou furent abattus[199].

Vu du pont du porte-avions d'escorte HMS Avenger, le cargo de munitions SS Mary Luckenbach touché par une bombe d'avion se volatilise, le 13 septembre.

Le , les quelque quarante cargos du convoi PQ 18 appareillèrent d'Écosse, et non plus d'Islande, pour tromper les reconnaissances allemandes, et furent ralliés entre le 7 et le 9, par l'escorte qui comptait cinquante navires dont la moitié de destroyers. Repéré dès le 8, le convoi fut attaqué sans discontinuer pendant six jours du 12 au par l'aviation et, dans une moindre mesure, par les sous-marins, et treize navires furent détruits, mais le convoi conserva cependant sa cohésion[200]. Bien que les avions du HMS Avenger eussent été surclassés par les avions de la Luftwaffe, les dispositions prises furent jugées acceptables par l'amiral Tovey.

L'escorte prit ensuite en charge le convoi QP 14, quinze cargos qui étaient majoritairement des rescapés du convoi PQ-17. Le Grand-amiral Raeder avait résolu de réserver l'attaque, par des bâtiments de surface, contre les convois « rentrants » comme le QP-14, mais les objurgations de prudence d'Hitler et le grand nombre des destroyers de l'escorte, le conduisit à renoncer à cette attaque. Mais trois cargos et un grand destroyer furent encore perdus, principalement sous les coups des sous-marins. Au total pour ces deux convois, les Allemands ont perdu 33 bombardiers-torpilleurs, six bombardiers en piqué, deux avions de reconnaissance à long rayon d'action, quatre sous-marins coulés et cinq endommagés, ce qui leur parut assez cher payé[201]. Les convois de l'Arctique furent une seconde fois suspendus, parce que, cette fois, la Home Fleet devait consacrer l'essentiel de ses moyens à l'opération Torch de débarquement en Afrique du Nord française.

Débarquements en Afrique du Nord et en Italie[modifier | modifier le code]

À la bataille d'El-Alamein (-), le maréchal Rommel a été contraint à une retraite rapide. Les Alliés vont alors exécuter l’opération Torch, c’est-à-dire les débarquements alliés au Maroc et en Algérie. L’ensemble des troupes terrestres est placé sous la responsabilité du général Dwight Eisenhower tandis que les forces navales sont commandées par l’amiral Sir Andrew Cunningham avec pour adjoint l’amiral Sir Bertram Ramsay, concepteur de l’opération à partir des notes du colonel Germain Jousse, membre de l'organisation de résistance d'Alger. Les forces comprennent 107 000 hommes, 200 bâtiments de guerre (dont 12 porte-avions), 110 navires de transport et 500 avions.

Le HMS  Formidable, pendant l'opération Torch, au sein de la Force H, derrière les HMS Duke of York, Nelson et Renown.

Le , deux importants convois ont franchi le détroit de Gibraltar, rassemblant un cuirassé, cinq porte-avions et cinq croiseurs. L'Amirauté française a pensé qu'il s'agissait de convois vers Malte[202], les Allemands ont pensé à un débarquement en Provence, et la Supermarina y a vu l'imminence d'un débarquement en Algérie, auquel la Regia Marina était totalement incapable de s'opposer avec ses seuls moyens[203]. Mais un troisième convoi, qui a traversé l'Atlantique, en passant au sud des Açores, sans être détecté, approchait des côtes du Maroc, avec un cuirassé moderne, deux cuirassés anciens, cinq porte-avions, trois croiseurs lourds et quatre grands croiseurs légers.

Ces forces avaient pour mission d'établir neuf têtes de pont sur près de 1 500 km de côtes.

Dans le port d'Alger, encombré de navires britanniques, on distingue à l'arrière-plan, le HMS Formidable.

Les combats contre les Français cessent au bout de trois jours. Ces opérations se sont déroulées dans un climat de grande confusion, tant sur le terrain, où l'efficacité de la Résistance a été très inégale (à Alger, l'amiral Darlan et le général Juin ont été neutralisés, alors qu'au Maroc, les initiatives du général Béthouart ont échoué), qu'au niveau des autorités politiques d'Alger et de Vichy. Au total les pertes de la Marine française, en bâtiments, ont été sensibles (un croiseur léger, 10 contre-torpilleurs et torpilleurs, 14 sous-marins), avec des pertes humaines équivalentes à celles de Mers el-Kébir[206]), mais les Allemands ont pu occuper la région de Tunis et la base de Bizerte. Le reste des forces françaises d'Afrique du Nord rallie les Alliés, suivi dans les six mois de toutes les forces françaises outre-mer, à l'exception de l'Indochine, occupée par les Japonais.

En novembre et décembre, des convois sont parvenus sans encombre à Malte, et au début de 1943, la supériorité aérienne alliée en Méditerranée occidentale a permis d'attaquer les convois entre l'Italie et la Tunisie, où étaient acculées les forces italo-allemandes. En juillet, les débarquements en Sicile (Opération Husky), au cap Passero et à Gela, se font faits sans participation des porte-avions, non sans difficultés.

En , à un moment où les porte-avions américains n'ont pas encore couvert de débarquement dans le Pacifique central[207] les porte-avions britanniques vont jouer un rôle important comme force de couverture du débarquement de Salerne, qui va permettre aux Alliés de prendre à revers les troupes allemandes qui s'opposent à la progression de la VIIIe Armée qui a été la première à reprendre pied sur le continent européen, en franchissant le détroit de Messine. Comme les avions basés en Sicile ont un rayon d'action un peu court pour intervenir au sud de Naples, c'est une force de cinq porte-avions, le HMS Unicorn, et les HMS Battler, Attacker, Hunter, et Stalker, aux ordres du vice-amiral Vian qui va assurer la couverture aérienne rapprochée, jusqu'à la mise en service d'un terrain d'aviation à Paestum[208].

Lors du débarquement de Provence (Opération Dragoon), en , une Task Force 88, aux ordres du contre-amiral Troubridge, a participé à la couverture de l'opération. Elle comprenait notamment neuf porte-avions d'escorte HMS Pursueur, Searcher, Attacker, Emperor, Khedive, USS Tulagi, Kasaan Bay, HMS Hunter, et Stalker.

Fin de la Kriegsmarine (1943-1945)[modifier | modifier le code]

En conclusion, on observera que la dernière attaque de porte-avions de la Fleet Air Arm contre le Tirpitz (Opération Tungsten, en ), avec des bombes perforantes de 725 kg, ne fut pas concluante. Ce furent des bombardiers Avro Lancasters du Bomber Command, avec des bombes Tallboy de 5 tonnes qui l'ont fait chavirer le . Près de trois semaines auparavant, le , les porte-avions rapides de la IIIe Flotte américaine avaient coulé le Musashi qui ne le cédait en rien au Tirpitz.

Derniers projets allemands, italiens, français, espagnols et soviétiques, pendant la guerre[modifier | modifier le code]

Les batailles dans l'océan Atlantique et en Méditerranée ont révélé le rôle central du porte-avions.

Si la Grande-Bretagne étend et diversifie ses programmes de porte-avions pour répondre à la situation, faisant même appel aux États-Unis, les marines de l'Europe continentale, jusqu'ici attachées aux cuirassés, lancent alors de nombreux projets. La situation du moment ne permettra pas toujours de les réaliser.

Allemagne[modifier | modifier le code]

L'évolution de la Kriegsmarine, sous les sollicitations contradictoires d'Hitler et les nécessités divergentes des théâtres d'opérations, est assez erratique[209]. Après l'arrêt de la construction du Graf Zeppelin en 1940 pour cause d'effort de guerre, deux projets sont étudiés, le type A1 de 37 000 tonnes puis un croiseur porte-avions sur le modèle du Gotland suédois, sans suite.

À la suite du bombardement du Tirpitz par les avions du Victorious, l'amiral Raeder plaide en devant Hitler le besoin d'une aéronautique navale à même de protéger la flotte. La construction du Graf Zeppelin est relancée, cinq conversions de navires sont projetées, le paquebot Europa de 56 000 tonnes, les transports Elbe et Jude de 23 500 tonnes, les croiseurs allemands Seydlitz et français De Grasse toujours sur cale.

L'Oberkommando der Marine croit devoir de faire du porte-avions le pivot de la Flotte. Il envisage une série de navires légers d'environ 20 000 tonnes, un type de navire lourd à pont blindé de 58 000 tonnes et deux types de croiseurs porte-aéronefs, l'un de 10 000 à 30 000 tonnes et l'autre de bataille. La suite de la guerre et la baisse continue des fournitures d'acier balayent ces projets.

Italie[modifier | modifier le code]

Le "Porte-avions Italie" n'a pas empêché le bombardement des côtes par la flotte française en juin 1940, protégé les bateaux italiens à Tarente en ou bloqué le ravitaillement de Malte. La Regia Marina revoit ses plans pour offrir une couverture aérienne à ses navires[210].

Le paquebot Roma est déjà réquisitionné à la fin de 1940 pour devenir un transport d'avions, mais la défaite du Cap Matapan décide de sa transformation en porte-avions d'escadre en . Il devient l'Aquila de 27 000 tonnes, filant 30 nœuds, et équipé de 50 appareils et sert aux essais des avions italiens navalisés (Reggiane Re.2001, Fiat G.50 Freccia, CA 164...) ainsi que leurs alter-ego allemands (Arado Ar 96, Junkers Ju 87 Stuka...).

La dégradation continue de la situation entraîne la transformation du paquebot MS Augustus en Sparviero à partir de , sister-ship du Roma, mais sous une forme plus limitée faute de temps. Au même moment, le croiseur lourd Bolzano est étudié comme base de porte-aéronefs, tout comme le Foch français, sabordé à Toulon et que les autorités italiennes envisagent de renflouer.

L'invasion de l'Italie entraîne l'arrêt des travaux. Le Bolzano est coulé en , les Allemands bloquent l'entrée du port de Gênes avec le Sparviero et l'Aquila subit des dommages en .

France[modifier | modifier le code]
Le HMS Biter sous pavillon britannique.

La marine française a pu apprécier en la puissance de l'aéronavale à Mers-el-Kébir et Dakar, la flotte britannique immobilisant pour de longs mois deux de ses meilleurs éléments, les cuirassés Dunkerque et Richelieu. De nombreux projets fleurissent pour répondre à cette nouvelle donne, mais la séparation de l'empire français en deux camps donne une situation contrastée[211].

  • Vichy

La marine française est un des rares éléments de puissance dans la main de l'État français qui lui permette de négocier avec l'Axe. Le chef de la marine, l'amiral Darlan essaie de préserver cet outil et obtient de l'amiral Raeder l'arrêt du démantèlement du Joffre en . Mais ce porte-avions apparaît comme insuffisant et différents projets sont étudiés (PA 17 à 26), allant du porte-avions léger d'escorte au navire d'escadre de 80 000 tonnes, en passant par des variantes du Joffre ou de porte-aéronefs cuirassés sur la base des Dunkerque ou Richelieu. Ces travaux permettent d'entretenir le savoir-faire des bureaux d'études et assureront la reprise des travaux après-guerre.

Son seul porte-avions, le Béarn, est immobilisé aux Antilles. Le porte-hydravions Commandant Teste, miraculeusement échappé de Mers-el-Kébir, finira au fond de la rade de Toulon, sabordé avec le reste de la Flotte et les espoirs de la marine de Vichy.

  • La France libre et Alger

Les forces navales françaises libres forment dès 1940 un noyau toujours actif et au contact direct des innovations alliées. Les forces de l'Afrique du Nord constituent après le sabordage de Toulon la plus grosse masse des moyens navals français et passent au côté des Alliés en 1942.

Le capitaine de frégate Pierre Barjot propose en de convertir le cuirassé Jean Bart en porte-avions, qui accompagné du Richelieu donnerait un groupe tactique cohérent. L'état-major d'Alger ne donne pas suite mais fait la demande aux Alliés d'un porte-avions d'escadre et d'un auxiliaire. Cela est rejeté. Mais le transfert du porte-avions d'escorte Biter, futur Dixmude, est décidé en , en tant que transport d'aviation et la refonte du Béarn est octroyée.

Le capitaine de vaisseau Henry Nomy[212] obtient en la livraison de bombardiers SBD Dauntless, d'hydravions Catalina et la formation de pilotes aux États-Unis. L'aéronavale existe à nouveau.

La constitution d'une flotte de six porte-avions est étudiée en , avec la transformation du Commandant Teste, du Jean-Bart et des croiseurs Tourville et Duquesne. Le projet ne débouche sur rien de concret.

Espagne et Union soviétique[modifier | modifier le code]

Ces deux pays, déjà engagés dans des projets de porte-avions avant-guerre, relancent leurs programmes au vu des résultats de ce type de navire.

La marine espagnole décide en de la construction de quatre porte-avions. Cette volonté bute sur la faible expérience des bureaux d'études espagnols, qui ne peuvent concevoir ces navires. Des tentatives d'achat des plans du Graf Zeppelin ou du Joffre n'ont pas plus de succès.

Après l'arrêt des études de porte-avions à la suite de l'invasion allemande, l'Amiral Koutznetov relance des travaux au début de 1943. Plus d'une dizaine de variantes sont proposées, les tonnages allant de 24 000 à 80 000 tonnes. Ces projets débouchent au début de l'année 1945 sur un programme de construction, qui prévoit une flotte de neuf porte-avions. Le programme n'aboutit pas après-guerre, sacrifié à d'autres priorités.

Dans le Pacifique[modifier | modifier le code]

La mise hors de combat, le , de la flotte de ligne américaine lors de l'attaque de Pearl Harbor va entraîner une conduite des opérations navales très différente de celle que l'on a observée dans les eaux européennes, d'abord par l'importance que vont y prendre les porte-avions. Alors que l'Allemagne et l'Italie n'en avaient pas, le Japon en a davantage que les États-Unis, dans le Pacifique, et ses équipages ont acquis pendant la seconde guerre sino-japonaise, qui a commencé en 1937, une expérience inégalée dans la conduite des opérations aéronavales. Pour autant l'état-major de la Marine impériale japonaise a en son sein un groupe d'amiraux, la “faction des cuirassés”, qui n'est pas loin de penser, comme l'Amirauté britannique, et d'ailleurs également l'Amirauté française, que c'est la flotte de ligne qui obtiendra la décision finale dans une « bataille décisive », de sorte qu'on assistera à un emploi très précautionneux des plus puissants cuirassés japonais, et que seuls les cuirassés rapides (ex-croiseurs de bataille modernisés de la classe Kongō) accompagneront les porte-avions.

Mais la tactique d'emploi de l'aviation navale japonaise va présenter des caractéristiques très spécifiques, par rapport à l'emploi que la Royal Navy a fait de la sienne. Alors que les porte-avions britanniques sont engagés très souvent isolément, dans l'Atlantique en 1939, en Norvège, à Mers el-Kébir, à Dakar, à Tarente, à Matapan, contre le Bismarck, de sorte que les attaques sont menées par moins de vingt appareils, les Japonais, à l'instigation d'amiraux comme Jisaburō Ozawa, vont faire manœuvrer ensemble des groupes de quatre voire six porte-avions rassemblant une, voire plusieurs centaines d'appareils. De son côté, la tactique d'emploi des porte-avions de l'U.S. Navy a évolué. Au début, les Task Forces étaient centrées sur un, exceptionnellement deux porte-avions, avec une grande autonomie pour les amiraux, et à la fin du conflit, la composition de la Task Force des porte-avions rapides (Fast Carrier Task Force) a compris jusqu'à quatre Task Groups réunissant chacun quatre porte-avions rapides, soit deux porte-avions d'escadre de 27 000 tonnes et deux porte-avions légers de 11 000 tonnes.

Par ailleurs, l'organisation des services au sein des forces japonaise a toujours maintenu l'aéronautique navale au sein de la Marine, ce qui n'était pas le cas au Royaume-Uni où ce n'est qu'en 1939 que la Fleet Air Arm a été détachée de la RAF pour être rattachée à l'Amirauté. Cela a conduit à la mise en place d'une aviation navale basée à terre, dont l'unité la plus connue a été la 11e Flotte Aérienne, commandée par le vice-amiral Nishizo Tsukahara, spécialiste de l'aviation navale, qui avait le même rang que le vice-amiral Chūichi Nagumo, commandant la 1re Flotte Aérienne, c'est-à-dire la principale force de porte-avions. La 11e Flotte Aérienne, dotée d'appareils conçus spécialement pour ses missions, Mitsubishi G3M “Nell” et Mitsubishi G4M “Betty”, a eu, comme aviation d'assaut, une efficacité équivalente à celle des 10e ou 2e Corps Aériens de la Luftwaffe, en Norvège ou à Malte, sans les dissensions entre les états-majors de la marine et de l'aviation sur les modalités de son engagement. Toutefois lorsqu'en 1944, la disparition de fait de l'aviation embarquée japonaise a conduit à s'en remettre à l'aviation basée à terre pour la couverture de chasse de la flotte, le résultat a été catastrophique.

Mais l'aéronautique navale japonaise n'était pas exempte de défauts. Ses appareils, au début du conflit, étaient légers et maniables, mais ils manquaient de dispositifs de détection ou de protection, tels que les indicateurs IFF ou les réservoirs auto-obturants. Assez vite, les Américains ont acquis une supériorité tant technologique, avec le radar, par exemple, que qualitative et quantitative, qu'il s'agisse des porte-avions ou des appareils embarqués. Le matériel nippon de Défense Contre Avions rapprochée, les très nombreux affûts multitubes de mitrailleuses de 25 mm Type 96[79], sous licence Hotchkiss, se sont au fil du temps révélés trop légers, alors que les appareils américains devenaient plus lourds.

Mais surtout, la doctrine d'emploi du personnel volant, qui n'était pas économe de la vie des pilotes, et la lourdeur du système de formation ont été très défaillants, quand la moitié de ces personnels ont été abattus entre mai et . La puissance de l'industrie d'armement américaine a eu son rôle dans la défaite du Japon, mais l'entêtement japonais, « à la Guadalcanal », selon les propres mots de l'amiral Halsey a aussi sa part de responsabilité. Enfin, si la Marine impériale japonaise a eu la maîtrise de sa tactique, elle a été très dépendante, en termes de stratégie, de l'hégémonie de l'Armée. Les mots de l'amiral Yamamoto au vice-amiral Mikawa, au lendemain de la victoire de la bataille de Savo sont significatifs, dès  : « J'apprécie le courage et la ténacité de tous les hommes de votre organisation. J'attends de vous que vous prolongiez vos exploits et que vous fassiez tout ce qui est dans votre pouvoir pour soutenir les troupes au sol de l'armée impériale maintenant engagées dans une lutte désespérée »

Aviation navale japonaise à l'attaque (décembre 1941-avril 1942)[modifier | modifier le code]

Un bombardier-torpilleur Nakajima B5N Kate décolle du Shōkaku en direction de Pearl Harbor (7 décembre 1941).
L’aviation embarquée du Shōkaku avant la 2e vague de l’attaque de Pearl Harbor. À l’avant-plan, un chasseur Mitsubishi A6M “Zero” (7 décembre 1941).
Aviation navale japonaise coule les cuirassés américains et britanniques[modifier | modifier le code]

Instruit par le succès britannique à Tarente et dans le cadre de l’expansion impériale, l’amiral Isoroku Yamamoto choisit de lancer la Force Mobile (Kidō Butai), aux ordres du vice-amiral Nagumo, comprenant les six meilleurs porte-avions[215] : le Kaga, le Akagi, le Sōryū, le Hiryū, le Shōkaku et le Zuikaku contre Pearl Harbor, principale base de la Flotte américaine du Pacifique.

Conçue par l'amiral Yamamoto, minutieusement préparée par les contre-amiraux Fukudome et Ōnishi et le commandant Genda, malgré un certain scepticisme du vice-amiral Nagumo[216], l'opération débute à l’aube du . Plus de 350 chasseurs Mitsubishi A6M “Zero”, bombardiers-torpilleurs Nakajima B5N “Kate” et bombardiers en piqué Aichi D3A “Val” décollent des porte-avions japonais[217]. Leur attaque commence à 7 heures 30 du matin. La première vague touche les bases aériennes autour de l’île d’Oahu afin de détruire la défense antiaérienne américaine. Les avions continuent sur Pearl Harbor pour attaquer les navires de ligne au mouillage. En deux heures, huit cuirassés, trois croiseurs, trois destroyers, quatre autres navires et 250 avions sont coulés ou endommagés. Les pertes américaines comprennent 2 400 morts et 1 200 blessés. La surprise est si complète que seulement 29 avions japonais sont perdus[218]. Par chance pour les Américains, leurs porte-avions ne sont pas au port : l’USS Saratoga est sur la côte ouest pour réparations, l’USS Enterprise et l’USS Lexington convoient des avions jusqu’aux îles Midway[219].

Dès la veille, la 2e flotte, aux ordres du vice-amiral Kondo opérant à partir du mouillage de la baie de Cam Ranh, sur la côte sud-est de l'Indochine française, a couvert les premiers débarquements japonais en Thaïlande et en Malaisie. Le , dans les parages des îles Anambas, le cuirassé HMS Prince of Wales et le croiseur de bataille HMS Repulse, qui ont appareillé de Singapour pour contrer ces débarquements, sans disposer de reconnaissance aérienne ni de couverture de chasse, sont repérés par le sous-marin I-65 puis par trois hydravions. La 22e Flottille de la 11e Flotte aérienne, basée sur l'aérodrome de Tan son nhut, à proximité de Saïgon, avec 88 avions (dont 51 bombardiers Mitsubishi G3M et 34 bombardiers-torpilleurs Mitsubishi G4M), attaque et coule les deux bâtiments britanniques, au large de Kuantan, en mer de Chine méridionale[220].

Conquête de la Malaisie, des Philippines et de l'Indonésie[modifier | modifier le code]

Rentrant de Pearl Harbor, les porte-avions Sōryū et Hiryū sont détachés, courant , pour aller appuyer l'attaque de Wake, où la résistance des U.S. Marines est acharnée[221]. Du 20 au , quatre porte-avions, aux ordres du vice-amiral Nagumo appuient l'attaque japonaise sur les positions australiennes de Rabaul et de Kavieng[222], pendant que les porte-avions Sōryū et Hiryū bombardent Amboine, dans les Célèbes, le [223]. Ayant rassemblé ses forces, le vice-amiral Nagumo envoie 188 avions de quatre de ses six porte-avions (Kaga, Akagi, Sōryū, et Hiryu) et 54 appareils basés à terre (27 G3M "Nell" partis d'Amboine et 27 G4M "Betty" partis de Kendari dans les Célèbes) procéder au bombardement de Port-Darwin, le , coulant huit navires, détruisant dix-huit avions et annihilant les capacités militaires de ce port[224].

La 2e Flotte, quant à elle, couvrait à la fin du mois de décembre les débarquements aux Philippines, bénéficiant du soutien du porte-avions léger Ryūjō, qui porte la marque du contre-amiral Kakuta, qui est allé bombarder Davao, au début de , puis a couvert les débarquements de Legaspi, le , Davao, le 19 et et Jolo, le . Ensuite, ce navire est allé bombarder Singapour, pendant la première moitié de , puis il a appuyé l'avance des troupes japonaises en Malaisie, avant de gagner Palaos, dans les Carolines Occidentales, pour couvrir l'attaque des Indes Orientales Néerlandaises[225].

Torpillage de l’USS Langley à proximité de Java (Indes orientales néerlandaises) (27 février 1942).

Après avoir appuyé l'attaque de Palembang, dans le sud de Sumatra, le Ryūjō a attaqué le trafic allié fuyant Singapour qui a capitulé le [223], puis il a attaqué, du 15 au , les forces navales du Commandement Américain, Britannique, Hollandais et Australien (ABDACOM)[223], et a alors coulé le destroyer néerlandais HNLMS Van Nes, premier navire coulé par l'aviation embarquée japonaise, depuis Pearl Harbor. Le , l'USS Langley a été coulé à 75 nautiques au sud de Java, par des appareils de la 11e Flotte Aérienne[226]. Après la bataille de la mer de Java, c'est le vieux “quatre tuyaux” USS Pope qui a coulé sous les coups de l'aviation embarquée du Ryūjō, le 1er mars[227].

Raid sur Ceylan[modifier | modifier le code]
Le HMS Hermes, bombardé par l’aviation japonaise, coule au large de Batticaloa (Ceylan) (9 avril 1942).

Fin mars, les porte-avions du vice-amiral Nagumo ont appareillé des Célèbes et sont passés dans l'Océan Indien, pour un raid sur Ceylan afin d'attaquer la flotte britannique d'Orient (Eastern Fleet) qui était en train d'être renforcée. Le vice-amiral Somerville, qui en avait pris, le , le commandement-en-chef[170], disposait alors du cuirassé ancien modernisé HMS Warspite, de trois cuirassés anciens de la classe Revenge, de deux porte-avions modernes, les HMS Indomitable et Formidable, mais dont les appareils embarqués[228] étaient surclassés par les appareils japonais, du porte-avions ancien HMS Hermes et de deux croiseurs lourds de la classe County. Le vice-amiral Somerville avait envisagé une attaque de nuit mais la flotte japonaise n'avait pas été localisée. L'amiral britannique a alors envoyé ses bâtiments les plus rapides se ravitailler à l’atoll Addu (Maldives), à 800 km à l'ouest-sud-ouest de Ceylan. Les cinq porte-avions du vice-amiral Nagumo[229] ont attaqué Colombo, le , qui était donc à peu près vide. Les croiseurs HMS Cornwall et HMS Dorsetshire, repérés en route vers les Maldives, ont été attaqués par quatre-vingt bombardiers en piqué D3A “Val” et coulés. Le , le HMS Hermes est également repéré et coulé à proximité de Trincomalé[226].

Le Ryūjō était aussi passé dans l'Océan Indien, pour appuyer l'avance japonaise en Birmanie (Rangoon avait été occupée le ), et l'occupation des Îles Andaman-et-Nicobar. Il a fait, au début d'avril, partie des forces navales (principalement la 7e Division de Croiseurs et le Chokai), aux ordres du vice-amiral Ozawa, qui vont effectuer un raid contre le trafic allié dans le golfe du Bengale, coulant 23 navires en cinq jours[230], pendant le raid sur Ceylan du vice-amiral Nagumo[226].

Aussitôt après que les porte-avions japonais se furent retirés de l'océan Indien, l'Eastern Fleet est revenue à Bombay, d'où elle pouvait surveiller le débouché de la mer d'Oman. La mission principale de cette flotte était, en effet, d'assurer, à partir de Kilindini, le port de Mombasa, la sûreté du ravitaillement des forces britanniques d'Égypte, qui contournant l'Afrique, empruntait le canal du Mozambique, longeait la côte de Somalie avant d'embouquer la mer Rouge. Craignant que les autorités françaises de Vichy n'aient ni la volonté ni les moyens de s'opposer à des visées japonaises sur Madagascar[231], les Britanniques ont attaqué au début de mai, exactement au moment de la bataille de la mer de Corail, la base de Diego-Suarez (opération Ironclad), dont les porte-avions HMS Indomitable et Formidable ont assuré la couverture, et la Marine française y a perdu l'aviso colonial D'Entrecasteaux, un croiseur auxiliaire[232] et trois sous-marins. Les combats terrestres à Madagascar se sont poursuivis jusqu'en .

Alors qu'ils sont en route pour rentrer au Japon, à la mi-avril, les porte-avions, Shōkaku et Zuikaku sont dirigés vers Truk, pour assurer la couverture éloignée, avec deux croiseurs lourds, aux ordres du vice-amiral Takagi, d'une double attaque de Guadalcanal et Tulagi, dans les îles Salomon d'abord, de Port-Moresby sur la côte sud-est de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, ensuite, opération placée sous la responsabilité du vice-amiral Inoue, commandant-en-chef de la 4e Flotte.

Fin avril, la 4e division de porte-avions est de retour au Japon, et le , le porte-avions Jun'yō (ex-Kashiwara Maru)[233] la rejoint donnant naissance à une “2e Force de Frappe de Porte-avions”.

Premières ripostes de l'aéronavale américaine[modifier | modifier le code]

Après l'attaque de Pearl Harbor, les premières réactions américaines avaient été le fait de porte-avions. Le , l’USS Enterprise a coulé le sous-marin I-70, au nord des îles Hawaï. L'USS Saratoga a été envoyé sur l'île de Wake pour soutenir la résistance des U.S. Marines, qui se sont finalement rendus le . Au début de janvier, l'USS Yorktown passant par le canal de Panama, est arrivé dans le Pacifique et a couvert, avec l’USS Enterprise, l'acheminement de troupes aux îles Samoa. Mais le , l'USS Saratoga a été torpillé par le sous-marin I-6 et a dû aller se faire réparer sur la côte ouest des États-Unis, jusqu'en mai. Le , les avions de l’USS Enterprise ont attaqué Kwajalein dans l'archipel des îles Marshall, coulant trois navires japonais et en endommageant d’autres. Le , un avion de l’USS Lexington, au sein de la Task Force 11 (aux ordres du vice-amiral Wilson Brown), attaque devant Rabaul en (Nouvelle-Bretagne) et abat cinq bombardiers-torpilleurs Nakajima B5N Kate. D’autres raids sur Wake et l’île Marcus, l’un des points extrêmes du Japon, apprennent aux Américains que les aviateurs japonais ne sont pas en contact radio avec leur porte-avions (d’où des attaques souvent désordonnées), ainsi que l’existence de pilotes kamikaze. Certains ont considéré que ces opérations ont été des « exercices excessivement coûteux d'entraînement des pilotes »[234].

Match nul en mer de Corail (mai 1942)[modifier | modifier le code]

Un B-25 Mitchell de l'USAAF lancé de l’USS Hornet lors du raid de Doolittle sur Tokyo (18 avril 1942).
Le pont du USS Lexington avec des Douglas SBD Dauntless, des Grumman F4F Wildcat et des TBD Devastator alors que le hangar brûle (8 mai 1942).

Afin de redonner du moral aux troupes en portant atteinte au mythe de l’invulnérabilité de l’archipel nippon, le lieutenant-colonel des United States Army Air Forces (USAAF) James H. Doolittle conduit un raid (le « raid de Doolittle ») sur le Japon. À l’occasion de son premier tour d’opération de guerre, l'USS Hornet rejoint le , au nord d’Hawaï, la Task Force 16 (aux ordres du vice-amiral Halsey, comprenant l’Enterprise) chargée de son escorte. Le , il lance[235] seize bombardiers B-25 “Mitchell” pour une attaque moins stratégique que symbolique, destinée à laver l’affront de Pearl Harbor et qui doit surtout avoir un effet psychologique[236].

Le Shōhō touché par une torpille d’un avion de l’USS Lexington (7 mai 1942).
L’USS Lexington est abandonné par son équipage (8 mai 1942).

Après le raid de la flotte du vice-amiral Nagumo sur Ceylan, la Marine impériale japonaise accède au souhait de l'Armée qui pousse à attaquer Port Moresby en Nouvelle-Guinée et Tulagi dans les îles Salomon. Cependant, les États-Unis ont décrypté le code JN-25[237] et la Flotte du Pacifique est préparée. Les porte-avions USS Lexington et Yorktown (Task-Force 17 aux ordres du contre-amiral Fletcher) appareillent avec 140 avions (42 Grumman F4F “Wildcat”, 74 SBD “Dauntless”, 25 TBD “Devastator”) pour intercepter les grands porte-avions japonais à leur entrée en mer de Corail. De son côté, la force d’invasion japonaise comprend les porte-avions Shōkaku et Zuikaku venant de Truk, avec 147 avions (54 “Zero”, 42 “Val”, 51 “Kate”). Ils sont aux ordres du contre-amiral Hara. Les accompagnent deux croiseurs lourds aux ordres du vice-amiral Takagi. Le porte-avions léger Shōhō venant de Rabaul doit couvrir l'attaque sur Tulagi où les Japonais ont débarqué, le , pour installer une base d'hydravions. Il doit ensuite rallier les croiseurs qui escortent les forces devant attaquer Port-Moresby, une semaine plus tard. Les avions de l'USS Yorktown lancent, sans succès, trois attaques contre les forces japonaises du contre-amiral Shima devant Tulagi. Mais le Shōhō est repéré par des bombardiers australiens. Les USS Lexington et Yorktown lancent une attaque de 93 avions et le coulent, de 13 bombes et 7 torpilles. Lorsqu'il l'apprend, le vice-amiral Inoue, commandant la 4e Flotte, et commandant supérieur de l'opération Mo, suspend l'invasion de Port Moresby.

Le vice-amiral Takagi et le contre-amiral Hara envoient le Shōkaku et le Zuikaku à la recherche des porte-avions, lançant 24 bombardiers-torpilleurs B5N “Kate”, 36 bombardiers en piqué “Val” et 18 chasseurs Mitsubishi A6M “Zero”. Par méprise, ils coulent le pétrolier USS Neosho, le destroyer USS Sims et, plus tard dans la journée, lancent 27 avions qui, la nuit tombée; se présentent pour apponter sur... les USS Lexington et Yorktown ! À l’aube du , les grands porte-avions se repèrent enfin, et s'attaquent. Le Zuikaku s’échappe à la faveur du mauvais temps tandis que le Shōkaku est touché par des bombardiers-torpilleurs “Dauntless” qui endommagent fortement son pont d’envol. Les derniers avions américains décollent pour défendre leurs porte-avions, mais ils sont en trop petit nombre : seuls 17 F4F “Wildcat” sont en l'air. L'USS Yorktown évite huit torpilles mais est touché par une bombe. Quant à l'USS Lexington, une bombe fait exploser ses conduites de mazout et le stock de carburant d'aviation, embrasant le porte-avion de l’intérieur. Plutôt que de le laisser tomber en mains ennemies, il est abandonné par son équipage de 3 000 hommes et coulé par ses destroyers d’escorte. La bataille de la mer de Corail se termine, tactiquement, par un match nul avec un porte-avions coulé et un endommagé dans chaque camp. Il en sera tout autrement aux îles Midway, un mois plus tard[238]. Mais sur le plan stratégique, deux points sont favorables aux États-Unis, d'une part, la menace sur la liaison Hawaï-Australie a été écartée, et l'Armée japonaise, qui va essayer d'attaquer Port Moresby, par la piste de Kokoda, au travers des monts de la chaîne Owen Stanley, y échouera, pendant l'été 1942, d'autre part, les deux porte-avions Shōkaku et Zuikaku vont être indisponibles pour la bataille de Midway, alors qu'ils représentent plus du tiers de force de frappe du Kidō Butai.

Midway : victoire américaine « décisive » (juin 1942)[modifier | modifier le code]

Onze TBD de la VT-6 sur le pont d’envol de l’USS Enterprise peu avant l’attaque. Beaucoup seront abattus (4 juin 1942).
L'USS Yorktown touché par des torpilles lancées des avions du Hiryu (4 juin 1942).

À l’origine, l’amiral Yamamoto désirait attaquer les îles Midway, au centre du Pacifique, avant Port Moresby et Tulagi, avec pour but d'amener la Flotte américaine du Pacifique à livrer une « bataille décisive ». Finalement, ce n'est qu'en juin 1942 que l'amiral Yamamoto a pu monter une opération contre les Îles Aléoutiennes, afin de protéger le flanc nord de son dispositif et d'attirer les porte-avions américains, tandis que les attendraient quatre porte-avions aux ordres du vice-amiral Nagumo (Kaga, Akagi, Sōryū et Hiryū). Pendant ce temps, les îles Midway auraient été envahies par douze transports de troupes avec deux cuirassés rapides, le porte-avions Zuihō en couverture rapprochée, et sept cuirassés sous le commandement direct du commandant-en-chef de la Flotte Combinée, en couverture éloignée. La faiblesse de ce plan résidait dans l'éparpillement des forces et l'insuffisance des reconnaissances, tant aériennes que sous-marines, pour localiser les porte-avions américains, alors qu'avait été décrypté le code JN-25[237].

La TF 16 (USS Enterprise et Hornet sous le commandement du contre-amiral Raymond Spruance) et la TF 17 (USS Yorktown tout juste réparé, sous le commandement du contre-amiral Frank J. Fletcher) sont allées prendre position à 500 km au nord-est des îles Midway pour attendre la flotte japonaise. Les groupes aériens totalisaient 232 avions (111 SBD “Dauntless”, 42 TBD “Devastators”, 79 F4F “Wildcats”) plus, sur l’atoll même, 119 avions de l’U.S. Navy, des U.S.A.A.F. et de l’U.S. Marine Corps, parmi lesquels les premiers bombardiers-torpilleurs TBF “Avengers”. Du côté japonais, on trouve 297 avions (120 “Zero”, 84 "Val", 93 “Kate”).

L’Hiryu en feu, avant son sabordage (5 juin 1942).

Dès le , le contre-amiral Kakuta avec les porte-avions Jun'yō et Ryūjō, a bombardé les îles Aléoutiennes, où les îles d'Attu et de Kiska sont occupées, le 6. Mais l'affrontement principal débute le dans la confusion au sein des groupes aériens de la TF 16, qui se trouvent séparés et incapables de localiser les navires japonais, et de la TF 17, où tous les “Devastators” de la flottille VT-8 sont abattus sans placer une seule torpille[239], ainsi que ceux de la VT-6 et de la VT-3, si bien que les SBD “Dauntless” arrivent sans escorte aérienne ! Le vice-amiral Chūichi Nagumo, mal informé, ordonne à deux reprises de modifier l’armement des avions qui encombrent les ponts d’envol de ses porte-avions tandis que les Zero, à court de carburant, demandent à apponter. C’est alors que surgissent les “Dauntless” qui larguent 39 bombes. Le Sōryū est touché à 3 reprises, le Kaga 4 fois et tous deux coulent dans les heures qui suivent, tandis que l’Akagi est sabordé le à l’aube. Non repéré, l’Hiryu endommage sérieusement le Yorktown, qui est achevé par le sous-marin I-168. L’Hiryu est finalement touché de 4 bombes lancées par des “Dauntless” et doit être sabordé[240]. Finalement, en une vingtaine d’heures, la Marine impériale japonaise a perdu quatre porte-avions, un croiseur, 253 avions et 3 057 hommes (dont de nombreux pilotes expérimentés), contre un porte-avions, un destroyer, 98 avions et 307 hommes du côté américain. Yamamoto, qui avait fait la prédiction que le Japon aurait le dessus pendant six mois à un an avant d'être débordé par l’US Navy, avait raison : six mois après l’attaque de Pearl Harbor, l'expansionnisme du Japon Showa est définitivement stoppé dans le Pacifique Sud. La bataille de Midway est une « victoire décisive »[241],[242].

Une refonte de l'ordre bataille de la Marine impériale japonaise intervient, le . La 1re Flotte Aérienne dont les 1re et 2e Divisions de Porte-avions ont été détruites à Midway, est dissoute et remplacée par une 3e Flotte, dont le Commandement-en-Chef est confié au vice-amiral Nagumo. La 5e Division de Porte-avions (les Shōkaku et Zuikaku) est reclassée comme 1re Division de Porte-avions, et placée sous les ordres directs du vice-amiral Nagumo. Une nouvelle 2e Division de Porte-avions comprend le Hiyō et le Jun'yō, renforcés du Ryūjō. Le vice-amiral Kakuta est nommé à sa tête. Le contre-amiral Hara, qui commandait l'ancienne 5e division de porte-avions, est nommé à la tête de la 8e division de croiseurs, les deux croiseurs lourds de la classe Tone qui assurent la protection rapprochée des porte-avions du vice-amiral Nagumo. Le vice-amiral Mikawa, qui commandait la 3e division de cuirassés, les quatre cuirassés rapides qui assuraient la protection éloignée des porte-avions, reçoit le commandement-en-chef d'une nouvelle 8e Flotte, dont le quartier général sera installé à Rabaul, pour les “Mers du Sud Extérieures”, c'est-à-dire la partie située au sud de l'équateur du secteur de la 4e Flotte du vice-amiral Inoue, dont le QG demeure installé à l'atoll de Truk. La 3e Division de Cuirassés est scindée en deux, d'un côté les Kongō et Haruna, confiés au vice-amiral Kurita dont le contre-amiral Nishimura a pris la suite à la tête de la