Martingale (calcul stochastique) — Wikipédia

Une martingale est une séquence de variables aléatoires (autrement dit un processus stochastique), telles que l'espérance mathématique à l'instant , conditionnellement à l'information disponible à un moment préalable , notée , vaut (avec ).

En particulier, dans un processus discret (t entier), .

Une martingale peut modéliser les gains / pertes accumulés par un joueur au cours de répétitions indépendantes d'un jeu de hasard à espérance nulle (même si le joueur s'autorise à modifier sa mise en fonction des gains passés), d'où l'emprunt du terme martingale au monde du jeu.

On dira que est un processus adapté à la filtration .

On parlera de sous-martingale si et de sur-martingale si .

Définitions[modifier | modifier le code]

Processus stochastique

Un processus stochastique est une famille de variables aléatoires, généralement indexée par ou .

Filtration

Une filtration est une suite croissante de tribus (ou sigma-algèbres) , c'est-à-dire .

Filtration naturelle

Soit une suite de variables aléatoires. On dit que définie par est la filtration naturelle de la suite .

Processus adapté

On dit que le processus est adapté à la filtration si est -mesurable pour tout entier n.

Martingale dans

Soit une filtration.

Soit une suite de variables aléatoires.

On dit que est une martingale par rapport à si:

  1. est adaptée à la filtration .
  2. est intégrable pour tout entier n.
  3. .

Si respecte les deux premières conditions, et alors on l'appelle sous-martingale, et si , alors on l'appelle sur-martingale.

On dit que est une -martingale.

Processus prévisible

Soit une filtration.

Soit une suite de variables aléatoires.

On dit que est un processus prévisible si est -mesurable et est -mesurable pour tout entier n.

Situation générale[modifier | modifier le code]

Sur les espaces de Banach[modifier | modifier le code]

Soit

  • un ensemble partiellement ordonné
  • un espace de Banach
  • un espace probabilisé avec filtration
  • une processus stochastique sur

Alors est appelé un --martingale, si

  1. est -adapté,
  2. , cela signifie ,
  3. -presque sûrement pour tous avec .

Si en plus est vrai

  • , cela signifie ,

alors est un -martingal ou court -martingal[1].

Historique du nom[modifier | modifier le code]

Donnons ici une histoire anti-chronologique du nom (et non du concept) de martingale (issue de cette note[2]).

En théorie des probabilités, la première apparition du mot martingale (et non du concept) se trouve dans la thèse[3] de Jean Ville (en 1939), au chapitre IV, paragraphe 2 dans l'expression : « système de jeu ou martingale ». Il précise que ce terme est emprunté du vocabulaire des joueurs. Notons que la dénomination anglaise (martingale) a été reprise de la française par Joseph Leo Doob, alors rapporteur de la thèse de Ville.

La martingale dans les jeux

Dans le langage des jeux, le terme martingale apparaît pour la première fois en 1611 dans le dictionnaire franco-anglais de Randle Cotgrave[4]. L'expression « à la martingale » est définie avec les termes : absurdly, foolishly, untowardly, grossely, rudely, in the homeliest manner (absurde, stupide, fâcheusement, grossièrement, brutalement, de manière laide). Dans le dictionnaire[5] de l'Abbé Antoine François Prévost de 1750, est proposée une stratégie qui consiste pour le joueur à doubler sa mise à chaque perte "pour se retirer avec un gain sûr, supposé qu'il gagne une fois". On peut penser que cette stratégie peut être considérée comme absurde. Selon une expression provençale[6], jouga a la martegalo signifie : jouer de manière incompréhensible, absurde. Notons que le terme martingale fait son apparition dans le dictionnaire de l'Académie française en 1762.

La martingale est absurde ?

Le terme martegalo se rapporte aux habitants de Martigues. La situation isolée de Martigues, au XVIe siècle, « a valu à ses habitants une réputation de naïveté proverbiale » ; on leur attribue une certaine « badauderie », de la « naïveté » ainsi que « des propos goguenards »[2].

Propriétés[modifier | modifier le code]

Propriété 1

Soit une martingale.

On a

Autrement dit, la suite est constante.

Exemples de martingales[modifier | modifier le code]

  • Soit une variable aléatoire intégrable et .

Alors est une -martingale.

  • Soit une suite de variables aléatoires indépendantes et centrées.

La suite définie par est une -martingale avec [7].

  • Soit une -martingale, soit un processus borné prévisible par rapport à .

Alors définie par est une -martingale.

  • Martingale de Doob

On étudie l'espérance conditionnelle d'une variable aléatoire X selon une suite de variables aléatoires définies sur le même espace probabilisé et on pose :

La suite des est appelée martingale de Doob.

  • Martingale de Wald

On définit la suite des selon la fonction génératrice d'une suite de variables aléatoires indépendantes identiquement distribuées

La suite des est appelée martingale de Wald.

  • Exemple de martingale à temps continu

On peut par exemple définir des martingales avec des mouvements browniens. Ceci a de nombreux liens avec l'intégration stochastique. On commence par définir la filtration comme étant la filtration naturelle d'un mouvement brownien standard . Alors le processus stochastique est une martingale. Ceci donne par ailleurs la décomposition de Doob de la sous-martingale

Martingales et temps d'arrêts[modifier | modifier le code]

Théorème 1

Soit une martingale et un temps d'arrêt.

Alors est une martingale (appelée "martingale arrêtée").


Corollaire

.

Décomposition de Doob-Meyer[modifier | modifier le code]

La décomposition de Doob-Meyer permet de décomposer un processus stochastique intégrable adapté en une martingale et un processus prévisible.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Article connexe[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Tuomas Hytönen, Jan van Neerven, Mark Veraar et Lutz Weis, Analysis in Banach Spaces, Volume I: Martingales and Littlewood-Paley Theory, Springer Cham, (DOI 10.1007/978-3-319-48520-1)
  2. a et b Roger Mansuy, « Histoire des martingales », Math. & Sci. hum. / Mathematical Social Sciences (43e année),‎ 2005 (1), p. 105-113 (lire en ligne).
  3. Ville, J., Étude critique de la notion de collectif, Paris, Gauthier-Villars,
  4. A Dictionarie of the French and English Tongues A Dictionarie of the French and English Tongues, Randle Cotgrave, édition originale de 1611.
  5. [1] Manuel lexique ou dictionnaire portatif des mots François (1750).
  6. [2], voir Lou Trésor dou Félibrige ou Dictionnaire de provençal-français (1879), de Frédéric Mistral pour les expressions provençales.
  7. désigne la tribu engendrée par les donc l'ensemble des parties de