Loi du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l'occupation illicite — Wikipédia

Loi Kasbarian-Bergé
Autre(s) nom(s) Loi antisquat

Présentation
Pays Drapeau de la France France
Type Loi
Adoption et entrée en vigueur
Régime Ve République
Législature XVIe
Gouvernement Gouvernement Borne
Adoption
Promulgation
Publication JORF n°0173 du

Lire en ligne

LOI n° 2023-668 du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l'occupation illicite

La loi du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l'occupation illicite, aussi appelée « loi Kasbarian-Bergé » ou « loi antisquat », est une loi française portée par les députés Renaissance Aurore Bergé et Guillaume Kasbarian, promulguée sous le gouvernement d'Élisabeth Borne.

Adoptée grâce aux voix de la majorité présidentielle, des Républicains et du Rassemblement national[1], elle alourdit fortement les peines pévues pour les squatteurs, en crée à l’encontre des locataires en défaut de paiement qui ne se soumettent pas à une décision d’expulsion, et marque un virage à droite en matière de politique du logement[2].

La loi a été saluée par les associations de propriétaires immobiliers, et critiquée et combattue par les principales associations de locataires, de lutte contre le mal-logement, le Syndicat de la magistrature, la Défenseure des droits, la Commission nationale consultative des droits de l’homme, et les experts de l’Organisation des Nations unies.

Contexte[modifier | modifier le code]

Le squat d'un logement était déjà puni par le code pénal[3]. La loi du [4] a créé le délit de pénétration dans le domicile d’autrui et celle du [5] a précisé l’infraction de violation de domicile. Une procédure d'évacuation forcée des squatteurs avec le concours des préfets a été créée par la loi sur le droit au logement opposable (loi Dalo, de 2007)[6], et renforcée par la loi d'accélération et de simplification de l'action publique (loi Asap, du 7 décembre 2020)[7],[8],[9],[10]. La loi Asap protège aussi les résidences secondaires et exige des préfets une réponse sous 48 heures aux demandes d'évacuation[11],[12].

Parcours législatif[modifier | modifier le code]

La proposition de loi est déposée le par Guillaume Kasbarian. Elle est adoptée en première lecture, avec modifications, par l'Assemblée nationale le , puis par le Sénat (avec modifications[13]) le , et en deuxième lecture par l'Assemblée nationale[14] le (avec modifications)[15], et par le Sénat (sans modification) le .

Le , le Conseil constitutionnel, saisi par la gauche[16],[17], censure un seul article[18], qui exonérait les propriétaires de logements squattés de leur obligation d’entretien et les exonérait de leur responsabilité en cas d'accident causé par un défaut d’entretien. Contrairement à une rumeur partagée par la droite et l'extrême droite[19], cette censure n'autorise pas les squatteurs à poursuivre le propriétaire d’un logement mal entretenu[20],[21],[22],[23],[24].

Mesures[modifier | modifier le code]

Répression des squats[modifier | modifier le code]

  • Le délit de violation de domicile est dorénavant puni de trois ans de prison et 45 000  d'amende (un an et 15 000  auparavant)[3]. La notion pénale de domicile inclut désormais tous les locaux d'habitation contenant des meubles (avec une réserve d'interprétation émise par le Conseil constitutionnel).
  • La procédure administrative d'évacuation forcée d'un domicile est étendue à tous les locaux d'habitation illégalement occupés, même s'ils sont inoccupés et non meublés : dans les faits, tous les logements vacants[25].
  • La loi crée un nouveau délit « d'occupation frauduleuse d’un local à usage d’habitation ou à usage commercial, agricole ou professionnel » puni de deux ans de prison et de 30 000  d'amende.
  • Une nouvelle infraction vise les locataires en impayés de loyer restés dans le logement à l’issue d'un jugement d’expulsion devenu définitif, puni de 7 500  d’amende, sauf lors de la trêve hivernale et pour ceux bénéficiant d'une décision de sursis à expulsion ou d'un logement social.
  • Le juge voit ses pouvoirs réduits[26] : il ne peut plus accorder de délais aux squatteurs dont l'expulsion a été judiciairement ordonnée.
  • Peuvent être puni de trois ans de prison et de 45 000  d'amende les instigateurs de squats qui auraient fait croire qu’ils sont propriétaires des logements. Est sanctionné de 3 750  d'amende « la propagande ou la publicité » de méthodes facilitant ou incitant les squats ;
  • Le dispositif créé en 2009 et modifié par la loi Elan de 2018 est pérennisé. Il permet à des propriétaires de confier temporairement à des organismes publics ou privés des locaux vacants pour du logement ou de l'insertion sociale, dans l'attente d'une réhabilitation ou d’une vente. Lorsque le dispositif est confié à des entreprises privées, l'État doit vérifier régulièrement la conformité de leurs pratiques.

Sécurisation des bailleurs en cas d'impayés de loyers[modifier | modifier le code]

  • Clause de résiliation automatique en cas d'impayés de loyers (dans les faits, elle était déjà incluse dans la quasi-totalité des contrats).
  • Les conditions de suspension de cette clause par le juge sont modifiées. Le juge peut suspendre les effets de cette clause d'office ou à la demande du locataire ou du bailleur si le locataire est en situation de régler sa dette locative (ce que prévoyait déjà le droit) et qu’il a « repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l’audience ». La suspension de la clause prend fin automatiquement « dès le premier impayé » ou retard dans le paiement de la dette locative fixé par le juge.
  • Le texte réduit certains délais dans les procédures contentieuses du traitement des impayés de loyers.
  • D'autres mesures cherchent à renforcer la prévention des expulsions locatives.

Commentaires[modifier | modifier le code]

Le texte est défendu par les acteurs de l'immobilier, notamment l’Union nationale des propriétaires immobiliers[25], l'Union des syndicats de l’immobilier, et la Fédération nationale de l’immobilier[27].

Les effets prévisibles de cette nouvelle loi sur les locataires précaires en défaut de paiement sont dénoncés par de nombreux observateurs et élus, qui s'alarment que de ne plus pouvoir payer son loyer devient passible de prison, de l'accélération des procédures d'expulsion, et de la réduction du pouvoir des juges au profit des préfets[28],[29],[30],[31],[32]. La sociologue Camille François remarque que l'appellation loi antisquat « focalise le débat sur les situations les plus extrêmes d’habitat précaire », alors que la loi pénalisera principalement les « locataires aux revenus modestes, entrés légalement dans les lieux et disposant d’un bail, qui connaissent des difficultés à payer leur loyer » et deviendront des délinquants, « alors que tout indique que la propriété immobilière a rarement été aussi concentrée et qu’elle est au cœur de l’explosion des inégalités »[26]. La loi est critiquée par l'ancienne ministre du logement de François Hollande, Emmanuelle Cosse, et par sa successeuse lors du premier quinquennat d’Emmanuel Macron Emmanuelle Wargon, et une quinzaine d’organisations — dont la Ligue des droits de l’homme, le Syndicat de la magistrature, le Secours catholique, et les principales associations de locataires —, qui ont demandé son retrait[25]. L’ancien député LRM, Aurélien Taché a dénoncé la « criminalisation de la pauvreté »[33]. Pour la Défenseure des droits, Claire Hédon, ces mesures « ne sont ni nécessaires, ni proportionnées »[34].

Les rapporteurs spéciaux de l’ONU sur le logement convenable, l’extrême pauvreté et les droits de l’homme ont exprimé leur crainte que le texte viole les engagements internationaux de la France[35]. Ils estiment que plusieurs mesures « se présentent comme visant à renforcer les droits des propriétaires de logements, tout en fragilisant » des personnes déjà « particulièrement vulnérables », parmi lesquelles « les ménages ne parvenant pas à payer leurs loyers », alors que la France est signataire du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels selon lequel « les politiques et la législation ne devraient pas être conçues de façon à bénéficier aux groupes sociaux déjà favorisés, au détriment des autres couches sociales ». Les rapporteurs regrettent aussi que la procédure d’expulsion locative soit accélérée sans que cela soit accompagné « d’un renforcement du droit pour les ménages précarisés d’avoir accès à un logement à un prix abordable »[1],[36].

Documents[modifier | modifier le code]

Références[modifier | modifier le code]

  1. a et b « Proposition de loi « antisquat » : les experts de l’ONU écrivent à la France leurs inquiétudes », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  2. « Guillaume Kasbarian, l’homme de la loi « antisquat », nommé ministre du logement », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  3. a et b « Loi du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l'occupation illicite », sur www.vie-publique.fr (consulté le )
  4. LOI no 92-684 du 22 juillet 1992 portant réforme des dispositions du code pénal relatives à la répression des crimes et délits contre les personnes (1), (lire en ligne)
  5. LOI n° 2015-714 du 24 juin 2015 tendant à préciser l'infraction de violation de domicile (1), (lire en ligne)
  6. LOI n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, (lire en ligne)
  7. « Dispositif antisquats, permis de conduire et vente en ligne de médicaments : des mesures de simplification au menu de l’Assemblée », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  8. « Une nouvelle mesure pour expulser les squatteurs des résidences secondaires », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  9. « Loi ASAP : l’opposition et les ONG dénoncent un projet « fourre-tout » et une « dérégulation » », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  10. « Des associations réagissent au durcissement de la loi Sécurité globale sur le squat », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  11. « Le gouvernement appelle les préfets à faciliter les « évacuations forcées » de logements squattés », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  12. « Loi anti-squat : un premier bilan encourageant », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  13. « Les sénateurs amendent la proposition de loi « antisquat » en commission », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  14. « La proposition de loi « antisquat », contestée, de retour devant les députés », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  15. « La proposition de loi « antisquat », censée protéger les propriétaires contre l’occupation illicite, votée par les députés », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  16. « Loi « antisquat » : la gauche saisit le Conseil constitutionnel », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  17. AFP, « Loi anti-squat : la gauche saisit le Conseil constitutionnel pour censurer le texte », sur Libération (consulté le )
  18. « Loi « antisquat » : le Conseil constitutionnel valide le texte, à l’exception d’un article », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  19. Guillaume Errard, « Un squatteur peut attaquer le propriétaire si le bien est mal entretenu », sur Le Figaro, (consulté le )
  20. Elsa de La Roche Saint-André, « Le Conseil constitutionnel a-t-il acté qu’«un squatteur peut attaquer le propriétaire si le logement est mal entretenu» ? », sur Libération (consulté le )
  21. « Non, le Conseil constitutionnel n’a pas autorisé les squatteurs à poursuivre le propriétaire d’un logement mal entretenu », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  22. « Attention à cette interprétation trompeuse d'une décision du Conseil constitutionnel sur la loi "anti-squat" », sur AFP Factuel, (consulté le )
  23. « Non, un squatteur ne peut pas attaquer le propriétaire si un logement est mal entretenu », sur Le Point, (consulté le )
  24. Communiqué du Conseil constitutionnel.
  25. a b et c « Une proposition de loi contre « l’occupation illicite des logements » contestée », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  26. a et b « Loi « antisquat » : « La proposition est inspirée par un séparatisme social qui ne dit pas son nom » », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  27. Christine Lejoux, « Après la loi anti-squat, Kasbarian ministre du Logement, bonne nouvelle pour les propriétaires ? », sur Capital.fr, (consulté le )
  28. « En Seine-Saint-Denis, l’inquiétude face à la proposition de loi « antisquat » », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  29. « Logement - « La loi Kasbarian-Bergé est dangereuse et indigne pour les femmes » », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  30. « Logement : « Ce sont les plus pauvres qui sont les premières victimes du projet de loi Kasbarian, et non les quelques squatteurs » », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  31. « Peines durcies, expulsions accélérées…. La loi anti-squat adoptée par le Parlement », sur L'Express, (consulté le )
  32. « Une nouvelle loi anti-squat, plus sévère, votée par le Parlement », sur Le Point, (consulté le )
  33. « Aurélien Taché : « Jamais, en France, le droit au logement n’a été à ce point menacé » », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  34. « Loi anti-squats : ce que contient le texte adopté en première lecture par l'Assemblée nationale - France Bleu », sur France Bleu, (consulté le )
  35. Rajagopal et De Schutter 2023.
  36. « Des rapporteurs spéciaux de l’ONU dénoncent la violation d’engagements de la France avec la proposition de loi «antisquat» », sur Libération (consulté le )

Articles connexes[modifier | modifier le code]