Porajmos — Wikipédia

Porajmos
Image illustrative de l’article Porajmos
Un groupe de Roms à Asperg, en Allemagne, rassemblés par les autorités du Reich pour être déportés, le .

Date 1935-1945
Lieu Allemagne nazie et Europe sous domination nazie
Victimes Tziganes
Morts entre 220 000 et 500 000 ou entre
500 000 et 1,5 million[1]
Auteurs Drapeau de l'Allemagne nazie Troisième Reich et régimes satellites ou collaborationnistes
Ordonné par Adolf Hitler
Motif Antitziganisme
Racisme
Guerre Seconde Guerre mondiale

Les termes Porajmos, Porrajmos (littéralement « dévorer » en romani), Samudaripen, génocide tsigane et holocauste rom désignent les persécutions envers les Roms (ou Sinté, Gitans, Yéniches, Kalderash, etc.) pendant la Seconde Guerre mondiale, en Allemagne nazie, dans les territoires qu'elle occupe et chez ses alliés[2]. Leurs proportions furent telles que la majorité des historiens les considèrent comme constitutives d'un processus génocidaire. Les Roms sont démographiquement la seconde population européenne victime d'une extermination familiale et raciale (après les Juifs d'Europe)[3].

En raison du nomadisme qui concerne beaucoup d'entre eux, et qui les marginalise dans une société sédentaire, les Roms ont été surveillés de près et fichés par la majeure partie des États européens, et ce dès la fin du XIXe siècle, ce qui a facilité les actions violentes menées contre eux.

Il est difficile de mesurer l'ampleur de ce génocide[4], des historiens estiment que le nombre des victimes se situe entre 195 800 et 240 150 personnes. Mais ce nombre pourrait se situer entre 300 000 et 500 000, car il augmente à mesure que des archives et des fosses sont découvertes[5], alors que bon nombre de victimes n'ont pas été comptées et ne pourront probablement pas l'être[6]. D'autre part, de nombreux Roms de Roumanie, Bulgarie, Yougoslavie, n'étaient pas inscrits à l'état civil de leurs pays respectifs, ce qui explique l'incertitude quant à l'estimation finale des victimes Roms. Le chiffre de 1 000 000 de morts Roms au moins, avancé par certains historiens, ne peut ainsi pas être démontré, d'autant plus que les crimes étaient souvent perpétrés dans des espaces fermés, ou très isolés, sans observateurs ou témoins, et que les nazis ont fait disparaître bon nombre de preuves.

Les victimes du Porajmos ont été longtemps oubliées des historiens, et confondues avec les asociaux. En Europe, la reconnaissance de ce génocide est tardive. Le chancelier allemand Helmut Schmidt le reconnaît formellement en 1982.

Terminologie[modifier | modifier le code]

Certains Roms de Russie et des Balkans protestent contre l'utilisation du terme « porajmos ». Dans plusieurs dialectes, ce mot est un synonyme de Poravipe qui signifie « viol ». Ils proposent l'utilisation du terme samudaripen en remplacement[7], et les activistes roms de Russie, celui de Kali Traš[8], littéralement « Terreur noire », au sens de terreur fasciste.

Le terme porajmos fut introduit dans la littérature par l'universitaire et militant rom Ian Hancock, au début des années 1990[9]. Un autre terme, samudaripen est revendiqué par Marcel Courthiade, un linguiste qui a créé la forme standard de romani utilisée en Roumanie. Hancock objecte que ce terme n'est pas conforme à la langue rom[9].

Persécutions du Troisième Reich[modifier | modifier le code]

En Allemagne (1933-1945)[modifier | modifier le code]

Carte des persécutions envers les Roms (1939-1945).

De 1933 à 1936 les Roms sont internés dans les camps de concentration de Dachau et de Buchenwald pour « insociabilité ».

Avant même l'arrivée au pouvoir des nazis, les Roms sont surveillés par les autorités. Dès leur arrivée au pouvoir (1933) les nazis s'intéressent de près aux Roms. Pour eux, il s'agit de définir une « race » tsigane[10] afin de l'éliminer de la société allemande au nom de la pureté raciale, quoique les Roms sont reconnus être d'origine indienne et donc « aryenne ».

En 1936, ils chargent un tsiganologue converti au nazisme en 1933, le Dr Robert Ritter, de recenser tous les Roms d'Allemagne. Robert Ritter s'établit à Munich où il a déjà 19 000 dossiers. Pour les compléter il a besoin des dossiers du plus éminent tsiganologue généalogiste d'Allemagne, le Dr Sigmund Wolff de Magdebourg. Or, ce dernier n'est pas nazi et refuse de communiquer ses dossiers, jusqu'au jour où tout lui est confisqué par le ministère de l'Intérieur du Reich sur injonction du Dr Gercke, qui transfère au Dr Ritter toute la saisie. En 1937, le Dr Ritter est rattaché au ministère de l'hygiène raciale de Berlin. En , le Dr Ritter compte 20 000 Tsiganes ou métis, au printemps 1942 il arrive à 30 000[11]. Il distingue sur des critères ethno-physiques les « purs tziganes » et les « métissés ». Les experts raciaux du Reich reconnaissent que les Roms forment une des dernières populations indo-européennes, mais ils affirment qu'ils ont été corrompus par le métissage[12] et qu'ils menacent la société allemande qui doit éviter tout mélange. Selon une idée commune (et fausse) à l'époque en Allemagne, deux groupes de Roms étaient réputés « racialement purs » (non mélangés et donc aryens) : les Sinti (~13 000 en 1939) et les Lalleri (1 017 en 1942)[13].

Les grandes villes d'Allemagne créent entre 1933 et 1935, sans ordre supérieur[14] des camps d'internement des Roms. À partir de 1936, Arthur Nebe, placé sous l'autorité d'Himmler est chargé de la politique nazie contre les Roms. C'est lui qui est à l'origine de l'ordre de « prévention contre le crime ». Grâce au fichage des Roms, les arrestations systématiques commencent à partir de 1938. En la loi raciste « contre le danger tsigane » est promulguée : il s'agit d'isoler les Roms du peuple allemand afin d'éviter tout mélange (métissage). Est considéré comme Tsigane quiconque a au moins un grand-parent rom. La torture des jeunes filles au camp de Ravensbrück et les méthodes pour stériliser les femmes roms témoignent des persécutions[15]. Les Roms non métissés (les Sinti et les Lalleri) ont un passeport brun, les métis ont un passeport bleu ciel, les nomades un passeport gris. Théoriquement, les Roms purs devaient être préservés et isolés mais, en fait, on retrouve beaucoup de Sinti et Lalleri dans les chambres à gaz des camps de concentration, et il est évident que, durant la guerre, savoir si tel ou tel Tsigane était « racialement pur » ou non était le cadet des soucis des fonctionnaires allemands : en tant que Tsiganes ou assimilés, ils étaient condamnés d'avance. De plus, même si ces Tsiganes « purs » officiellement ne devaient pas être assassinés, on les destinait au moins à la stérilisation forcée, ce qui fait que la politique de génocide s'appliquait finalement à eux aussi. Abattus, gazés ou stérilisés, les Tsiganes d'Allemagne étaient condamnés à disparaître.[réf. nécessaire]

Dans l'Europe occupée (1939-1945)[modifier | modifier le code]

Dans les zones de l'Europe occupées par les Allemands, le destin des Roms varie d’un pays à l’autre, selon les circonstances locales. Les nazis internaient généralement les Roms et les déportaient ensuite en Allemagne ou en Pologne pour les soumettre au travail forcé et pour les assassiner (chambres à gaz). Beaucoup de Roms de Pologne, de Belgique, des Pays-Bas, de Yougoslavie et d'Albanie sont abattus ou déportés dans les camps de la mort et exterminés.

En France, les autorités avaient pris des mesures restrictives à l’encontre des Roms avant même l'occupation du pays. Le gouvernement de Vichy organisa leur internement dans des camps familiaux comme Jargeau, Montreuil-Bellay ou Saliers. L'Allemagne n'ordonne pas la déportation systématique des Roms français, politique mise en place dans le reste de l'Europe occupée. Quelques déportations ont pourtant lieu : les Roms des départements du Nord et du Pas-de-Calais, qui sont rattachés au gouvernement militaire allemand de Bruxelles, sont déportés vers Auschwitz par Malines, les Roms d'Alsace intègrent le système des camps de concentration nazis en passant par des camps comme Schirmeck ou Natzweiler-Struthof, les Roms du camp d'internement de Poitiers sont déportés à Auschwitz en janvier 1944, et des déportations individuelles de Roms ont lieu dans le reste de la France. Au total, près d'un millier de Roms français sont ainsi déportés vers les camps allemands[16].

Les premières estimations allaient de 100 000 à 1 500 000 morts[17] ; les estimations gouvernementales officielles établies après guerre dans les livres blancs parlent de 500 000 morts[18] ; les historiens Kenrick et Puxon[19] parlent de 219 700 morts ; Bernadac ajoute les Roms tués alors qu'on les prenait pour des Juifs, ou ceux qui arrivaient à cacher leur identité rom, il arrive au total de 240 150 morts au moins[20]. Ainsi, les Allemands et leurs alliés auraient exterminé de 25 à 50 % de la population des Roms européens, forte avant-guerre d’environ un million de personnes.

Persécutions dans les pays alliés à l'Allemagne nazie[modifier | modifier le code]

Plaque en mémoire des Roms, Sinti et gens du voyage morts en camps d'extermination (Rome, Italie).

Bulgarie[modifier | modifier le code]

Croatie[modifier | modifier le code]

Hongrie[modifier | modifier le code]

Italie[modifier | modifier le code]

Contrairement aux Juifs italiens, les Roms ont été victimes de discrimination de la part de l'Italie fasciste dès le début du régime. En 1926, Benito Mussolini ordonna l'expulsion de tous les « Tsiganes étrangers » et, à partir de , des Roms de nationalité italienne furent détenus dans des camps préparés dans ce but, et passés ensuite sous contrôle allemand. L'impact de l'occupation allemande sur les Roms en Italie a été peu étudié. Le nombre de Roms morts dans les camps italiens ou déportés dans des camps de concentration nazis est incertain[21]. Le nombre de décès pendant la totalité de la période fasciste italienne est également inconnu, mais on estime qu'il dépasse plusieurs milliers.

Roumanie[modifier | modifier le code]

En 1942, Ion Antonescu a ordonné la déportation vers la Transnistrie de 24 617 citoyens roumains d'origine rom, dont seulement la moitié ont survécu et ont réussi à retourner en Roumanie. Environ 11 000 sont morts de froid, de faim ou d'épidémies, tout cela étant la conséquence des conditions effroyables de détention auxquelles ils ont été soumis. Pour la déportation des Roms en Transnistrie, le prétexte du communisme ou des activités subversives pro-soviétiques n'a plus été utilisé - comme dans le cas des Juifs - mais l'étiquetage de toute la minorité rom comme « nomades », « inmobilisables et dangereux pour ordre public ».

Slovaquie[modifier | modifier le code]

Estimations chiffrées[modifier | modifier le code]

Plusieurs spécialistes proposent des estimations chiffrées du génocide des Roms. Sont reproduites ici celles de Ian Hancock, citées dans History of the Holocaust: a handbook and dictionary[22], celles de Donald Kendrick et Grattan Puxon, dans The destiny of Europe's Gypsies paru en 1972 en Angleterre, et celles de Christian Bernadac dans L'Holocauste oublié. Le massacre des Tsiganes paru en 1980 :

Estimations de la population rom d'avant guerre et de la population rom massacrée
Pays Population
avant la guerre
Population
massacrée
Selon Hancock (1994) Selon Kenrick et Puxon (1972) Selon Bernadac (1980)[23]
Autriche 11 200 6 500 6 500 6 800
Belgique 600 352 500 400
Bohême-Moravie 13 000 5 500 6 500 6 000
Croatie 28 500 28 000 28 000 27 000
Estonie 1 000 1 000 1 000
France 42 000 14 000 15 000
Allemagne 20 000 15 000 15 000
Pays-Bas 300 à 500 200 500
Hongrie 100 000 28 000 28 000 32 000
Italie 25 000 2 000 1 000 1 500
Lettonie 1 000 à 5 000 1 000 2 500
Lituanie 1 000 1 000 1 000
Luxembourg 200 200 200
Pologne 50 000 13 000 35 000
Roumanie 300 000 36 000 36 000 33 000
Serbie 60 000 12 000 10 000 à 20 000 16 000
Slovaquie 80 000 2 000 1 000 3 000
URSS 100 000 30 000 30 000 35 000
Espagne et Grèce - - 150 50
Total 833 800 195 800 219 700 240 150

Les chiffres de Kenrick et Puxon et ceux de Hancock sont similaires, excepté pour la Belgique où ils donnent 500 morts (100 de plus), la Slovaquie 1 000 morts (moitié moins), la Pologne 35 000 (22 000 de plus), la Lettonie 2 500 morts sur 5 000 (cf. rapport de Kochanowski, 1946[source insuffisante]), l'Italie 1 000 morts (moitié moins), les Pays-Bas 500 morts sur 500, la France 15 000 sur 40 000, la Bohême-Moravie 6 500 morts. Bernadac[23], par rapport à Hancock, compte 300 morts de plus en Autriche, 50 de plus en Belgique, 500 de plus en Bohême-Moravie, 1 000 de moins en Croatie, 4 000 de plus en Hongrie, 500 de moins en Italie, 3 000 de moins en Roumanie, 4 000 de plus en Serbie, 1 000 de plus en Slovaquie, 5 000 de plus en URSS, et ajoutait aussi 150 Espagnols et 50 Grecs (non représentés dans le tableau).

Ces estimations sont sous estimées, en Europe, le nombre de victimes de ce génocide devrait se situer entre 300 et 500 000[5]. Par exemple, en Autriche, Gerhard Baumgartner considère que 89 % des Roms et des Sintis n'ont pas survécu au IIIe Reich[5]. À mesure que des archives et des fosses sont découvertes, les chiffres augmentent mais l'incertitude demeure.

En France pendant et après la Seconde Guerre mondiale[modifier | modifier le code]

En France, les ethnies nomades, semi-nomades ou sédentarisées[24] (Manouches, Gitans, Yéniches, Sintéetc.), sont déportés puis tués aux camps d'Auschwitz[25],[6],[26]. Notamment en transitant par le camp de déportation de Royallieu à Compiègne, et déportés via d'autres camps comme celui de Poitiers[27]. Ils sont également victimes de rafles et transférés en Belgique au camp de Malines, pour transiter jusqu'aux camps d'exterminations en Pologne[28]. En particulier pour les convois Z ( Z pour "Zigeuner", Tzigane en Allemand). Comme le convoi Z du 15 janvier 1944.

Tout comme la population juive et communiste, ils sont victimes d'exactions perpétrés par les SS et leurs collaborateurs. Ce fut le cas lors l'exécution de Saint-Sixte (Lot-et-Garonne)[29] où ont été abattus 17 personnes dont 6 enfants et 2 femmes enceintes, par "Das Reich".

Ils ont également été retenus dans plus de 40 camps d'internement (ou camps de concentration) à travers toute la France[7],[30].

Dans ces camps de concentration, les conditions de vie et d'enfermement étaient propices aux maladies, à la malnutrition, et aux souffrances[31],[32],[33].

En raison d'une mise en lumière tardive des archives au sein des institutions françaises[34], de nombreuses preuves et camps détruits après cette période, des persécutions après la libération[35], des pratiques d'acculturation des camps d'internement, et une coûtume traditionnelle du tabou pour la plupart des ethnies, (et ce, dans le but de preserver la descendance des souffrances), la reconnaissance des camps, des déportations, des conditions de détentions et de "socialisation" des enfants, parfois enlevés à leurs parents puis contraints à une formation sédentaire et religieuse, sont encore méconnues du grand public[36],[37],[38].

Pour exemple, les vestiges du camp de concentration de Montreuil-Bellay, n'ont été redécouverts que dans les années 80. Il faut attendre 1988, pour qu'une stèle y soit installée, puis 2012 pour que le site soit protégé et qu'un projet de mémorial soit proposé par les élus locaux[39]. En 2024, le mémorial n'a pas été construit.

Le nombre réel d'internés et de morts dans ces camps n'a à ce jour, toujours pas été dévoilé.

Une partie des détenus ne sont relâchés que bien après la Libération, et plus d'un an après la capitulation allemande du 8 mai 1945. Le dernier camp libéré sera le camp des Alliers, proche d'Angoulême, le 1er juin 1946[40],[41].

Les autorités françaises du Gouvernement provisoire à la Libération, comme celles de Vichy, souhaitent sédentariser et « socialiser » les tziganes, ce qui pourrait être assimilé à une acculturation contrainte[42],[43]. Et ce, alors même que les traditions dites "Bohémiennes" des nomades originaires d'Inde tel que les forains, cirques, commercants ambulants, migrateurs agricoles et saisonniers pour les recoltes, maréchal ferrant, artisans cordonniers ou vanniers, musiciens et artistes itinérants, etc. sont présents sur le continent européen depuis le Moyen Âge[44].

Longtemps ignorés, bon nombre des tziganes français ont pourtant participé à la résistance[45],[46]. Comme Armand Stenegry, Jean Beaumarie, Raymond Gurême[47].

Par ailleurs, le jour de la résistance Roms est célébré le 16 mai 1944 au sein des diverses communautés sinté. En hommage à la revolte collective du camp de Birkenau ayant eu lieu a cette date. À l'annonce de leur extermination, alors même qu'ils étaient détenus, ils se sont opposés vigoureusement aux Nazis qui ont été contraint de repousser leur exécution[48].

Les conséquences du Porajmos peuvent être multiples encore actuellement. Les connaissances actuelles en neurologies[49] et en psychologies[50] des survivants de la Shoah, applicable aux victimes de Porajmos, affirment un risque héréditaire de terrain favorable aux syndromes de stress-post traumatique[51] ainsi qu'un terrain favorable aux souffrances psychiques[52], que les origines Tsiganes ait été transmises ou cachées par crainte pour les descendants, ou occultées suite à l'acculturation infantile des camps.[53]

Malgré les conséquences lourdes et les spoliations, aucune indemnisation n'a été accordée par la France aux victimes Tziganes, le dernier rejet par le conseil d'État des demandes faites par des associations de victimes datant de 2020[54].

Aujourd'hui, on peut relever que l'antitsiganisme [55] et les condamnations de la France par la CEDH, et l'ONU sont toujours présent[56],[57], en particulier pour les populations ayant préservé le nomadisme. Ce qui explique une méfiance et une discrétion d'une grande partie des descendants tsiganes.[58]


En Allemagne, comme le dit l'Encyclopédie de la Shoah :

« Après la guerre, la discrimination contre les Tsiganes ne cessa pas, la République fédérale d'Allemagne décida que toutes les mesures prises contre les Tsiganes avant 1943 relevaient d'une politique légitime de l’État et ne nécessitaient pas de réparations. L'incarcération, la stérilisation et même la déportation étaient considérées comme une politique légitime… Le chancelier allemand Helmut Kohl reconnut formellement la réalité du génocide des Tsiganes en 1982. Mais à cette date, la plupart des victimes susceptibles de toucher des réparations conformément à la loi allemande étaient déjà mortes[59]. »

Reconnaissance[modifier | modifier le code]

La stèle construite sur la tombe commune des victimes du massacre de Szczurowa en 1956 constitue le premier mémorial à la mémoire des victimes roms du Porajmos.

Le Porajmos n’a pas encore été reconnu comme génocide malgré la commémoration par le Parlement européen du « génocide des Roms » lors d'une session plénière le mercredi à Bruxelles ; son président, Jerzy Buzek, a notamment fait remarquer dans son discours que « le soixante-sixième anniversaire de la libération du camp d'Auschwitz-Birkenau nous rappelle que les Roms furent la troisième minorité parmi les victimes. Malheureusement, cette réalité n'est pas connue de tous les Européens[60]. »

L'Allemagne reconnaît sa responsabilité historique en 1982[5].

En France, le député Frédéric Dutoit a présenté pour la première fois en 2007 une proposition de loi visant à la reconnaissance du génocide tzigane par l'Allemagne nazie et à l'instauration d'un jour commémorant les victimes de ce génocide[61]. En , le sénateur Robert Bret a déposé la même proposition au Sénat[62]. Ensuite le député Jean-Jacques Candelier et plusieurs de ses collègues ont déposé le une proposition de loi[63],[64]. Le sujet du génocide tsigane reste peu enseigné en France même si depuis la réforme des programmes de 2019, une partie du thème 3 "Histoire et mémoires" aborde désormais ces évènements en spécialité Histoire, Géographie, Géopolitique et Sciences Politiques en classe de terminale générale[65].

En , l’État franchit un premier pas vers la reconnaissance de la participation de la France à l'internement des Tziganes, le secrétaire d'État aux anciens combattants Hubert Falco l'évoquant lors d’une Journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l'État français et d'hommage aux « Justes » de France[66]. Le président de la République François Hollande reconnaît la responsabilité dans l’internement de Roms de 1940 à 1946 du régime de Vichy, lors d’une cérémonie d’hommage sur le site d’un ancien camp à Montreuil-Bellay (Maine-et-Loire), le plus grand des 31 camps gérés par les autorités françaises, dans lesquels furent internés entre 6 000 et 6 500 nomades[5],[66].

La journée européenne de commémoration du génocide des Roms se tient le . Elle est reconnue officiellement depuis 2015 par le Parlement européen[67]. Sa date fait écho à la « Zigeunernacht » (la Nuit des Tsiganes, en français) : la nuit du 2 au , les nazis ont décidé la liquidation du camp des Roms d'Auschwitz-Birkenau, assassinant près de 3 000 personnes[67].

Victimes connues[modifier | modifier le code]

  • Settela Steinbach (1934-1944), jeune fille rom assassinée à Auschwitz.
  • Johann Trollmann (1907-1943), boxeur, incorporé dans l'armée allemande, exécuté à Neuengamme
  • Raymond Gurême (1925-2020) , survivant de camp d'internement français, résistant, militant, écrivain et artiste.
  • Jacqueline Valdoche (décembre 1943 - janvier 1944), connue pour être la plus jeune déportée de Belgique, âgée de 30 jours. Déportée vers Auschwitz par le convoi Z de Malines.
  • Lina Jackson, Née Ruth Steinbach (1929 - ) en Allemagne, survivante des camps d'Auschwitz, où sa famille a été déportée. Connue pour témoigner et entretenir la mémoire du génocide Tzigane[68].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. « « Hitler n’a peut-être pas tué assez » de tziganes. Mais combien en a-t-il tué au juste ? », sur slate.fr (consulté le )
  2. Coquio, p. 1206.
  3. Georges Bensoussan (dir.), Jean-Marc Dreyfus (dir.), Édouard Husson (dir.) et al., Dictionnaire de la Shoah, Paris, Larousse, coll. « À présent », , 638 p. (ISBN 978-2-03-583781-3), p. 557.
  4. « Samudaripen, le génocide des Tsiganes », Le Monde diplomatique,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  5. a b c d et e Florence Aubenas, « Ceija Stojka : à la découverte d’une artiste rom et déportée », lemonde.fr, (consulté le ).
  6. a et b « Claire Auzias entretien : le génocide des Tziganes - vidéo Dailymotion : 39e minute et suivantes », sur Dailymotion, (consulté le ).
  7. a et b Voir sur dosta.org.
  8. Voir sur romanykultury.info.
  9. a et b Ian Hancock, On the word Porrajmos.
  10. Lire l'intégralité du dossier Hubert.
  11. Bernardac, I, p. 53-54.
  12. Dictionnaire de la Shoah, p. 558.
  13. Bernardac, I, p. 48.
  14. Dictionnaire de la Shoah, p. 559.
  15. Le génocide des Tsiganes par les nazis.
  16. Lise Foisneau, Les Nomades face à la guerre, Paris, Kuncksieck, , 272 p. (ISBN 2252045639), p. 17
  17. Christian Bernardac, L'Holocauste oublié, tome II, p. 262.
  18. Idem.
  19. Donald Kenrick et Grattan Puxon, The destiny of Europe's Gypsies, 1972, Londres, page ?.
  20. Bernardac, idem, p. 265.
  21. Giovanna Boursier, « Project Education of Roma Children in Europe: The Nazi Periodin Italy », Conseil de l'Europe (consulté le ).
  22. AJ Edelheit & H Edelheit, History of the Holocaust: a handbook and dictionary, p. 458, Westview Press, 1994
  23. a et b t.  II, p. 264-265, 1980.
  24. (fr-fr) Mémoires tsiganes, l'autre génocide Consulté le .
  25. Emmanuel Filhol, « L'internement et la déportation de Tsiganes français sous l'Occupation : Mérignac-Poitiers-Sachsenhausen, 1940-1945 », Revue d’Histoire de la Shoah, vol. 170, no 3,‎ , p. 136–182 (ISSN 1281-1505, DOI 10.3917/rhsho1.170.0137, lire en ligne, consulté le )
  26. « Compiègne-Royallieu | Chemins de mémoire », sur www.cheminsdememoire.gouv.fr (consulté le )
  27. Emmanuel Filhol, « L'internement et la déportation de Tsiganes français sous l'Occupation : Mérignac-Poitiers-Sachsenhausen, 1940-1945 », Revue d’Histoire de la Shoah, vol. 170, no 3,‎ , p. 136–182 (ISSN 1281-1505, DOI 10.3917/rhsho1.170.0137, lire en ligne, consulté le )
  28. « memoirestsiganes - Rafles en Belgique et dans le Nord-Pas-de-Calais », sur www.memoirestsiganes.be (consulté le )
  29. « Musée de la résistance en ligne », sur museedelaresistanceenligne.org (consulté le )
  30. « Camps Archives », sur Mémorial des Nomades de France (consulté le )
  31. Emmanuel Filhol, « Le sort des Tsiganes en France (1940‑1946). Une histoire‑mémoire occultée », Témoigner. Entre histoire et mémoire. Revue pluridisciplinaire de la Fondation Auschwitz, no 134,‎ , p. 109–118 (ISSN 2031-4183, DOI 10.4000/temoigner.10939, lire en ligne, consulté le )
  32. L'internement des Tsiganes en France 1940-1946 - Marie-Christine Hubert.
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  36. (fr-fr) L'histoire oubliée de l'internement des Tsiganes Consulté le .
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Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

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  • Henriette Asséo, Les Tsiganes : une destinée européenne, Paris, Gallimard, coll. « Découvertes » (no 218), , 160 p. (ISBN 978-2-07-053156-1, OCLC 807753557)
  • Henriette Asséo, « L'extermination des Tsiganes », dans Stéphane Audoin-Rouzeau, 1914-1918, la violence de guerre, Paris, Gallimard, , 153 p. (ISBN 978-2-07-014257-6, OCLC 893770045)
  • Claire Auzias, Samudaripen, le génocide des Tsiganes, Paris, Esprit frappeur, , 204 p. (ISBN 978-2-84405-112-7)
  • Christian Bernadac (éd.), L'Holocauste oublié. Le massacre des Tsiganes, éd. France-Empire, 1979. édité en deux tomes Famot éd. à Genève en 1980
  • Catherine Coquio et Aurélia Kalisky, L'Enfant et le génocide, Paris: R. Laffont, 2007 (ISBN 9782221099896)
  • Catherine Coquio et Aurélia Kalisky, L'enfant et le génocide : témoignages sur l'enfance pendant la Shoah, Paris, R. Laffont, coll. « Bouquins », , 1264 p. (ISBN 978-2-221-09989-6, OCLC 758156775)
  • Emmanuel Filhol, La Mémoire et l’oubli : L’internement des Tsiganes en France, 1940-1946, Centre de recherches tsiganes, L’Harmattan, 2004
  • Emmanuel Filhol et Marie-Christine Hubert (préf. Henriette Asséo), Les Tsiganes en France, un sort à part, 1939-1946, Paris, Perrin, , 398 p. (ISBN 978-2-262-03063-6, OCLC 822827128)
  • Monique Heddebaut, Des Tsiganes vers Auschwitz : Le convoi Z du , Tirésias-Michel Reynaud, 2018 (préface d'Henriette Asséo)
  • Donald Kenrick et Grattan Puxon, Destins gitans : des origines à la solution finale, éd. Calmann-Lévy, coll. « Archives des sciences sociales », 1974 ; rééd. Gallimard, coll. « Tel », 1995 (traduit de l'anglais par Jean Sendy). Édition originale en anglais : The destiny of Europe's Gypsies, 1972, Londres
  • Guenter Lewy, La Persécution des Tsiganes par les nazis, Les Belles Lettres, 2003 (traduit de l'anglais des États-Unis par Bernard Frumer, préface d'Henriette Asséo)
  • Jean-Jacques Gandini, « Samudaripen, le génocide des Tsiganes », Le Monde diplomatique, [lire en ligne]
  • (en) Romani Rose (édt.), The Nazi genocide of the Sinti and Roma, Heidelberg, Documentary and Cultural Centre of German Sinti and Roma, , 2e éd., 189 p. (ISBN 978-3-929446-06-7, OCLC 925541893)

Documentaire[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

  1. « Mémoires tsiganes, l’autre génocide - Idit Bloch et Juliette Jourdan | Fondation Shoah », sur www.fondationshoah.org (consulté le )