Pierre Conty — Wikipédia

Pierre Conty
Tueur à la chaîne
Information
Naissance (77 ans)
Grenoble
Nationalité Drapeau de la France France
Surnom Le tueur fou de l'Ardèche
Condamnation
Sentence Peine de mort
Actions criminelles Meurtres
Victimes 3 (Dany Luczak, Cyprien et Roland Malosse)
Période -
Pays France
Régions Rhône-Alpes
Ville Saint-André-Lachamp, Niègles
Avocat Robert Badinter

Pierre Conty, né le à Grenoble, est un anarchiste français, auteur en 1977 de trois meurtres par arme à feu dont celui d'un jeune gendarme, au cours de l'attaque d'une banque commise avec deux complices, le plaçant au cœur de ce qui est resté dans les annales criminelles comme l’affaire des « tueurs fous de l'Ardèche ».

Défendu par l'avocat Robert Badinter, il a été condamné à mort par contumace en 1980.

Biographie[modifier | modifier le code]

Pierre Conty, né le [1], a grandi à Grenoble et est issu d'un milieu modeste. Son père, ouvrier de l'usine Neyrpic, était un militant communiste n'occupant pas de responsabilité politique ou syndicale[2]. Ami d’enfance du futur commandant du GIGN Paul Barril, avec qui il passait ses vacances d'été dans la vallée de la Clarée[3], il a souhaité, à l'âge de vingt ans, s'installer vivre à la campagne avec son épouse[2],[4]. Il met ainsi un terme à son travail de fraiseur-ajusteur chez Neyrpic à Grenoble[2] et s'installe avec sa femme Véronique à la fin des années 1960 en Ardèche, d'abord à Antraigues, la commune idéalisée par le chanteur Jean Ferrat, où la mairie communiste lui confie de petits travaux d'entretien[2],[5].

En 1969, il entreprend avec quelques amis un retour à la terre, souhaitant prouver aux paysans qu'un ouvrier peut apprendre leur métier et en vivre. Il s'installe avec l'assentiment du maire PSU de Chanéac, Georges Curinier[2], au hameau abandonné de Rochebesse, sur des terres en friche situées en altitude, sur lesquelles la communauté fait paître des chèvres[2]. Il est d'abord bien accueilli mais devient ensuite, un « personnage sulfureux opposé au système »[6]. Pierre Conty se lie peu à peu avec Marie-Thérèse « Maïté » Merlhiot, une jeune femme de la communauté[2], déclenchant la rupture de son épouse qui quitte le lieu[2], puis fonde avec elle un nouveau couple, avec des enfants[2].

Il s'oppose à des paysans locaux[2], se bagarre avec des voisins, ne paie pas les baux de location, ni rembourse ses emprunts. Il considère en effet que la terre appartient à celui qui la cultive. En , Le Nouvel Observateur lui consacre un article et le décrit ainsi : « Pierrot, le meneur du collectif des jeunes paysans de l'Ardèche »[6].

Il reconnaît s'être imposé avec violence mais soutient que c'est la société qui le lui impose. En difficulté et devenu dépressif, il plonge dans la délinquance. Un jugement du tribunal des baux ruraux de Tournon décide le que les habitants de Rochebesse devront évacuer les lieux avant le [1].

Les faits, l'enquête[modifier | modifier le code]

Celui qui était appelé l'« étranger » ou encore « le hippy », revenu à la terre avec quelques amis dans un hameau isolé des montagnes de l'Ardèche, sur la commune de Chanéac, n'avait que peu d'ennemis quand il décida deux complices à attaquer une banque[4].

Le , il attaque à main armée une agence du Crédit agricole à Villefort (Lozère) dérobant 40 000 francs (25 582 euros en 2022)[5],[7] avec deux complices de sa communauté, Stéphane Viaux-Peccate et Jean-Philippe Mouillot. Le trio prend la fuite en voiture et se retrouve face à une Estafette de la gendarmerie à Saint-André-Lachamp (Ardèche). Pierre Conty tire sur le gendarme Dany Luczak (21 ans), touché de plusieurs balles à l'abdomen, qui succombera à ses blessures le dans un hôpital de Montpellier[8],[9].

Le second gendarme, Henri Klinz (25 ans), a le temps de prendre la fuite[10],[11],[12]. Conty, Mouillot et Viaux-Peccate percutent ensuite une Renault 12 dans laquelle se trouvent Roland Malosse (21 ans) et son passager Michel Veyrenc (22 ans)[13],[14],[15]. Le jeune Malosse est abattu par Conty, juste après son père Cyprien qui se trouvait dans la Peugeot 204 break derrière, chez qui Conty était client et avait une dette, et qu'il a abattu à bout portant sans un mot échangé immédiatement après avoir ouvert la portière de la 204, selon Klinz qui cite le dossier[16].

Les trois fugitifs sont surnommés « les tueurs fous de l'Ardèche ». Conty devient l'homme le plus recherché de France. Il se signale une dernière fois, le , par une lettre à Alain Clergue, juge d'instruction du tribunal de Privas, dans laquelle il explique qu'il n'est « ni un tueur ni un otage »[4].

Le , Stéphane Viaux-Peccate est arrêté à Groningue aux Pays-Bas dans une vaste opération menée contre la bande à Baader[17]. Jean-Philippe Mouillot se rend le à Paris[18].

Jugements et fuite[modifier | modifier le code]

Le à Privas, Jean-Michel Mouillot est condamné à cinq ans d'emprisonnement et Stéphane Viaux-Peccate à dix-huit ans de réclusion criminelle (alors même que l'avocat général André Tour avait requis la perpétuité à son encontre)[19],[20].

Pierre Conty, défendu par l'avocat Robert Badinter[15], qui deviendra peu après ministre de la Justice de François Mitterrand, est lui condamné à la peine de mort par contumace en 1980. L'avocat du deuxième gendarme, Henri Klinz, qui avait eu le temps de prendre la fuite après avoir été blessé, a présenté au procès des éléments factuels qui ont fragilisé la tactique de la défense[15]. Six mois après les crimes de Conty est fondée l'association Légitime défense, qui défend en particulier les victimes, notamment les policiers et gendarmes attaqués à l'arme à feu par des malfaiteurs.

Christian Bonnet, ministre de l'intérieur en 1977, a énigmatiquement déclaré à son sujet dans une conférence de presse « Il ne nuira plus », suggérant qu'il a été abattu par des anciens camarades ou par les services de renseignement français[21]. Dans les mois et années qui suivent son attaque d', dans la région, des dizaines de personnes croient avoir vu Conty commettre de nouveaux crimes mais chaque fois on découvre qu'il s'agit d'un autre[4].

Le , les policiers, qui enquêtent sur les activités du groupe Action directe, ont saisi non loin de la ferme de Rochebesse un important stock d'explosifs (1 250 kg), huit armes de guerre et un millier de cartouches. Marie-Thérèse Merlhiot et deux amis sont arrêtés, puis rapidement relâchés et mis hors de cause[22]. Ce n'est que le que la justice ordonne la cessation des recherches sur Conty, le fugitif étant même supprimé du FPR[15]. Le , la peine capitale prononcée à l'encontre de Pierre Conty est prescrite[15].

Révélations au siècle suivant[modifier | modifier le code]

En , le livre-enquête d'Henry Klinz, jeune gendarme blessé à l'époque par Pierre Conty et ses deux complices[15], révèle en grande partie la façon dont Conty a fui à l'étranger[15].

En , après s'être assurée auprès d'un avocat que les faits sont prescrits, une femme nommée Noëlle Sarrola publie sur Internet un livre intitulé Une version des faits[23], où elle raconte comment elle a apporté son aide au tueur, à l'âge de 25 ans, alors qu'elle élevait des chèvres avec son compagnon dans la Drôme[23]. Elle n'avait vu Conty qu'une fois dans sa vie, deux ans plus tôt, lors d'un voyage en Ardèche avec son compagnon pour aller dans la communauté de Pierre Conty, à Rochebesse, afin de lui acheter son troupeau de chèvres. Le dimanche après-midi, sans prévenir et toujours armé, Pierre Conty s'est réfugié dans sa ferme alors que Noëlle Sarrola y était seule et s'y est caché durant huit jours[23]. Après quoi, grimé et muni de faux papiers, il a pris la fuite vers « un pays d'où il ne pouvait être extradé. Il y avait des potes, sa survie ne pouvait passer que par un exil lointain. »[24],[23],[25]. Son livre confirme l'origine du stock d'explosifs découvert en à Rochebesse[23] : le vol commis dans la nuit du au dans une carrière de Veurey-Voroize (Isère) par un groupe mené par le compagnon de Noëlle Sarrola[22],[23],[26].

Le la communauté de Pierre Conty fait parler d'elle lorsqu'un de ses membres abat sept chiens de chasse, qui s'en étaient pris à des cochons d'élevage[27].

Références[modifier | modifier le code]

  1. a et b « De la marginalité au crime », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  2. a b c d e f g h i et j Blanc.
  3. Capitaine Barril, Missions très spéciales, Paris, Presses de la Cité, , p. 16
  4. a b c et d Philippe Boggio, « Le " hippy " introuvable », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  5. a et b Dominique Richard, « Depuis 1977, le tueur fou de l’Ardèche est toujours introuvable », Sud Ouest, (consulté le )
  6. a et b Pontaut.
  7. Nadia Jouaudin, « Valeur en euros des francs de 1950 à 2022 », Le Particulier, (consulté le )
  8. « MORT DU GENDARME BLESSÉ PAR LES TUEURS DE L'ARDÈCHE », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  9. « Le fantôme de Pierre Conty », Le Dauphiné libéré, (consulté le )
  10. Nicolas Ferro, « Ardèche : Henri Klinz, le gendarme rescapé de la cavale de Pierre Conty témoigne dans un livre », France 3 Auvergne-Rhône-Alpes, (consulté le )
  11. « Henri Klintz a retracé la vie du criminel Pierre Conty », Midi libre, (consulté le ).
  12. « Henri Klinz à l'Université pour tous - Yssingeaux (43200) », L'Éveil de la Haute-Loire, (consulté le ).
  13. Flavien Osanna, « Le rescapé de Niègles n’a rien oublié », Le Dauphiné libéré, (consulté le )
  14. Nathalie Courtial, « Affaire Conty : retour sur le parcours sanglant des « tueurs fous de l’Ardèche » », L'Éveil de la Haute-Loire, (consulté le )
  15. a b c d e f et g Klinz.
  16. « Nuit de terreur en Basse-Ardèche : Des bandits tuent deux automobilistes, en écrasent un troisième et blessent deux gendarmes », L'Impartial, no 30579,‎ , p. 1 (lire en ligne Accès libre [PDF])
  17. François Barrère, « Braquage mortel à l'été 1977 : "J’ai sauvé le tueur de l’Ardèche" », Midi libre, (consulté le )
  18. « Tueurs de l'Ardèche : Chauffeur arrêté », L'Impartial, no 30715,‎ , p. 24 (lire en ligne Accès libre [PDF])
  19. Philippe Boggio, « Une peine de dix-huit ans de réclusion criminelle et une de cinq ans pour les complices de Pierre Conty », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  20. « LA RÉCLUSION CRIMINELLE À PERPÉTUITÉ EST REQUISE CONTRE STÉPHANE VIAUX-PECCATE », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  21. Jean Durand, De Mandrin à Conty : deux siècles de criminalité, Florac-Trois-Rivières, La Mirandole, , 246 p. (ISBN 978-2-909282-22-0), p. 223-229.
  22. a et b « Un important stock d'explosifs est découvert près de la ferme où habitait Pierre Conty », Le Monde,‎ , Le Monde (lire en ligne)
  23. a b c d e et f Sarrola.
  24. Pierre Fayolle, « Pierre Conty : l’incroyable récit de sa disparition », Le Dauphiné libre, (consulté le )
  25. Nathalie Courtial, « Noëlle Sarrola raconte comment elle a aidé à l’époque le « Tueur fou de l’Ardèche » à quitter la France », La Montagne, (consulté le )
  26. « L’arsenal de Pierre Conty découvert 3 ans après sa disparition », Le Dauphiné libéré, (consulté le )
  27. « Sept chiens de chasse tués dans la propriété de la communauté de Pierre Conty alias le "tueur fou" », Le Dauphiné libre, (consulté le )

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Médiagraphie[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Yannick Blanc, Les Esperados : histoire vraie, Laffont, réédition en 2011 aux éditions L'Échappée sous le titre : Les Esperados : une histoire des années 1970, (ISBN 978-2915830613).
  • Noëlle Sarrola, Une version des faits, Saint-Denis, Publibook, , 152 p. (ISBN 978-2-342-15095-7, OCLC 1003148835, lire en ligne)
    Ce livre publié sur internet raconte les derniers jours en France de Pierre Conty , comment il a pu quitter le territoire national avec l’aide de l'auteur, Noëlle Sarrola, qui élevait alors des chèvres sur les hauteurs de la Drôme
    .
  • Henri Klinz (préf. Jacques Dallest), Mon témoignage sur l'affaire Pierre Conty : Le Tueur fou de l'Ardèche, Paris, Mareuil Éditions, , 304 p. (ISBN 978-2-37254-077-3, OCLC 1048343330)
    Il s'agit du témoignage du gendarme rescapé de la fusillade de Crédit agricole en 1977
    .
  • Jean-Marie Pontaut, L'affaire de leur vie : Confessions des grands flics de la PJ, Paris, Tallandier, , 285 p. (ISBN 979-10-210-3594-2, OCLC 1182585665)

Documentaires vidéo[modifier | modifier le code]

  • L'Affaire Conty, magazine de Patrice Morel, France 3, 2007, [1] et [2]
  • Daniel Pajonk, « Ardèche : l'affaire Conty refait surface », France 3 Auvergne-Rhône-Alpes,‎ (lire en ligne).
  • Épisode Affaire Pierre Conty, les hippies tueurs, cinquième épisode de la quatrième saison de la série Au bout de l'enquête, la fin du crime parfait ?, d'une durée de 55 minutes. Réalisation de Hélène Gauthier. Diffusé pour la première fois le à 14 h sur la chaîne France 2..

Documentaires audio[modifier | modifier le code]

  • Épisode Pierre Conty, le tueur de l’Ardèche, de la série Hondelatte raconte, d'une durée de 46 minutes et 37 secondes. Réalisation de Céline Le Bras. Diffusé pour la première fois le à 16 h à l'antenne d'Europe 1.
  • Épisode Pierre Conty, le choix des armes, deuxième épisode de la série L'Ardèche, le temps des communautés, d'une durée de 29 minutes et 30 secondes. Réalisation de Domitille Piron et François Teste. Diffusé pour la première fois le à 13 h 55 sur la chaîne France Culture.. Écouter l'épisode en ligne.
  • Épisode Pierre Conty, un condamné à mort en exil, de la série Affaires sensibles, d'une durée de 54 minutes. Production de Fabrice Drouelle. Diffusé pour la première fois le mardi 28 août 2018 et rediffusé le vendredi 5 avril 2024 à l'antenne de France Inter. Écouter l'épisode en ligne

Article connexe[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]