Ernest Wickersheimer — Wikipédia

Ernest Wickersheimer
Ernest Wickersheimer en .
Fonctions
Administrateur
Bibliothèque nationale et universitaire
-
Directeur
Bibliothèque nationale et universitaire
-
Chargé de mission
Bibliothèque nationale et universitaire
-
Biographie
Naissance
Décès
Nom de naissance
Charles Adolphe Ernest WickersheimerVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Activité
Conjoint
Edith Rudolf
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Ernest Wickersheimer, né le à Bar-le-Duc et mort le à Schiltigheim[1], est un médecin, historien de la médecine et bibliothécaire français. Après avoir exercé à la bibliothèque de l’Académie nationale de médecine à Paris, il dirige la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg (BNU) de à [2]. À ce poste il organise l'évacuation de l'institution à Clermont-Ferrand au début de la Seconde Guerre mondiale[3].

Biographie[modifier | modifier le code]

Jeunesse et formation[modifier | modifier le code]

Charles Adolphe Ernest Wickersheimer est le fils d’Emma Sophie Madeleine Stahl et d’Ernest Wickersheimer, médecin militaire originaire de Handschuheim ayant quitté l’Alsace lors de son annexion par l'Empire allemand en [4]. Établie à Bar-le-Duc, la famille s’installe à Paris en ce qui amène le jeune Ernest suivre des études secondaires au lycée Janson-de-Sailly avant d’entreprendre une formation universitaire à la faculté de médecine.

Le , il soutient une thèse intitulée La médecine et les médecins en France à l’époque de la Renaissance et se voit décerner la médaille d’argent par la faculté[2]. Le sujet de sa thèse est d’ordre historique et le conduit à fréquenter des bibliothèques et archives, contribuant ainsi à la direction que prend sa carrière[5].

À partir du , il est stagiaire à la bibliothèque de la faculté de médecine pour deux ans. Durant ce stage il passe six mois à l’université d’Iéna, en Saxe-Weimar-Eisenach, afin d’apprendre les méthodes bibliothéconomiques utilisées en Allemagne[6]. Il effectue ce séjour auprès de son oncle maternel, le professeur de botanique Christian Ernst Stahl, puis devient l’élève de Karl Sudhoff, éminent historien de la médecine médiévale[4] pour lequel un institut d’histoire de la médecine a été créé à Leipzig en Saxe, foyer international de recherche et d’enseignement[5].

Début de carrière[modifier | modifier le code]

À son retour en France, Wickersheimer réussit en le concours du certificat d’aptitude aux fonctions de bibliothécaire (CAFB), premier de sa promotion. La même année paraît son Index chronologique des périodiques médicaux de France de 1679 à 1856. Wickersheimer est ensuite nommé à la Sorbonne le . Durant l’année , il entreprend un voyage aux États-Unis, notamment à Crown Point dans l’État de l'Indiana, où il épouse Edith Rudolf[4]. Ce séjour lui permet de rencontrer d’autres spécialistes de l’histoire de la médecine et des sciences. À l’issue de son voyage, il publie Notes sur quelques bibliothèques américaines[5]. À son retour à Paris, il devient bibliothécaire à l’Académie nationale de médecine le . Pour cette institution, il élabore le Catalogue alphabétique des ouvrages imprimés depuis 1872[4].

Mobilisé le , il soigne les blessés et les malades durant la Première Guerre mondiale pour devenir médecin-major en après l’obtention de deux promotions. Il reçoit la croix de chevalier de la Légion d’honneur et la croix de guerre en raison de son courage. À la fin du conflit, l’Alsace-Lorraine passe sous administration française. Il est alors envoyé à Strasbourg le pour diriger l'ancienne Kaiserliche Universitäts- und Landesbibliothek zu Strassburg (à savoir, la « Bibliothèque régionale universitaire et impériale ») fondée par l'administration impériale allemande en [6]. D’abord chargé de mission, il est nommé directeur de l’institution le . Lorsque les statuts de celle-ci sont définitivement adoptés le par les autorités françaises, Wickersheimer se voit attribuer les fonctions d'administrateur de la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg (BNU), nom de prend alors l’établissement[7].

Le bâtiment de la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg en .

À la tête de la bibliothèque il entreprend de profondes modifications dans l'organisation de l'établissement avec l'aide de Henri Omont, inspecteur des bibliothèques et des archives, pour y instaurer les pratiques bibliothéconomiques françaises. Wickersheimer met alors en place une nouvelle classification bibliographique des documents dès en remplaçant le classement systématique, héritée de la période allemande, par une cotation numérique pour mieux organiser les rayonnages[8]. La décision suscite de nombreuses protestations parmi le personnel durant tout l'entre-deux-guerres[9]. Cette réforme est inspirée de celle mise en place par Léopold Delisle à la Bibliothèque nationale à Paris. Wickersheimer met en place d'autres changements pour réformer le fonctionnement de la BNU, notamment en instaurant des registres d'inventaire[10] et en mettant deux nouveaux catalogues de la bibliothèque à disposition du public[3]. Ces différentes réformes permettent d'adapter l'établissement aux standards documentaires internationaux[11].

Durant la Seconde Guerre mondiale[modifier | modifier le code]

Au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, débute l'évacuation des régions françaises frontalières de l'Allemagne nazie, notamment Strasbourg. Les habitants et les services administratifs partent en direction du Massif central et du sud de la France. Le personnel de la Bibliothèque nationale et universitaire reçoit ainsi l'ordre de se replier à Clermont-Ferrand, tout comme le personnel de l'université de Strasbourg. L'intégralité des documents est également transférée vers le Puy-de-Dôme à partir de . Wickersheimer est mobilisé comme médecin-commandant durant la bataille de France[12]. Il confie à Marie Kuhlmann et à Serge Fischer la supervision du transfert des collections de la bibliothèque vers l'université de Clermont-Ferrand, le château de Cordès, celui des Quayres et celui de Theix, ainsi qu'à Châteaugay et Pont-du-Château[13].

Ernest Wickersheimer (au centre) aux côtés d'Édith Bernardin et de Marie Kuhlmann lors des célébrations de Pâques à Orcival en .

Après l'Armistice du 22 juin 1940, Wickersheimer rejoint les services de la BNU repliée en Auvergne et organise l'activité de la bibliothèque, avec une équipe et des moyens réduits, au service des deux universités clermontoise et strasbourgeoise[14]. À la suite de l'annexion de l'Alsace par le Reich, les autorités allemandes fondent la Universitäts- und Landesbibliothek Strassburg (à savoir, « Bibliothèque régionale et universitaire de Strasbourg ») dans le bâtiment évacué par la BNU en et exigent le retour des collections à Strasbourg en . Le gouvernement de Vichy est contraint de céder aux menaces allemandes pour éviter le pillage de la bibliothèque de la Sorbonne par les forces d'occupation. Opposé à ce projet, Wickersheimer et son équipe ne participent pas à ce transfert et conservent leurs bureaux à Clermont-Ferrand pour y maintenir symboliquement l'administration de la BNU.

Lors de la libération de l'Alsace par les Alliés, il se rend à Strasbourg pour examiner les collections dont certaines ont été abîmées ou détruites lors des bombardements et des combats dans la région. Il prépare également le retour des services de la bibliothèque après cinq années de repli dans le Massif central.

Fin de carrière[modifier | modifier le code]

La guerre terminée en Europe, le directeur de la BNU quitte définitivement Clermont-Ferrand le [15]. Les services administratifs de l'établissement reprennent possession des locaux de la bibliothèque à Strasbourg abandonnés depuis plusieurs mois par les autorités allemandes. Celles-ci ont transféré à l'automne une partie des collections en allemand vers la bibliothèque universitaire de Göttingen, au centre du Reich, face à l'avancée des troupes alliées.

À son retour à Strasbourg, Wickersheimer supervise la réparation du bâtiment bombardé durant le conflit et la réouverture de l'institution au public. Il se charge également de reconstituer les collections disparues. Du au il entreprend ainsi une expédition à travers l'Allemagne occupée avec deux agents de la bibliothèque pour mener trois camions dotés chacun d'une remorque de 15 tonnes afin de récupérer les livres transférés à Göttingen : 31 062 volumes et 8 392 brochures reviennent ainsi à Strasbourg[16].

Le directeur de la BNU est fait officier de la Légion d'honneur en . Les chantiers d'après-guerre au sein de la bibliothèque sont achevés pour la plupart lorsqu'il prend sa retraite le [17]. Maurice Piquard lui succède à la tête de l'institution. Ernest Wickersheimer demeure membre du conseil d'administration de la BNU jusqu'à sa mort le [15].

Travaux scientifiques[modifier | modifier le code]

Comme historien de la médecine, Ernest Wickersheimer a été membre de plusieurs sociétés savantes françaises, allemandes, belges, britanniques, cubaines, néerlandaises, suédoises et suisses[15].

Il est ainsi secrétaire général de la Société française d'histoire de la médecine de à , membre du Comité des travaux historiques et scientifiques en et de la Société internationale d'histoire de la pharmacie en , puis président de la Société internationale d'histoire de la médecine de à . En il devient secrétaire perpétuel de l'Académie internationale d'histoire des sciences dont il est membre depuis . Il fréquente également le milieu universitaire d'Allemagne de l'Ouest, intègre l'Académie des sciences et des lettres de Mayence en et l'Académie Léopoldine en , puis reçoit le titre de docteur honoris causa en médecine de l'université Johann Wolfgang Goethe de Francfort-sur-le-Main en . Il préside par ailleurs la Société pour la conservation des monuments historiques d'Alsace de à [4].

Spécialiste de l'histoire de la médecine au Moyen Âge, notamment de l'École de médecine de Salerne, il est l'auteur de huit ouvrages et de 250 contributions dans une cinquantaine de revues scientifiques[3],[4]. Ainsi paraît le Dictionnaire biographique des médecins de France au Moyen Âge en puis Les manuscrits latins de médecine du haut Moyen Âge dans les bibliothèques de France en , à titre posthume[15].

Décorations[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a et b « WICKERSHEIMER Charles Adolphe Ernest », base Léonore, ministère français de la culture
  2. a et b Veinstein 1965, p. 381.
  3. a b et c Didier 2020, p. 250.
  4. a b c d e et f Littler 2002, p. 4221.
  5. a b et c Lorentz 2015, p. 377.
  6. a et b Didier 2020, p. 249.
  7. Association Les amis des hôpitaux universitaires de Strasbourg 2001, p. 8
  8. Dubled 1973, p. 33.
  9. Didier et Zeller 2015, p. 23.
  10. Dubled 1973, p. 34-35.
  11. Lorentz 2017, p. 562.
  12. Barbier 2015, p. 287.
  13. Bischoff 2011, p. 342.
  14. Lorentz 2015, p. 378.
  15. a b c et d Lorentz 2015, p. 379.
  16. Bornemann 2013, p. 36.
  17. Metz 1965, p. 111-118.
  18. « Officiers de l’instruction publique », JORF no 190 du , p. 4358
  19. « Ernest Wickersheim, Croix de Guerre 1914-1917 », sur catalogue.bnf.fr (consulté le )

Annexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Association Les amis des hôpitaux universitaires de Strasbourg, « L'éminente notoriété d'Ernest Wickersheimer », Histoire & patrimoine hospitalier : bulletin de l'Association Les Amis des hôpitaux universitaires de Strasbourg,‎ , p. 8 (ISSN 1637-2778, lire en ligne)
  • Frédéric Barbier, Bibliothèques Strasbourg : origines - XXIe siècle, [Paris], Éditions des Cendres, , 444 p. (ISBN 978-2-8592-3060-9 et 978-2-8674-2234-8)
  • Georges Bischoff, « Strasbourg – Clermont 1939-1945 : L’Université de la Résistance », Revue d'histoire et de philosophie religieuses, nos 91-3,‎ , p. 339-351 (ISSN 0035-2403 et 2269-479X, OCLC 472688541, DOI 10.3406/RHPR.2011.1566, lire en ligne)Voir et modifier les données sur Wikidata
  • Daniel Bornemann, « Les livres au gré des tempêtes de l’Histoire : les collections de la BNU entre 1938 et 1946 », dans De Strasbourg à Göttingen : retour sur une histoire oubliée, Strasbourg, Bibliothèque nationale universitaire de Strasbourg, (ISBN 2-8592-3042-4 et 978-2-8592-3042-5), p. 26-41
  • Pierre Costabel, « In memoriam Ernest Wickersheimer (1880-1965) », Archives internationales d’histoire des sciences, nos 74/75,‎ , p. 133-135 (ISSN 0003-9810)
  • Christophe Didier, « Wickersheimer, Ernest », dans Isabelle Antonutti, Figures de bibliothécaires, Villeurbanne, Presses de l'Enssib, (ISBN 978-2-3754-6135-8), p. 249-250
  • Christophe Didier et Madeleine Zeller, Métamorphoses : un bâtiment, des collections, Strasbourg, Bibliothèque nationale et universitaire, , 349 p. (ISBN 978-2-85923-056-2)
  • Henri Dubled, Histoire de la Bibliothèque Nationale et universitaire de Strasbourg, Strasbourg, Société académique du Bas-Rhin, , 2e éd., 54 p.
  • Wilfried Enderle (trad. Gisela Belot), « La Bibliothèque universitaire de Göttingen et la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg de 1940 à 1946 : retour sur une histoire oubliée », dans De Strasbourg à Göttingen, Strasbourg, Bibliothèque nationale universitaire de Strasbourg, (ISBN 2-8592-3042-4 et 978-2-8592-3042-5, lire en ligne), p. 10-25
  • Gérard Littler, « Wickersheimer Charles Adolphe Ernest », dans Jean-Pierre Kintz, Nouveau dictionnaire de biographie alsacienne, vol. 40 : Wel à Y, Strasbourg, Fédération des sociétés d'histoire et d'archéologie d'Alsace, (ISBN 2-85759-039-3), p. 4219
  • Claude Lorentz, « Ernest Wickersheimer (12 juillet 1880 - 6 août 1965) », dans Frédéric Barbier (dir.), Bibliothèques Strasbourg : origines - XXIe siècle, [Paris], Éditions des Cendres, (ISBN 978-2-8592-3060-9 et 978-2-8674-2234-8), p. 377-379
  • Claude Lorentz, « Wickersheimer, Ernest », dans Roland Recht et Jean-Claude Richez (dir.), Dictionnaire culturel de Strasbourg : Dictionnaire culturel de Strasbourg, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, (ISBN 978-2-8682-0988-7), p. 562
  • Catherine Maurer, « La Seconde Guerre mondiale (1939-1945) : deux bibliothèques, dans et hors Strasbourg », dans Frédéric Barbier (dir.), Bibliothèques Strasbourg : origines - XXIe siècle, [Paris], Éditions des Cendres, (ISBN 978-2-8592-3060-9 et 978-2-8674-2234-8), p. 291-307
  • René Metz, « Ernest Wickersheimer (1880-1965) », Cahiers alsaciens d'archéologie, d'art et d'histoire, no 9,‎ , p. 111-118 (ISSN 0575-0385, lire en ligne)
  • André Veinstein, « Nécrologie : Ernest Wickersheimer, Paul Blanchart », Bulletin des bibliothèques de France, no 11,‎ , p. 381-383 (ISSN 1292-8399, lire en ligne, consulté le ).

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]