Condition féminine chez les Témoins de Jéhovah — Wikipédia

Les Témoins de Jéhovah estiment que la femme a un rôle différent de celui de l'homme au sein du cadre familial, religieux et social. Ils se basent entre autres sur le récit de la création de l'homme dans la Genèse, qui dit que Dieu a créé la femme en tant que complément de l'homme[1]. Pour les Témoins de Jéhovah, cette complémentarité implique que, dans la disposition divine originale, l'homme était incomplet sans une femme[2].

Cependant, la bible dit que la femme doit être soumise à son mari, ceci étant une soumission relative, mais l'homme doit aimer sa femme comme lui-même (Éphésiens 5:33). Cette soumission implique un certain nombre de particularités dans le rôle spécifique qu'elle tient au sein de la structure familiale, dans la congrégation chrétienne et dans la société. Cette conception particulière du rôle de la femme a valu à l'organisation des Témoins de Jéhovah diverses critiques.

Historique[modifier | modifier le code]

Rutherford estimait que le fait de mettre en avant les femmes dans les affaires religieuses contribuait à détruire le caractère sacré de la maison et détournait les hommes de Dieu[3]. Selon lui, les femmes ne devaient pas être l'objet de romantisme ou d'adulation. Elles conservaient une bonne position en s'engageant dans l'activité d'évangélisation et en se soumettant à la fois au foyer et à la congrégation. Il était donc préférable qu'elles restent seules et qu'elles soient pionnières (prédicatrices). Au pire, les femmes pouvaient être considérées comme étant des 'Jézabel' hautaines (personnage biblique, épouse du roi israélite Achab, qui était connue pour son arrogance) qui perturbent l'ordre théocratique au sein de l'organisation des Témoins de Jéhovah[4].

Il semblerait que Rutherford dépréciait les femmes[5]. Il estimait qu'il ne fallait pas ôter son chapeau pour saluer une femme (car il considérait cela comme un acte d'idolâtrie), ni lui tenir une porte, ni encore se lever quand elle entrait dans une pièce[6]. Dans cette optique, Rutherford a d'ailleurs condamné la fête des Mères, car il considérait que cette fête accordait trop d'importance aux femmes et conduisait au « culte des mères », détournant ainsi les humains du culte revenant à Dieu[7].

Nathan Homer Knorr, le président suivant, a cependant amélioré la place de la femme dans la communauté, et les épouses y furent bien traitées[8].

Son rôle[modifier | modifier le code]

Au niveau familial[modifier | modifier le code]

Le mari dirige la famille et prend les décisions[9]. La femme doit lui être soumise[10] et lui témoigner un profond respect, son soutien, et le considérer comme son « chef légitime », et cela même s'il ne partage pas ses croyances[11]. Elle doit se consacrer principalement aux tâches domestiques et à l'éducation des enfants, et elle doit s'habiller avec modestie. Pour les Témoins de Jéhovah, le portrait de la femme capable est décrit en Proverbes 31:10 à 31[12], ce que le mouvement religieux considère comme un rôle tout à fait honorable[13].

Une différence de croyance n'autorise pas une femme à quitter son mari. Toutefois, elle peut prétendre à une séparation légale si le mari s'oppose farouchement à sa foi et nuit à sa spiritualité, ou s'il la maltraite au point de mettre sa santé ou sa vie en danger. Elle peut aussi prétendre à un divorce s'il la trompe.

La Société Watchtower justifie sa position dans ce domaine par des versets tels que Éphésiens 5:22,23,33 et 1 Corinthiens 11:3 qui déclarent :

  • « Que les femmes soient soumises à leurs maris comme au Seigneur, parce que le mari est chef de sa femme comme le Christ aussi est chef de la congrégation (...). De son côté, la femme doit avoir un profond respect pour son mari. »
  • « (...) Le chef de la femme, c'est l'homme (...). »

Au niveau spirituel[modifier | modifier le code]

Dans la congrégation, la femme ne peut pas accéder à des fonctions de surveillance (ancien, assistant ministériel), car elles sont exclusivement réservées aux hommes. A fortiori, la femme ne peut pas faire partie du Collège central.

Dès le début de l'année 1959, les femmes dans les congrégations ont commencé à pouvoir participer à l'école du ministère théocratique. Il est cependant impossible pour elles de prononcer des discours ou de diriger des réunions. Elles peuvent toutefois prendre la parole lors des réunions en donnant des commentaires, effectuer des sujets en tant qu'élève, dans ce cas, elle s'adresse à une interlocutrice, et non directement à l'auditoire.

Elles peuvent cependant participer à l'évangélisation. D'ailleurs, la plus grosse partie de cette œuvre est effectuée par les femmes, qui sont en général plus disponibles en semaine. Ce sont aussi souvent les femmes Témoins de Jéhovah qui visitent leurs coreligionnaires malades ou qui s'occupent des pauvres[14].

Éventuellement, les femmes peuvent être membres ointes (c'est-à-dire avoir l'espérance céleste et faire partie des 144 000)[15]. Elles peuvent également occuper des postes importants dans d'autres instances de l'organisation, comme être à la tête du Cercle européen des Témoins de Jéhovah anciens déportés et internés (CETJAD), rôle actuellement assumé par Ruth Danner, elle-même ancienne déportée, et qui remplaçait à cette position une autre femme ancienne déportée, Simone Arnold Liebster[16].

Si, en l'absence d'éléments masculins, elles doivent remplir un rôle lié au culte normalement dévolu à l'homme, elles doivent se couvrir la tête en signe de soumission[17],[18].

Critiques[modifier | modifier le code]

Certains détracteurs du mouvement estiment que la Société Watchtower a un point de vue désuet sur le rôle de la femme, n'accordant pas une place valorisante à celle-ci et ne respectant pas ainsi la parité entre les deux sexes.

Dans sa biographie, une ancienne fidèle s'est plainte du rôle attribué à la femme dans l'organisation religieuse, en évoquant notamment la soumission au mari, les interdictions d'enseigner en public à la Salle du Royaume et de venir en pantalon aux réunions hebdomadaires[19], [20]. Elle affirme que les réunions de la congrégation font preuve d'un « machisme navrant » et estime que les Témoins de Jéhovah « ont mis en place pour les femmes de la congrégation un schéma moyenâgeux proche de l'inquisition »[21].

La Coordination nationale des victimes de l'organisation des Témoins de Jéhovah estime que le procédé consistant à refuser de laisser les femmes enseigner à la Salle du Royaume est « ridicule et aberrant », affirmant qu'il s'agit d'« un des différents aspects misogynes que compte le culte des Témoins de Jéhovah ». D'après cette association, « les femmes [au sein des Témoins de Jéhovah] sont rabaissées, considérées comme rien sinon comme des prédicatrices dociles, des épouses soumises ou des mères enseignant bien leurs enfants »[22].

Le rapport bisannuel 2001-2002 du CIAOSN (Centre d'information et d'avis sur les organisations sectaires nuisibles) reproche la place que le mouvement religieux accorde à la femme. Il évoque ce fait dans un chapitre intitulé "Problèmes, controverses"[23] :

« Place de la femme : bien que les Témoins de Jéhovah aient rappelé en juin 2002 que, selon leur doctrine, la femme est à l'égal de l'homme, l’attitude que le mouvement recommande à ses membres vis-à-vis de cette dernière ne s’inscrit pas dans la tendance européenne et internationale en matière d’égalité entre hommes et femmes. Chez les Témoins, l’avis du mari prime et sa femme doit le seconder dans ses décisions et les respecter. Elle est soumise à son mari et doit lui témoigner un profond respect car il est le chef de famille. »

Par ailleurs, d'anciens membres estiment que des femmes sont parfois victimes de maltraitance au sein de l'organisation par leur époux et que « ce potentiel d’abus est largement causé par la façon dont la [Société] Watchtower voit et considère les femmes »[24].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Gen.2:18, dans Les Saintes Écritures. Traduction du Monde Nouveau - avec notes et références, Watch Tower Bible and Tract Society of Pennsylvania, 1995, Édition Française :

    «  Et Jéhovah Dieu dit encore : "Il n’est pas bon que l’homme reste seul. Je vais lui faire une aide qui lui corresponde". Avec note en bas de page : Ou: "Qui soit son vis-à-vis (sa pareille, son pendant)", qui lui soit assortie." »

  2. Comment raisonner à partir des Écritures, Watch Tower Bible and Tract Society of Pennsylvania, 1989, Edition Française, p.157 :

    «  Dieu ne tient pas l'homme pour supérieur à la femme. Par cette déclaration, il indique plutôt que la femme serait dotée de qualités qui, dans le cadre de ce qu'il avait prévu, compléteraient celles de l'homme. On dit que deux choses sont complémentaires lorsque chacun d'elles à besoin de l'autre pour être complète. Ainsi, les femmes considérées en tant que groupe se distinguent par certaines aptitudes et qualités, les hommes par d'autres. Voir 1 Corinthiens 11:11,12. »

  3. L'Âge d'or, 9 mai 1934, p. 489 :

    « Putting women to the fore in the affairs of religion and the councils of state has much to do with destroying the sacredness of the home and with turning men away from God. »

  4. Apocalypse delayed : The story of the Jehovah's Witnesses, James Penton, Toronto : University of Toronto Press, 1997, p. 262
  5. "The role of women", Jehovah's Witnesses and the problem of mental illness, Jerry Bergman, Clayton, Californie : Witness Inc., 1992, pp. 246-54
  6. The Four Presidents of The Watch Tower Society, Edmond C. Gruss, Xulon Press, 16 décembre 2003, p. 30 (ISBN 978-1594671319)
  7. The Four Presidents of The Watch Tower Society, Edmond C. Gruss, Xulon Press, 16 décembre 2003, p. 213 (ISBN 978-1594671319). L'ouvrage cite comme référence les publications suivantes : Vindication I, 1931, pp. 156,158-9 ; The Golden Age, 9 mai 1934, pp. 489-90 ; Let God be true, deuxième édition, 1952, p. 24
  8. Apocalypse delayed : The story of the Jehovah's Witnesses, James Penton, Toronto : University of Toronto Press, 1997, p. 267
  9. La Tour de Garde, Watch Tower Bible and Tract Society of Pennsylvania, Édition française du 15 août 1980, p.7 : « Le principe de l’autorité et de la soumission concerne aussi les parents entre eux. Qui doit exercer l’autorité : le mari ou la femme? D’après le Créateur de l’homme et de la femme, c’est au mari que revient cette responsabilité. L’apôtre Paul rappelle à tous que “l’homme n’a pas été créé pour la femme, mais la femme pour l’homme”. (I Cor. 11:9.) La Parole de Dieu déclare également : “Comme la congrégation est soumise au Christ, qu’ainsi les femmes le soient aussi en tout à leurs maris.” (Éph. 5:24). Il ne fait aucun doute que certaines femmes modernes contesteront cette règle. » Étude perspicace des Écritures vol.2, p.220 : « En épousant une femme, l'homme la place sous une loi nouvelle, 'la loi de son mari', qui autorise celui-ci à fixer des règles et des prescriptions pour sa famille (Rm 7:2, 3). Il devient son chef, à qui elle doit être soumise (Ép 5:21-24, 33). »
  10. "Les Témoins de Jéhovah - Demain l'apocalypse", Envoyé spécial, France 2, 1998, à 9 min 25 s :« Dans le domaine privé, ils prônent la soumission totale de l'épouse au mari. »
  11. Les Témoins de Jéhovah, Bernard Blandre, éditions Brepols, 1991, p. 99 (ISBN 2-503-50063-3)
  12. Étude perspicace des Écritures, vol.2, p.223 : « Quelques-uns des devoirs de la femme à l'égard de son mari ou propriétaire : les travaux ménagers, la confection et l'entretien des vêtements, et même certains achats et ventes, ainsi que la surveillance générale de la maisonnée. »
  13. Étude perspicace des Écritures, vol.2 p. 691 : « La grande valeur d'une bonne épouse est décrite en détail en Proverbes chapitre 31 : elle est diligente, digne de confiance et elle gère la maisonnée en étant fidèle et soumise à son mari. »
  14. Apocalypse delayed : The story of the Jehovah's Witnesses, James Penton, Toronto : University of Toronto Press, 1997, p. 268
  15. Comment raisonner à partir des Écritures, pp. 158-159 :

    « D'après la Bible, ce sont les hommes qui étaient chargés de la surveillance des congrégations. Les 12 apôtres de Jésus Christ étaient tous des hommes, de même que les chrétiens qui furent ensuite nommés anciens et serviteurs ministériels dans les congrégations (Mat. 10:1-4 ; 1 Tim. 3:2, 12). Les Écritures conseillent aux femmes d'apprendre en silence lors des réunions, avec une entière soumission, toutefois elles peuvent avec tact et diplomatie reprendre une pensée erronée d'un homme en insérant cette correction dans une nouvelle réponse. Les femmes doivent 'se taire' lors des réunions chaque fois que leurs propos traduiraient un manque de soumission (1 Tim. 2:11, 12 ; 1 Cor. 14 :33, 34). Ainsi, bien que les femmes participent dans une large mesure aux activités de la congrégation, il n'est pas prévu qu'elles président les réunions ni qu'elles prennent la tête pour ce qui est d'enseigner la congrégation alors que des chrétiens capables sont présents (...). Par contre si aucun homme n'a les capacités d'enseigner, des femmes pourront alors enseigner la tête couverte en signe de soumission à l'organisation céleste de Dieu. À la Pentecôte 33 de notre ère, l'esprit saint fut répandu aussi bien sur les hommes que sur les femmes. L'apôtre Pierre a expliqué l'événement en citant Joël 2:28, 29 (...). De la même façon aujourd'hui les femmes prennent part à juste titre au ministère chrétien, prêchant de maison en maison et dirigeant des études de la Bible à domicile - Voir aussi Psaume 68:11 ; Philippiens 4:2, 3. »

  16. Les Témoins de Jéhovah - Pour un christianisme original, Philippe Barbey, L'Harmattan, 2003, p. 109 (ISBN 2-7475-4064-2)
  17. Comment raisonner à partir des Écritures, p. 160 :

    « En quelle circonstance une femme doit-elle se couvrir la tête ? Elle le fait chaque fois qu'elle 'prie ou prophétise', pour reprendre les termes contenus en 1 Corinthiens 11:5 (...). Elle devrait se couvrir la tête en signe de soumission à l'homme si elle assume des responsabilités liées au culte qui reviendraient normalement à son mari ou à un autre chrétien. »

  18. Témoignage de Patrick Alain, sur Une Lueur :

    « Ma mère "vivait dans l'adversité" et dirigeait le mercredi après-midi une étude de livre composée de femmes dont le mari était aussi opposé. Comme j'étais présent à cette étude (pas d'école et papa au boulot... pratique !), elle portait un foulard sur la tête en symbole de "respect et de soumission" envers l' "homme" dont elle prenait la place. »

  19. Dans l’enfer des Témoins de Jéhovah, Dany Bouchard, 2001 :

    « Femme chrétienne, femme crétine, voilà ce qu’on lui demande... « Soumise à son mari » comme à un chef, de cette citation, on use et on abuse chez les témoins de Jéhovah ... Pendant l’école théocratique du mardi soir, une femme n’a pas le droit de s’adresser directement à l’auditoire. Elle doit s’asseoir à une table et s’adresser à une autre personne de son sexe, puisqu’une femme ne doit pas « enseigner » un homme non plus. Les deux femmes n’ont pas le droit de se tourner vers le public, mais faire semblant d’avoir une conversation privée. Des règles strictes, bien que non écrites, régissent la façon dont les sœurs doivent être vêtues... Il est extrêmement mal vu et même périlleux de venir assister à une réunion en pantalon... alors chez les témoins de Jéhovah, on fait la chasse aux pantalons, parce qu’ils choquent la conscience collective de la congrégation.... »

  20. Rachel Genest, Statut des femmes chez les Témoins de Jéhovah : regard sur les fonctions, rôles, obligations, droits et devoirs sur le plan de la vie privée et de la vie publique, Montréal, Mémoire de maîtrise, Université de Sherbrooke, , 232 p. (lire en ligne), p. 203
  21. Dans l’enfer des Témoins de Jéhovah, Dany Bouchard, 2001, p. 47
  22. Présentation critique du rôle de la femme à la Salle du Royaume, sur le site de la CNVOTJ
  23. Rapport bisannuel 2001-2002 du CIAOSN, p. 36
  24. "Ces femmes qui quittent les Témoins de Jéhovah", par Randall Watters

Annexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Awakening of a Jehovah's Witness - Escape From the Watchtower Society, Diane Wilson, (ISBN 978-1573929424) (point de vue féminin sur le traitement des femmes chez les Témoins de Jéhovah)
  • "The role of women", Jehovah's Witnesses and the problem of mental illness, Jerry Bergman, Clayton, Californie : Witness Inc., 1992

Articles connexes[modifier | modifier le code]