Vision aveugle — Wikipédia

La vision aveugle (blindsight, en anglais) est un phénomène paradoxal qui désigne la perception visuelle résiduelle (inconsciente) de patients dont les aires corticales visuelles ont été endommagées.

Trouble neuro-visuel complexe[modifier | modifier le code]

Ce phénomène de vision aveugle peut se présenter notamment chez des patients porteurs d’une hémianopsie latérale homonyme (HLH): un trouble neuro-visuel complexe ayant pour conséquence de ne voir plus qu’une moitié du champ visuel.

Schéma du système visuel : de la rétine au cortex visuel primaire V1

Dans un système visuel sain, l’intégration d’une scène visuelle se fait en plusieurs étapes. Premièrement, les différentes informations (contraste, lumière, couleurs, ...) vont être perçues et encodées par les cellules de nos rétines. Ces informations seront ensuite transmises par le nerf optique aux différentes zones du cerveau spécialisées dans la vision.

Plusieurs voies visuelles sont possibles : les axones du nerf optique issus de la rétine projettent sur le corps géniculé latéral (simplifié par "Aire visuelle du Thalamus" sur le schéma ci-joint), de là, une majeure partie continue vers le cortex visuel primaire V1 (la voie la plus directe), mais environ 30 % est dévié en direction d'autres zones du cerveau comme le colliculus supérieur où se déroulent un certain nombre de processus réflexes (comme la modulation du diamètre pupillaire ou le nystagmus).

C’est au niveau de V1 que les premiers traitements de l’information visuelle permettent de reconstituer la scène visuelle perçue (la partie de V1 de l’hémisphère droit intègre la moitié du champ visuel gauche et la partie de V1 de l’hémisphère gauche intègre la moitié du champ visuel droit). À la suite de cette « reconstitution » les traitements de plus haut niveau sont faits par les aires corticales visuelles secondaires (V2, V3, V4 et V5 (aussi appelée MT)) pour pouvoir reconnaître des visages, des objets, percevoir le mouvement, etc.

Dans le cas des patients HLH, leur trouble fait le plus souvent suite à un accident vasculaire cérébral (AVC) ayant touché un des deux hémisphères de V1[1]. Le traitement et la reconstitution de la moitié de la scène visuelle ne peuvent plus se faire correctement : bien que les yeux des patients soient intacts, leur vision peut être amputée de moitié. Cette partie du champ visuel est appelé champ aveugle : c’est dans ce champ que peut être observé le phénomène de Blindsight, ou vision aveugle.

Découverte et Définition[modifier | modifier le code]

Plusieurs revues de littérature permettent de retracer l’historique du Blindsight [2],[3]. La première apparition du mot Blindsight et de sa définition s’est faite par l’équipe de Weiskrantz en 1974 [4].

L’une des expériences ayant permis de démontrer scientifiquement le phénomène consistait à faire deviner à un patient (le patient D.B.) l’orientation de barres lumineuses présentées dans le champ visuel amputé. D.B. n'avait que deux boutons réponses possibles : horizontales ou verticales. Ce type de méthode est appelée expérience en choix-forcé. Les résultats de l'expérience ont mis en évidence le fait que le patient D.B ne pouvait pas détecter la présence des barres lumineuses, mais pouvait pourtant discriminer l'orientation de ces-dernières (Horizontales vs. Verticales) en choix forcé, de façon supérieure à la chance.

Le terme de Blindsight est alors employé pour la première fois pour désigner : ces capacités visuelles résiduelles dans le champ visuel déclaré aveugle à l’examen clinique.

Nature et bases neuronales des processus impliqués dans la Vision Aveugle[modifier | modifier le code]

Est-ce que ces capacités visuelles résiduelles sont le résultat de signaux traités « inconsciemment » ? Il existe, encore aujourd’hui un débat sur la question.


En effet, deux positions s’opposent :

  • L’idée que le Blindsight serait un processus non-conscient [2] : Cette hypothèse pourrait être soutenue par le fait que l’information visuelle « court-circuiterait » le cortex visuel V1, et utiliserait d’autre circuits neuronaux pour délivrer l’information aux aires corticales secondaires. En effet, en 1997, Arash Sahraïe et Larry Weiskrantz ont montré, grâce à l'IRM fonctionnelle, que pour leur patient appelé G. Y. la perception inconsciente du mouvement à travers son scotome hémi-anopsique passait par le colliculus supérieur : il pouvait détecter le sens de déplacement d'une cible visuelle avec un taux de réussite supérieur à 80 % [5].
  • L’idée que la Vision Aveugle pourrait être le résultat d’une vision « dégradée » : Cette hypothèse pourrait être soutenue par le fait qu’une lésion est rarement totale, mais laisse derrière elle des « îlots fonctionnels ». En effet, dans une expérience d’IRM fonctionnelle, l'équipe de Campion et. al a démontré que certains patients présentaient des zones de V1 encore actives lors de la présentation de stimuli dans le champ aveugle[6].


Références[modifier | modifier le code]

  1. X. Zhang, S. Kedar, M. J. Lynn, N. J. Newman, and V. Biousse, “Natural history of homonymous hemianopia,” Neurology, vol. 66, no. 6, pp. 901–905, 2006.
  2. a et b A. Cowey, “The blindsight saga,” Exp. Brain Res., vol. 200, no. 1, pp. 3–24, 2010.
  3. P. Stoerig and A. Cowey, “Blindsight in man and monkey,Brain, vol. 120, no. 3, pp. 535–559, 1997
  4. M. D. Sanders, E. Warrington, J. Marshall, and L. Weiskrantz, “‘BLINDSIGHT’: VISION IN A FIELD DEFECT,” Lancet, vol. 303, no. 7860, pp. 707–708, Apr. 1974.
  5. L. Weiskrantz, J. L. Barbur, and A. Sahraie, “Parameters affecting conscious versus unconscious visual discrimination with damage to the visual cortex (V1).,” Proc. Natl. Acad. Sci. U. S. A., vol. 92, no. 13, pp. 6122–6, 1995.
  6. J. Campion, R. Latto, and Y. M. Smith, “Is blindsight an effect of scattered light, spared cortex, and near-threshold vision?,” Behav. Brain Sci., vol. 6, no. 03, p. 423, 1983.