Civitas carnutorum — Wikipédia

Cité des Carnutes
Civitas carnutorum

Ier siècle – vers 486

Informations générales
Statut Civitas
Capitale Autricum (Chartres)
Langue(s) Latin, Gallo-roman

Consul de Chartres

Entités précédentes :

Entités suivantes :

La civitas carnutorum, aussi appelée cité des Carnutes ou cité de Chartres, était une cellule administrative et religieuse de la Gaule romaine. Créée au Ier siècle après J.-C., elle s'étendait sur le territoire du peuple carnute, entre Seine et Loire. Avec pour chef-lieu l'oppidum d'Autricum (actuelle Chartres), elle incluait les villes de Blois, Châteaudun, Poissy, et Orléans jusqu'au IIIe siècle.

Topographie de la civitas[modifier | modifier le code]

Le territoire carnute défini par les Romains[modifier | modifier le code]

La cité des Carnutes et ses pagi[modifier | modifier le code]

Carte de la Gaule romaine sous Dioclétien avec les Carnutes en Gaule lyonnaise (en vert).

À l'image du reste de la Gaule, le pays carnute tombe sous domination romaine en -52. Le territoire est de fait intégré à la province de la Gaule lyonnaise, dont Lyon était la capitale.

Lorsque l'Empire crée, sous Auguste, un système administratif basé sur des provinces divisées en diverses civitates d'un ou plusieurs pagi, les Carnutes sont d'abord regroupés sous une même entité régionale –la civitas carnutorum (ou cité des Carnutes)–, qui se retrouve divisée en différents pagi, dont[1],[2],[3] :

Les Carnutes dans un Empire en déclin[modifier | modifier le code]

Déclin progressif dès le IIIe siècle[modifier | modifier le code]

Dès le IIIe siècle, la cité des Carnutes est régulièrement saccagée par des raids barbares, comme en 276 par des Francs et des Alamans à Cenabum[5].

L'Empire romain d'Occident commence également à décliner. Vers 260, un empire éphémère des Gaules, auquel appartiennent les Carnutes sans qu'ils n'y jouent de rôle notable, parvient à se maintenir une quinzaine d'années.

Les réformes territoriales du IVe siècle[modifier | modifier le code]

À l'aube du IVe siècle, en 297, la province de la Gaule lyonnaise se scinde en deux. La cité des Carnutes rejoint alors la Gaule lyonnaise Première, avant d'être finalement rattachée à la Gaule lyonnaise Quatrième (ou Sénonaise) après une seconde réforme sous l'empereur Constantin quelques années plus tard[6].

De la même manière, après que l'empereur Aurélien ait visité Cenabum, alors en ruines depuis la conquête romaine, et qu'il y ordonna en 273 la reconstruction d'une nouvelle ville –plus tard nommée Aurelianorum[7], la cité des Carnutes se scinde en deux dans les années 320[3]. Le pagus aurelianensis, avec celui de Noviodunum Bituriges, gagne ainsi son indépendance en intégrant la nouvelle civitas aurelianorum (cité des Auréliens ou cité d'Orléans)[3].

Les migrations et changements du Ve siècle[modifier | modifier le code]

En 410, les pagi de Blois et de Chartres auraient été conquis par le chef breton Ivomadus après avoir vaincu le consul en place, un certain Odo, probablement d'origine germanique[8]. Le royaume de Blois, potentiellement indépendant mais n'incluant pas la totalité de la cité carnute et dont les sources le citant sont rares, aurait existé jusqu'à la conquête par le franc Clovis[9].

Dans les décennies qui suivent, l'Empire et le reste de la Gaule romaine se retrouvent sous la pression de plusieurs peuples venus de l'Est. Pour les contrer, le général Flavius Ætius décide en 443 de stationner les Alains et une partie des Alamans (alors ses alliés) se trouvant en Gaule à proximité d'Aurelianorum (Orléans)[10]. En 451, la ville est cependant assiégée par les Huns d'Attila[5].

La région resta sous contrôle romain via le royaume de Soissons cédé vers 460 par l'empereur Majorien en faveur d'Ætius, jusqu'à la conquête franque en 498 d'Aurelianorum, alors rattachée au territoire de Clovis Ier, roi des Francs de la dynastie des Mérovingiens[7].

Innovations culturelles de la période gallo-romaine[modifier | modifier le code]

L'évolution des villes principales de la région et les recherches archéologiques permettent de rendre état des principales innovations culturelles qu'a permis l'invasion romaine.

Urbanisme[modifier | modifier le code]

Sous Auguste, les oppida sont réorganisés de fond en comble : les rues se pavent[11], on construit de nouveaux édifices[12] (amphithéâtre, forum, fanum...), des temples gaulois sont convertis en sanctuaires de religion romaine, des aqueducs permettent la distribution de l'eau à travers chaque ville au moins moyenne. Bien que Blois ait été munie d'un tel système d'eau, nommé le Gouffre, aucune datation n'a pu confirmer de lien avec la période gallo-romaine[13].

Profitant généralement d'un dénivelé lié à un val d'une rivière, les Romains préfèrent également construire des castra sur des collines, qui seront repris au Moyen Âge pour la construction de châteaux forts élevés sur des mottes castrales (notamment à Blois[6], Châteaudun et Chartres[14]). En ce point, en n'ayant point de ville basse et de ville haute, Cenabum diffère des villes voisines, ce qui aurait pu motiver à laisser la ville en ruines pendant plusieurs siècles. De son côté, Autricum prend une importance grandissante, comparable à Reims ou Bordeaux[15], du moins jusqu'au IIIe siècle[16].

À Blois, il est désormais admis que les Romains sont à l'origine, entre les Ier et IIe siècles, du premier véritable pont de la ville, alors que les Carnutes semblaient utiliser des duits comme moyen de franchissement de la Loire[17],[18]. Sur la rive gauche, on semble quitter une motte surélevée (site de la Croupille) afin de construire un oppidum à géométrie plus rectangulaire, en face du Bourg-Moyen[19].

Vestiges culturels[modifier | modifier le code]

L'organisation à base de pagi a perduré jusqu'au Moyen Âge à travers des diocèses chrétiens. Dans le domaine religieux, Chartres a également conservé son contrôle sur Blois jusqu'à la création d'un évêché distinct en 1697.

En termes de féodalité, les comtés de Chartres et de Blois sont restés unis une grande partie du Moyen Âge, et ont tous deux rejoint la généralité d'Orléans sous l'Ancien Régime. Depuis la Révolution, la majeure partie de l'ancien territoire carnute est cependant partagée par trois départements : Eure-et-Loir, Loir-et-Cher et Loiret (et dans une moindre mesure, les Yvelines).

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. En revanche, certains historiens estiment que les pagi de Blois et Châteaudun n'ont été créés qu'après la conquête des Francs, au VIe siècle (Chédeville, 1973 ; Robreau, 2012).
  2. Bien que se situant en Sologne –donc proche du territoire des Bituriges Cubes–, l'oppidum de Neung-sur-Beuvron était bien rattaché aux Carnutes (Delétang, 1999).

Références[modifier | modifier le code]

  1. Jacques Soyer, « Les voies antiques de l'Orléanais (Civitas Aurelianorum) », Revue archéologique du Centre de la France, vol. 12, no 1,‎ , p. 146–147 (lire en ligne Accès libre [PDF])
  2. Christian Cribellier, « Éléments de synthèse pour appréhender les agglomérations secondaires antiques en région Centre-Val de Loire : origine, évolution, caractéristiques et fonctions », Agglomérations secondaires antiques en région Centre-Val de Loire, Tours, FERACF, vol. 3, no 63 « supplément à la Revue archéologique du Centre de la France »,‎ , p. 23-71.
  3. a b c et d Bernard Robreau, « Territoires et frontières des cités antiques de la région Centre », Supplément à la Revue archéologique du centre de la France, vol. 42, no 1,‎ , p. 49–58 (lire en ligne Accès libre)
  4. Henri Delétang, « Neung-sur-Beuvron », Supplément à la Revue archéologique du centre de la France, vol. 17, no 1,‎ , p. 167–174 (lire en ligne Accès libre [PDF])
  5. a et b Jacques Debal, « Le plan d'Orléans a-t-il une origine gromatique ? », Bulletin de la Société nationale des Antiquaires de France, vol. 1980, no 1,‎ , p. 131–139 (DOI 10.3406/bsnaf.1982.8784, lire en ligne Accès libre)
  6. a et b Georges Touchard-Lafosse, Histoire de Blois et de son territoire, depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours, F. Jahyer, (lire en ligne)
  7. a et b Denis Lottin, Recherches historiques sur la ville d'Orléans : depuis Aurélien, l'an 274, jusqu'en 1789, dédiées à ses concitoyens, Impr. d'Alexandre Jacob, (lire en ligne), p. 2–4.
  8. Yannick Pelletier, Une histoire de la Bretagne, Éditions Gisserot, , 128 p. (ISBN 9782877470742, lire en ligne), p. 15.
  9. Jacques Soyer, « Les Bretons à Blois à la fin du Ve siècle », Mémoires de la Société des sciences et lettres de Loir-et-Cher,‎ (lire en ligne)
  10. (de) Reinhold Kaiser, Die Burgunder, Stuttgart, Kohlhammer, , 38 et sq.
  11. Dominique Joly, Stéphane Willerval et Pauline Denat, « Chartres, d’Autrikon à Autricum, cité des Carnutes : prémices et essor de l’urbanisation », Gallia. Archéologie des Gaules, vol. 72, no 1,‎ , p. 117–144 (ISSN 0016-4119, DOI 10.4000/gallia.1453, lire en ligne, consulté le )
  12. Brigitte Beaujard et Françoise Prévot, « Introduction à l'étude des capitales "éphémères" de la Gaule (Ier s.-début VIIe s.) », Supplément à la Revue archéologique du centre de la France, vol. 25, no 1,‎ , p. 17–37 (lire en ligne, consulté le )
  13. Urbanisme et habitation, E. Leroux, (lire en ligne), p. 158.
  14. Michel Michel, « Chapitre 2. La stabilité des paysages urbains », dans Développement des villes moyennes. Chartres, Dreux, Evreux : Tome I, Éditions de la Sorbonne, coll. « Géographie », (ISBN 979-10-351-0128-2, DOI 10.4000/books.psorbonne.37327, lire en ligne), p. 255–276
  15. André Chédeville, Chartres et ses campagnes (XIe – XIIIe siècles), J.-M. Garnier, (ISBN 2-908974-03-7 et 978-2-908974-03-4, OCLC 490045297, lire en ligne)
  16. Cyrille Ben Kaddour, « Chartres et sa proche campagne au haut Moyen Age (fin Ve – fin Xe siècle). Topographie urbaine et péri-urbaine, analyse de structures et étude du mobilier : un premier bilan », Revue archéologique du Centre de la France, no Tome 53,‎ (ISSN 0220-6617, lire en ligne, consulté le )
  17. Didier Josset, « Blois (Loir-et-Cher). Lit de la Loire, domaine public », Archéologie médiévale, no 49,‎ , p. 376–377 (ISSN 0153-9337, DOI 10.4000/archeomed.24736, lire en ligne Accès libre)
  18. Raphaël De Filippo, « Blois – 40-42 rue Florimond-Robertet », Archéologie de la France - Informations (ADLFI),‎ (ISSN 2114-0502, lire en ligne Accès libre)
  19. Didier Josset et Viviane Aubourg, « Le val de Blois, du IIIe siècle avant notre ère à l'an 1000 : des territoires à la ville, des confins aux réseaux », Archéopages : Archéologie et société, no 48,‎ , p. 54–63 (ISSN 1622-8545, DOI 10.4000/archeopages.10170, lire en ligne Accès libre)

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]