Caborde — Wikipédia

Une caborde est une ancienne cabane viticole en pierre sèche ou en planches. On les trouve sous ce nom, issu du franc-comtois, dans sud de l'Yonne, en Haute-Saône dans les clos de vigne de Champlitte et de Bucey-les-Gy, dans les anciennes collines vinifères de Besançon et dans certaines communes du premier plateau du Jura. Certaines appartenaient à plusieurs vignerons qui y entreposaient leurs outils, ou s’en servaient comme abri.

Terminologie[modifier | modifier le code]

Caborde en planches[modifier | modifier le code]

Le terme de « caborde » renvoie étymologiquement à un édifice en planches, c’est dire que le mot est voyageur et que sa signification actuelle n’est pas intemporelle[1].

Dans son Vocabulaire étymologique des provincialismes usités dans le département du Doubs publié en 1881, Charles Beauquier cite la mention suivante provenant des délibérations municipales en date du  : « Permission de faire une petite caborde, seulement de planches, sans cheminée, vitres, ny chaises, pour la garde des fruits d'un jardin »[2].

Caborde en pierre sèche[modifier | modifier le code]

Jean-Baptiste Bullet, dans ses Mémoires sur la langue celtique parus en 1754, donne la définition suivante : « Caborde en Patois de Besançon, petite loge de pierres sans mortier que l'on fait dans les vignes »[3]. Marcel Lachiver, pour sa part, donne, dans son Dictionnaire du monde rural (1997), la définition suivante : « Caborde, s.f. En Franche-Comté, maison de vignes, en pierre, qui affecte la forme d'une ruche, d'un cône »[4].

Caborde en matériaux de récupération[modifier | modifier le code]

Dans son roman Les Gardes, paru chez Gallimard en 1952, René de Solier met en scène une caborde en matériaux de récupération : « Ils se dirigent vers une caborde, contre les vignes ; une loge où se mêlent les planches, la tôle, des briques ouvertes [...], pillées sur un chantier ou venant des débris que l'on verse contre une haie »[5].

Ecraigne[modifier | modifier le code]

En Haute-Saône, ces abris sont parfois appelés écraignes, du nom des veillées qui s'y tenaient. Si l'abri est intégré à un muret en pierre sèche (murger), c'est le terme « écoyeu » qui est employé pour le désigner[6].

Exemples de cabordes en pierre sèche[modifier | modifier le code]

Champlitte et Gy (Haute-Saône)[modifier | modifier le code]

Dans les coteaux calcaires de Champlitte et de Gy dans la Haute-Saône, les cabanes des anciens clos de vignes se dressent isolées au milieu de l’enclos ou sont incorporées dans un murger (muraille en pierre sèche) (dans ce dernier cas, elles ont pour nom écoyeu).

En automne et en hiver, le vigneron pouvait s’y reposer et prendre son repas devant un feu de sarments brûlant à l’opposé de l’entrée[7] dans une cheminée réservée dans la maçonnerie.

À Champlitte, on a reconstitué un clos de vigne avec sa caborde toute neuve : le clos des Lavières[Note 1]. Sous l'appellation de « sentier des pierres sèches », un circuit d'interprétation permet de découvrir la caborde, les murgers, les anciens clos de vignes avec leur faune et leur flore[8].

À Gy, une ancienne caborde trouvée au milieu d’une friche a été reconstruite selon les techniques d'origine : maçonnerie à pierres sèches et toit de laves[9].

Besançon et Doubs[modifier | modifier le code]

Sur les anciennes collines vinifères de Besançon, il subsiste une dizaine de cabordes, dont quatre sont inscrites aux monuments historiques.

Dite cabane des Montboucons, une cabane située au 12, rue François-Arago et classée monument historique depuis 1982[10], témoigne de l’ancien vignoble bisontin[11]. Avec sa base cylindrique, son couvrement rénové[12], en forme de cloche, débordant en rive, elle relève d’un type morphologique répandu dans plusieurs régions à substrat calcaire. Ses semblables sont encore visibles dans les départements de la Dordogne, du Lot, de la Corrèze, de l’Aveyron, de Saône-et-Loire, de l’Ardèche, de l’Hérault, du Vaucluse, des Bouches-du-Rhône, des Alpes-de-Haute-Provence, de la Drôme, etc.[1].

Sur le flanc de la colline du Rosemont, bordant la vallée du Doubs, une petite caborde est visible au lieu-dit La combe des Œillets , à Velotte, dans une ancienne parcelle viticole qui a été remise en culture en 2010 par la Ville de Besançon[13].

Une autre se situe aux Équeugniers, sur la colline de Planoise.

Le phylloxéra au XIXe siècle et les guerres du XXe siècle ont anéanti l'important vignoble de Franche-Comté (à l'exception du vignoble du Jura).

Plusieurs communes autour de Besançon possèdent aussi des cabordes anciennes (comme Pirey et Ornans).

Reconstructions[modifier | modifier le code]

Trois cabordes, l'une à Planoise, deux à Rosemont, qui étaient ruinées, ont été reconstruites[14].

Néo-cabordes[modifier | modifier le code]

De fausses cabordes, ou néo-cabordes, faisant office de décoration urbaine, ont été édifiées à Pouilley-les-Vignes, Mazerolles-le-Salin et Miserey-Salines.

Une néo-caborde[15] a été édifiée au milieu d'une vigne conservatoire sur le site de Champagne-sur-Loue dans le Jura.

Caborde de la vigne conservatoire à Champagne-sur-Loue.

Transfert muséographique[modifier | modifier le code]

Entre 2015 et 2017, les 225 tonnes de pierre d'une ancienne caborde viticole du quartier des Tilleroyes à Besançon, qui était aux deux tiers effondrée, ont été démontées, transportées au Musée des maisons comtoises à Nancray et remontées en une construction circulaire en pierres sèches, à la partie arrière enterrée dans un talus[16]. L'édifice est entouré d'un renforcement ou contremur, sauf devant l'entrée, de part et d'autre de laquelle l'on a interpolé deux volées de marches[17].

Échenoz-la-Méline (Haute-Saône)[modifier | modifier le code]

Les deux cabordes et leur enclos à Échenoz-la-Méline sont inscrites aux monuments historiques depuis le .

Usage[modifier | modifier le code]

Des textes de la seconde moitié du XVIIIe siècle donnent à penser que plusieurs vignerons pouvaient se partager l'usage et l'entretien d'une même caborde dans le vignoble bisontin : « ils auront aussi l'usage du quart de la caborde ou barraque en pierre qui est au-dessus de la vigne, à charge de l'entretenir avec les autres copropriétaires » (1797)[18],[19].

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Une lavière est une carrière d'où l'on extrait des laves ou pierres plates.

Références[modifier | modifier le code]

  1. a et b Christian Lassure, Cabane au lieu-dit Montboucons à Besançon (Doubs), site pierreseche.com.
  2. Charles Beauquer, Vocabulaire étymologique des provincialismes usités dans le département du Doubs, Ch. Marion, Morel, 1881, 303 p., p. 61.
  3. Jean-Baptiste Bullet, Mémoires sur la langue celtique, 1754, p. 233.
  4. Marcel Lachiver, Dictionnaire du monde rural : les mots du passé, Fayard, 1997, p. 334.
  5. René de Solier, Les Gardes, Gallimard, 1952, 317 p. p. 63.
  6. Patrick Mathie, « A CHAMPLITTE: MURGERS, ECOYEUX, ECRAIGNES SUR LE SENTIER DES LAVIERES. - Chroniques de nos Villages Saônois. », sur Chroniques de nos Villages Saônois. (consulté le ).
  7. Jean-Christophe Demard, Bocages lithiques en Haute-Saône, dans Le point sur la problématique des bocages lithiques, Actes de la journée d’étude du 14 septembre 1994 au Ministère de l’environnement, Paris, rapport polycopié, Ministère de l’environnement – Association « Pierre sèche et patrimoine aubaisien », s. d. (1995), p. 19-22.
  8. Le clos des Lavières à Champlitte, sur le site paperblog.
  9. « Caborde », sur patrimoine-montsdegy (consulté le ).
  10. Voir sa photo et sa fiche sur le site Patrimoine de France.
  11. Patrick Blandin, Les cabordes, dans Les monuments historiques, 1978, No 2, p. 74-75.
  12. « Cabane au lieu-dit Montboucons à Besançon (Doubs) », sur pierreseche.com (consulté le ).
  13. Besançon a planté sa vigne, article de besancon.fr.
  14. Chantiers réalisés, API25 - Association Patrimoine Insertion, notamment « Besançon – Caborde du Rosemont 1 » et « Besançon – Cabordes (2014)[et] (2015-2016)».
  15. [PDF] Champagne-sur-Loue Inauguration de la caborde à la vigne conservatoire, 1er juin 2019.
  16. Dossier de presse : la caborde, musée des maisons comtoises.
  17. API25 - Association Patrimoine Insertion, « chantiers réalisés », op. cit., notamment Nancray – Démontage de la caborde à Tilleroyes ( Avril 2015 ), Nancray – Début des fondations (Avril – Juin 2015), Nancray – Mur de soutènement drain (Novembre 2015 ), Nancray – Suite du toit (Mai – Août – Septembre 2016), Nancray – Finition de la caborde (Décembre 2016).
  18. Mémoires de la Société d'émulation du Doubs, 1958, Nos 1 à 7, p. 10.
  19. Maurice Gresset, La Franche-Comté à la veille de la Révolution, Presses universitaires de Franche-Comté, 1988, 120 p. : « De loin en loin, quelques vignerons se partagent l'usage d'une caborde, cette construction cylindrique de pierres sèches qui servait d'abri ou d'entrepôt ».

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]