Segi — Wikipédia

Segi (« Continuer » ou « Poursuivre » en basque) est une organisation de jeunesse de la gauche abertzale active majoritairement en Euskadi et Navarre et militant pour l’indépendance du Pays basque. Elle est déclarée illégale en 2002 en Espagne, étant considérée comme une réactivation des anciennes organisations interdites Jarrai (es) et Haika (es) et comme un vivier de recrutement de l’ETA. Toujours autorisée en France, elle s’autodissout en 2012.

Histoire[modifier | modifier le code]

Création et interdiction en Espagne[modifier | modifier le code]

Banderole féministe de Segi en 2010 à l'Université de Pays basque à Saint Sébastien
Banderole féministe de Segi en 2010 à l'Université de Pays basque à Saint Sébastien

Segi est créé officiellement le 16 juin 2001 lors d'une assemblée constitutive à Pampelune autour des mots d'ordre de la gauche indépendantiste, revendiquant un positionnement révolutionnaire, socialiste et féministe. Ses porte-paroles Hariza Galarraga, Araitz Zubimendi et Zigor Ruiz déclarent vouloir plus particulièrement agir au niveau des communes autour de groupes locaux chargés de répondre aux préoccupations de la jeunesse basque (chômage, accès au logement, lutte contre les addictions)[1].

La création de Segi fait suite à la dissolution du groupe Haika, déclaré illégal par le juge de l’Audience nationale Baltasar Garzón le 10 mai de la même année pour complicité avec ETA, bien qu'aucune référence ne soit faite à cette organisation lors de la création de Segi. Une antenne est créée à Bayonne[1]. Une première réunion publique est organisée le 30 juin 2001 à Saint Sébastien, à laquelle ses organisateurs revendiquent 4000 participants.

Segi organise une première manifestation d'ampleur en août 2001 à Saint Sébastien[2] malgré son interdiction[3]. Soupçonné d'avoir perpétré plusieurs attentats durant l'année 2001[4],[5],[6], le groupe est inscrit le 27 décembre 2001 sur la liste européenne des organisations terroristes (avec d'autres organisations de la mouvance abertzale comme Gestoras Pro Amnistia et Ekin)[7],[8], puis déclarée illégale par Baltasar Garzón le 5 février 2002[9],[10], entraînant plusieurs arrestations parmi ses membres[11] et la perquisition de ses locaux[12]. Le groupe est cependant toujours autorisé en France[13],[14],[15], bien que des arrestations aient également lieu à Bayonne[16]. Cette situation engendre plusieurs imbroglios judiciaires : en juin 2004, la demande de transfert vers l'Espagne émise par la justice espagnole à l'encontre de trois Français soupçonnés d'appartenir à Segi a été rejetée par la chambre de l'instruction de Pau[17],[18], décision confirmée par la Cour de cassation un mois plus tard[19]. Le 18 février 2005, deux autres militants espagnols arrêtés en France sont eux confiés aux autorités espagnoles[20], décision invalidée dans la foulée par la Cour de cassation[21].

En 2005, l’Audience nationale qualifie le groupe "d’association illégale" en juin 2005[22], jugement contredit par le Tribunal suprême qui le déclare "organisation terroriste" le 19 janvier 2007[23].

À partir de 2007, plusieurs vagues d'arrestation sont opérées par les polices espagnoles et françaises. Le 4 février 2007, 18 membres de Segi recherchés par la police pour des faits de violences lors de manifestations sont arrêtés à Bilbao[24]. 15 autres personnes sont interpelées le 24 septembre 2007 dans le cadre de l'enquête sur l'attentat contre le complexe hôtelier d'Alain Ducasse à Bidarray en 2006[25] (la justice prononce finalement un non-lieu en 2019[26]). Le 7 novembre 2007, 4 militants sont arrêtés à Saint Sébastien, puis 15 autres se rendent aux forces de l'ordre le 4 décembre[27]. Segi dénonce des méthodes de surveillance massives lors d'une manifestation organisée à Saint-Jean-de-Luz en juillet 2009[28],[29].

Le 24 novembre 2009, 34 personnes sont arrêtées en Euskadi et Navarre lors d’une opération policière mobilisant près de 650 agents de la Police nationale et de la Guardia civil à la suite d'une enquête du juge Fernando Grande-Marlaska[30],[31]. L’événement suscite une manifestation organisée par les partis Aralar, Eusko Alkartasuna et le syndicat LAB à Bilbao réclamant la libération des militants sous le mot d’ordre "Todos los proyectos, todos los derechos"[32],[33].

14 autres militants sont arrêtés le 22 octobre 2010, accusés de vouloir reconstituer l’organisation côté espagnol et d’actes de violence lors de manifestations[34].

En février 2011, huit membres de Segi recherchés par la police espagnole organisent une conférence de presse à visage découvert à Ispoure pour dénoncer l'utilisation croissante des mandats d'arrêt européens, dans la foulée notamment de l'affaire Aurore Martin[35], et sont soutenus par des élus locaux[36]. Quatre d'entre eux sont arrêtés quelques jours plus tard[37].

Autodissolution[modifier | modifier le code]

Segi annonce son autodissolution le 15 juin 2012[38], quelques jours après celle d'Askatasuna[39], via une déclaration publiée par les journaux Gara et Berria. Selon ses porte-paroles, la décision fait suite à des débats internes menés durant près de trois année menant à une autocritique sur la manière de servir leurs objectifs et une volonté de lutter dans un cadre "légal et démocratique"[40].

Après plusieurs mois de réflexions[41], une nouvelle organisation de jeunesse abertzale, Ernai (es), a été créée en 2013[42].

Références[modifier | modifier le code]

  1. a et b « Segi entre en scène », Sud Ouest,‎
  2. Patrick Fort, « Incidents à Saint-Sébastien », Libération,‎
  3. « Basque Rally Is Banned », The New York Times,‎
  4. Marie-Claude Decamps, « "Les jeunes n'ont ni la formation idéologique de leurs aînés ni leur patience" », Le Monde,‎
  5. François Musseau, « Espagne: coup de filet dans la mouvance de l'ETA », Libération,‎
  6. Jean Chichizola, « Eté chaud au Pays basque », Le Figaro,‎
  7. « Approbation d'une liste européenne d'organisations terroristes selon Madrid », AFP,‎
  8. « Lista del Consejo Europeo de organizaciones terroristas de 2002 », sur web.archive.org (consulté le )
  9. Anne-Marie Bordes, « Le juge a frappé », Sud Ouest,‎
  10. (es) « Garzón declara ilícitas Askatasuna y Segi por formar parte de ETA », sur www.elmundo.es (consulté le )
  11. « Six arrestations au Pays basque espagnol après l'interdiction de deux groupes accusés de soutenir l'ETA », La Presse Canadienne,‎
  12. « Onze militants nationalistes ont été arrêtés hier au Pays basque et en Navarre, au nord de l'Espagne », Le Progrès,‎
  13. Jean Chichizola, « Le nationalisme basque se réfugie en France », Le Figaro,‎
  14. « Soutien à Segi, à Bayonne », Sud Ouest,‎
  15. « Segi se manifeste », Sud Ouest,‎
  16. « Un militant de Segi arrêté », Sud Ouest,‎
  17. Fabrice Tassel, « Le mandat d'arrêt européen bloqué à Pau », Libération,‎
  18. Michel Garicoix, « L'extradition est refusée pour des faits ayant eu lieu sur le territoire national », Le Monde,‎
  19. Virginie Malingre et Nicolas César, « La Cour de cassation confirme le refus d'extrader trois jeunes Basques français en Espagne », Le Monde,‎
  20. Paul Falzon, « Extradition automatique : danger », L'Humanité,‎
  21. « Deuxième interpellation pour un jeune militant basque », Sud Ouest,‎
  22. « La justice espagnole distingue entre groupes "terroristes" et "illégaux" », AFP,‎
  23. D. N., « El Supremo enmienda a la Audiencia Nacional y considera terroristas a Jarrai-Haika-Segi », sur Noticias de Navarra, (consulté le )
  24. « Arrestation de 18 membres d'un mouvement de jeunesse basque interdit », La Presse Canadienne,‎
  25. Isabelle Mandraud, « Interpellations en rafale autour de l'attentat contre le restaurant d'Alain Ducasse », Le Monde,‎
  26. « Affaire Kalaka : un non-lieu douze ans après », Sud Ouest,‎
  27. « Quinze jeunes accusés de violence urbaine au Pays Basque se livrent à Madrid », AFP,‎
  28. « Le Pays basque s'oppose à la "répression" », Le Figaro,‎
  29. Anne-Marie Bordes, « Askatasuna dénonce un « fichage massif » », Sud Ouest,‎
  30. Jean-Jacques Bozonnet, « La jeunesse basque toujours imprégnée d'une culture de violence politique », Le Monde,‎
  31. « Vaste coup de filet en Espagne dans des milieux proches de l'ETA », Le Monde,‎
  32. (es) « Miles de personas se manifiestan en Bilbao contra las detenciones de Segi », El País,‎ (ISSN 1134-6582, lire en ligne, consulté le )
  33. « Decenas de miles de personas protestan por las detenciones en Bilbao | País Vasco | elmundo.es », sur www.elmundo.es (consulté le )
  34. « Espagne: coup de filet au Pays basque », Le Figaro,‎
  35. Anne-Marie Bordes, « En fuite à visage découvert », Sud Ouest,‎
  36. Anne-Marie Bordes, « De refuge en refuge », Sud Ouest,‎
  37. « Quatre militants de Segi interpellés hier », Sud Ouest,‎
  38. (es) « Segi anuncia su disolución », sur El Correo, (consulté le )
  39. « Askatasuna disparaît mais n'abandonne pas le combat », Sud Ouest,‎
  40. Pantxika Delobel, « Segi change de ton », Sud Ouest,‎
  41. « Les jeunes abertzale définissent des pistes », Sud Ouest,‎
  42. (es) « Nace con el apoyo de los presos de ETA «Ernai», heredero de Segi y de Jarrai », sur abc, (consulté le )