Mathilda (roman) — Wikipédia

Mathilda
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Mathilda (titre original : Mathilda ou Matilda[1]) est un roman court de Mary Shelley, écrit entre les mois d' et , publié en 1959.

Il aborde les thèmes de l'inceste et du suicide[2].

Contexte[modifier | modifier le code]

Ecrire cette nouvelle permet à Mary Shelley de surmonter le deuil de sa fille Clara, décédée à l’âge d’un an à Venise en 1818, puis de son fils William, décédé à trois ans à Rome en 1819[3]. La perte de ses enfants plonge Mary Shelley dans une dépression qui la distancie émotionnellement et sexuellement de son mari Percy Shelley et la laisse, comme celui-ci le formule, « sur la lande du désespoir » [4].

Intrigue[modifier | modifier le code]

Narrant depuis son lit de mort, Matilda, une jeune femme d’à peine vingt ans, écrit son histoire afin d’expliquer la raison de ses actions à son unique ami, Woodville. Son récit commence avec son éducation pleine de solitude, pour atteindre son apogée quand son père, qu’elle garde anonyme, lui confesse son amour incestueux pour elle. Il s’ensuit le suicide de ce dernier par noyade, ce qui provoque en Matilda un sentiment de culpabilité dévorant. Après ce traumatisme, elle se retire de la société et s’en va vivre recluse dans la campagne. Elle développe alors une amitié avec le jeune poète Woodville, mais son affection ne suffit pas à lui redonner goût à la vie. Elle finit donc par se laisser mourir, seule mais enfin en paix.

Au début du roman, le lecteur découvre que le narrateur écrit à la première personne et qu’il s’agit de Matilda. Il s’avère que le récit a pour cible un public précis, en réponse à une question posée avant le début du roman. « Vous m’avez souvent demandé la cause de ma vie solitaire; mes larmes; et par-dessus tout, de mes impénétrables et cruels silences »[5]. Le lecteur apprend rapidement que Matilda est sur son lit de mort et que c’est la seule raison pour laquelle elle se permet de révéler ce qui semble être un sombre secret.

Le récit de Matilda explore tout d’abord la relation entre ses parents, qui se connaissent depuis l’enfance. Son père trouve en sa mère Diana du réconfort après le décès de sa propre mère, ce qui les amène à se marier peu de temps après ce difficile évènement. Matilda raconte que Diana a transformé son père, le rendant plus tendre et plus stable. Cependant, la naissance de Matilda survient un peu plus d’un an plus tard, ce qui cause la mort de Diana. Cela plonge son père dans une profonde dépression. Sa sœur, la tante de Matilda, les rejoint en Angleterre afin de l’aider à s’occuper de Matilda. Son père, désormais incapable d’assurer cette responsabilité, les quitte un mois après le décès de sa femme et laisse Matilda à sa tante, qui assure son éducation.

Matilda raconte à Woodville que son éducation, bien que froide de par la distance émotionnelle de sa tante, n’a jamais été négligente. Elle a appris à occuper son temps grâce aux livres ainsi qu’en explorant le domaine de Loch Lomond en Écosse. Le jour des seize ans de Matilda, sa tante reçoit un lettre de la part de son père, exprimant son désir de revoir sa fille. Matilda décrit les trois premiers mois qu’ils passent ensemble comme bienheureux, mais cela change lorsque sa tante décède. Matilda et son père retournent alors à Londres.

Avant la révélation de son père, Matilda est courtisée par différents prétendant, ce qui, d’après son observation, assombrit l’humeur de son père. Cette froideur nouvelle pousse Matilda à tenter de ramener le caractère qu’elle lui connaît. Elle lui demande de l’accompagner dans une promenade dans les bois autour de leur maison. Durant cette promenade, elle exprime ses inquiétudes et son désir de rétablir leur relation telle qu’elle était. Son père l’accuse alors d’être « présomptueuse et très irritante ». Cependant, cela n’arrête pas Matilda et il finit par lui avouer les désirs incestueux qu’elle lui inspire. À la suite de cette révélation, il s’évanouit et elle se retire dans la maison. Le lendemain matin, elle découvre un mot de son père lui indiquant qu’il s’en va et la laisse. Elle se doute néanmoins que ses réelles intentions sont de se suicider. Elle tente alors de le suivre afin de l’en dissuader, mais quand elle finit par le retrouver, il est trop tard et il est mort de noyade.

Après le décès de son père, Matilda retourne à la société pour un temps, car elle est tombée malade dans sa course après son père. Elle ne se sens néanmoins plus à sa place dans cette société et décide de simuler sa propre mort, afin de ne pas être recherchée. Elle s’installe dans une petite maison solitaire dans la lande. Elle a alors pour seule compagnie la domestique qui vient occasionnellement s’occuper de la maison, jusqu’à ce que Woodville ne vienne s’installer à proximité, deux ans après elle.

On apprend que Woodville est un poète en deuil de sa fiancée Elinor. Il commence à développer une amitié avec Matilda et lui demande souvent pourquoi elle ne sourit jamais, mais elle reste vague sur les raisons de sa profonde tristesse. Un jour, Matilda se procure du poison et décide de proposer à Woodville de se suicider avec elle, puisqu’ils connaissent tous deux de profondes peines. Il parvient à la convaincre d’abandonner son plan, mais il est rapidement appelé au chevet de sa mère souffrante. Matilda, désormais seule, contemple le futur qui s’offre à elle. Ce faisant, elle déambule dans la lande et se perd, passant ainsi la nuit à l’extérieur, sous la pluie. Lorsqu’elle parvient à rentrer chez elle, elle est tombée extrêmement malade. C’est dans ces circonstances qu’elle décide d’écrire le récit de sa vie à Woodville, dans le but de lui expliquer les raisons de sa dépression. Une fois cela terminé, elle se laisse mourir, ce qui lui apporte enfin un sentiment de paix.

Critique[modifier | modifier le code]

Les critiques considère souvent le roman comme autobiographique, les trois personnages principaux correspondant donc à Mary Shelley, William Godwin (son père) et Percy Shelley (son mari)[6]. Il n’existe pas de preuve concrète, cependant, la trame correspond aux déroulement de la vie de l’autrice. L’analyse des premiers essais pour le projet de Matilda, intitulé « The Fields of Fancy » révèle que Mary Shelley a pris comme point de départ le projet inachevé de Mary Wollestonecraft, « The Cave of Fancy », dans lequel la mère d’une petite fille meurt dans un naufrage[7]. Comme Mary Shelley elle-même, Matilda idéalise sa défunte mère[8]. D’après l’éditrice Janet Todd, l’absence de sa mère dans les dernières pages du roman suggère que la mort de Matilda la réunit avec elle, permettant une union avec son père[9]. La critique Pamela Clemit résiste à une lecture purement autobiographique et soutient que Mathilda est une nouvelle savamment conçue, déployant des narrations confessionnelles et peu fiables dans le style de son père, ainsi que le dispositif de poursuite utilisé par Godwin dans son Caleb Williams et par Mary Shelley dans Frankenstein[10]. L’éditeur de la nouvelle de 1959, Elizabeth Nitchie, a noté ses défauts de "verbosité, intrigue lâche, caractérisation quelque peu stéréotypée et extravagante" mais a fait l'éloge d'un "sens du personnage et de la situation et d'un phrasé souvent vigoureux et précis »[11].

Le récit peut être considéré comme une métaphore de ce qui se produit lorsqu’une femme naïve suit son cœur tout en dépendant de bienfaiteurs masculins[12].

Matilda est aussi considéré comme une œuvre redéfinissant les codes des récits gothiques féminins. La caractéristique principale de ce genre redéfini est généralement le fait que les narratrices ont plus d’agentivité que ce qui était courant pour l’époque. Selon Kathleen A. Miller, « Bien que la nouvelle de Shelley semble raconter un récit gothique féminin conventionnel d'une jeune femme victime du désir incestueux de son père, elle laisse ouverte la possibilité qu'en fait, c'est Mathilda, plutôt que son père, qui contrôle le script gothique du roman". Ceci permet potentiellement à Mathilda d’être perçue comme un modèle à suivre dans la littérature du XIXème siècle, puisqu’elle surmonte l’autorité parentale et refuse de se conformer aux pratiques communément admises pour les femmes de cette époque. Cette redéfinition survient de diverses manières : Le refus de Mathilda de nommer son père, le fait que sa voix soit la principale source d’information pour le lecteur et l’absence de mariage pour conclure l’histoire, ce qui était pourtant la norme dans la littérature gothique féminine.[réf. nécessaire]

Mary Shelley envoie le manuscrit de "Mathilda" terminé à son père William Godwin en Angleterre, afin qu’il soit publié. Cependant, bien qu'il admire certains aspects du roman, il trouve le sujet de l’inceste « dégoutant et détestable ». Malgré les demandes répétées de sa fille, il ne lui renvoie pas le manuscrit[13]. À la suite du décès de Percy Shelley par noyade, elle en vient à considérer son roman comme néfaste. Elle écrit à propos d’elle-même et de Jane Williams : « conduire vers la mer pour savoir si nous sommes condamnés à jamais à la misère »[14], se comparant ainsi à sa protagoniste.

Le roman est finalement publié en 1959, édité par Elizabeth Nitchie à partir de documents dispersés[15]. Il s’agit aujourd’hui de l’un des travaux les plus célèbres de Mary Shelley après Frankenstein[16].

Éditions françaises[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Clemit, "Legacies of Godwin and Wollstonecraft", 37. Mary Shelley épela le titre du roman « Matilda » et le nom de l'héroïne est « Mathilda ». Le roman fut publié sous les deux titres.
  2. Todd, Introduction to Matilda, xxii; Bennett, An Introduction, 47. Au même moment, le mari de Mary Shelley, Percy Shelley écrivait The Cenci, tragédie abordant le thème de l'inceste.
  3. Mary Wollstonecraft Shelley [Godwin], « The Journals of Mary Shelley 1822–1844 », dans The Journals of Mary Shelley, 1814–1844, Vol. 2: 1822–1844, Oxford University Press, (lire en ligne)
  4. "Thou art fled, gone down the dreary road," he wrote, "that leads to Sorrow's most obscure abode". From "To Mary Shelley", published in Mary Shelley's edition of Percy Shelley's poetical works, 1839. Quoted in Todd, Introduction to Matilda, xvi; see also Mellor, Mary Shelley, 142.
  5. Bennett, Betty T. (1990). The Mary Shelley Reader. Oxford University Press. p. 176.
  6. The novella's 1959 editor, Elizabeth Nitchie, for example, states: "The three main characters are clearly Mary herself, Godwin, and Shelley, and their relations can easily be reassorted to correspond with reality". Introduction to Mathilda; see also, Mellor, Mary Shelley, 143.
  7. Todd, Introduction to Matilda, xviii.
  8. odd, Introduction to Mathilda, xix.
  9. Todd, Introduction to Mathilda, xx–xxi.
  10. Clemit, "From The Fields of Fancy to Matilda ", 64–75.
  11. Nitchie, Introduction to Mathilda.
  12. Margaret Davenport, « "Writing and Re-writing Incest in Mary Shelley's Mathilda" », Keats-Shelley Journal, vol. 45, nos 44-60,‎ , p. 221–241 (ISSN 0952-4142 et 2042-1362, DOI 10.1179/ksr.1996.10.1.221, lire en ligne, consulté le )
  13. Todd, Introduction to Mathilda, xvii.
  14. Letter to Maria Gisborne, 15 August 1822. Todd, Introduction to Mathilda, xvii.
  15. Nitchie, Introduction to Mathilda.
  16. Clemit, "From The Fields of Fancy to Matilda ", 64

Liens externes[modifier | modifier le code]