Francis Wolff (philosophe) — Wikipédia

Francis Wolff
Francis Wolff en octobre 2009.
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Département de philosophie de l'École normale supérieure (d)
-
David Lefebvre (d)
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Prix des Rencontres philosophiques d'Uriage (d) ()Voir et modifier les données sur Wikidata

Francis Wolff, né en 1950 à Ivry-sur-Seine, est un philosophe français. Il est professeur émérite à l'École normale supérieure de la rue d'Ulm, Paris.

Parcours[modifier | modifier le code]

Francis Wolff fait ses études au lycée de Saint-Cloud puis au lycée Louis-le-Grand (Paris). En 1971, il entre à l’École normale supérieure (ENS) de la rue d'Ulm et y obtient l'agrégation de philosophie en 1974. À la demande de Louis Althusser, il bénéficie d’une cinquième année d'ENS, pendant laquelle il est chargé de cours d’agrégation. À sa sortie de l’ENS, il enseigne la philosophie à l’école normale d’instituteurs de Laon (1977-1980) ; puis il est élu à l’université de São Paulo (Brésil) de 1980 à 1984 ; il occupe, succédant à Gilles Gaston Granger et à Gérard Lebrun, la dernière « chaire permanente » de l’université française du département de philosophie. Il y enseigne la philosophie ancienne et mène ses recherches sous la direction de Pierre Aubenque.

À son retour, il enseigne comme professeur agrégé aux lycées d’Hénin-Beaumont (1985) puis de Plaisir (1985-87), tout en étant chargé de cours à l’université d’Aix-en-Provence, à celles de Paris-I Panthéon-Sorbonne et de Lille III. Après un rapide passage comme professeur de première supérieure (khâgne) à Versailles (1988-89), il est nommé maître de conférences de philosophie à l’université de Reims Champagne-Ardenne (1989-1992), puis à l’École normale supérieure (1992-1999).

Habilité à diriger des recherches en philosophie en 1998, il est nommé professeur des universités (chaire de philosophie ancienne), à l’université Paris-X Nanterre en 1999, où il dirige le Centre Festugière d’Histoire de la Pensée Ancienne. Revenu en mai 2001 à l’École normale supérieure, pour y exercer les fonctions de directeur adjoint (lettres et sciences humaines), il a été nommé professeur des universités de cette institution, en 2004, au département de philosophie, dont il a exercé la direction[1] pendant trois ans (2004-2007). Il est membre du conseil scientifique du Centre européen de musique[2].

Il compte parmi les défenseurs de la tauromachie, et plus particulièrement de la corrida[3] sur laquelle il a publié deux ouvrages, un grand nombre d'articles de presse et participé à de nombreuses conférences[4]. Il a aussi collaboré à la rédaction du document qui a permis d'inscrire la corrida à l'inventaire général du patrimoine culturel[5].

Philosophie[modifier | modifier le code]

Spécialiste de philosophie antique, membre du centre Léon-Robin, il a publié des travaux sur la sophistique[6],[7],[8], sur Socrate[9] et le socratisme[10], sur Platon[11],[12], sur l’épicurisme[13],[14]et surtout sur Aristote. Il a aussi travaillé sur l’histoire de la « dialectique » ancienne[15] ou sur l’histoire de l’axiomatique » ancienne (comparaison Aristote/ Euclide)[16]. Concernant Aristote, il a publié sur la physique[17], l’éthique[18],[19], la poétique[20] et surtout sur la Métaphysique[21],[22],[23],[24],[25], et la Politique sur laquelle il a écrit un ouvrage d'analyse qui compte comme une introduction critique de référence. Sa méthode de lecture des textes anciens privilégie le repérage des « problèmes », lesquels donnent un sens philosophique général à des textes pourtant indissociables de leur contexte historique ; elle s’appuie sur la notion de « figure de la pensée »[26],[27].

Son engagement en faveur du renouvellement de la « philosophie générale » l’a conduit à ériger la simplicité des idées et la force des arguments en une méthode philosophique mise en œuvre dans son séminaire « Positions et arguments » à l'ENS de la rue d'Ulm, devenu depuis 2004 « Les lundis de la philosophie »: les positions philosophiques y sont exposées et discutées pour elles-mêmes, indépendamment de toute exégèse historique, de tout thème préétabli et de toute école constituée. Francis Wolff est alors leur répondant[28].

Cette position de principe, au-delà de toute fracture entre « philosophie continentale » et « philosophie analytique », se trouve illustrée par son ouvrage Dire le monde, dont les thèses principales sont reprises et complétées dans la plupart de ses travaux ultérieurs (sur l’humanité, sur le mal, le temps[29], la musique, etc[30].).

Il distingue trois « langage-mondes » : le nôtre est prédicatif (on y distingue ce dont on parle, des choses, et ce qu’on en dit, des prédicats[31]), et il est enserré entre deux autres, imaginaires, mais nécessaires à fonder le nôtre : celui, immuable, des « choses pures » et associées à des noms, et celui, infiniment mobile, des « événements purs » associés à des verbes. Une ontologie descriptive et immanente permet en effet de distinguer entre des choses (réglées par le principe de contradiction), des événements (réglés par le principe de causalité), et des personnes (définies comme des « choses » qui sont causes d’événements, appelés ainsi des actes)[32]. Aux personnes est donc associé un autre type de rapport au monde, irréductible aux trois « langages-mondes », la « parole-monde »[33], lequel implique des déictiques (notamment le « je ») et un concept propre d’action, irréductible à l’essence des choses et à la relation de causalité entre événements. C’est là le fondement de toute éthique, dont la formule première (antérieure à l’impératif catégorique) est l’interrogatif éthique[34] :

« Est-ce que, en ce moment, je n’agis pas ? »

Cette thèse le mène à défendre un humanisme critique, articulé à une définition néo-aristotélicienne de l’homme, comme « animal doué de logos » (pris au double sens de langage et de rationalité). L’universalité vers laquelle tend ce logos est théorisée comme « troisième pli de la pensée »[35], qu’elle soit théorique ou pratique.

Pourquoi la musique ? se présente à la fois comme un travail autonome et comme le volet esthétique d’un diptyque dont Dire le monde formait le volet logique. Ce livre prolonge aussi l’investigation anthropologique de Notre humanité puisqu’il se demande pourquoi la musique (et, secondairement, les images et les récits[36]) est consubstantielle à l’humanité. Partant de la musique comme « art des sons », l’auteur est conduit à sa définition comme « représentation d’un monde idéal d’événements purs » qui lui permet de reprendre la question des universaux musicaux, celle des effets de la musique sur le corps, de la nature et de la source des émotions musicales et des rapports sémantiques de la musique et du monde. Il retrouve finalement l’ontologie triadique de Dire le monde (choses, événements, personnes) dans le triangle des arts : arts de l’image – représentations de choses sans événements –, arts musicaux – représentations des événements sans  choses, arts du récit – représentations de personnes agissantes[37].

Il a également pris position contre le concept de « droits des animaux » en général. Il distingue les devoirs que les hommes ont vis-à-vis des animaux selon le type de rapports noués avec eux et les « dettes » que ceux-ci impliquent: ne pas rompre les échanges affectifs avec les animaux de compagnie; ne pas rompre le pacte moral qu'implique la domestication des animaux "de rente" (utilisation contre protection et bien-traitance); respecter les équilibres écologiques et la biodiversité vis-vis des animaux sauvages [38].

Il a publié une synthèse de ses positions et de ses travaux philosophiques, avec quelques aperçus biographiques portant notamment sur l’histoire tragique de sa famille, sous la forme d’une dizaine d’ Entretiens avec André Comte-Sponville, sous le titre Le Monde à la première personne, Fayard, 2021.

Publications[modifier | modifier le code]

Philosophie[modifier | modifier le code]

Histoire de la philosophie[modifier | modifier le code]

  • Logique de l’élément (Clinamen), Paris, PUF, coll. « Croisées », 1980.
  • Socrates, o sorriso da razão, São-Paulo, éd. Brasiliense, 1re éd. 1981, 2e éd. 1983.
  • Direction de « La Métaphysique d'Aristote », Revue internationale de philosophie, no 201, 1997.
  • Socrate, Paris, PUF, 1re éd. 1985, 2e éd. 1987, 3e éd., 1996, 4e éd. 2000.
  • Codirection (avec J.-F. Balaudé) de Aristote et la pensée du temps, Presses de l’université Paris-X Nanterre, coll. « Le temps philosophique », 2005.
  • Aristote et la politique, Paris, PUF, 1re éd. 1991, 4e éd. 2008.
  • Penser avec les anciens (Réédition de « L’Être, l’homme, le disciple », PUF coll. « Quadrige, Essais débats », 2000), Paris, Hachette, coll. « Pluriel », , 2e éd., 352 p. (ISBN 978-2-8185-0518-2, lire en ligne).

Sur la corrida[modifier | modifier le code]

  • Codirection (avec P. Cordoba) de « Éthique et esthétique de la corrida », numéro spécial Critique, éd. de Minuit, 723-724, août-septembre 2007.
  • 50 raisons de défendre la corrida, éd. Mille et une nuits, coll. « Les petits libres », no 74, Paris, 2010, 103 p. (ISBN 978-2-7555-0576-4)[41].
  • Philosophie de la corrida, éd. Fayard, coll. « Histoire de la pensée », 2007 ; rééd. avec une préface inédite, coll. « Hachette Pluriel », 2011.
  • L'Appel de Séville. Discours de philosophie taurine à l'usage de tous, éd. Au Diable Vauvert, 2011.

Sur la philosophie de Francis Wolff[modifier | modifier le code]

  • « Les amis et les disciples. Mélanges offerts à Francis Wolff », Journal of Ancient Philosophy Supplementary Volume 1, 2019, lire en ligne=https://www.revistas.usp.br/filosofiaantiga/issue/view/10999/1585
  • Alain Policar, Le monde selon Francis Wolff. Ontologie, éthique, anthropologie, avec une postface de Francis Wolff « En somme », Paris, Classiques Garnier, 2021.
  • Revue Critique, n° 895, décembre 2021, « Francis Wolff, philosophe hybride », avec des contributions de Marc Cerisuelo, Jim Gabaret, Paul Clavier, Tristan Garcia, Francis Wolff, Paris, Editions de Minuit, 2022.
  • « Retour sur l’universalisme. Autour du travail de Francis Wolff », Bulletin de la Société française de philosophie, avec des contributions de Anne Baudart, Étienne Bimbenet, Nassim El Kabli, Élise Marrou, Alain Policar, Paris, Vrin, septembre 2023

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Présentation succincte de Francis Wolff sur le site de l'ENS.
  2. « Centre Européen de Musique - CEM - Organisation », sur Centre Européen de Musique (consulté le )
  3. Participation de Francis Wolff à l'émission Répliques sur France Culture.
  4. Francis Wolff : conférence sur l'éthique et l'esthétique de la corrida.
  5. Les rédacteurs du document pour l'inscription de la corrida à l'inventaire du patrimoine culturel.
  6. « « Du métier de sophiste à l’homme-mesure ” », Manuscrito , Campinas, Brésil, vol. 5, n°2,,‎ , p. 7-36
  7. « Démocratie et vérité », Manuscrito, Campinas, Brésil,,‎ vol. 6, n°2, 1983,, p. 151-171
  8. « Proposition, être et vérité : Aristote ou Antisthène (à propos de Métaphysique Δ, 29) », Théories de la phrase et de la proposition de Platon à Averroès, textes édités par P. Büttgen, S. Diebler et M. Rashed,‎ presses de presses de l’École normale supérieure (paris), 1999., p.43-63 (lire en ligne)
  9. Socrate, PUF,
  10. « Être disciple de Socrate », Penser avec les Anciens,‎ , chap. 7
  11. « Le chasseur chassé. Les définitions du sophiste “ Bibliopolis ”, 1991, p. 17-56 », Études sur le Sophiste de Platon, publiées sous la direction de Pierre Aubenque, textes recueillis par Michel Narcy, Napoli,‎ , p. 17-56
  12. « Les deux destins de l’ontologie : la voie physique (Démocrite) et la voie logique (Platon) », Penser avec les Anciens,‎ , chap. 1
  13. « Crainte de la mort et crainte des dieux dans l’épicurisme », Penser avec les Anciens,‎ , chap. 6
  14. « Etre disciple d’Epicure », Penser avec les Anciens,‎ , chap. 8
  15. « Pourquoi la dialectique ? », Logique et dialectique dans l’Antiquité, sous la dir. de Jean-Baptiste Gourinat et Juliette Lemaire, ed. Vrin,,‎ , p. 21-41 (lire en ligne)
  16. « Les principes de la science selon Aristote et Euclide », Revue de Métaphysique et de morale,‎ octobre 2000. (lire en ligne)
  17. « Aristote face aux contradictions du temps », Aristote et la pensée du temps, publié sous la direction de Jean-François Balaudé et Francis Wolff, Presses de l’université Paris-X Nanterre, collection « Le temps philosophique », n°11.,‎ (lire en ligne)
  18. « L’homme politique, entre dieu et bête », Penser avec les Anciens,‎ , chap. 4
  19. « L’homme heureux a-t-il des amis ? », Penser avec les Anciens,‎ , chap. 5
  20. « The three pleasures of mimesis according to Aristotle’s Poetics », The Artificial and the Natural: An Evolving Polarity, M.I.T. Press, Cambridge (MA – USA),‎ , chap. 3 (lire en ligne)
  21. [La Métaphysique d’Aristote], Revue Internationale de Philosophie, n° 201,
  22. « La vérité dans la Métaphysique d’Aristote », Cahiers philosophiques de Strasbourg,‎ tome 7, 1998,, p. 133-168 (lire en ligne)
  23. « Qu’est-ce que se demander ce qu’est la réalité ? (Perspectives sur le livre Zêta de la Métaphysique) », La Métaphysique d’Aristote : perspectives contemporaines,‎ vrin, 2006 (lire en ligne)
  24. « Les deux voies de la métaphysique : le premier principe d’Aristote et celui de Descartes », Penser avec les Anciens,‎ , chap. 2
  25. « Le langage et l’universel. Les fonctions ontologiques des catégories aristotéliciennes », Le philosophe et le langage. Études offertes à Jean-Claude Pariente, sous la dir. de Martine Pécharman et Philippe de Rouilhan, Vrin, coll. « Analyse et Philosophie ».,‎ , p. 43-73
  26. [Penser avec les ], Paris, Fayard, , Introduction: Penser par figures
  27. [Notre humanité. D'Aristote aux neurosciences], Paris, Fayard, , Introduction et p. 20
  28. On peut les écouter sur ce site. On peut aussi écouter F. Wolff développer ses propres travaux en cours sur la page de référencement de ses interventions.
  29. « Le temps comme concept hybride », Revue de Métaphysique et de morale,‎ 4, 2011, p. 487-512. (lire en ligne)
  30. [Pourquoi la musique], Quatrième partie, "Pourquoi la musique et les autres arts"? en part. p. 354-398.
  31. [Dire le monde], Paris, PUF, , chap. 1 et 2
  32. [Dire le monde], Paris, PUF, , chap. 3 et 4
  33. [Dire le monde], Paris, PUF, , chap. 5
  34. [Dire le monde], Paris, PUF, , chap. 5, p. 212-223, et Annexe 1, "Je" et l'éthique
  35. Voir Notre humanité, notamment la « conclusion ».
  36. Voir Quatrième partie.
  37. [Pourquoi la musique?], Paris, Fayard, , Quatrième partie
  38. Wolff Francis, « Des conséquences juridiques et morales de l'inexistence de l'animal »Pouvoirs, 4/2009 (n° 131), p. 135-147. DOI : 10.3917/pouv.131.0135; et Trois utopies contemporaines, Fayard, 2017, p. 101-112.
  39. Voir sur prixphilo.org.
  40. Jean-Loup Amselle, « Contre le relativisme, l’humanisme », La Vie des idées,‎ (lire en ligne, consulté le )
  41. (BNF 42216828).

Liens externes[modifier | modifier le code]