Fonction analytique — Wikipédia

Tracé du module de la fonction gamma (son prolongement analytique) dans le plan complexe.

En mathématiques, et plus précisément en analyse, une fonction analytique est une fonction d'une variable réelle ou complexe qui est développable en série entière au voisinage de chacun des points de son domaine de définition.

Autrement dit, pour tout de ce domaine, il existe une suite (dépendant de ) donnant une expression de la fonction, valable pour tout assez proche de , sous la forme d'une série convergente :

Toute fonction analytique est indéfiniment dérivable, mais la réciproque est fausse en général.

Dans le cas d'une fonction d'une variable complexe définie sur un ouvert, une fonction est analytique si et seulement si elle est holomorphe.

Qu'elle soit de variable réelle ou complexe, une fonction analytique sur un ouvert connexe et non identiquement nulle a ses zéros isolés. Cette propriété induit l'unicité[note 1] du prolongement analytique sur tout ouvert connexe.

Définitions[modifier | modifier le code]

Soit une fonction d'une variable complexe, où est un ouvert de . On dit que la fonction est analytique sur si pour tout , il existe une suite de nombres complexes et un réel tel que, pour tout , c'est-à-dire pour tout dans le disque (ouvert) de centre et de rayon , supposé inclus dans , la fonction s'exprime sous forme de la série convergente :

.

Autrement dit, une fonction est analytique si elle est développable en série entière au voisinage de chaque point de son ensemble ouvert de définition.

La même définition s'applique à une fonction de variable réelle , définie sur un intervalle ouvert borné ou non, en remplaçant le disque par l'intervalle ouvert .

Une fonction analytique sur tout entier est dite entière.

Propriétés[modifier | modifier le code]

  • Si une fonction de la variable complexe est analytique alors elle est holomorphe. Il existe d'ailleurs une réciproque à cette proposition : toute fonction holomorphe sur un ouvert est analytique sur celui-ci.
  • De plus, une fonction analytique est indéfiniment dérivable (au sens complexe, voir Fonction holomorphe) et la dérivée n-ième en un point est avec les notations données dans la définition. Ceci prouve que le développement de en série entière au voisinage de chaque point de est unique ; on l'appelle encore développement en série de Taylor:
,
  • L'ensemble des fonctions analytiques sur un ouvert est une algèbre : le produit par une constante d'une fonction analytique, la somme et le produit de fonctions analytiques sont analytiques.
  • Lorsqu'elle est définie, la composée de fonctions analytiques est analytique.

Exemples et contre-exemples[modifier | modifier le code]

  • Toute fonction polynomiale est entière. Étant donné une fonction polynomiale, les termes de son développement en série entière au voisinage d'un point quelconque de sont tous nuls à partir d'un certain rang est le degré du polynôme. On obtient son développement en un point à partir de son développement en un autre point à l'aide de la formule du binôme de Newton : avec .
  • Plus généralement, toute série entière de rayon de convergence non nul définit sur son disque de convergence une fonction analytique. Ce n'est pas trivial, car une série entière est a priori un développement au voisinage d'un seul point.
  • En particulier, la fonction exponentielle définie par est entière.
  • La fonction est analytique :
  • Les fonctions sin, cos, tan, cot, sinh, coshetc. sont analytiques.
  • La fonction n'est pas analytique : on montre qu'elle n'admet de dérivée (au sens complexe) qu'en 0.
  • La fonction n'est pas analytique : elle n'admet de dérivée (au sens complexe) en aucun point de .

Les deux dernières fonctions admettent cependant des dérivées partielles de tous ordres (elles sont de classe en tant que fonctions de deux variables réelles). Elles ne sont pas analytiques car l'ensemble des points où elles vérifient les équations de Cauchy-Riemann est d'intérieur vide (il est réduit à {0} pour la première, et vide pour la seconde).

  • La fonction pour et n'est pas analytique en 0 (bien qu'elle soit de classe sur ) ; elle possède en effet en 0 une série de Taylor identiquement nulle, et qui ne converge donc vers la fonction qu'en ce point. On trouvera d'autres contre-exemples réels à l'article « Série de Taylor » et dans l'article détaillé.

Les principaux théorèmes[modifier | modifier le code]

Toute fonction analytique sur un ouvert de admet un prolongement analytique sur un certain ouvert de contenant .

On considère maintenant un ouvert connexe de (l'hypothèse de connexité est essentielle) et une fonction analytique.

Le principe du prolongement analytique[modifier | modifier le code]

Pour tout point de , les quatre propositions suivantes sont alors équivalentes (une démonstration est proposée dans l'article « Prolongement analytique ») :

  1. est identiquement nulle sur  ;
  2. est identiquement nulle dans un voisinage de  ;
  3. pour tout entier naturel ,  ;
  4. est identiquement nulle sur un ensemble de points possédant un point d'accumulation dans .

Un corollaire de ce théorème est que si une fonction analytique sur un ouvert connexe s'annule sur un disque de rayon si petit soit-il, alors c'est la fonction nulle. On peut interpréter cela comme un résultat d'unicité pour la théorie du prolongement analytique : si deux fonctions analytiques coïncident sur un voisinage d'un point d'un ouvert connexe, alors ces deux fonctions sont égales sur tout cet ouvert.

Le principe des zéros isolés[modifier | modifier le code]

Un corollaire plus précis est que si n'est pas la fonction nulle, alors ses zéros sont isolés, c'est-à-dire que pour tout point de s'annule, il existe un disque centré en , inclus dans , sur lequel ne s'annule en aucun autre point que .

Ainsi, si n'est pas constante alors elle « n'est constante en aucun point » c'est-à-dire que pour tout point de , il existe un disque centré en , inclus dans , sur lequel ne prend la valeur en aucun autre point que .

On en déduit qu'aucune fonction analytique non constante ne peut avoir son image contenue dans un espace vectoriel réel de dimension 1 (en particulier, n'est pas inclus dans ℝ). En effet, comme est continue car analytique, il devrait y avoir existence de courbes de niveau, or le résultat ci-dessus l'interdit.

Le théorème de l'image ouverte[modifier | modifier le code]

Si est une fonction analytique non constante sur un ouvert U, alors est un ouvert.

On peut le démontrer à partir du principe des zéros isolés.

Le principe du maximum[modifier | modifier le code]

Soit une fonction analytique non constante sur un domaine D. Du théorème de l'image ouverte on déduit immédiatement :

  • le module de ne possède pas de maximum local dans D. Donc, si atteint son maximum, par exemple si D est borné et continue sur l'adhérence de D, alors ce maximum se trouve sur la frontière de D. Plus généralement, une fonction holomorphe et bornée sur un domaine D, borné ou non, continue sur l'adhérence de D, vérifie la propriété que la borne supérieure de son module sur D est égale à la borne supérieure de son module sur la frontière de D[1] ;
  • si ne s'annule pas sur D alors ne possède pas non plus de minimum local dans D ;
  • la partie réelle de ne possède dans ni maximum local, ni minimum local.

On en déduit notamment le lemme de Schwarz.

Plus généralement, toute fonction sous-harmonique (comme et, si ne s'annule pas, ) vérifie le principe du maximum, donc toute fonction harmonique (comme Re()) vérifie le principe du maximum et du minimum.

Les théorèmes de Phragmén-Lindelöf[modifier | modifier le code]

Soit f une fonction analytique sur un domaine D non borné, continue sur l'adhérence de D. Il ne suffit pas de conclure que f est bornée sur la frontière de D pour conclure que f est bornée sur D, comme le montre l'exemple de la fonction sur la bande B constituée des nombres complexes de partie imaginaire comprise entre et [2]. Le théorème de Phragmén-Lindelöf apporte une réponse à cette question en ajoutant des hypothèses sur la forme de D et sur la croissance du module de f(z) lorsque z tend vers l'infini dans D. Grossièrement, ce module ne doit pas augmenter trop vite.

On dispose par exemple du résultat suivi sur la bande B. Si f est bornée sur la frontière de B et s'il existe deux constantes positives A et u telles que u < 1 et , alors f est bornée sur B[3].

Des résultats analogues peuvent être obtenus sur d'autres domaines, le plus souvent par transformation conforme à partir de B.

Mathématiciens ayant travaillé sur le sujet[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Roger Godement, Analyse mathématique, t. 2, p. 316
  2. Walter Rudin, Analyse réelle et complexe [détail des éditions], exemple 12.7, p. 235.
  3. Walter Rudin, Analyse réelle et complexe [détail des éditions], th.12.9, p. 237.

Note[modifier | modifier le code]

  1. Il n'y a pas forcément existence d'un tel prolongement analytique à tout ouvert connexe.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Article connexe[modifier | modifier le code]

Théorème de Strassmann (en)