Enrico Caterino Davila — Wikipédia

Enrico Caterino Davila
Enrico Caterino Davila
Biographie
Naissance
Décès
Voir et modifier les données sur Wikidata
Saint-Michel extra muros, Drapeau de la République de Venise République de Venise
Activités

Enrico Caterino Davila (né le à Piove di Sacco, près de Padoue et mort en juillet 1631 à San Michele Extra (it), aujourd'hui un quartier de Vérone) est un historien italien.

Biographie[modifier | modifier le code]

Enrico Caterino Davila naquit le 30 octobre 1576 à Piove di Sacco, village dans le territoire de Padoue. Sa famille, qui avait plusieurs branches, était originaire d’Ávila, en Espagne. Ses ancêtres, de père en fils, depuis 1464, connétables du Royaume de Chypre : Antonio Davila, son père, l’était en 1570, lorsque cette île fut prise par les Turcs. Il fut obligé de quitter l’île après avoir perdu tous ses biens. Il avait des parents et quelques propriétés à Padoue ; il s’y réfugia d’abord avec sa femme et ses neuf enfants, six fils et trois filles. La branche ainée de sa famille était puissante en Espagne ; il espéra y rétablir sa fortune, et s’y rendit avec deux de ses fils. Il parvint à en faire placer un auprès du roi Philippe II ; mais, n’obtenant du reste que des promesses et des paroles sans effet, il vint en France en 1572, et s’étant procuré des recommandations puissantes auprès de Catherine de Médicis, il en fut favorablement accueilli. Cette reine plaça son fils Louis auprès d’elle en qualité de gentilhomme de sa Chambre, et prit deux de ses filles, Margherita et Cornelia, parmi ses demoiselles d’honneur. Antonio les fit venir aussitôt de Padoue, et y retourna ensuite lui-même. Il eut, quelque temps après, un dernier fils à qui il donna, par reconnaissance, les deux noms du roi Henri III et de la reine Catherine. C’est ce fils qui s’est rendu célèbre dans les lettres par son Histoire des guerres civiles de France. Il n’avait pas encore atteint sa septième année quand son père l’amena en France. Catherine de Médicis avait marié avantageusement Marguerite, l’une de ses sœurs ; elle lui avait fait épouser Jean d’Hémery, maréchal de France, seigneur de la terre Villars en Normandie, et ce fut au château de Villars qu’Antonio Davila se rendit avec son jeune fils. Enrico Caterino, après avoir fait ses premières études en Normandie, vint les continuer à Paris, et fut placé parmi les pages, ou de la reine mère ou du roi. Il dit lui-même au 9e livre de son Histoire, « qu’il était présent, en 1588, à l’ouverture des états de Blois, et si près du roi, qu’il entendit très-distinctement tout son discours. » L’année suivante fut fatale au jeune Davila ; la reine, sa protectrice, mourut dès le mois de janvier, et Henri III fut assassiné au mois d’août. Peut-être se retira-t-il alors auprès de la maréchale d’Hémery, sa sœur. Dès qu’il eut atteint l’âge de dix-huit ans, il entra au service. Malgré l’abjuration d'Henri IV, la guerre civile durait encore. Davila se distingua dans plusieurs rencontres ; il eut un cheval tué sous lui au siège de Honfleur, en 1594, et fut blessé en 1597, d’un coup de pertuisane, au siège d’Amiens. La paix s’étant faite en 1598, il fut rappelé à Padoue par son père, qui y était retourné après la mort de Catherine de Médicis. Il s’y rendit l’année suivante ; mais à peine avait-il revu son père, qu’il le perdit par l’accident le plus funeste ; il tomba, ou se jeta d’un lieu très-élevé, et mourut quelques heures après. Son fils avait alors vingt-quatre ans ; il avait apporté de France un grand nombre de notes, de mémoires, de pièces originales, matériaux qu’il destinait dès lors à l'ouvrage qu’il n'entreprit que plusieurs années après. Ses études avaient été fort négligées, et souvent interrompues ; il profita de son séjour à Padoue, pour les reprendre et pour se mettre en état d’exécuter son projet. Dans un voyage qu’il fit à Parme, en 1606, il fréquentait l’académie des Innominati, qui avait alors de la célébrité. Tommaso Stigliani y eut une dispute avec Davila, et l'appela en duel. Davila lui passa son épée au travers de la poitrine, et fut lui-même blessé à la jambe gauche. Quoique son adversaire ne fût pas mort de sa blessure, il fut obligé de quitter Parme, et se rendit à Venise, dans un moment où la République levait des troupes ; il offrit de lever lui-même un corps de trois cents hommes d’infanterie. Le Sénat accepta cette offre, lui fournit des fonds, et lui fixa des honoraires. Davila se trouva ainsi engagé de nouveau dans le métier des armes. Il fut chargé de plusieurs expéditions, du commandement de plusieurs places dans les îles de Candie, en Dalmatie et en terre ferme. La République fut si contente de ses services qu’elle lui assigna une pension de 150 ducats, réversible à ses enfants, et qu’elle statua par un décret, que, quand il se trouverait an Sénat, il serait placé auprès du doge comme l’avaient été ses ancêtres lorsqu’ils étaient connétables de l’île de Chypre. Dans cette vie active, et malgré ces fréquents changements de lieu, Davila ne cessa point de cultiver les lettres et de travailler, dans ses moments de loisir, au grand ouvrage qu’il avait entrepris. Il le fit enfin paraître en quinze livres, sous ce titre : Historia delle guerre civili di Francia di Henrico Caterino Davila, nella quale si contengono le operationi di quattro re, Francesco II, Carlo IX, Henrico III et Henrico IV, cognominato il grande, Venise, Tommaso Baglioni, 1630, in-4°. L’épître dédicatoire adressée au sénateur Domenico Molino, est datée de Brescia, dont Davila était alors gouverneur. Quelques mois après, il eut ordre de se rendre à Crema et d’en prendre le commandement. Il se mit en chemin vers le mois de juillet 1631, avec toute sa famille qui était nombreuse. Le Sénat avait donné l’ordre de lui fournir partout les charrois nécessaires pour ses bagages. Arrivé au bourg de St-Michel, près de Vérone, il demanda les voitures qui lui étaient dues ; un homme brutal, nommé le Turc, auquel il s’adressa, refusa d’obéir, et répondit à ses instances par un coup d'arquebuse qui l'étendit mort sur la place. D’autres hommes armés, qui accompagnaient l’assassin, firent feu ; plusieurs personnes furent blessées, et le chapelain de Davila fut tué. Le fils aîné du malheureux historien vengea son père, et cassa d’un coup de pistolet la tête du meurtrier. Ses complices furent arrêtés, envoyés à Vérone et punis de mort. Davila n’avait alors que 55 ans. Il laissait une veuve, chargée de neuf enfants, quatre garçons et cinq filles ; la pension que la République de Venise lui avait précédemment faite était insuffisante ; elle l'augmenta convenablement, et pourvut aux besoins de cette famille, dont le chef emportait son estime et ses regrets.

Œuvres[modifier | modifier le code]

Frontispice de l'Histoire des guerres civiles de Davila, dans la traduction de Baudoin. Estampe de Grégoire Huret.

L’édition qu’il avait donnée de son histoire était très-incorrecte. On dit qu’il avait offert cet ouvrage à plusieurs libraires de Venise, qu’ils l’avaient tous refusé, à l’exception du seul Baglioni dont les presses étaient vacantes, et qui se chargea de l’imprimer, à condition que, s’il lui venait quelque labeur préférable, il le quitterait pour s’en occuper. L’édition finie, la vente fut si rapide que tout fut enlevé en une semaine. On ajoute que le libraire le réimprima sous la même date, et qu’il s’en vendit jusqu’à 15,000 exemplaires dans une année ; mais cela paraît fort exagéré. Les éditions qui suivirent, Venise, 1634 et 1638, Lyon, 1641, et Venise, 1642, n’étaient guère moins fautives que la première ; il en parut enfin une meilleure et fort belle, Paris, imprimerie nationale, 1644, in fol. L’ouvrage avait été traduit en français par Jean Baudoin, Paris, 1642, 2 vol. in-fol., avec des sommaires à chaque livre et des notes marginales, traduction réimprimée plusieurs fois ; il le fut en espagnol par Basile Varen de Soto, Madrid, 1651 et 1659, in-fol., avec une continuation en 5 livres, depuis 1598, où finit Davila, jusqu’en 1630 : il en parut une 3e édition beaucoup plus belle, avec figures, Anvers, 1686, in-fol. Davila fut aussi traduit deux fois en anglais, 1° par William Aylesbury, Londres, 1647, in-fol., traduction qui n’est pas complète et ne va que jusqu’à l’année 1572 ; 2° par Charles Cotterell, Londres, 1666, in-fol., traduction complète. Enfin il en a paru une traduction latine par Pietro Francesco Cornazzano, Rome, 1745, 3 vol. in-4° ; et une nouvelle traduction française par l’abbé Mallet, et Grosley, Paris, 1757, aussi 3 vol. in-4°. Après plusieurs éditions italiennes, publiées pendant le XVIIe siècle, il en fut donné une dans le XVIIIe siècle, que l’on préfère à toutes les autres, Venise, 1733, 2 vol. in-fol. On y a joint une traduction des observations marginales de Baudouin, et d’excellents mémoires, d’Apostolo Zeno sur la famille et la vie de l’auteur, dans lesquels ce savant critique a mis des faits réels et constatés à la place des fables qu’Imperiali et Papadopoli avaient accréditées, dans son Musaeum Historicum ; et l’autre dans son Histoire de l’Université de Padoue ; ce qui n’a pas empêché deux dictionnaires, l'un italien et l’autre français, de répéter récemment les mêmes fables. Depuis cette magnifique édition, on en a eu deux à Londres, 1753, 2 vol. in-4° et 1801, 4 vol. in-8° ; mais cette dernière surtout est remplie de fautes. On doit donner la préférence à celle qui fait partie de la collection des classiques italiens, Milan, 1807, 6 vol. in-8°. Il n y a qu’une opinion sur le mérite de Davila, considéré comme écrivain. Son style, exempt des vices qui régnaient de son temps, sans être aussi pur que celui de Guichardin, est plus serré, plus concis, et brille en même temps par une admirable facilité. Sa manière de narrer, de disposer les événements, de les enchaîner l’un à l’autre, d’introduire ses personnages, de les faire agir et parler, de décrire les lieux, les villes, les champs de bataille, les faits d’armes, les assemblées, les conseils, la conduite des négociations, n’est pas moins louable que son style. Il paraît enfin avoir pris des soins extrêmes pour connaître la vérité, l’avoir puisée dans de bonnes sources, et l’avoir dite en général avec franchise. Mais cette franchise n’a pu manquer d’être quelquefois altérée par sa position et ses relations particulières, par les préjugés de son pays et de son siècle. Un Italien de ce temps-là ne pouvait tenir la balance égale entre les catholiques et les protestants ; un homme qui devait la fortune de sa sœur, de son frère et le commencement de la à Catherine de Médicis, à qui son nom même rappelait qu’il lui avait été pour ainsi dire consacré dès sa naissance, ne pouvait être un juge impartial de cette reine. On ne lui a pas reproché raison de se montrer trop prévenu pour elle. Il ne met en vue que son adresse et sa prudence, quand il faudrait laisser voir sa dissimulation profonde, sa perfidie, sa cruauté, qui, sans parler de tout le reste, lui firent méditer, préparer pendant plus de deux ans, couvrir de dehors caressants et faire exécuter au milieu des fêtes le massacre de 40,000 Français. Il avoue pourtant dans un endroit que l’effusion du sang n’effrayait pas Catherine, et lorsqu’à la fin du 9e livre, après avoir raconté sa mort, il a tracé en beau són caractère, la conscience de l’historien reprenant enfin l’empire qu’elle aurait dû toujours avoir, il ajoute que cette reine fut accusée d’une insigne mauvaise foi, défaut commun, dit-il, dans tous les temps, mais particulièrement dans ce siècle ; qu’on lui reproche une avidité, ou plutôt un mépris pour le sang humain, plus grand qu’il ne convenait à la tendresse de son sexe (comme si cette avidité ou ce mépris convenaient même à la dureté du nôtre) ; qu’enfin, dans beaucoup d’occasions, pour arriver à ses fins, elle parut regarder comme honnêtes tous les moyens qu’elle jugeait utiles, quoiqu’ils fussent en eux-mêmes véritablement iniques et perfides. Davila serait exempt de reproche, à l’égard de Catherine de Médicis, si, en racontant les différents actes de sa régence, il l’avait toujours peinte telle qu’elle est dans cet aveu tardif. Malgré quelques défauts graves, sur lesquels ce n’est pas ici le lien d’insister, son histoire reste avec les qualités éminentes qui la distinguent : ce qu’elle a de défectueux ne peut plus être d’aucun danger. Le cours des années a mis tout à sa place, et, comme il arrive toujours après un certain laps de temps, ce n’est plus tel ou tel historien qui peut nous tromper sur les faits ; ce sont les faits bien connus qui nous servent à juger l’historien lui-même.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]