Étude d'après le portrait du pape Innocent X par Velázquez — Wikipédia

Étude d'après le portrait du pape Innocent X par Velázquez
Artiste
Date
1953
Type
Dimensions (H × L)
153 × 118 cm
Mouvement
Localisation

Étude d'après le portrait du pape Innocent X par Velázquez (Study after Velázquez's Portrait of Pope Innocent X) est un tableau peint par Francis Bacon en 1953. Il est conservé au Des Moines Art Center, à Des Moines.

Commentaire[modifier | modifier le code]

Le tableau est un travail dérivé du portrait d'Innocent X de Diego Vélasquez. Il fait partie d'une série de 45 variantes sur la peinture de Diego Velásquez que Francis Bacon a exécutés tout au long des années 1950 et au début des années 1960[1]. Gilles Deleuze a décrit cette œuvre comme un exemple de réinterprétation créative des classiques.

Lorsqu'on lui a demandé pourquoi il éprouvait le besoin de revisiter ce sujet aussi souvent, Francis Bacon a répondu qu'il n'avait rien contre les papes, et qu'il ne cherchait qu'« une excuse pour utiliser ces couleurs, on ne peut pas donner cette couleur violette à des vêtements ordinaires sans tomber dans une sorte de fausse technique fauve[2] ».

Dans la version de Francis Bacon du chef-d'œuvre de Diego Velázquez, le pape est montré en train de crier. Sa voix est néanmoins « assourdie » par les tentures environnantes et des couleurs riches et sombres. Cette obscurité donne un ton grotesque et cauchemardesque à la toile[1]. Les rideaux plissés environnants sont rendus de façon transparente et tombent en avant de la figure du pape[2].

Une interprétation qui remet en question l'invention d'un pape criant a été proposée récemment par Alessandro Zinna. Selon cette hypothèse, le cri se trouverait déjà dans le tableau d'Innocent X de Velásquez[3]. La variante de 1953 ne serait ainsi que l'explicitation d'une image latente cachée dans le rideau de l'original. À son tour et par la même technique, Bacon composerait une image latente dans sa variante la plus connue. Le pape, à l'apparence solitaire, serait en train de crier à la figure d'un adolescent nu disposée devant lui et cachée dans le rideau. Par la comparaison avec la toute dernière variante, Étude pour un Pape rouge 1961 (seconde version) de 1971, l'auteur montre que l'image de l'adolescent est un autoportrait de Bacon[4]. Le mystère qui domine l'atmosphère du tableau relèverait alors d'une expérience autobiographique.

Postérité[modifier | modifier le code]

Dans son tableau Hello Mister Bacon (d'après Vélasquez), le peintre péruvien Herman Braun-Vega met l'Étude de Bacon en abyme dans la main gauche du pape Innocent X, à la place du papier manuscrit du tableau original de Vélasquez[5]. Cette mise en abyme va de pair avec la multiplicité des niveaux de lecture du tableau et donne une dimension angoissante à la critique sociale qui transparaît dans les graffitis qui s'étalent sur le mur derrière le pape[6].

Le tableau fait partie des « 105 œuvres décisives de la peinture occidentale » constituant le musée imaginaire de Michel Butor[7].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a et b (en) Wieland Schmied, Francis Bacon : Commitment and Conflict, Munich, Prestel, (ISBN 3-7913-1664-8), p. 17 et 20.
  2. a et b (en) Michael Peppiatt, Anatomy of an Enigma, Westview Press, , 408 p. (ISBN 0-8133-3520-5), p. 147 et 148.
  3. « L’obsession de Bacon pour le pape de Vélasquez - I. L’image latente », sur mediationsemiotiques.com, (consulté le ).
  4. « L’obsession de Bacon pour le pape de Vélasquez - II. Le dispositif du méta(auto)portrait », sur mediationsemiotiques.com, (consulté le ).
  5. Herman Braun-Vega, « Hello Mister Bacon (d'après Vélasquez) », Acrylique sur toile, 195 x 130 cm, sur braunvega.com, (consulté le )
  6. (es) Luis E. Lama, « Bonjour Mister Braun », Caretas, Lima, no 648,‎ , p. 54 (lire en ligne) :

    « [Herman Braun-Vega] s'attache à faire des tableaux de tableaux, aiguisant l'ironie lorsqu'il utilise l'iconographie de Bacon pour définir les nouvelles dimensions du pouvoir dans le cadre de notre société. Dans cette œuvre Braun entoure la religion de signes oppressifs, remplissant la surface de graffitis qui font de multiples références linguistiques à la situation paysanne. De la littérature à partir de Bacon ? Peut-être. Mais l’intelligence du peintre et sa maîtrise de la syntaxe de la composition l’amènent à créer un tableau dense qui exige différents niveaux de lecture. Un vrai décryptage pour initiés. »

  7. Michel Butor, Le Musée imaginaire de Michel Butor : 105 œuvres décisives de la peinture occidentale, Paris, Flammarion, , 368 p. (ISBN 978-2-08-145075-2), p. 358-361.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Crédit d'auteurs[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]