En mécanique des fluides, les équations de Navier-Stokes sont des équations aux dérivées partielles non linéaires qui décrivent le mouvement des fluides newtoniens (donc des gaz et de la majeure partie des liquides[a]). La résolution de ces équations modélisant un fluide comme un milieu continu à une seule phase est difficile, et l'existence mathématique de solutions des équations de Navier-Stokes n'est pas démontrée. Mais elles permettent souvent, par une résolution approchée, de proposer une modélisation de nombreux phénomènes, comme les courants océaniques et des mouvements des masses d'air de l'atmosphère pour les météorologistes, le comportement des gratte-ciel ou des ponts sous l'action du vent pour les architectes et les ingénieurs, ou encore celui des avions, des trains ou des voitures à grande vitesse pour leurs bureaux d'études concepteurs, ainsi que l'écoulement de l'eau dans un tuyau et de nombreux autres phénomènes d'écoulement de divers fluides.
Cet article décrit diverses variantes des équations valables pour des milieux de composition homogène, les problèmes liés à la diffusion et aux réactions chimiques n'y sont pas abordés[6].
On peut définir une loi de conservation pour une variable extensive de densité ϕ entraînée à la vitesse et comportant un terme de production volumique S par :
La formulation la plus utilisée fait appel à un référentiel fixe naturel lorsque l'on traite un problème stationnaire ou instationnaire dans lequel le domaine de calcul est connu à l'avance. On fait alors appel aux variables eulériennes.
On obtient les équations de Navier-Stokes en appliquant la relation de conservation ci-dessus à la masse volumique ρ, à la quantité de mouvement et à l'énergie totale ρ E[8].
désigne le flux de chaleur dû au rayonnement (unité SI : J m−2 s−1).
Afin de clore le système il est nécessaire de décrire p, Σ, et à partir d'hypothèses sur le fluide considéré. est quant à lui l'objet d'un calcul de transfert radiatif éventuellement couplé à la résolution des équations de Navier-Stokes.
On peut exprimer différemment l'équation de quantité de mouvement en remarquant que :
.
Démonstration
L'équation alors obtenue s'interprète comme la deuxième loi de Newton, en remarquant que le terme décrit l’accélération des particules du fluide.
Il est possible d'exprimer la conservation de l'énergie sous forme équivalente en transférant au premier membre le terme correspondant à la pression :
.
Le terme ρ E + p peut être remplacé par où h = e + p/ρ est l'enthalpie massique.
En multipliant scalairement l'équation de quantité de mouvement écrite comme ci-dessus par la vitesse on obtient une loi de conservation pour l'énergie cinétique :
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En soustrayant cette équation de l'équation de conservation de l'énergie, en utilisant l'équation de conservation de la masse et l'identité
,
on obtient l'équation suivante sur l'énergie interne par unité de masse :
L'entropie massique est utilisée en lieu et place de l'énergie pour l'obtention des équations de l'acoustique[9]. On obtient simplement une équation de conservation à partir de la relation thermodynamique :
En tenant compte de l'équation de continuité cette expression conduit à :
Soit, en comparant avec l'équation de conservation de l'énergie interne ci-dessus :
Dans certains problèmes le domaine occupé par le fluide peut varier considérablement au cours du temps. Il s'agit donc de problèmes instationnaires. C'est le cas dans les problèmes d'explosion ou en astrophysique. On fait alors appel aux variables lagrangiennes définies dans le repère noté ξ. L'accélération de la particule fluide est donnée par la dérivée particulaire :
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Le dernier terme de cette équation est le terme d'advection de la quantité ϕ. Celle-ci peut être scalaire, vectorielle ou tensorielle.
Pour la quantité de mouvement, la dérivée particulaire vaut :
.
Les équations de conservation dans le système de coordonnées définies par s'écrivent :
Équation de continuité (ou équation de bilan de la masse)
Il est parfois utile de décrire la dynamique des fluides dans un repère non galiléen, par exemple en physique de l'atmosphère ou pour décrire le mouvement d'un fluide dans un réservoir mobile, par exemple dans un lanceur.
On considère un repère orthonormé se déplaçant à la vitesse par rapport au repère fixe et ayant une vitesse de rotation dans celui-ci.
Pour un point situé en dans le repère mobile, la formule de Varignon s'écrit :
Par dérivation, on obtient l'accélération apparente dans le repère mobile :
Le premier terme dans le crochet est l'accélération de Coriolis et le deuxième est le terme centripète. Le troisième correspond au déplacement du repère mobile :
Il existe donc un terme à ajouter au premier membre de l'équation de la quantité de mouvement. Ce terme est d'ordre cinétique : il ne correspond pas à une force réelle et n'influence donc pas l'équation de conservation de l'énergie.
En première approximation, pour de nombreux fluides usuels comme l'eau et l'air, le tenseur des contraintes visqueuses est proportionnel à la partie symétrique du tenseur des taux de déformation (hypothèse du fluide newtonien).
μ désigne la viscosité dynamique du fluide (unité : Poiseuille (Pl) = Pa s = N m−2 s.)
μ' désigne la seconde viscosité (ou viscosité volumique, en anglais volume viscosity) du fluide (unité : Poiseuille (Pl) = Pa s = N m−2 s).
Ces coefficients dépendent en général de la masse volumique et de la température thermodynamique, comme au paragraphe suivant.
Avec l'expression du tenseur des contraintes visqueuses, l'équation de quantité de mouvement prend la forme :
.
En supposant que les variations spatiales de et sont négligeables, on obtient
,
dont on déduit
On utilise généralement l'hypothèse de Stokes pour relier la viscosité dynamique à la seconde viscosité :
.
L'hypothèse de Stokes est vraie pour les gaz monoatomiques. Elle constitue une bonne approximation pour des fluides simples comme l'eau et l'air[10].
A contrario, de nombreux fluides complexes, tels que les polymères, les hydrocarbures lourds, le miel, ou encore la pâte de dentifrice, ne vérifient pas l'hypothèse du fluide newtonien. On recourt alors à d'autres lois de comportement visqueux, dites non newtoniennes (par exemple la loi du fluide de Bingham). La science qui étudie les relations entre contrainte et déformation pour de tels fluides est la rhéologie.
Le système décrit ci-dessus est incomplet puisqu'il comporte 3 équations (dont une vectorielle) pour 5 inconnues (dont deux vectorielles) : (si l'on néglige le flux de chaleur dû au rayonnement, ). On ajoute pour fermer le système des équations d'état de la forme
Les propriétés de transport, viscosité et conductivité, résultent d'une distribution hors d'équilibre thermodynamique dans le milieu (ne satisfaisant pas la statistique de Maxwell-Boltzmann). On sait les exprimer en utilisant la méthode de Chapman-Enskog[10].
La viscosité s'exprime sous la forme suivante :
où f (T) est une fonction lentement variable avec T, découlant du potentiel d'interaction moléculaire. La viscosité d'un gaz varie donc approximativement comme √T. Elle est indépendante de la pression.
La conductivité est étroitement liée à la viscosité :
Dans cette expression χ = 1 correspond à la corrélation d'Eucken. La valeur exacte est plus proche de 1,3 en moyenne. Des calculs d'échanges au cours des collisions moléculaires permettent de préciser cette valeur, dépendante du gaz considéré et faiblement de la température.
Un mélange de gaz parfaits peut être traité comme un gaz unique en utilisant une approximation analytique (par exemple la loi de Sutherland) ou numérique du résultat du calcul des propriétés de ce mélange, qu'il s'agisse de la viscosité ou de la conductivité[11].
La connaissance théorique pour les liquides est beaucoup moins avancée que pour les gaz et les prédictions dans ce domaine qualitatives : la viscosité diminue avec la température[10],[12]. La connaissance des valeurs repose sur les mesures.
La variation de la conductivité avec la température ne présente pas de tendance marquée[13],[14].
L'écoulement d'un fluide est dit incompressible et homogène lorsque l'on peut négliger ses variations de masse volumique. Cette hypothèse est vérifiée pour l'eau liquide à température fixe et les métaux en fusion. Elle est aussi vérifiée pour les gaz lorsque le nombre de Mach est faible. En général, on considère l'écoulement incompressible lorsque . De plus ce type de problème se rencontre dans des situations où la variation de température dans le milieu est faible et où l'on peut donc considérer la viscosité constante. Ceci est particulièrement vrai dans des liquides comme l'eau (voir courbe ci-dessus). De ce fait l'équation de l'énergie est découplée des équations de continuité et de quantité de mouvement, c'est-à-dire qu'on peut déterminer la vitesse et la pression indépendamment de l'équation de l'énergie. L'expression des équations de continuité et de quantité de mouvement sont considérablement simplifiées. On obtient alors
Équation d'incompressibilité (se confondant avec l'équation de bilan de la masse pour un fluide homogène) :
D’autre part, une expression de la pression peut être obtenue en prenant la divergence de l'équation de quantité de mouvement et en tenant compte de la relation d'incompressibilité :
En partant de l'équation de quantité de mouvement du chapitre précédent avec l’hypothèse de Stokes, les identités vectorielles
permettent d’obtenir la forme suivante :
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Supposons que le vecteur tourbillon est nul. Dans ce cas[b] :
.
Dans ce cas toujours, puisque la vitesse est un champ irrotationnel, on peut déduire qu'elle dérive d'un potentiel que l'on note ψ :
.
En particulier dans le cas incompressible, si on reporte cette expression dans l'équation d'incompressibilité, le potentiel obéit à l'équation de Laplace :
.
Si, de plus, le fluide est homogène et que la force dérive d'un potentiel, par exemple la gravité, alors la propriété d'irrotationalité est automatiquement propagée en temps grâce à l'équation vérifiée par la vitesse.
Ces écoulements potentiels concernent les écoulements à faibles vitesses et peu visqueux : une voile de bateau ou une aile de planeur par exemple.
Les équations de Navier-Stokes font intervenir 9 quantités, et 4 dimensions : temps, espace, masse, température. Le théorème de Vaschy-Buckingham montre donc l'existence de 5 variables adimensionnelles permettant l'analyse du système. Ces variables sont par exemple les nombres de Mach, Reynolds, Prandtl, Froude et Goulard. Il existe d'autres variables comme les nombres de Knudsen, de Strouhal, de Péclet ou beaucoup d'autres, mais celles-ci ne sont pas indépendantes. Les nombres de Mach, Reynolds et Knudsen par exemple sont liés entre eux, de même que les nombres de Péclet, Prandtl et Reynolds. Pour écrire ces nombres il faut définir des quantités de référence qui sont caractéristiques du problème étudié. Définissons les variables suivantes servant de références :