Zénodote — Wikipédia

Zénodote, en grec ancien Ζηνόδοτος / Zênódotos (330260 av. J.-C.) est un grammairien alexandrin. Il fut le premier bibliothécaire de la bibliothèque d'Alexandrie. On lui doit l'édition critique de plusieurs poètes, en particulier Homère.

Biographie et œuvre[modifier | modifier le code]

Né à Éphèse, il a été l'élève de Philathéas de Cos à Alexandrie, et il est le premier bibliothécaire de la bibliothèque de cette ville (vers 285-270 av. J.-C.)[1] .

Ptolémée II Philadelphe a recours à ses services, ainsi qu'à ceux d'Alexandre l'Étolien et Lycophron de Chalcis pour mettre au point des éditions critiques des grands poètes grecs. Alors que ses collègues prennent en charge respectivement les tragédies et les comédies, Zénodote s'attaque à l'œuvre d'Homère. Il publie une Recension (un examen critique de tous les exemplaires conservés)[2] ainsi qu'un Glossaire[3] de l’Iliade et de l’Odyssée. On lui doit aussi la division en 24 livres chacun de ces deux textes[4]. Par ailleurs, il rejette l'attribution des Hymnes homériques à Homère, les jugeant postérieurs.

Son édition des textes, première des éditions critiques homériques, expurge certains vers, en marque d'autres comme étant des interpolations et en corrige certains considérés comme fautifs. Zénodote se fonde beaucoup sur des critères de cohérence interne. Plus qu'un grammatikôs (γραμματικός), il est mis au rang des premiers diorthôte, c'est-à-dire des correcteurs, grâce à son importante production d'éditions critiques des textes homériques[5].

Au chant XI de L'Iliade, Ajax fils de Télamon est successivement comparé à un lion chassé d'une étable par des paysans, puis à un âne que des enfants battent pour le faire avancer. Jugeant la suite des comparaisons peu raisonnable, Zénodote considère la seconde comme une interpolation. On dit des vers biffés par Zénodote et son disciple Aristarque de Samothrace qu'ils sont « athétisés », littéralement « refusés ».

Cette vision des choses l'oppose radicalement à la manière de penser de la "bibliothèque rivale" de Pergame. Si les Alexandrins traquaient chaque altération potentielle, les Pergaméniens ne cherchaient en aucun cas à produire une édition critique d'une œuvre, mais bien plus à comprendre le sens profond que pouvait recéler une étrangeté dans le texte. Ainsi, Zénodote n'hésite pas à juger comme faux la centaine de vers décrivant le bouclier d'Achille dans le chant XIII de L'Iliade. À l'inverse, Cratès de Mallos, éminent représentant de la bibliothèque de Pergame, voit en cette longue description une allégorie des dix cercles célestes[6].

Postérité[modifier | modifier le code]

La Souda parle de Zénodote en ces termes :

« Zénodote d'Éphèse : poète épique et grammairien, élève de Philitas, vécut sous Ptolémée Ier. Auteur de la première édition critique des poèmes homériques, il dirigea les bibliothèques d'Alexandrie et fut précepteur des enfants de Ptolémée. »

Les sources ne nous permettent pas d'affirmer avec certitude que Zénodote soit bien l'auteur de vers épiques[1]. Zénodote est le pionnier d'une nouvelle façon d'étudier les classiques grecs. Ses disciples Aristarque de Samothrace et Aristophane de Byzance poursuivront son œuvre. Malgré cela, ils font ensuite l'objet d'un certain mépris de la part des écrivains postérieurs. Lucien de Samosate, écrivain du IIe siècle, raconte ainsi dans son ouvrage Histoires vraies[7] voir Homère en songe et lui demander :

« Je lui demandais au sujet des vers athétisés s'il les avait écrits, et lui de répondre qu'ils étaient tous de lui. Alors je condamnais les discours pédants des grammairiens Zénodote et Aristarque. »

— (trad. Marcel Caster)

L'approche philologique de Zénodote pour établir un texte ne contenant aucune interpolation n'est pas clairement définie. L'historien helléniste Marchinus van der Valk a pu considérer que Zénodote séparait le bon grain de l'ivraie par son seul jugement, entièrement subjectif[1]. Le philologue allemand Klaus Nickau rétorque que Zénodote aurait été parfaitement en mesure d'analyser et de comprendre Homère et la tradition homérique, pour en tirer des conclusions logiques et impartiales[8].

Notes[modifier | modifier le code]

  1. a b et c M.C. Howatson (dir.), Dictionnaire de l'Antiquité. Mythologie, littérature, civilisation, Paris, Laffont, coll. « Bouquins », 2007 [1997], 1066 p. (ISBN 978-2-221-06800-7), p. 1051-1052
  2. en grec ancien Διόρθωσις / Diórthôsis
  3. Γλῶσσαι / Glôssai
  4. M.C. Howatson (dir.), Dictionnaire de l'Antiquité. Mythologie, littérature, civilisation, Paris, Laffont, coll. « Bouquins », 2007 [1997], 1066 p., p. 846; 1051-1052
  5. Jacob Christian (dir.), Alexandrie IIIe siècle av. J.-C. Tous les savoirs du monde ou le rêve d'universalité des Ptolémées, Paris, Édition Autrement, coll. « Série Mémoires », , 264 p. (ISBN 2-862-60391-0), p. 93-99
  6. Luciano Canfora, La véritable Histoire de la Bibliothèque d'Alexandrie, Paris, Desjonquières, (ISBN 2-904-22724-5), p. 60-61
  7. Livre II
  8. (de) Klaus Nickau, Untersuchungen zur textkritischen Methode des Zenodotos von Ephesos, De Gruyter, (ISBN 3-110-01827-6)

Voir aussi[modifier | modifier le code]