Verseau — Wikipédia

Verseau
Image illustrative de l'article Verseau
Vue de la constellation.
Désignation
Nom latin Aquarius
Génitif Aquarii
Abréviation Aqr
Observation
(Époque J2000.0)
Ascension droite Entre 308° et 357,5°
Déclinaison Entre -25,5° et 2,75°
Taille observable 980 deg2 (10e)
Visibilité Entre 65° N et 90° S
Méridien 10 octobre, 21h00
Étoiles
Brillantes (m≤3,0) 2 (β, α)
À l’œil nu 179
Bayer / Flamsteed 90
Proches (d≤16 al) 2
La plus brillante β Aqr (2,90)
La plus proche EZ Aquarii (11,3 al)
Objets
Objets de Messier 3 (M2, M72, M73)
Essaims météoritiques Aquarides de mars
Êta aquarides
Delta aquarides
Iota aquarides
Constellations limitrophes Aigle
Baleine
Capricorne
Dauphin
Pégase
Petit Cheval
Poisson austral
Poissons
Sculpteur

Le Verseau, ou Porteur d’eau, est une constellation du zodiaque traversée par le Soleil du 16 février au 11 mars. Dans l'ordre du zodiaque, la constellation se situe entre le Capricorne à l'ouest et les Poissons à l'est. Verseau était l’une des 48 constellations identifiées par Ptolémée.

Elle est parmi les constellations les plus vieilles du ciel et se trouve dans une zone souvent appelée la « Mer », à cause de son abondance de constellations aquatiques telles la Baleine, les Poissons, Éridan, etc. Parfois, le fleuve Éridan est dessiné provenant du pot du Verseau.

En astrologie, le Verseau est également un signe du zodiaque correspondant au secteur de 30° de l'écliptique traversé par le Soleil du 21 janvier au 19 février. C'est dans ce sens qu'il y sert au repérage des déplacements planétaires.

Nomenclature, histoire & mythologie[modifier | modifier le code]

En Mésopotamie[modifier | modifier le code]

Nous avons, au départ, mul.GU.LA = Rabû, soit l’étoile du « Grand personnage » pour Alpha Aquarii / α Aqr dans les Listes de Nippur, datées de 2112-2004 av. è. c[1]. On lit dans la Série MUL.APIN, qui est le premier traité d'astronomie mésopotamienne, découvert à Ninive dans la bibliothèque d'Assurbanipal et datant au plus tard de 627 av. è. c. : DIŠ mul.GULA d.é-a mul.NUN.ki d.é-a, ce qui signifie que « l’étoile GULA est celle du dieu Ea», sachant qu’ENKI = Ea est le seigneur de la Sagesse et des Eaux. Mais nous possédons déjà, sur un sceau cylindrique daté vers 2300 av. è. c., l’image de ce dieu tenant deux urnes versant chacune un courant d’eau[2].

ENKI = Ea sur un sceau-cylindre daté vers 2300 av. è. c.

Par la suite, c’est-à-dire au début du 1er millénaire è.c., le ciel est organisé en constellations, c’est-à-dire que les étoiles sont désormais nommées par leur situation dans les figures célestes, les éphémérides, qui couvrent les événements astronomiques pratiquement sur le millénaire avant notre ère, ne retiennent aucune étoile-repère dans cette constellation, mais l'image traditionnelle du dieu ENKI = Ea s'impose comme figure de l'ancêtre d'Aquarius[3].

En Grèce et à Rome[modifier | modifier le code]

La figure d'Aquarius dans l’édition de 1482 du Poeticon astronomicon d’Hyginus, Venise.

Les Grecs font de cette constellation Ὑδροχόος, littéralement le « Verseur d’eau », attesté chez Eudoxe[4], mais ils ne manquent pas de l’adapter à leur propre goût mythologique. Ainsi, pour Ératosthène, certains soutiennent qu’il s’agit de Ganymède, l’échanson de Zeus, le flot qu’il déverse ressemblant au nectar dont il abreuve l'Olympe[5].

Les Latins ont le plus souvent rendu le nom grec de la constellation par Aquarius, et ce à partir de Cicéron dans ses Aratea, c’est-à-dire sa version latine des Φαινόμενα d’Aratos. Mais ils ont aussi, plus rarement, employé Hydrochoos, soit sa transcription, et diverses autre appellations, parmi lesquelles Urna et Amphora[6], qui se ressentent d’une influence orientale, sachant la constellation se dit en araméen דולא Dawla, « le Vase », influence probablement venue par ce qu’à côté de la Sphaera graecana, le philosophe Nigidius Figulus, ami de Cicéron, nommait la Spheara barbarica, et dont les riches matériaux furent constamment renouvelés par des apports réguliers de sources syriennes et mésopotamiennes[7].

Chez les Arabes[modifier | modifier le code]

Chez les Arabes, il faut distinguer le ciel traditionnel qui comprend les manāzil al-qamar ou « stations lunaires », et ciel gréco-arabe, c’est-à-dire celui que les astronomes classiques ont repris des Grecs au IXe siècle de notre ère.

Le ciel arabe traditionnel compte sur l’espace correspondant au Verseau quatre des dix astérismes de la série nommée السعود al-Suᶜūd, « les Propices », dont les levers héliaques s’étalaient de la mi-janvier au début mars, soit la période des pluies[8]. Or trois de ces quatre astérismes correspondent à des manāzil al-qamar ou « stations lunaires » : ce sont, dans l’ordre des levers héliaques : سعد البلع Saᶜd Bulaᶜ, « la Propice de Bulaᶜ », pour le groupe εμν Aqr (23estation), سعد السعود Saᶜd al-Suᶜūd, « la Propice des Propices », pour le couple βξ Aqr (24estation), سعد الأخبية Saᶜd al-Aḫbiyya, « la Propice des Caches », pour le groupe γζηπ Aqr (25estation). Seul l’astérisme سعد الملك Saᶜd al-Malik, « la Propice du Roi », pour le couple αο Aqr, ne correspond pas à une station. Il faut noter que toutes ces étoiles ont fourni des noms empruntés aux Arabes dans les catalogues contemporains.

La figure de الدلو al-Dalw, « le Dalou, le Seau du puits », dans une copie du traité de ᶜAbd al-Raḥmān al-Ṣūfī, 1606, Saint-Pétersbourg.
Le milieu de la série السعود al-Suᶜūd, « les Propices » dans le ciel arabe (Dessin de Roland Laffitte, 2012).

Quand les Arabes reprirent les constellations grecques, ils rendirent Ὑδροχόος par ساكب الماء Sākib al-Mā’, « le Verseur d’eau ». Mais ils utilisaient déjà pour 11e signe du zodiaque, attesté dans l’horoscope de fondation de la ville de Baghdad en 762, ainsi que nous rapporte l’érudit persan al-Bīrūnī[9], le nom arabe الدلو al-Dalw, « le Dalou », qui est, chez les Arabes, le seau de cuir qui sert à puiser l’eau du puits, nom venu de Babylone par l’araméen Dawla, qui est le même mot que l’akkadien dālu, de semblable signification, bien que le nom n’apparaisse pas dans des documents astronomiques ou astrologiques. Si bien que nous rencontrons ces deux noms concurremment dans le ciel des astronomes arabes hérité des Grecs.

Les catalogues contemporains fournissent aussi des noms d’étoiles empruntés aux Arabes dans le cadre du ciel gréco-arabe.

En Europe[modifier | modifier le code]

Au Moyen Âge, les clercs latins connaissaient le nom Aquarius par les encyclopédies et les quelques manuscrits des Aratea, c’est-à-dire les versions latines des Φαινόμενα d’Aratos, à leur disposition, mais ils connurent dès l’an mil le nom arabe de cette figure. Nous lisons ainsi, chez Gérard de Crémone (ca. 1175) : Stallatio Idrudurus… & est Aquarius'[10], qui reprend Isḥāq b. Ḥunayn, lequel écrit : كوكب اذروذوروس وهو الدلو kawkab Iḏrūḏūrūs … wa huwwa al-Dalw[11]. À son époque, on ne lit pas encore le nom grec dans le texte, ce qui n’adviendra qu’à la Renaissance. Et l’on trouve par exemple, dans l’Uranometria de Johann Bayer (1603), une liste de noms connus dans les différentes langues, selon l’usage de l’époque : non seulement Ὑδροχόος, mais encore en particulier Arabibus Edeleu, soit la transcription de l’arabe الدلو al-Dalw, soit le nom de cette figure dans le ciel arabe traditionnel[12]. Ces noms figurent encore dans plusieurs catalogues jusqu’à ce que la nomenclature approuvée en 1930 par l’Union astronomique internationale (UAI) ne chasse définitivement les appellations autres que Libra, à l’exception du grec Ὑδροχόος.

La figure d’Aquarius d'après l’Uranographia de Johan Elert Bode, Berlin, 1801.
La figure d’Aquarius dans l’Urania's Mirror, Londres, 1824.

Bibliographie / Nomenclature[modifier | modifier le code]

  • Hermann Hunger, Astral science in Mesopotamia, Leiden / Boston (Mass.) / Köln : Brill, 1999, , 303 p. (ISBN 90-04-10127-6).
  • Paul Kunitzsch, Untersuchungen zur Sternnomenklatur der Araber, Wiesbaden : O. Harrassowitz, 1961 p., , 125.
  • Roland Laffitte, Le ciel des Arabes. Apport de l’uranographie arabe, Geuthner, , 296 p. (ISBN 978-2-7053-3865-7).
  • André Le Bœuffle, Les Noms latins d'astres et de constellations, Paris: Les Belles lettres, , 292+cartes (ISBN 978-2-251-32882-9, ISSN 1151-826X).
  • Otto Neugebauer & Richard A. Parker, Egyptian astronomical texts... 3. Decans, planets, constellations and zodiacs, 2 vol., Providence, R. I. : Brown university press / London : L. Humphries, 1969.
  • Sun Xiachun Sun & Jacob Kistemarker =, The Chinese Sky During the Han, Leiden Köln : Brill, , 240 p..

« Ère du Verseau »[modifier | modifier le code]

La constellation a été immortalisée dans l’ère du Verseau (Age of Aquarius dans la comédie musicale Hair des années 1960). Cependant, il semble qu’il n’y ait aucune définition standard pour les « ères astrologiques », censées correspondre à l'entrée du point vernal dans la constellation correspondante. L’ère du Verseau pourrait commencer soit en 2150, soit en 2660, en fonction de la définition préférée.

Présentation[modifier | modifier le code]

Constellation du Verseau.
Visibilité nocturne de la constellation.

Repérage de la constellation[modifier | modifier le code]

L'axe principal du Verseau se situe dans la diagonale Nord-Est / Sud-Ouest du grand carré de Pégase, côté Sud. La constellation s'étend sur cet axe depuis les pieds de Pégase jusqu'à la tête du Capricorne, marquée par une paire d'étoiles assez brillantes (les cornes du Capricorne, α2 et β Cap).

Le Verseau peut également se repérer dans l'axe des ailes du Cygne, axe qui passe par les pieds de Pégase et aboutit côté Sud sur Fomalhaut du Poisson austral.

Le reste de la constellation s'étend dans l'axe marqué par le côté Ouest du grand carré de Pégase et qui se prolonge vers le Sud jusqu'à Fomalhaut, du Poisson austral. On y rencontre successivement λ, τ (plus faible) et δ Aqr (plus brillante).

Description de la constellation[modifier | modifier le code]

Le Verseau est une constellation assez grande (il s’agit de la 10e du ciel), mais ne présentant finalement que des étoiles moyennement lumineuses. On y découvre cependant deux nébuleuses planétaires assez remarquables.

Sa partie la plus visible est la « diagonale » marquée par ses étoiles les plus brillantes, α Arq (Sadalmeilk) et β Aqr (Sadalsuud). C'est cette diagonale qui prolonge le grand carré de Pégase et pointe sur les deux cornes du Capricorne. L'essentiel de la constellation s'étend au Sud-Est de cet axe.

Si les conditions de visibilité sont suffisantes (mag 5), on peut identifier devant la tête du Verseau (α Aqr) un astérisme appelé l’« Urne », qui serait la jarre d’où la constellation verse ses eaux. Cet astérisme a sensiblement la forme d'un triangle équilatéral formé par les étoiles γ Aqr (Sadalachbiah, à l'Ouest, la plus brillante du groupe), η Aqr (à l'Est), et π Aqr (au Nord, la plus faible), le triangle étant ponctué par ζ Aqr au centre.

Dans l'axe Pégase - Fomalhaut, quelques petits groupes épars et peu visibles marquent les « gouttes d'eau » répandues par le Verseau.

Grands alignements[modifier | modifier le code]

Malgré son peu d'éclat, le Verseau est au carrefour de deux alignements majeurs :

Étoiles principales[modifier | modifier le code]

β Aquarii (Sadalsuud)[modifier | modifier le code]

L’étoile la plus brillante de la constellation du Verseau est β Aquarii (Sadalsuud), avec seulement une magnitude apparente de 2,9. C’est une supergéante rouge et sa faible brillance relative provient de son éloignement, 612 années-lumière.

Son nom provient d’une expression arabe Al Sa'd al Su'ud, signifiant littéralement « la plus chanceuse parmi les chanceuses ». Cette désignation d’étoiles « chanceuses » est partagée par deux autres étoiles de la constellation, Sadalmelik et Sadalachbiah.

Autres étoiles[modifier | modifier le code]

Voici quelques autres étoiles principales du Verseau :

R Aquarii est une étoile variable de type Mira, évoluant sur 385 jours entre les magnitudes 5,4 et 9,59. C’est également une étoile symbiotique, son compagnon est une naine blanche qui arrache peu à peu des pans entiers de son enveloppe.

Objets célestes[modifier | modifier le code]

La nébuleuse planétaire NGC 7293, dite de l'Hélice, par le télescope spatial Hubble.

La constellation du Verseau abrite divers objets du ciel profond notables, à commencer par 3 objets du catalogue Messier: M2, M72 et M73.

M2 et M72 sont tous deux des amas globulaires, le plus brillant étant M2 d'une magnitude apparente de 6,5, distinguable avec une paire de jumelles comme une étoile floue. La magnitude apparente de M72 dépasse 9 et il peut être observé dans un petit télescope. Le troisième objet Messier, M73, est en fait un astérisme constitué d'étoiles n'ayant aucun lien physique. Il fut pendant longtemps considéré à tort comme un amas ouvert.

Deux autres objets célestes notables se trouvent dans la constellation: les nébuleuses planétaires NGC 7009, dite la nébuleuse Saturne, et NGC 7293, dite la nébuleuse de l'Hélice ou de l'œil de Dieu. La nébuleuse Saturne doit son nom à son apparence particulière qui rappelle celle de la planète du même nom. La nébuleuse de l'Hélice, elle, est l'une des nébuleuses planétaires les plus proches de nous. Leurs magnitudes apparentes sont respectivement de 8 et 7,6 et sont donc aisément distinguables dans un petit télescope.

Le Verseau abrite également de nombreuses galaxies lointaines. Parmi les plus brillantes, on peut citer NGC 7727 et NGC 7606 (magnitudes respectives de 10,6 et 10,8). La première est issue d'une fusion de galaxies, tout comme NGC 7252 (surnommée les Atomes pour la paix) située dans la même constellation. Notons également la présence de deux galaxies naines du groupe local: la galaxie naine du Verseau et la galaxie naine du Verseau 2.

Essaims météoritiques[modifier | modifier le code]

Plusieurs essaims météoritiques possèdent un radiant situé de la région du Verseau :

Références[modifier | modifier le code]

  1. Roland Laffitte, « Les listes de Nippur, IIIe dynastie d’Ur, 2112-2004 av. J.-C. », sur URANOS, le site astronomique de la Selefa. ».
  2. British Museum, sceau-cylindre BM 89115, voir image ci-dessous.
  3. Roland Laffitte, « Précisions sur l’origine des noms des signes du zodiaque », in Bulletin de la SELEFA n° 7, 1er sem. 2006, pp. 8-9. »
  4. Roland Laffitte,, « L’héritage mésopotamien des Grecs en matière de noms astraux (planètes, étoiles et constellations, signes du zodiaque) », in Lettre SELEFA n° 10 (décembre 2021), pp. 24-25. »
  5. Ératosthène, Le Ciel, mythes et histoires des constellations, Pascal Charvet (dir.), Paris : Nil Éditions, 1998, p. 125.
  6. André Le Bœuffle, Les Noms latins d’astres et de constellations, éd. Paris : Les Belles Lettres, 1977, pp. 178-180.
  7. Roland Laffitte, « Les Noms sémitiques des signes du zodiaque, de Babylone à Baghdad », Comptes Rendus du GLECS (Groupe Linguistique d’Études Chamito-Sémitiques), t. XXXIV, 2003, pp. 114-117.
  8. Roland Laffitte, Le ciel des Arabes. Apport de l’uranographie arabe, Paris : Geuthner, 2012, p. 104.
  9. Roland Laffitte, Héritages arabes. Des noms arabes pour les étoiles, Paris : Geuthner, 2005, p. 46.
  10. Gérard de Crémone, Almagestum Cl. Ptolemei Pheludiensis Alexandrini astronomorum principis…, Venise : ex. Officina Petri Liechtenstein, 1515, fol. 84v.
  11. Claudius Ptolemäus, Der Sternkatalog des Almagest. I. Die arabischen Übersetzungen, éd. par Paul Kunitzsch, Wiesbaden : Otto Harrassowitz, 1986, p. 241.
  12. (la)Johann Bayer, Uranometria, omnium asterismorum continens schemata, nova methodo delineata…, Augusta Vindelicorum : C. Mangus, 1603, fol. 32r.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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