Traite des Blanches — Wikipédia

Vente dans un marché aux esclaves dans la Rome antique, telle que représentée par le peintre néoclassique Jean-Léon Gérôme dans Vente d'esclaves à Rome (XIXe siècle).

La traite des Blanches est un trafic de femmes consistant à entraîner ou détourner des femmes d'origine européenne ou autres (femmes « blanches ») pour les livrer à la prostitution forcée. Ce système est parfois défini comme esclavage sexuel.

Dans la Rome antique[modifier | modifier le code]

La traite des blanches dans la Rome antique n'est pas distincte de l'esclavage sous la Rome des Empereurs[réf. nécessaire].

Au Proche et Moyen-Orient[modifier | modifier le code]

Esclave nouvellement arrivée au harem (Giulio Rosati).

La traite des esclaves blanches est essentiellement liée à la culture du harem, celle de l'ère ottomane en particulier. Dans l'Empire ottoman et en Perse, les femmes circassiennes, parfois vendues par leurs parents[1],[2], étaient particulièrement recherchées[3],[4],[5].

Les esclaves européennes proviennent de rafles lors d'expéditions en Europe, essentiellement des pays bordant la Méditerranée, des territoires sous domination ottomane et des pays voisins de ces territoires, mais aussi du Royaume-Uni et parfois d'Europe du Sud. Elles étaient ensuite exposées sur des marchés, excisées[réf. nécessaire], puis achetées par les trafiquants dans de lointains pays. La plupart du temps, il s'agissait de sultans qui approvisionnaient leurs harems en esclaves.

Au Xe siècle, le Perse Ibn al-Faqih écrit : « De la mer occidentale, arrivent en Orient les esclaves hommes, romains (italiens), francs, lombards et les femmes romaines et andalouses ». Le mouvement orientaliste a abordé par la peinture au XIXe siècle le thème de la femme blanche réduite à l'esclavage, en représentant des femmes blanches au harem.[réf. nécessaire]

Dans les réseaux de proxénétisme contemporains[modifier | modifier le code]

L'Esclave blanche, par Abastenia St. Léger Eberle, 1913.

Avant les années 1950, l'expression « traite des Blanches » désigne l'envoi régulier et organisé par des proxénètes de prostituées européennes vers les maisons closes d'Amérique latine à l'exemple de Marie Paoleschi. Aux États-Unis, des souteneurs attendant des femmes migrantes sur les ports pour les faire travailler dans la rue, ce qui donne naissance à la loi Mann qui interdit de faire passer des femmes d'un État à un autre « dans un but immoral »[6]. Ce phénomène débute vers 1890, est transatlantique et complexe mais il est comparable à la traditionnelle « remonte » limitée à la France. Ainsi les prostituées françaises insoumises étaient-elles envoyées dans des lupanars d'Afrique du Nord[réf. nécessaire]. Au-delà des femmes françaises, étaient concernées des Espagnoles, des Polonaises, des Russes, etc.[réf. nécessaire]

Le grand reporter d'investigation Albert Londres enquête, de façon sérieuse et approfondie, en 1927 sur la traite des blanches vers l'Argentine et en démonte les mécanismes, avant tout économiques. Les femmes ne sont pas enlevées contre leur gré comme le prétend une presse sensationnaliste (une légende qui aura la vie dure, comme l'atteste la rumeur d'Orléans), mais les conditions socio-économiques et l'appât du gain des proxénètes et des réseaux de prostitution aboutissent de facto à un esclavage économique qu'Albert Londres dénonce vigoureusement dans un livre intitulé Le chemin de Buenos Aires, qui est un classique du journalisme d'investigation[7].

Après 1960, le milieu marseillais envoie des femmes françaises dans les maisons closes d'Allemagne. Au XXIe siècle, des réseaux analogues fonctionnent pour placer des Roumaines ou Ukrainiennes en Europe de l'Ouest. Le film de Léo Jonannon Le Désert de Pigalle évoque également le Liban[réf. nécessaire].

Critiques de la traite blanche[modifier | modifier le code]

Thèse de Jean-Michel Chaumont[modifier | modifier le code]

Le philosophe Jean-Michel Chaumont, sociologue et auteur belge, attaché à l'Université catholique de Louvain, explique lors d'une interview accordée en 2009 au magazine Sciences humaines que la traite des blanches est un mythe qui repose sur « une escroquerie intellectuelle » qui daterait de la fin du XIXe siècle, période où des rumeurs d'enlèvements de jeunes filles françaises seraient organisés par des réseaux de prostitution qui les déporteraient dans d'autres pays. Les faits, qui furent confirmés par un rapport publié par un comité d’experts de la Société des nations en 1927, s'avèrent sans fondement selon Jean-Michel Chaumont, qui accuse ces experts d'avoir « manipulé les résultats de l’enquête pour prouver la réalité de la traite[8]. »

La Varsovia[modifier | modifier le code]

La Rumeur d'Orléans[modifier | modifier le code]

Le thème de la traite des blanches est analysé en 1969 dans l'ouvrage sociologique La Rumeur d'Orléans d'Edgar Morin. Il apparaît en effet, au cœur de la rumeur fantaisiste qu'il a étudiée, selon laquelle des jeunes filles utilisant les cabines d'essayage des magasins du centre-ville orléanais tenus par des Juifs auraient été droguées et enlevées via les souterrains de la ville dans le but d'être revendues comme esclaves quelque part hors du territoire français.

L'Affaire Epstein[modifier | modifier le code]

Galerie[modifier | modifier le code]

Dans la culture populaire[modifier | modifier le code]

Cinéma[modifier | modifier le code]

Romans[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Les Femmes publiques, ou la vie des prostituées, par T. Q. N., Bruxelles, 1854, p. 21.
  2. Voyages en Europe par Walsh, Paris, 1855, p. 19.
  3. Léon Lamouche, Histoire de la Turquie : depuis les origines jusqu'à nos jours, Paris : Payot, 1953, p. 172.
  4. Georges Dorys, La femme turque, Paris : Plon-Nourrit et Cie, 1902, p. 258.
  5. Conrad Malte-Brun, Géographie universelle de Malte-Brun : revue, rectifiée et complètement mise au niveau de l'état actuel des connaissances géographiques par E. Cortambert, tome VIII, Paris : Dufour, Mulat et Boulanger, 1860, p. 316.
  6. (en) Françesco Cordasco et Thomas Monroe Pitkin, The White Slave Trade and the Immigrants, Blaine Ethridge Books, , 118 p.
  7. « Le chemin de Buenos Aires - Albert Londres », sur Babelio (consulté le ).
  8. « La traite des Blanches, histoire d'une manipulation », Sciences humaines, no 207, août-septembre 2009.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Ouvrages anciens[modifier | modifier le code]

  • René Cassellari, La Traite des blanches et le vice, étude sociale et révélations, avec une préface du détective René Cassellari, Détective Magazine, Paris, 1914, 32 p.
  • L. Layrac, La traite des blanches et l'excitation à la débauche, V. Girard et F. Brière, Paris, 1904
  • Vittorio Levi, La prostitution chez la femme et la traite des blanches, Imp. Castiglione, Naples, 1912, 128 p.
  • Albert Londres, La Traite des blanches ; suivi de La Traite des noires, Union générale d'éditions, Paris, 1984, 438 p. (ISBN 2-264-00640-4)
  • F. Tacussel, La traite des blanches, J. Bonhoure, Paris, 1877, 36 p.
  • Clotilde Dissard, « La traite des blanches », in La Fronde, n° du .

Ouvrages contemporains[modifier | modifier le code]

  • Marie Paoleschi, Marie La Jolie - De Marseille et de Pigalle à Buenos Aires, Rio, Caracas, Saïgon, Biskra... Sur les Chemins de la Traite des Blanches, Robert Laffont, 1979, 351 p.
  • (en) Claudia Aradau, Rethinking trafficking in women : politics out of security, Palgrave Macmillan, Basingstoke, 2008, 225 p. (ISBN 978-0-230-57331-4)
  • Jean-Michel Chaumont, Le mythe de la traite des blanches. Enquête sur la fabrication d'un fléau, La Découverte, Paris, 2009, 324 p. (ISBN 978-2-7071-5809-3)

Documentaires[modifier | modifier le code]

  • 2005 : Esclaves sexuelles de Ric Esther Bienstock, qui retrace le cheminement des victimes depuis le départ de leurs pays, tout en apposant un visage sur cette réalité et en y exposant les conséquences ;
  • 2010 : The Price of Sex (en), de Mimi Chakarova

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]