Traité de Paris (1355) — Wikipédia

Le traité de Paris, signé le (ancien style)[Note 1], met fin au conflit opposant le comte de Savoie Amédée VI, dit le « comte vert », au roi de France Jean le Bon et son fils le dauphin Charles, mais surtout celui opposant depuis presque deux siècles la Savoie au Dauphiné et au Faucigny.

Contexte[modifier | modifier le code]

La Savoie aux XIIe et XIIIe[2].

Depuis le XIIe siècle, les comtes de Savoie sont en conflit avec leurs voisins les comtes de Genève et leurs vassaux, les barons de Faucigny. Bien que le comte Pierre II de Savoie épouse en 1234 Agnès de Faucigny, le père de cette dernière, le baron Aymon II organise sa succession pour que la seigneurie du Faucigny passe à sa fille, puis à sa petite-fille Béatrice[3]. Béatrice épouse en 1261, selon la volonté de son grand-père, Guigues VII de Viennois, dauphin de Viennois, comte d'Albon, de Grenoble, d'Oisans, de Briançon, d'Embrun et de Gap. La terre du Faucigny est désormais placée sous la protection des dauphins, qui sont d'ailleurs eux-mêmes soutenus par le royaume voisin de France[4]. Toutefois, pour les comtes de Savoie, le Faucigny s'apparente à une enclave les empêchant de faire le lien entre le noyau de leur comté et leurs possessions en Chablais et sur la rive nord du Léman, en Valais[4].

En 1339, le dauphin Humbert II, sans descendance, prépare sa succession. Il souhaite vendre ses terres du Dauphiné, du Briançonnais et du Faucigny dans un premier temps au roi de Naples[5], puis au pape[4],[5]. Les deux y renonceront, notamment en raison du prix demandé[5]. Humbert II de Viennois, après s'être tourné vers le comte de Genève et une croisade ruineuse contre les Turcs[5], est contraint de vendre ses droits et terres au roi de France[4]. L'acte est signé le [4], lors du traité de Romans. Son petit-fils, Charles, prend alors le titre de dauphin.

Toutefois, avant cette cessation, le , Humbert a confirmé les différentes libertés obtenues par le Dauphiné et le Faucigny, appelées « statut delphinal »[5]. Ce statut, selon les auteurs Baud et Mariotte, « spécifiait que le Faucigny ne pourrait être dissocié du Dauphiné[6]. » Des suites du traité de Romans, le Faucigny est donc placé sous le contrôle français, qui nomme à la tête du bailliage, Hugues de Genève[6].

Le conflit[modifier | modifier le code]

Le comte Amédée VI de Savoie poursuit la politique d'expansion, entamée par ses prédécesseurs, qui les oppose à leurs voisins les comtes de Genève et les dauphins du Viennois. En 1353, il attaque le pays de Gex[4]. Dans le jeu des alliances, les dauphinois interviennent pour contrer le comte vert[4].

Le comte de Savoie remporte la victoire lors de la bataille des Abrets en 1354[4], après, dit-on, « après avoir fait un vœu à saint Georges[7]. »

Le roi de France, en ce début de guerre de Cent Ans, préfère signer un traité avec la maison de Savoie et s'occuper de la menace anglaise[4],[8].

Le traité[modifier | modifier le code]

Le roi de France et le comte signent un traité le (ancien style). Au cours du printemps, le comte « épouse une descendante de saint Louis, Bonne de Bourbon[9] », abandonnant ainsi le projet d'épouser la sœur du jeune comte Philippe III de Bourgogne. La Savoie redevient ainsi l'allié du roi de France et participe aux combats en Flandre contre l'Angleterre.

Toutefois, le traité se règle surtout à travers une transaction de terres entre le dauphin du Viennois et le comte de Savoie[10]. Il est considéré comme « un troc bénéfique » au profit du comte de Savoie[4].

Le comte de Savoie obtient la baronnie du Faucigny[11] — soit l'équivalent de 14 châtellenies[12] —, ancienne possession des sires du Faucigny passée aux dauphins du Viennois[10], avec le Beaufortain (terre appartenant aux Faucigny depuis le XIIIe siècle) permettant enfin de relier le comté de Savoie au Chablais ; le pays de Valbonne[11] (la seigneurie de Montluel, le château de Miribel, Bourg-Saint-Christophe, Pérouges et Saint-Maurice-de-Gourdans)[10] ; les seigneuries de Varey et Saint-Maurice-en-Bugey[10] ; la seigneurie de Santonay dans la Bresse[10] ; celle d'Anton en Dauphiné[10] ; la baronnie de Gex[11],[10]. Le traité acte ainsi « le principe de la continuité et de l'homogénéité de l'espace politique de la Savoie[10]. »

Toutefois, le comte doit abandonner le Viennois savoyard, entre les mains des Savoie depuis le XIe siècle, « les contrées s'étendant du pied de la Chartreuse au Rhône, soit 14 châtellenies », soit les possessions en Dauphiné à l'ouest du Guiers, dont le château et le bourg de Voiron[13], La Côte-Saint-André[12], Tolvon et son château, Septème, Saint-Georges-d'Espéranche et Saint-Symphorien[14],[11]. L'acte permet de rectifier la frontière, notamment en Grande Chartreuse[7] et fixe durablement au Rhône et à la rivière du Guiers, les limites entre le Dauphiné et le comté de Savoie[10].

Le dauphin renonce également à l'hommage qui lui était rendu par le comte de Genève et ses prétentions en pays de Gex[10],[12]. Le comte de Genève ne prête serment qu'en 1358 à son nouveau suzerain Amédée[10],[12]. Au cœur de ce grand ensemble des terres du comte de Savoie, le comté de Genève est isolé. Il finira par être lui aussi absorbé en 1402. Les Faucigny tarderont aussi à prêter serment avançant que le statut delphinal n'était pas respecté et craignait le passage à la Savoie[10],[6]. Après quelques tensions, durant le mois de juillet le comte de Savoie parcourt ces nouvelles terres de Faucigny en présence de deux représentants du dauphin, rassurant ainsi en partie la population sur son avenir[6].

Un second traité est signé à Paris en 1377 afin de régler les derniers échanges de terres savoyardes au Dauphin[15],[16].

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Henri Baud, Jean-Yves Mariotte, Alain Guerrier, Histoire des communes savoyardes : Le Faucigny, Roanne, Éditions Horvath, , 619 p. (ISBN 2-7171-0159-4).
  • Nicolas Carrier et Matthieu (de) La Corbière, Entre Genève et Mont-Blanc au XIVe siècle : enquête et contre-enquête dans le Faucigny delphinal de 1339, Librairie Droz, , 401 p. (ISBN 978-2-88442-019-8, lire en ligne).
  • Daniel Chaubet, « Le traité de Paris (1355) entre la Savoie et la France : fin de guerres récurrentes et nouvelles perspectives », dans Michel Sot (sous la dir.), Médiation, paix et guerre au Moyen Âge (édition électronique, 136e Congrès national des sociétés historiques et scientifiques, Perpignan, 2011), Éditions du CTHS, (lire en ligne), p. 29-36.
  • Alain Kersuzan, Défendre la Bresse et le Bugey : les châteaux savoyards dans la guerre contre le Dauphiné, 1282-1355, vol. 14, Presses universitaires de Lyon, coll. « Collection d'histoire et d'archéologie médiévales », , 433 p. (ISBN 978-2-7297-0762-0, lire en ligne), p. 124-126.

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. L'acte est daté du . À cette époque l'année ne commence pas au 1er janvier, mais pour les historiens il s'agit de 1355 pour une année rapportée au 1er janvier (ancien style)[1].

Références[modifier | modifier le code]

  1. Serge Guiboud-Ribaud, Chroniques d'une frontière sous l’Ancien Régime : Les 2 Pont de Beauvoisin (1500-1788), BoD - Books on Demand France, , 508 p. (lire en ligne), p. 20, 66.
  2. Source : Assemblée des Pays de Savoie - sabaudia.org.
  3. Histoire des communes savoyardes, 1980, p. 15.
  4. a b c d e f g h i et j Guy Gavard (préf. Paul Guichonnet), Histoire d'Annemasse et des communes voisines : les relations avec Genève de l'époque romaine à l'an 2000, La Fontaine de Siloé, coll. « Les Savoisiennes », , 439 p. (ISBN 978-2-84206-342-9, présentation en ligne), p. 73-75.
  5. a b c d et e Histoire des communes savoyardes, 1980, p. 18, « Humbert II ».
  6. a b c et d Histoire des communes savoyardes, 1980, p. 18-19, « Le Faucigny français (1349) et savoyard (1355) ».
  7. a et b Henri Ménabréa, Histoire de la Savoie, Bernard Grasset, (réimpr. 1960, 1976, 2009), p. 72.
  8. Aristide Béruard, Marius Hudry, Juliette Châtel, Alain Favre, Découvrir l’Histoire de la Savoie, Centre de la Culture Savoyarde, , 240 p. (ISBN 2-9511379-1-5), p. 92.
  9. Roland Edighoffer, Histoire de la Savoie, PUF, coll. « Que sais-je ? », , 128 p., p. 37.
  10. a b c d e f g h i j k et l Jules-Joseph Vernier, Étude historique et géographique sur la Savoie, Paris, Le Livre d'Histoire - Res Universis, (réimpr. 1993) (1re éd. 1896), 137 p. (ISBN 978-2-7428-0039-1 et 2-7428-0039-5, ISSN 0993-7129), p. 53.
  11. a b c et d Bernard Demotz, « La frontière au Moyen Âge d'après l'exemple du comté de Savoie (début XIIIe - début XVe siècles) », Actes des congrès de la Société des historiens médiévistes de l'enseignement supérieur public, vol. 4, no 4,‎ , p. 95-116 (lire en ligne).
  12. a b c et d Guy Gavard (préf. Paul Guichonnet), Histoire d'Annemasse et des communes voisines : les relations avec Genève de l'époque romaine à l'an 2000, Montmélian, La Fontaine de Siloé, coll. « Les Savoisiennes », , 439 p. (ISBN 978-2-84206-342-9, présentation en ligne), p. 74.
  13. Kersuzan, 2005, p. 15 (lire en ligne).
  14. Pierre Duparc, Le comté de Genève, IXe – XVe siècle, t. XXXIX, Genève, Société d'histoire et d'archéologie de Genève, coll. « Mémoires et Documents » (réimpr. 1978) (1re éd. 1955), 616 p. (lire en ligne), p. 290.
  15. Réjane Brondy, Bernard Demotz et Jean-Pierre Leguay, La Savoie de l’an mil à la Réforme, XIe siècle-début XVIe siècle, Rennes, Ouest-France, , 455 p. (ISBN 2-85882-536-X), p. 137-139.
  16. Serge Guiboud-Ribaud, Chroniques d'une frontière sous l’Ancien Régime : Les 2 Pont de Beauvoisin (1500-1788), BoD - Books on Demand France, , 508 p., p. 22-23.