Tétrahydrocannabinol — Wikipédia

Δ9-tétrahydrocannabinol
Image illustrative de l’article Tétrahydrocannabinol
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(–)-trans-Δ9-tétrahydrocannabinol
Identification
DCI dronabinol
Nom UICPA (6aR,10aR)-6,6,9-triméthyl-3-pentyl-6a,7,8,10a-tétrahydrobenzo[c]chromén-1-ol
Synonymes

THC, Δ9-THC, dronabinolum

No CAS 1972-08-3
No ECHA 100.153.676
Code ATC A04AD10
PubChem 16078
SMILES
InChI
Propriétés chimiques
Formule C21H30O2  [Isomères]
Masse molaire[1] 314,461 7 ± 0,019 5 g/mol
C 80,21 %, H 9,62 %, O 10,18 %,
Propriétés physiques
ébullition 157 °C[2]
Solubilité 2,8 mg·L-1 (eau, 23 °C)
Précautions
Directive 67/548/EEC
Facilement inflammable
F


Écotoxicologie
DL50 Chez le rat mâle :

20 mg/kg i.v.
1 140 mg/kg par voie orale

Chez le chien :
100 mg/kg i.v.

Caractère psychotrope
Catégorie stimulant hallucinogène
Mode de consommation

Inhalation, ingestion

Risque de dépendance Modéré (psychique)

Unités du SI et CNTP, sauf indication contraire.

Dronabinol
Informations générales
Princeps Marinol®, Syndros®, Reduvo®, Adversa®
Classe cannabinoïde
Identification
No CAS 1972-08-3 Voir et modifier les données sur Wikidata
No ECHA 100.153.676
Code ATC A04AD10
DrugBank 00470 Voir et modifier les données sur Wikidata

Le Δ-9-tétrahydrocannabinol (THC) est un composé organique de la famille des cannabinoïdes. Il a été découvert et isolé en 1964 par le professeur Raphael Mechoulam et Yechiel Gaoni de l’institut Weizmann de Rehovot, en Israël[3]. Il est le constituant psychoactif majeur du cannabis quelle que soit sa sous-espèce (indica, sativa, ruderalis, chanvre industriel), c'est son taux qui variera du simple au triple selon qu'il s'agisse de chanvre industriel (très faiblement dosé) ou de cannabis médicinal et récréatif (plus fortement dosé). Il possède des propriétés psychoactives, agissant sur le psychisme en modifiant le rythme cérébral. Il possède également des propriétés anti-inflammatoires et antalgiques[4].

Il est présent dans deux médicaments : le Dronabinol (nom générique issu de la Dénomination Commune Internationale) et le Sativex (utilisé pour atténuer les douleurs liées à la sclérose en plaques).

Il est classé comme substance psychotrope depuis 1971 par l'ONU, interdit en France depuis 1970[5] et dans de nombreux pays.

Pharmacologie[modifier | modifier le code]

Propriétés de la molécule, présence dans l'organisme[modifier | modifier le code]

Il s'agit d'une molécule fragile, objet d'un débat au sujet de son appartenance aux alcaloïdes, en raison de l'absence d'atome d'azote dans la molécule. Il pourrait donc être considéré comme un pseudoalcaloïde. Le docteur C. Piller a découvert qu'il était thermolabile et oxydable, s'isomérisant aisément en delta-8-THC (légèrement moins actif), ou se transformant en cannabinol (faiblement psychoactif et anti-inflammatoire) ou en cannabidiol (non-psychotrope et anti-inflammatoire).

Il a une hydrosolubilité nulle mais une bonne solubilité dans la plupart des solvants organiques tels l'éthanol ou l'hexane ainsi que les matières grasses telles les huiles ou le beurre. C'est une molécule très liposoluble[6] qui franchit la barrière hémato-encéphalique et s'accumule dans les graisses[6]. Il peut être davantage concentré dans le sang du fœtus que dans celui de la mère[7]. Sa présence peut être constatée dans l'organisme plusieurs jours voire plusieurs semaines après ingestion ou autre mode de consommation lors de tests salivaires et la psycho-activité pourrait revenir lorsqu'un régime agissant sur les graisses est entrepris.

Le tétrahydrocannabinol se fixe sur les récepteurs CB1 et CB2.

Il existe aussi des formes synthétiques du THC tels que le Marinol, le Syndros ou des analogues (molécules proches) comme le Nabilone. Ces produits pharmaceutiques sont généralement peu psychoactifs. Il est approuvé dans de plus en plus de pharmacopées (DAB, USP…) pour diverses indications, comme les troubles de l'appétit, certains glaucomes, sédation, traitement des douleurs chroniques (ex. : complications liées aux troubles de l'immunité). Il est principalement utilisé contre les vomissements et les nausées chez les patients atteints de cancer pour atténuer les effets secondaires de la chimiothérapie. Il est aussi utilisé pour augmenter l'appétit chez les malades atteints du SIDA[8].

Il n'est pas commercialisé en France. Il est disponible en France en passant par un centre antidouleur, pour traiter des douleurs résistant à d'autres médicaments. En France, le Marinol ne doit pas être confondu avec son homonyme (sirop buvable vendu en pharmacie), apport de sels minéraux et oligoéléments en solution dans l'eau de mer[9]. En Belgique[10] et en Suisse[11] la spécialité Sativex est disponible sous certaines conditions.

Élimination du THC[modifier | modifier le code]

La demi-vie du THC est en moyenne de 4,3 jours[12]. Huestis et coll. (1998)[13] ont analysé les urines de sujets ayant fumé un « joint » contenant 1,75 % ou 3,55 % de D9-THC pendant 14 jours, et ont calculé que la demi-vie d’élimination était comprise dans ces conditions entre 44 et 60 heures[14]. Selon la définition de la demi-vie, on élimine la moitié du produit consommé pendant n heures, puis pendant le même temps, la moitié de la moitié restante (et non pas la moitié restante), et ainsi de suite. Le temps total d'élimination est donc long, et le repérage du produit dans l'organisme dépend de la sensibilité des dispositifs utilisés. La vitesse d’élimination des cannabinoïdes est très variable d’un sujet à l’autre : elle dépend de nombreux paramètres. Outre les quantités consommées, parmi ces paramètres figure la corpulence, car le THC est lipophile. L'élimination progressive se fait par voies rénale (15 à 30 %), sudorale, et fécale (30 à 65 %). Enfin, il faut aussi distinguer le mode d'administration du THC. Ainsi, l’élimination plasmatique des cannabinoïdes oraux (Sativex) est biphasique, avec une demi-vie initiale d’environ quatre heures, et des demi-vies d’élimination terminales de l’ordre de 24 à 36 heures, voire plus longues[15].

Effets sur les tumeurs cancéreuses[modifier | modifier le code]

Une étude de 2000 (portant sur deux groupes de sept et six souris respectivement) suggère que le THC pourrait avoir un effet inhibiteur sur la réponse immunitaire des lymphocytes T sur les cellules tumorales[16], toutefois les conclusions de l'article sur l'effet potentiellement aggravant de l'évolution des cellules tumorales ne semblent pas corroborées par des études ultérieures[17].

Selon une étude de 2009, il permettrait de réduire la taille des tumeurs cancéreuses (par autophagie)[18].

Propriétés analgésiques[modifier | modifier le code]

Médicalement, le THC possède des propriétés analgésiques[19] et thérapeutiques, sans effets secondaires à moyen terme[20]. Il est souvent prescrit sous forme de teinture mère de chanvre. En Suisse, c'est le plus souvent le Sativex (pulvérisateur buccal) qui est prescrit malgré son coût élevé : 646,60 CHF le à Genève pour une boîte de 3 pulvérisateurs buccaux de 10 ml chacun, permettant environ 72 pulvérisations buccales avec un maximum de 12 par jour.

À noter qu'en France en , bien que le Sativex ait obtenu son autorisation de mise sur le marché en , il n'est toujours pas commercialisé, en raison d’un désaccord entre le fabricant et le gouvernement au sujet du prix de vente[21].

Effets psychoactifs[modifier | modifier le code]

Les recherches visant à isoler les propriétés psychoactives ont aussi amené à découvrir des analogues parfois 100 à 1 000 fois plus actifs que le THC naturel (le THC-V, par exemple). Et les recherches à propos du rôle des endocannabinoïdes sont encore en cours, laissant supposer la découverte d'autres récepteurs cannabinoïdes et d'autres endocannabinoïdes.

Toxicité[modifier | modifier le code]

La dose létale médiane du THC chez le rat a été estimée à 20 mg kg−1 par voie intraveineuse et à 1 140 mg kg−1 par voie orale. La femelle supporte oralement une dose deux fois moindre que le mâle. Cette étude de 1971 n’est pas parvenue à trouver une dose suffisamment élevée pour être létale chez le singe et le chien par voie orale, mais a été estimée, en cas d’injection intraveineuse, à 100 mg kg−1 chez le chien et entre 15,6 mg kg−1 et 62,5 mg kg−1 chez le singe (selon la concentration de la solution injectée)[22]. La mort par overdose de cannabis n’est donc pas possible pour l’humain[23].

La toxicité du THC se manifeste en revanche par d'autres moyens, et notamment chez le rat par une dépression du système nerveux central qui n’est plus réversible lorsque la dose létale est atteinte[22].

Une étude de 2016 synthétise qu'une exposition au THC à forte dose peut entrainer des dommages génétiques et par extension des cancers. Ces dommages peuvent être héréditaires[24]. En 2021, une étude américaine confirme que la consommation de cannabis augmente l'incidence de plusieurs cancers, à cause de sa génotoxicité[25].

THC et cannabis[modifier | modifier le code]

Dosage, impact du mode de consommation et stockage[modifier | modifier le code]

La dose active est extrêmement variable d'un individu à l'autre et en fonction du mode de consommation.

Il est essentiellement fumé (ce qui détruit ou isomérise une fraction significative du produit actif), parfois ingéré. Lorsqu'il l'est, le 11-hydroxy-THC, son métabolite principal et psychoactif, est présent en quantités significativement plus grande, ce qui provoque une expérience psychotrope différente et bien plus longue. Il peut également être vaporisé.

Comme il s'oxyde rapidement, la conservation du cannabis sous forme d'herbe nécessite un séchage complet et soigneux. La résine est plus stable dans la mesure où le THC est mieux protégé de l'oxygène et de l'humidité de par sa structure dense.

Cannabis synthétique[modifier | modifier le code]

Règlementation[modifier | modifier le code]

Classement comme substance psychotrope[modifier | modifier le code]

Le Δ-9-tétrahydrocannabinol est placé sous contrôle international, étant présent dans la Liste II de la Convention sur les substances psychotropes de 1971[26]. Les autres isomères du tetrahydrocannabinol (delta-6a(10a)-THC, delta-6a(7)-THC, delta-7-THC, delta-8-THC, delta-10-THC et delta-9(11)-THC) sont inscrits à un niveau plus strict (Liste I)[26].

Monographies inscrites à la Pharmacopée[modifier | modifier le code]

Le Δ-9-tétrahydrocannabinol est inscrit à la pharmacopée des États-Unis d'Amérique (USP-NF) depuis les années 1980[27].

Références[modifier | modifier le code]

  1. Masse molaire calculée d’après « Atomic weights of the elements 2007 », sur www.chem.qmul.ac.uk.
  2. Cannabis and Cannabis Extracts: Greater Than the Sum of Their Parts?
  3. Zach Klein, The Scientist, 2015, documentaire (sous-titré en français) sur l'histoire de la découverte du THC par Raphael Mechoulam.
  4. (en) « Cannabinoids as novel anti-inflammatory drugs », sur ncbi.nlm.nih.gov.
  5. « Article R5132-86 - Code de la santé publique - Légifrance », sur legifrance.gouv.fr (consulté le ).
  6. a et b Goullé JP, Saussereau E, Lacroix C, « Pharmacocinétique du delta-9-tétrahydrocannabinol (THC) [Delta-9-tetrahydrocannabinol pharmacokinetics] », Ann Pharm Fr, vol. 66, no 4,‎ , p. 232-44. (PMID 18847571, DOI 10.1016/j.pharma.2008.07.006, résumé) modifier
  7. LITTLE BB, VANBEVEREN TT. Placental transfer of selected substances of abuse. Semin. Perinatol. 1996, 20 : 147-153
  8. (en) Beal JE, Olson R, Lefkowitz L, Laubenstein L, Bellman P, Yangco B, Morales JO, Murphy R, Powderly W, Plasse TF, Mosdell KW, Shepard KV, « Long-term efficacy and safety of dronabinol for acquired immunodeficiency syndrome-associated anorexia », J Pain Symptom Manage, vol. 14, no 1,‎ , p. 7-14. (PMID 9223837) modifier
  9. « MARINOL® - EurekaSanté par VIDAL », sur EurekaSanté (consulté le ).
  10. « CBIP », sur CBIP (consulté le ).
  11. Sandrine Hochstrasser, « La pharma alléchée par le cannabis », Swissinfo, (consulté le ).
  12. « Information sur les substances », sur Toxquébec (consulté le ).
  13. HUESTIS MA, CONE EJ. Urinary excretion half-life of 11-nor-9-carboxy-Delta9- tetrahydrocannabinol in humans. Ther Drug Monit. 1998, 20 : 570-576
  14. http://www.ipubli.inserm.fr/bitstream/handle/10608/171/?sequence=12
  15. « Résumé des Caractéristiques du Produit », sur sante.fr (consulté le ).
  16. The Journal of Immunology July 1, 2000 vol. 165 no. 1 373-380 Δ-9-Tetrahydrocannabinol Inhibits Antitumor Immunity by a CB2 Receptor-Mediated, Cytokine-Dependent Pathway1, Li X. Zhu, Sherven Sharma, Marina Stolina, Brian Gardner, Michael D. Roth, Donald P. Tashkin et Steven M. Dubinett]
  17. Par exemple : Nature Reviews Cancer 3, 745-755 (October 2003) Cannabinoids: potential anticancer agents, Manuel Guzmán.
  18. (en) María Salazar, Arkaitz Carracedo, Íñigo J. Salanueva et Sonia Hernández-Tiedra, « Cannabinoid action induces autophagy-mediated cell death through stimulation of ER stress in human glioma cells », Journal of Clinical Investigation, vol. 119, no 5,‎ , p. 1359–1372 (ISSN 0021-9738, PMID 19425170, PMCID PMC2673842, DOI 10.1172/JCI37948, lire en ligne, consulté le )
  19. 'CANNABINOIDS: POTENTIAL ANTICANCER AGENTS - Manuel Guzmán' – Consulté en ligne le 11 octobre 2013.
  20. Docteur, prescrivez-moi du cannabis ! diffusé sur la Radio télévision suisse le 2 avril 2014 (30 min)
  21. Jean-Philippe Rivière, « Commercialisation bloquée de SATIVEX : les patients-experts SEP interpellent Marisol Touraine », sur Vidal, (consulté le ).
  22. a et b « Acute Effects of Marijuana (Delta 9 THC) - Lethality », sur druglibrary.org (consulté le ).
  23. « Drogues : les résultats de notre questionnaire », sur PourquoiDocteur, (consulté le ).
  24. (en) « Chromothripsis and epigenomics complete causality criteria for cannabis- and addiction-connected carcinogenicity, congenital toxicity and heritable genotoxicity », Mutation Research/Fundamental and Molecular Mechanisms of Mutagenesis, vol. 789,‎ , p. 15–25 (ISSN 0027-5107, DOI 10.1016/j.mrfmmm.2016.05.002, lire en ligne, consulté le )
  25. Albert Stuart Reece et Gary Kenneth Hulse, « Epidemiological overview of multidimensional chromosomal and genome toxicity of cannabis exposure in congenital anomalies and cancer development », Scientific Reports, vol. 11,‎ (ISSN 2045-2322, PMCID 8260794, DOI 10.1038/s41598-021-93411-5, lire en ligne, consulté le )
  26. a et b Organe international de contrôle des stupéfiants, Liste des substances psychotropes placées sous contrôle international établie conformément à la Convention sur les substances psychotropes de 1971 (Liste Verte) 32ème édition, Nations unies, (lire en ligne), p. 7
  27. (en) Kenzi Riboulet-Zemouli, « ‘Cannabis’ ontologies I: Conceptual issues with Cannabis and cannabinoids terminology », Drug Science, Policy and Law, vol. 6,‎ , p. 1–37 (ISSN 2050-3245 et 2050-3245, DOI 10.1177/2050324520945797, lire en ligne, consulté le )

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]