Boniface de Mayence — Wikipédia

Boniface de Mayence
Image illustrative de l’article Boniface de Mayence
Saint Boniface : (1) baptisant un converti, (2) martyrisé, abbaye de Fulda (XIe siècle).
Saint, missionnaire, évêque, martyr
Naissance vers 680
Crediton dans le Devon
Décès assassiné le   (75 ans)
à Dokkum, en Frise
Ordre religieux Ordre de Saint-Benoît
Vénéré à Mayence
Vénéré par catholiques et orthodoxes
Fête 5 juin
Attributs mitre et un livre traversé d'une épée
Saint patron brasseurs et tailleurs

Saint Boniface de Mayence (également connu comme Wynfrid de Wessex), né à Crediton dans le Devon vers 675 et mort (assassiné) le à Dokkum (dans l'actuelle commune de Dongeradeel), en Frise (Pays-Bas), est un moine missionnaire d’origine anglaise, envoyé en Frise pour y convertir les païens. Fait évêque puis archevêque par le pape Grégoire II, il fut tué, avec d'autres, en haine de la foi chrétienne.

Liturgiquement commémoré le 5 juin, le jour de son martyre, par les catholiques[1] et les orthodoxes[2] il reçut le titre informel d'« apôtre des Germains ».

Sources[modifier | modifier le code]

Boniface, laisse une image de lui-même plus foisonnante que celle de ses contemporains. Alors que d'autres comme Willibrord (mort en ) et Pirmin (mort en ) n'ont laissé aucune source écrite, approximativement 100 lettres officielles et personnelles écrites par Boniface et son entourage sont lisibles aujourd'hui. Ces lettres, collectées et diffusées par Lull, son élève et successeur à Mayence, proposent un aperçu direct de ses pensées et actions. Elles sont mises en contexte historique par une vita : une biographie sainte composée vers à Mayence par le prêtre anglais Willibald (décédé après 768) sous la supervision de Lull. Ce texte est complété par d'autres vitae sur les compagnons et élèves de Boniface, qui s'influencent mutuellement comme sources[3].

Toutefois, Boniface n'est aucunement mentionné dans les principales sources franques, notamment la Historia vel gesta francorum et n'est mentionné qu'une seule fois dans le Roman Liber Pontificalis[4].

Biographie[modifier | modifier le code]

Boniface, d'abord connu sous le nom de Wynfrith, est né entre et près d'Exeter, dans le royaume de Wessex, probablement à Crediton dans le Devon. Issu d'une famille propriétaire terrien, il est confié dès son enfance au monastère d'Exeter, avant de rejoindre l'abbaye de Nursling près de Winchester. Là, il reçoit une éducation théologique et littéraire typique de l'Angleterre médiévale et est ordonné prêtre entre et . Rapidement, il devient enseignant au monastère, rédige des manuels de grammaire latine et compose des œuvres poétiques dans le style d'Aldhelm de Malmesbury[5].

Son engagement dans la politique ecclésiastique commence en , lorsque le roi Ine de Wessex le sollicite pour résoudre un conflit avec l'archevêque Berhtwald de Cantorbéry concernant la division du diocèse de Winchester. Dès lors, Wynfrith participe à de nombreux synodes, mais les détails de ces activités restent inconnus[5].

Un premier voyage[modifier | modifier le code]

Saint Boniface Igreja de Soa Nicolau Lisbonne.

En , Wynfrith décide de quitter Nursling pour missionner en Germanie. Il est motivé par l'idéal de peregrinatio, consistant à abandonner sa maison pour le Seigneur, un chemin déjà emprunté par d'autres missionnaires comme Colomba d'Iona et Willibrord. Il se rend en Frise où il rencontre une forte opposition de la part de Radbod, le duc païen des Frisons, et comprend que, sans soutien politique, ses efforts missionnaires sont vains[6].

De retour en Angleterre à Nursling, il est chaleureusement accueilli et même élu abbé en . Mais, il reste déterminé à poursuivre sa mission sur le continent. Avec une lettre d'introduction de l'évêque Daniel de Winchester, il repart en . Malgré son éloignement, il maintient des liens étroits avec l'Angleterre, comme en témoigne sa correspondance avec des clercs, des religieuses et des rois insulaires[7].

Le missionnaire[modifier | modifier le code]

Gravure de Carl Clasen (de) gravée par Heinrich Kipp (XIXe siècle).

Wynfrith se rend d'abord à Rome avec plusieurs compagnons. Là, il visite les tombes des apôtres Pierre et Paul, comme de nombreux pèlerins venus d'Angleterre depuis que le message chrétien avait atteint les côtes sud de leur île à l'initiative de Grégoire le Grand (mort en ). Après un séjour de plusieurs mois, Wynfrith reçoit le mandat du pape Grégoire II qu'il avait demandé dans un document daté du . Pour la première fois, dans ce document, il est appelé par son nouveau nom : Boniface, le saint du jour précédent dans le calendrier romain. Cela signifie son acceptation dans la communauté de l'Église romaine. Son mandat spécifie qu'il doit conduire les païens à la vraie foi, où qu'ils se trouvent. Ceci en observant toujours les instructions de Rome dans le processus et en consultant le Siège apostolique en cas d'obstacles[8].

Il voyage en Thuringe, puis en Frise, où, après la mort du duc Radbod, il rencontre un succès rapide comme missionnaire. Cependant, il refuse l'ordination épiscopale proposée par Willibrord, préférant poursuivre sa mission avec le soutien de Charles Martel[9].

En Hesse, il réalise des conversions significatives et établi un monastère à Amöneburg. Boniface est ensuite invité à Rome par le pape, où il est ordonné évêque le . Après son ordination, il bénéficie donc d'un soutien accru de Rome, permettant une expansion rapide de l'Église en Hesse et en Thuringe. Il y fonde d'autres monastères et démontre la supériorité du dieu chrétien par des actes symboliques comme l'abattage d'un chêne sacré dédié au dieu Donar (Thor/Jupiter) près de Geismar[10].

Afin d'ancrer une organisation ecclésiastique durable, Boniface travaille à l'établissement de structures diocésaines et encourage les moines à l'adoption de la règle de Saint-Benoît. Il bénéficie du soutien papal : Grégoire III lui octroie le pallium, ce qui consolide son autorité dans la nomination des évêques et dans l'organisation de l'Église dans les régions germaniques[10].

En , il réussit à établir une structure ecclésiastique en Bavière en nommant des évêques, spécialement à Salzbourg, Ratisbonne, Freising et Passau et en divisant la région en diocèses distincts. Son approche privilégie la coopération avec les élites locales afin de faciliter la conversion et la réforme ecclésiastique. Il choisit de s'appuyer sur des alliances politiques, comme celle de Charles Martel, pour soutenir ses efforts missionnaires[11]. En , il étend son influence plus au nord, en Hesse, en incitant Sturmius à fonder l'abbaye de Fulda, qui deviendra importante par le nombre de ses moines et sa grande bibliothèque.

Boniface est également confronté à des défis, notamment la résistance locale et les conflits avec d'autres évêques souvent enracinés dans des pratiques et des croyances divergentes, ainsi que des différends à propos de l'autorité et la juridiction ecclésiastique. Un exemple spécifique de ces conflits survient lors d'une tentative d'installation de Boniface à Cologne en , où il rencontre une résistance insurmontable, malgré le consentement préalable du pape[12].

Le temps des épreuves[modifier | modifier le code]

Statue à Mayence.

Après son retour en Bavière, Boniface reprit ses missions en Saxe. Il fonda les diocèses de Wurtzbourg, d'Erfurt et de Büraburg (la future Fritzlar). En nommant ses propres disciples comme évêques, il fut en mesure de garder une certaine indépendance vis-à-vis du pouvoir des Carolingiens. Il organisa aussi des synodes provinciaux dans l'Église franque, et maintint des relations, quelquefois troublées, avec le roi des Francs Pépin le Bref, qu'il couronna à Soissons en 751 et sacra en mars l'année suivante. Cependant, ces informations proviennent des annales de Lorsch, écrite sous le règne de Charlemagne. Ainsi, il est possible de penser que le sacre de Pépin par Boniface est une invention faite dans le but de construire la dynastie Pippinides sur un Saint Martyr. Il continua aussi à s'occuper de certaines affaires internes à son pays d'origine, notamment en envoyant en 746 une longue lettre de remontrance au roi Æthelbald de Mercie, dont les mœurs sexuelles lui apparaissaient comme un mauvais exemple pour les peuples non encore christianisés. Æthelbald est aussi mentionné dans une autre lettre de Boniface, la lettre 115, dans laquelle est racontée la vision d'un moine ayant vu le roi dans l'au-delà[13].

Il ne renonça jamais à son espoir de convertir les Frisons. En 750, il nomme son disciple, le futur saint Grégoire, abbé de l’Abbaye de Saint-Martin d'Utrecht, et le prend auprès de lui pour l'aider dans l'administration du diocèse d'Utrecht, partie la moins christianisée de son vaste champ d'apostolat. Il resta assez longuement en Frise, et, en 754, baptisa de nombreux habitants de cette région encore en grande partie païenne.

La fatigue et le décès[modifier | modifier le code]

Sa tombe à la crypte de Saint Boniface de la cathédrale de Fulda.

Boniface a été un des initiateurs de la renaissance carolingienne. On lui doit aussi un traité de grammaire[14]. Il s'est efforcé de réformer l'Église et de lui donner un nouveau souffle, dans une époque où la religion risquait de devenir l'instrument de ceux qui détenaient le pouvoir. Déçu par l'opposition des évêques et par la faiblesse de l'aristocratie qui aurait voulu maintenir le statu quo, Boniface baisse les bras et demande en 753 la permission de revenir en Frise, son premier lieu d'évangélisation. Carloman, très influencé par la personnalité de Boniface, avait déjà abandonné à son frère Pépin le Bref les provinces léguées par son père Charles Martel pour se retirer à l’abbaye du Mont-Cassin au sud de Rome en 747.

Le , saint Boniface, alors âgé de plus de 70 ans, est assassiné avec cinquante-deux compagnons par des païens, dans les environs de Dokkum en Frise (Pays-Bas) sur les bords de la rivière de Boarn alors qu'il s'apprêtait à confirmer de nouveaux convertis.

On a de ce saint des Sermons et des Lettres, recueillis par Serarius, en 1605 au format in-quarto et réimprimés par Gilles, Londres, 1844. Son disciple Willibald a écrit sa Vie en latin.

Anecdotes[modifier | modifier le code]

  • Ses principaux attributs sont l'habit d'évêque, la mitre et un livre traversé d'une épée. Il est parfois représenté baptisant des convertis, un pied posé sur un chêne abattu qui est le symbole de l'écrasement de la religion païenne.
  • Saint Boniface est le patron des brasseurs et des tailleurs.
Boniface fait abattre le chêne, tableau de 1737, église Saint-Martin de Westenhofen près de Schliersee.
  • Légende de saint Boniface : Saint Boniface voulait convaincre des druides des environs de Geismar, que le chêne n'était pas un arbre sacré. Il en fit donc abattre un, le chêne de Thor. En tombant, l'arbre écrasa tout ce qui se trouvait sur son passage à l'exception d'un jeune sapin. À partir de là, c'est la légende qui entre en jeu. D'après elle, saint Boniface aurait fait de ce pur hasard un miracle, et comme il était en train de prêcher la Nativité, il en profita pour déclarer : « Désormais, nous appellerons cet arbre, l'arbre de l'Enfant Jésus. » C'est ainsi que depuis, on planta en Allemagne de jeunes sapins pour célébrer la naissance du Christ, rédempteur et symbole du nouvel Adam ; l'arbre de Noël s'oppose donc à l'arbre dont Adam mangea le fruit, image de la chute originelle. D'après une variante de cette légende, saint Boniface essaya d'introduire l'idée de la Trinité chez les tribus païennes en se servant de conifères et de leur apparence triangulaire.

Architecture[modifier | modifier le code]

Un certain nombre d'églises lui sont dédicacées telle que celle du prieuré d'Abbetesrode à Meißner en Allemagne.

Documentaire[modifier | modifier le code]

Saint Boniface, évangélisateur des Germains réalisé par Ute Bönnen et Gerald Endres en 2021.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Saint Boniface sur Nominis
  2. Saints pour le 5 juin du calendrier ecclésiastique orthodoxe
  3. (en) Rudolf Schieffer, « Boniface: His Life and Work », dans Michel Aaij and Shannon Godlove, A Companion to Boniface, Leiden, Brill, , p. 9.
  4. Rudolf Schieffer 2020, p. 9.
  5. a et b Rudolf Schieffer 2020, p. 10.
  6. Rudolf Schieffer 2020, p. 10-11.
  7. Rudolf Schieffer 2020, p. 11.
  8. Rudolf Schieffer 2020, p. 12.
  9. Rudolf Schieffer 2020, p. 14.
  10. a et b Rudolf Schieffer 2020, p. 15.
  11. Rudolf Schieffer 2020, p. 16.
  12. Rudolf Schieffer 2020, p. 15-16.
  13. (en) Boniface (trad. Ephraim Emerton), The Letters of Saint Boniface, New York, Octagon Books, , p. 190
  14. Christopher Dawson, Les origines de l'Europe et de la civilisation européenne, trad. de l'anglais, sous la direction de L. Halphen, 1934, p. 229.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]