Maroc — Wikipédia

Royaume du Maroc

(ar) ٱلْمَمْلَكَة ٱلمَغْرِبِيَّة

(ber) ⵜⴰⴳⵍⴷⵉⵜ ⵏ ⵍⵎⵖⵔⵉⴱ

Drapeau
Drapeau du Maroc
Blason
Armoiries du Maroc
Devise

en arabe : الله، ٱلْوَطَن، ٱلْمَلِك (« Dieu, la Patrie, le Roi »)

en amazighe : ⴰⴽⵓⵛ, ⴰⵎⵓⵔ, ⴰⴳⵍⵍⵉⴷ (« Dieu, la Patrie, le Roi' »)
Hymne en amazighe : ⵉⵣⵍⵉ ⴰⵏⴰⵎⵓⵔ
en arabe : النشيد الوطني (« Hymne national »)
Fête nationale 30 juillet
· Événement commémoré
Intronisation du roi Mohammed VI ()
Description de cette image, également commentée ci-après
La zone en vert clair désigne le Sahara occidental (ex-« Sahara espagnol »), considéré comme un territoire non autonome par l'ONU[1] et majoritairement administré de facto par le Maroc, qui le revendique dans son intégralité, tout comme le Front Polisario.
Administration
Forme de l'État Monarchie constitutionnelle semi-parlementaire unitaire et régionalisée[2]
Roi Mohammed VI
Chef du gouvernement Aziz Akhannouch
Parlement Parlement
Chambre haute
Chambre basse
Chambre des conseillers
Chambre des représentants
Langues officielles Arabe et amazighe
Capitale Rabat

34° 01′ 31″ N, 6° 50′ 10″ O

Géographie
Plus grande ville Casablanca
Superficie totale 446 550 km2 (hors Sahara occidental)[3],[4]
710 850 km2 (Sahara occidental inclus) km2
(classé 57 ou 39)
Superficie en eau 0,05 %
Fuseau horaire UTC + 1[5]
UTC + 0 (pendant le Ramadan)[6],[7],[8],[9]
Histoire
Entité précédente
Royaume de Maurétanie -
Conquête musulmane du Maghreb
Émirat de Nekor -
Grande révolte berbère -
Royaume de Berghouata -
Fondation de l'État [10],[11],[12],[13]
Idrissides -
Almoravides -
Almohades -
Mérinides -
Idrissides (branche des Joutey) -
Wattassides -
Saadiens -
Alaouites Depuis
Traité de Fès
Fin du Protectorat
Marche verte (48 ans)
Démographie
Gentilé Marocain, Marocaine
Population totale (2021[17]) 37 344 787 hab.
(classé 40e)
Densité 76,84 hab./km2 (hors Sahara occidental)
48,27 hab./km2 (Sahara occidental inclus) hab./km2
Économie
PIB nominal (2023) en augmentation 147,343 milliards de $
+ 1,21 %[18] (60e)
PIB (PPA) (2022) en augmentation 331,542 milliards de $
+ 7,44 % (56e)
PIB nominal par hab. (2022) en augmentation 3 628,641 $
+ 0,22 % (125e)
PIB (PPA) par hab. (2022) en augmentation 9 041,236 $
+ 6,40 % (115e)
Taux de chômage (2022) 11,7 % de la pop. active
- 1,36 %
Dette publique brute (2022) Nominale
956,242 milliards de DH
+ 6,07 %
Relative :
77,119 % du PIB
+ 1,08 %
Monnaie Dirham marocain (MAD)
Développement
IDH (2021) en augmentation 0,683[19] (moyen ; 123e)
IDHI (2021) en augmentation 0,504[19] (103e)
Coefficient de Gini (2013) 39,5 %[20]
Indice d'inégalité de genre (2021) 0,425[19] (104e)
Indice de performance environnementale (2022) en augmentation 28,4[21] (160e)
Divers
Code ISO 3166-1 MAR, MA
Domaine Internet .ma, المغرب.
Indicatif téléphonique +212
Organisations internationales Drapeau des Nations unies ONU
Drapeau de l'Union africaine UA
UMA
Drapeau de la Ligue arabe Ligue arabe
Drapeau de l'OMC OMC
BAD
CEN-SAD
CD

Le Maroc /maʁɔk/Écouter (en arabe : ٱلْمَغْرِب, al-Maġrib ; en amazighe : ⵍⵎⵖⵔⵉⴱ, Lemeɣrib), ou, en forme longue, le royaume du Maroc, autrefois appelé Empire chérifien, est un État unitaire régionalisé situé en Afrique du Nord. Son régime politique est une monarchie constitutionnelle semi-parlementaire unitaire et décentralisée. Sa capitale administrative et politique est Rabat et sa plus grande ville, ainsi que sa capitale économique, est Casablanca.

Le Maroc se compose de zones montagneuses ou désertiques, et il est un des seuls pays — avec l'Espagne et la France — à comporter des rivages sur la mer Méditerranée d'un côté et l'océan Atlantique de l'autre. Sa population est de près de 37 millions d'habitants en 2023 et sa superficie de 446 550 km2[22] (76,84 hab./km2), ou de 710 850 km2 en incluant le Sahara occidental[23],[24] — ex-« Sahara espagnol », considéré comme un territoire non autonome par l'Organisation des Nations unies[1] — dont il administre de facto environ 80 % et qu'il revendique dans sa totalité, tout comme le Front Polisario. Sa culture est arabo-berbère depuis plusieurs siècles et s'est étendue principalement au Maghreb et dans le Sud de l'Espagne.

Le territoire marocain possède les traces d'une présence d'hominidés datant d'environ 700 000 ans et fut habité dès la préhistoire par des populations diverses. L'État marocain, en tant qu'entité distincte, est fondé en 789 par Idris Ier.

Par ailleurs, il fait partie de l'Organisation des Nations unies, de la Ligue arabe, de l'Union africaine[25], de l'Union du Maghreb arabe, de l'Organisation de la coopération islamique, de l'Organisation internationale de la francophonie, du Groupe des 77, de l'Union pour la Méditerranée et candidat à l'adhésion à la CEDEAO.

La constitution royale marocaine définit l'Islam, l'arabité et l'amazighité comme « composantes fondamentales » de l'identité du peuple marocain. Cette constitution est « forgée par la convergence de ses composantes arabo-islamique, amazighe et saharo-hassanie, […] nourrie et enrichie de ses affluents africain, andalou, hébraïque et méditerranéen ». L'Islam y est défini comme religion d'État, État qui garantit à tous le libre exercice des cultes.

Toponymie

Caravane saharienne au sud du Maroc.

Le nom arabe al-Maghrib (en arabe : ٱلْمَغْرِب) signifie « le couchant ». Pour les références historiques, les historiens et les géographes arabes médiévaux ont désigné par Maghrib une aire géographique plus large, et ont évoqué le Maroc sous le terme al-Maghrib al-Aqsa (en arabe : المغرب الأقصى, qui signifie « l'Occident le plus lointain ») pour le distinguer de régions historiques voisines appelées al-Maghrib al-Awsat (en arabe : المغرب الأوسط, ce qui signifie « le Moyen-Ouest ») et al-Maghrib al-Adna (en arabe : المغرب الأدنى, qui signifie « l'Occident le plus proche »).

Le mot français « Maroc » est dérivé du nom de Marrakech[26]. Ce dernier est probablement issu du berbère *Amur n Yakuš, où amur a pour significations « part, lot, promesse, protection »[27] et Yakuš (et ses variantes Yuš et Akuš) signifie « Dieu »[28].

Les prononciations portugaise et espagnole, Marrocos et Marruecos, dérivent également de Marrakech, ainsi que les appellations du pays dans plusieurs autres langues indo-européennes (Marocko en suédois, Morocco en anglais et Marokko en allemand, norvégien et néerlandais). Les Persans emploient directement le nom « Marrakech » pour désigner le Maroc (en persan : مراکش).

Les Turcs l'appellent Fas, qui vient du nom de l'ancienne capitale du Maroc sous les dynasties mérinide, wattasside et alaouite (avant 1912), Fès. Dans l'Antiquité, les Grecs appelaient les habitants de la région les Maurusiens. À partir de cette appellation, la région composée du Maroc et de l'Algérie occidentale fut connue sous le nom de Maurétanie (à ne pas confondre avec la Mauritanie). La région fut par la suite divisée en deux provinces par les Romains : la Maurétanie tingitane, avec Volubilis pour capitale (ancienne cité berbère d'Oulil), et la Maurétanie césarienne, avec Cesarea (Cherchell) pour capitale (centre et ouest de l'Algérie). Le Maroc était le pays où les Grecs anciens situaient le mythique jardin des Hespérides.

Le Maroc était connu sous le nom de « royaume de Marrakech » sous les trois dynasties qui avaient cette ville comme capitale, puis sous le nom de « royaume de Fès », sous les dynasties qui résidaient à Fès. Au XIXe siècle, les cartographes européens mentionnaient toujours un « royaume de Maroc », en indiquant l'ancienne capitale « Maroc » (pour Marrakech). Sous la dynastie des Alaouites, toujours au pouvoir, le pays est passé de l'appellation d'« Empire chérifien » à celle de « royaume du Maroc » en 1957[29], le sultan Sidi Mohammed ben Youssef en devenant le roi, en tant que Mohammed V. Il peut être aussi surnommé « Royaume chérifien », en référence au souverain alaouite, descendant du prophète de l'islam, Mahomet, qualifié de « chérif ».

Géographie physique

Localisation, frontières et espaces maritimes

Le Maroc est un pays de l'hémisphère nord situé au nord-ouest de l'Afrique et dont le territoire est positionné à 32° Nord et 5° Ouest. Le pays partage des frontières terrestres avec l'Algérie, la Mauritanie, le Sahara occidental qu'il revendique et contrôle en grande partie et l'Espagne (notamment via Ceuta et Mellila). Sa superficie s'étend sur 446 550 km2 (hors Sahara occidental) ou 710 850 km2 (Sahara occidental inclus). Le territoire marocain est aussi bordé par l'océan Atlantique, à l'ouest, et la mer Méditerranée, au nord. En cela, le cap Spartel (promontoire situé à la limite occidentale du détroit de Gibraltar) matérialise la jonction entre les littoraux atlantique et méditerranéen. Le pays partage des frontières maritimes avec l'Algérie, l'Espagne et le Portugal, et sa ZEE s'étend sur 274 577 km2.

Territoires limitrophes

Les distances indiquées séparent entre elles les capitales des pays nommés.

Territoires limitrophes du Maroc
Groenland, à 4 520 km Espagne, à 765 km Italie, à 1 900 km
États-Unis, à 6 150 km Maroc Algérie, à 950 km
Îles Canaries, à 1 050 km Mauritanie, à 2 000 km

Topographie

Les montagnes occupent plus des deux tiers du territoire marocain et renferment quatre principales chaînes : le Rif au Nord, le Moyen Atlas à l'Est, le Haut Atlas et l'Anti-Atlas. Plusieurs sommets franchissent la barre des 4 000 m. Le djebel Toubkal, culminant à 4 167 m, est le plus haut d'entre eux.

Relief

Le massif du Toubkal.

Montagnes

Quatre grandes chaînes montagneuses composent le territoire marocain :

  • Le Rif : situé au nord du pays, il borde la mer Méditerranée et culmine à 2 456 m au djebel Tidirhine ;
  • Le Moyen Atlas : séparé du Rif par les plaines arides de l'est et fertiles de l'ouest, il en est dissocié par la fameuse trouée de Taza. Le massif se compose de deux sous-parties dont l'une, vers l'est, est escarpée et compte des sommets de plus de 3 100 m (Djebel Bou Naceur ou Bouiblane) tandis que l'autre, vers l'ouest, s'adoucit et laisse place à des reliefs plus abordables et quelques petits plateaux ;
  • Le Haut Atlas : chaîne dont le plus haut sommet culmine à près de 4 167 m(Mont Toubkal), il ceinture le pays d'est en ouest ;
  • L'Anti-Atlas : cette chaîne de montagnes est située au sud-ouest du pays et orientée sud-ouest et nord-est sur près de 600 km, entre le Haut Atlas central et du Souss au Tafilalet.

Plaines

Les plaines sont souvent très étendues et s'étirent des montagnes du Rif jusqu'au Moyen Atlas. Le bassin de Sebou (36 000 km2) se compose de bas plateaux, de cours d'eau, de quelques collines et des plaines fertiles. La plaine du Gharb (région agricole) se distingue des autres par la présence de la forêt de Maâmora (notable pour l'exploitation de chênes-lièges et d'eucalyptus).

Au-delà du pays de Zaïr, le plateau des phosphates ainsi que de vastes plaines apparaissent comme Chaouia, Doukkala et plus à l'est, au pied du Moyen Atlas, Tadla, tandis que plus au sud, on retrouve la plaine du Haouz et celle du Souss (formant un triangle entre océan, Haut Atlas et Anti-Atlas). Enfin, d'autres plaines et vallées fertiles de moindres tailles sont localisées surtout au nord : Lukos, Nekkor, Trifa, la vallée des oueds Ouergha, Baht, Inaouen.

Désert

Erg Chebbi.

Dans le sud du pays, l'erg Chebbi est la deuxième plus vaste étendue de pierres et de sable à l'intérieur du Maroc après l'erg Chigaga. Certaines dunes peuvent atteindre 200 m de hauteur.

Littoral

Le littoral marocain est diversifié par sa nature car composé à la fois de la mer Méditerranée au nord et de l'océan Atlantique à l'Ouest. Comptabilisant un total de 3 500 km[30] de côtes, le Maroc est le pays au plus grand littoral du continent africain : il comprend 512 km de côtes en Méditerranée et 2 934 km[30] sur l'océan Atlantique[30].

Les eaux marocaines sont réputées pour être très poissonneuses[31].

Hydrographie

Le Maroc possède plusieurs cours d'eau (fleuves et oueds) tels que :

Vue sur les cascades d'Ouzoud, à 150 km de Marrakech.

Les grands fleuves tels que le Bouregreg, l'Oum Errabiâ, la Moulouya et le Sebou ont des débits très variables entre les saisons, et aussi d'année en année.

De nombreux cours d'eau moins importants (les oueds) peuvent même être à sec une partie de l'année (ou même plusieurs années de suite dans les zones pré-désertiques). Le manque d'eau et la grande variabilité des débits représentent un grand problème pour le Maroc, notamment pour l'agriculture (irriguée ou non). Par ailleurs, le Maroc est confronté à une situation de crise aiguë du stress hydrique, la consommation de sa population dépassant largement la quantité d'eau disponible. Ses ressources en eau par habitant ont été divisées par cinq entre 1960 et 2019, passant de 2 500 m3 par habitant et par an à 500 m3. Le Royaume occupe le 23e rang des pays les plus menacés par les pénuries d'eau, selon le World Resources Institute (WRI)[32].

Climat

Carte de la répartition des climats au Maroc.

Le climat marocain est principalement de type méditerranéen mais peut toutefois être divisé en sept sous-zones, déterminées par les différentes influences que subit le pays : influences océaniques, méditerranéennes, montagnardes, continentales et sahariennes.

D'un point de vue général, au niveau des plaines, on observe une influence de courants atlantiques marquée par une saison sèche et chaude doublée d'une saison froide et humide ; la fin de la période chaude étant marquée par les pluies d'octobre. Les influences maritimes atténuent les écarts de température, tempèrent les saisons et accroît l'humidité de l'air (400 à 1000 mm de pluies sur le littoral). Dans l'intérieur, le climat varie en fonction de l'altitude. Les étés sont chauds et secs, surtout lorsque souffle le sirocco brûlant ou le chergui, vent d'été venant du Sahara. En cette saison, les températures moyennes sont de 22 °C à 24 °C. Les hivers sont froids et pluvieux avec gel et neige. La température moyenne évolue alors de - 2 °C à 14 °C et peut descendre jusqu'à - 26 °C. Dans les régions montagneuses, les précipitations sont très importantes (plus de 2 000 mm de précipitations au Rif ou encore 1 800 mm au Moyen-Atlas). Le Maroc pré-saharien et saharien a un climat désertique sec.

Paysage et environnement

Paysage

Le Maroc est un pays avec une grande diversité de paysages : montagnes, désert, plaines, plateaux, oasis

Environnement

Le Maroc est un pays méditerranéen par excellence, le botaniste français Louis Emberger en parle en 1934 dans la citation suivante : « Réunissant sur son territoire toutes les formes du climat méditerranéen, le Maroc peut être considéré comme le type phylogéographique méditerranéen au sens systématique du mot. La végétation des autres pays groupés autour de la Méditerranée pourra être examinée et appréciée en fonction de celle de l'Empire chérifien. Le Maroc est, à lui seul, une synthèse méditerranéenne. »

Depuis 2009, le roi Mohammed VI s'intéresse au développement durable poussant les centrales solaires. En 2016, le pays accueille la COP 22[33]. De même, depuis février 2017, le Maroc s'est doté d'une « police de l'environnement » qui se chargera de lutter contre les infractions environnementales[34].

Faune et flore terrestres

Faune

Parmi quelques espèces d'animaux qu'héberge le territoire marocain, citons parmi les oiseaux : l'échassier, l'aigrette garzette, la Courvite isabelle, le flamant rose, le vautour percnoptère, l'aigle royal ; et parmi les mammifères : le cerf de Barbarie, l'écureuil de Barbarie, le dromadaire, le fennec, le Loup doré, la hyène rayée (en voie rapide d'extinction), le renard de Rüppell (très rare), le renard roux, le Lynx caracal (menacé d'extinction), le serval (menacé d'extinction), la panthère (menacée d'extinction immédiate), le guépard (menacé d'extinction, des individus survivraient à la frontière maroco-algérienne), les gazelles dorcas et gazelle de Cuvier (en raréfaction), le magot (menacé par la mort lente de la cédraie et les captures par les trafiquants) et le dauphin.

Également, peuvent être cités parmi les reptiles : la sous-espèce du cobra égyptien (s'est considérablement raréfiée et a disparu de régions entières), l'Eryx jaculus (espèce de tout petit boa fouisseur), de nombreuses couleuvres et quelques vipères. Au Maroc, la majorité des serpents sont inoffensifs (17 espèces sur 25) et les quelques espèces venimeuses existantes n'attaquent jamais.

Le territoire marocain héberge encore une trentaine d'espèces de scorpions (de nouvelles espèces sont presque chaque année identifiées au Maroc), dont une ou deux seulement sont potentiellement dangereuses pour l'homme[35] (par ex. Androctonus mauritanicus), notamment pour les petits enfants. Toutefois, un scorpion n'attaque presque jamais, il ne fait que se défendre[36].

Protection

L'Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN) indique que « près de la moitié des espèces d'oiseaux est menacée » au Maroc[37].

Le lion de l'Atlas a disparu (exterminé) à l'état sauvage, le dernier abattu en 1943. Il en existe encore toutefois, bien que potentiellement mélangés avec des lions d'Afrique subsaharienne (environ 90 dans différents zoos du monde, dont 35 au zoo de Rabat)[38]. Des gravures récemment découvertes dans des grottes près de Ouarzazate indiquent que des crocodiles, des léopards et des éléphants vivaient dans ces lieux avant leur extinction naturelle ou leur extermination par l'homme. Les derniers spécimens vivants de crocodiles du Maroc, qui étaient localisés dans des gueltas de Tizgui Remz et de Taffagount, auraient disparu dans les années 1950[39]. Quant à l'ours de l'Atlas, jadis très présent dans les montagnes marocaines, il se serait éteint au XIXe siècle.

En revanche, les oiseaux sont encore relativement très présents avec une grande diversité d'espèces, bien que l'autruche à cou rouge, par exemple, ait été totalement exterminée, ainsi au Sahara que l'Outarde houbara. Un assez grand nombre d'espèces de serpents (25 dont 17 espèces non dangereuses ; les 8 autres restantes n'attaquent jamais et sont moins répandues), et de lézards sont présentes au Maroc, dont un pourcentage important d'endémiques.

Toutefois nombreuses sont les espèces menacées. Elles sont victimes de l'ignorance, de la cruauté de la population et de l'irresponsabilité en matière d'écologie.

Flore

Palmeraie de Marrakech.

Le Maroc possède une flore riche du fait de sa position stratégique. En effet, il possède deux façades maritimes totalisant plus de 3 500 km, dont 500 en mer Méditerranée. Il reçoit de ce fait les courants chargés de pluie de l'océan qui s'accumulent contre la barrière montagneuse de l'Atlas, ce qui permet de fortes précipitations à Rabat, Casablanca, Fès et la formation des neiges à Ifrane et Azrou et dans les hauts sommets de l'Atlas, pendant que le sud et l'est restent arides.

Cédraie, région d'Ifrane.

Plus de 4 500 espèces configurent la flore marocaine. Les variations du climat et du relief sont des éléments fondamentaux pour expliquer une telle richesse florale. L'intérêt botanique du Maroc est intense et on citera seulement les 2 500 000 hectares de forêt qui contiennent des cèdres, des palmiers, des thuyas, des dattiers, des amandiers, des figuiers, des oliviers, des acacias, des fruitiers, des chênes verts, des chênes-lièges, des pins, l'eucalyptus, des arbousiers, l'alfa et l'endémique arganier, dont le Maroc est le seul pays au monde à disposer de cette espèce qui est inscrite au patrimoine mondial de l'Unesco. La forêt représente environ 15 % de la surface totale.

Géographie humaine

Villes principales

La capitale administrative et politique du Maroc est Rabat tandis que la capitale économique et la plus grande ville du pays est Casablanca.
Les sept plus grandes villes du Maroc, selon le recensement général de la population 2014, sont dans l'ordre : Casablanca, Fès, Tanger, Marrakech, Salé, Meknès et Rabat.

Liste des villes ayant plus de 300 000 habitants en 2014
Ville Divers Population (2014)
Casablanca
  • Capitale économique
  • 1re métropole du Maroc et du Maghreb
  • Chef-lieu du Casablanca-Settat
3 359 818
Fès
  • Capitale spirituelle
  • Ville impériale
  • Chef-lieu du Fès-Meknès
1 112 072
Tanger 947 952
Marrakech
  • 1re ville touristique du royaume
  • Ville impériale
  • Chef-lieu du Marrakech-Safi
928 850
Salé 890 403
Meknès
  • Capitale agricole
  • Capitale ismaélienne
  • Ville impériale
  • Une ville principale de Fès-Meknès
632 079
Rabat 577 827
Oujda 494 252
Kénitra
  • 3e pôle industriel du pays
431 282
Agadir
  • Ville agricole par excellence
  • Plus grand port de pêche
  • Chef-lieu du Souss-Massa
421 844
Tétouan
  • Perle du Nord
380 787
Taounate 67 942
Témara 313 510
Safi
  • Important port d'exportation de sardines
308 508

Villes du Sahara occidental contrôlées par le Maroc (provinces du Sud) :

Subdivisions administratives

Carte des régions du Maroc depuis le nouveau découpage régional de 2015.

Le Maroc compte douze régions ayant chacune à sa tête un wali, ainsi qu'un Conseil régional, représentatif des « forces vives » de la région. Ces régions ont le statut de collectivité locale[40]. L'article 101 de la Constitution indique : « Elles [Les collectivités locales] élisent des assemblées chargées de gérer démocratiquement leurs affaires dans les conditions déterminées par la loi. Les gouverneurs exécutent les délibérations des assemblées provinciales, préfectorales et régionales dans les conditions déterminées par la loi. »

  1. Tanger-Tétouan-Al Hoceïma ;
  2. Oriental ;
  3. Fès-Meknès ;
  4. Rabat-Salé-Kénitra ;
  5. Béni Mellal-Khénifra ;
  6. Casablanca-Settat ;
  7. Marrakech-Safi ;
  8. Drâa-Tafilalet ;
  9. Souss-Massa ;
  10. Guelmim-Oued Noun ;
  11. Laâyoune-Sakia el Hamra, dont la majeure partie est au Sahara occidental ;
  12. Dakhla-Oued Ed-Dahab, dans le Sahara occidental.

Axe de communication et transport

Routes principales au Maroc.

En 2016, le réseau géré par le ministère de l'Équipement, du Transport et de la Logistique totalisait 57 673 km de routes classées, dont 78,3% revêtues se répartissant en 1 770 km d'autoroutes, 10 203 km de routes nationales, 9 370 km de routes régionales et 23 745 km de routes provinciales, 1 093 km des routes étant des voies express.

Les routes nationales marocaines sont des voies importantes ou qui traversent de larges portions du territoire, par opposition aux routes régionales ou provinciales. S'agissant des routes régionales, celles-ci traversent de larges portions du territoire, par opposition aux routes nationales ou provinciales. Par ailleurs, leur usage est gratuit et leur accès autorisé à tous types de véhicules.

Transport urbain

Réseau Express Régional

Taxis stationnés sur le port de Tanger.

Deux RER circulent au Maroc : l'un à Casablanca et l'autre à Rabat. Deux réseaux de tramway sont en fonction : l'un à Rabat et l'autre à Casablanca. Un projet de métro de Casablanca est relancé dernièrement.

Taxi collectif

Les taxis collectifs appelés localement Grands taxis constituent un élément indispensable pour le bon fonctionnement du système de transport urbain et interurbain et un mode de transport populaire grâce à la rapidité des trajets et à la flexibilité de ce type de transport, ils répondent aux besoins des habitants et pallient partiellement l'insuffisance des transports privés ou publics, individuels ou collectifs.

Transport Ferroviaire

Avant de disposer de l’un des réseaux ferroviaires les plus modernes d’Afrique, l'introduction des chemins de fer au Maroc fut tout d’abord amorcée par les pays colons du royaume, notamment la France et l’Espagne au début du 20e siècle[41]. Par la suite, lors du règne du souverain Hassan II, le premier train navette rapide nommé “Aouita” en éloge au champion d’athlétisme marocain allait jusqu’à 160 km/h et était le train le plus rapide du Maroc[42]. Quelques années plus tard, en 2018, le Maroc inaugure le premier TGV d’Afrique en présence du président français Emmanuel Macron. Ce projet, qui fait la fierté de l’ONCF (l’Office national des chemins de fer), représente un investissement de 2,1 milliards d’euros, financé à 51% par la France, soit 1,1 milliard d’euros[43]. Ce TGV, en plus d'être premier sur le continent africain, fait un record d'Afrique avec une vitesse enregistrée à 355 km/h lors des tests. Le reste du temps, l'engin roule à 320 km/h sur la ligne à très grande vitesse entre Tanger et Kenitra et entre 160 et 180 km/h sur le reste du trajet[44].

Ports

Le Maroc dispose de nombreuses infrastructures portuaires de commerce comme : le port de Tanger Med (122 millions de tonnes en 2023), le port de Casablanca (100.9 millions de tonnes), le port d'El Jadida-Jorf el sfar (35 millions de tonnes) le port de Mohammadia (11,5 millions de tonnes), le port de Safi (6,2 millions de tonnes) ou le port d'Agadir (4,2 millions de tonnes).

Parmi les ports passagers, citons ceux de : Tanger Med (environ 3 millions passagers), Tanger ville (1,7 million passagers), Nador Beni Nsar (450 000 passagers), Al Hoceima (42 000 passagers), Layone (desserte des îles Canaries en 7 heures) et Tarfaya (desserte des îles Canaries en 3 heures, fermeture temporaire en attente d'agrandissement).

Aéroports

Façade de l'aéroport Rabat-Salé.

Le Maroc dispose de plusieurs infrastructures aéroportuaires dont 18 aéroports internationaux, 10 principaux aéroports nationaux et des petits aéroports à usages touristiques. Le Maroc est desservi par 50 compagnies aériennes, le transport aérien est largement international. La compagnie nationale Royal Air Maroc (RAM) détient presque la moitié du trafic. Le total de passagers enregistrés au sein des aéroports marocains en 2023 s'élève à 27 millions de passagers. Quelques compagnies aériennes ont choisi d'installer une base au Maroc.

Compagnies principales :

  • Royal Air Maroc (8 bases : Casablanca, Marrakech, Agadir, Oujda, Tanger, Rabat, Fes et Beni Mellal)"
  • Air Arabia (6 bases : Casablanca, Tanger, Marrakech, Fes, Agadir, Nador)
  • Ryanair (6 bases : Fes, Marrakech, Essaouira, Nador, Oujda, Agadir)

Histoire

Préhistoire et protohistoire

Les premières traces d'une présence d'hominidés sur le territoire marocain datent d'environ 700 000 ans. De cette période dite acheuléenne, on a retrouvé un certain nombre d'outils, notamment dans la plaine de la Chaouïa et plus précisément à proximité immédiate de l'actuelle agglomération casablancaise. Outre l'outillage, on a découvert un certain nombre de fragments humains notamment dans les carrières Thomas, près de Casablanca (mandibules, maxillaires et fragments crâniens d'Homo erectus)[45].

De l'époque moustérienne (120 000 à 40 000 ans BP), le site le plus explicite est celui de Jbel Irhoud situé à mi-chemin entre les villes de Marrakech et de Safi et où ont été découverts deux crânes d'hominidés, des outils associés à l'industrie levalloiso-moustérienne ainsi que d'importants restes d'animaux aujourd'hui disparus.

Extension de la culture ibéromaurisienne.

L'époque atérienne (60 à 40 000 ans BP[46]) a apporté son lot d'outils pédonculés retrouvés dans de nombreuses grottes situées sur le littoral atlantique (Dar Soltane 2)[47]. Néanmoins cette période a surtout été marquée par de profonds bouleversements climatiques ayant entraîné une désertification sans précédent du territoire marocain ainsi que la raréfaction voire la disparition d'un grand nombre d'espèces animales et végétales. Cette dynamique a cependant été contrecarrée par le rempart naturel que constituent les chaînes de l'Atlas et du Rif, que ce soit au Maroc ou dans le reste du Maghreb.

L'arrivée d'Homo sapiens au Maghreb avant l'Épipaléolithique a été démontrée puisque les industries atériennes ne sont pas l'œuvre de l'homme de Néandertal, dont l'aire de répartition est exclusivement eurasiatique, mais bel et bien d'Homo sapiens présentant des caractéristiques archaïques. Les plus anciens restes d'Homo sapiens au monde ont été découverts au Maroc à Djebel Irhoud en juin 2017 et datent de plus de 300 000 ans[48].

Il y a environ 21 000 ans, la civilisation ibéromaurusienne voit le jour. Elle se caractérise par des rites funéraires plutôt évolués et par un raffinement de l'outillage utilisé. Néanmoins, il n'est pas encore question d'agriculture. La grotte de Taforalt dans la région d'Oujda correspond au plus grand gisement de l'époque. Cette civilisation se maintient et se répand sur l'ensemble du Maghreb avant de se métisser progressivement vers le neuvième millénaire avant notre ère avec les populations capsiennes, ancêtres des Berbères modernes. Les premiers éléments découverts correspondant à cette période (Néolithique) datent d'environ 6 000 ans. Ceux-ci témoignent d'une sédentarisation déjà avancée ainsi que d'une maîtrise relative des techniques agricoles.

Maroc antique

Ruines de Lixus.
Menhir du cromlech de M'zora, monument mégalithique unique en Afrique du Nord, dont le tumulus aurait abrité selon la légende le corps du géant Antée vaincu par Hercule. Il s'agirait probablement du mausolée d'un chef berbère de l'époque de l'âge du cuivre.
Buste retrouvé à Volubilis à l'effigie de Juba II roi de Maurétanie.
Mosaïque romaine de Volubilis représentant Cupidon entre Bacchus et Ariane.
Papposilène endormi, sculpture de marbre de style gréco-romain de Volubilis.
Temple du Capitole à Volubilis.

À partir du IIIe millénaire av. J.-C., se développe au Maroc la culture campaniforme. Dès lors, le pays entre dans l'âge du bronze et on assiste à la diffusion d'une céramique noire spécifique dont la présence est attestée dans un certain nombre de sépultures de la région rifaine.

Au XIe siècle av. J.-C., les hardis commerçants phéniciens, venus du Liban actuel, atteignent les côtes marocaines et notamment le littoral atlantique. Ils fondent de nombreux comptoirs qui serviront de bases à de nombreuses cités romaines puis arabes (dont les principaux furent Tingis et Lixus, actuelles Tanger et Larache), ainsi que Thymiatéria (Mehdia), Chellah, près de Rabat, Azama et Rusibis, et Cerné, localisée à Essaouira ou plus au sud à Dakhla. C'est à cette période déjà que l'on date les toutes premières installations de populations juives au Maroc.

L'autonomie progressive de Carthage profite aux comptoirs fondés sur les côtes marocaines dans la mesure où ils seront davantage mis en valeur du fait de la proximité relative avec la nouvelle capitale africaine de la thalassocratie phénicienne originaire de Tyr. L'influence de la civilisation carthaginoise se fait grandement sentir auprès des populations indigènes, dont l'organisation se structure parallèlement. Ainsi, les tribus berbères se fédèrent progressivement, fondant des États comme le royaume de Maurétanie (sous le règne de Baga), d'abord confiné au nord de l'actuel Maroc, et dont les souverains portent le titre d'aguellid, à l'instar des rois du royaume de Numidie. Le sud du pays est peuplé par les Gétules et les Éthiopiens occidentaux, l'ouest par les Atlantes et l'est par les Numides du peuple des Massæsyles. Les Maures sont les héritiers d'une culture très ancienne, atlanto-méditerranéenne, comme en témoigne le cromlech de M'zora qui peut être mis en relation avec les monuments mégalithiques comparables comme ceux de Ħaġar Qim à Malte et de Stonehenge en Grande-Bretagne. La Maurétanie n'est pas inconnue de la mythologie grecque, qui y situe le fabuleux jardin des Hespérides.

Du fait du soutien apporté par la Maurétanie à l'Empire romain lors de la destruction de Carthage, il se nouera une étroite amitié entre les deux États (d'où l'éviction du roi numide Jugurtha, ennemi des Romains). Le roi Bocchus se voit même décerner le titre d'Ami de Rome par le Sénat romain et gagne l'estime du consul Caius Marius. Sous le règne de Bogud, la Maurétanie devient un royaume vassal rejoignant les troupes de Jules César contre Juba Ier roi de Numidie. La Maurétanie et la Numidie seront unifiées en 25 av. J.-C. sous commandement de l'empereur Auguste. À la tête de la Maurétanie unifiée, Juba II siégera comme roi-client, royaume qui sera réputé pour ses exportations de pourpre, de bois de cèdre et de produits maritimes, assez riche pour produire sa propre monnaie d'or. Une brillante civilisation urbaine se développe, influencée à la fois par l'héritage carthaginois et par les courants artistiques provenant de la Grèce hellénistique et de l'Égypte lagide. Ces influences du bassin oriental méditerranéen sont sans doute dues au mécénat de la propre épouse de Juba II, la reine Cléopâtre Séléné, qui est la fille de Marc Antoine et de Cléopâtre VII. Juba, roi érudit, fait explorer le Haut Atlas ainsi que Madère et les îles Canaries (nommées alors îles Fortunées), et une partie du Sahara. Il n'hésite pas également à faire remonter sa généalogie jusqu'au demi-dieu Hercule. L'opulence de la Maurétanie attise toutefois les convoitises de Rome. Ptolémée, fils et successeur de Juba II, va tragiquement en subir les conséquences.

Au cours d'un déplacement à Lyon en Gaule romaine, le dernier roi maurétanien est en effet assassiné sur ordre de l'empereur Caligula. Ce meurtre entraîne deux années de troubles (résistance menée contre les légions romaines par Aedemon, un esclave affranchi de Ptolémée), puis une annexion de la Maurétanie (42 ap. J.-C.) à l'Empire romain que l'on désigne dès lors sous le nom de Maurétanie tingitane pour la partie à l'ouest de la Moulouya, décrétée officiellement province impériale de rang militaire par Claude, successeur de Caligula. Seul le nord-ouest du Maroc actuel est effectivement sous domination romaine, le reste du territoire étant contrôlé par des tribus indépendantes, notamment gétules comme celle des Autololes. Les Romains fondent des colonies prospères à Volubilis (non loin de l'actuelle Meknès), ainsi qu'à Banasa et à Thamusida dans la plaine du Gharb. Néanmoins la capitale administrative demeure Tingis (future Tanger), siège du procurateur, le gouverneur de la province qui a le statut de chevalier romain. Une grande autonomie est accordée aux tribus les plus loyales, notamment aux Baquates (comme en témoignent les fameuses tables de Banasa), mais la constante pression des peuplades méridionales puis les crises internes à l'Empire auront progressivement raison de la Maurétanie tingitane. À la fin du IIIe siècle sous le règne de Dioclétien la province est réduite à la région de Tingis et de Ceuta, à Sala (actuelle Salé) et aux Îles Purpuraires de Mogador, puis rattachée au diocèse d'Hispanie et donc incluse dans la préfecture des Gaules.

Au cours de la période romaine, les cités, colonies et municipes de droit romain ou latin, se dotent de monuments civiques et utilitaires (temples, forums, basiliques, arcs de triomphe, thermes, et même théâtres à Lixus et à Zilil), et de résidences privées ornées d'œuvres d'art (sculptures, mosaïques) qui appartiennent à l'élite romano-africaine. Les plaines cultivées sont partagées par l'aristocratie locale, qui s'enrichit notamment de l'exploitation de l'olivier dont l'huile extraite est exportée dans les provinces voisines et fait la richesse de la Maurétanie Tingitane. Les terrains de parcours plus lointains sont laissés aux tribus nomades ou semi-nomades. Les ports de Tingis et de Sala connaissent une intense activité commerciale.

Les autorités impériales recrutent des auxiliaires militaires parmi les Maures, destinés à servir notamment dans la cavalerie. Le plus célèbre d'entre eux, Lusius Quietus, fils d'un amghar (chef tribal amazigh), réalise une brillante carrière sous le règne de Trajan. Au nom de l'Empire, il combat les Daces et les Parthes, et conquiert l'Arménie, la Médie et la Babylonie, puis pacifie la Judée en proie aux révoltes anti-romaines. Le prestige de Lusius Quietus devient tel qu'il envisage de briguer la succession de Trajan avec l'appui d'une partie du Sénat impérial, avant d'être éliminé par Hadrien. Son assassinat entraîne un soulèvement de la Maurétanie Tingitane, sa province d'origine où sa popularité était grande parmi les tribus locales.

En 429, près de 80 000 Vandales venus de Germanie traversent le détroit de Gibraltar et débarquent à Tingis, mais dans leur course vers Carthage et vers l'Afrique proconsulaire, ces envahisseurs ne contrôlent que le littoral méditerranéen de la Maurétanie. Un siècle plus tard les Byzantins, commandés par le général Bélisaire, anéantissent le Royaume vandale et s'emparent d'une partie de l'ancienne province de Tingitane, se heurtant toutefois aux Maures du roi Garmul, dont le pouvoir s'étend d'Altava jusqu'à Volubilis. Le gouvernement de Constantinople, sous Justinien Ier, crée dans le Nord marocain la province de Maurétanie Seconde, qui englobe les cités de Tanger, Ceuta, Lixus, ainsi que l'Espagne byzantine, et dépend directement de l'Exarchat de Carthage. Cette occupation byzantine, perpétuellement menacée par les Wisigoths d'Espagne et par les Maures, va cependant subsister jusqu'à la conquête musulmane du Maghreb au début du VIIIe siècle.

De la conquête arabo-musulmane aux troubles anomiques

En 649 débute la conquête du Maghreb par les troupes arabes. 35 ans plus tard ces troupes pénètrent véritablement dans le territoire marocain. Les tribus berbères installées aussi bien dans les contreforts montagneux de l'Atlas et du Rif que dans les fertiles plaines atlantiques soutiendront dans un premier temps les Byzantins installés sur les côtes méditerranéennes qu'ils préféreront aux Arabes notamment à cause d'erreurs diplomatiques. La destruction des installations byzantines aux alentours de l'an 700 aura finalement raison de la résistance berbère qui se convertira dès lors à l'islam apporté par les conquérants arabes.

Dès les débuts de la conquête musulmane du Maghreb, les Kharijites originellement basés en Irak envoient des représentants au Maghreb pour tenter de rallier les populations berbères. Les Berbères accoutumés au système de communauté égalitaire et supportant mal la domination arabe, finissent par trouver dans le kharijisme un redoutable moyen de contestation politique. En 739, Maysara, mandaté par les populations du Maghreb Al Aqsa, conduit à Damas une délégation auprès du calife Hicham pour présenter les doléances des Berbères : égalité dans le partage du butin et arrêt de la pratique qui consiste à éventrer les brebis pour obtenir la fourrure des fœtus (le mouton étant un élément essentiel de l'économie pastorale des tribus berbères)[49].

Les plaintes parviennent au calife omeyyade qui ne donne pas suite, ce qui déclenche une insurrection à Tanger. Maysara s'empare de la ville, tue le gouverneur Omar Ibn Abdallah et se proclame calife. Il réussit à empêcher le débarquement d'une armée arabe envoyée d'Espagne. Le gouverneur d'Espagne Uqba ibn al-Hajjaj intervient en personne mais ne parvient pas à reprendre Tanger, tandis que Maysara s'empare du Souss dont il tue le gouverneur. Puis Maysara, se conduisant comme un tyran, est déposé et tué par les siens, et remplacé par Khalid ibn Hamid al-Zanati. Sous son commandement, les Berbères sont victorieux d'une armée arabe sur les bords du Chelif, au début de 740[50].

Les troupes arabes ayant été battues, Hichām envoie des troupes de Syrie dirigées par le général Kulthum ibn Iyad. Elles sont battues par les Berbères sur les rives du Sebou en octobre 741[50]. Le gouverneur égyptien Handhala Ibn Safwan intervient à son tour et arrête les deux armées kharidjites au cours de deux batailles à Al-Qarn et à El-Asnam (actuelle Algérie) alors qu'elles menaçaient Kairouan (actuelle Tunisie) (printemps 742)[51]. Quand survient la chute des Omeyyades de Syrie (750), l'ouest de l'Empire échappe totalement au pouvoir central damascène. L'Espagne revient aux émirs omeyyades de Cordoue et le Maghreb se morcelle en plusieurs petits États indépendants (de 745 à 755).

Hâroun ar-Rachîd, calife abbasside de Bagdad, instigateur de l'assassinat d'Idris Ier.

L'histoire des Idrissides est indissociable de la personne d'Idris Ier, descendant d'Ali et de Fatima, gendre et fille du prophète de l'islam Mahomet, qui fuyant les massacres dont était victime son entourage et sa famille vint se réfugier dans le Moyen Atlas, à Volubilis, ancienne cité romaine déchue. Obtenant l'aval des tribus locales, il fonda en 789 la ville de Fès dans la plaine du Saïss dont il fit la capitale de son nouveau royaume proclamé en 791. Après son assassinat par un envoyé du calife Hâroun ar-Rachîd, son fils Idris II lui succède après une régence. Il étend sa capitale ainsi que son royaume et avance au-delà de Tlemcen, pris par son père dès 789 et assujettit de nombreuses tribus Zenata. Son successeur Mohammed fera construire la prestigieuse mosquée Quaraouiyine, qui abrite la plus ancienne université encore en activité dans le monde. À cette période, Fès devient un des principaux centres intellectuels du monde arabe et attire d'éminents scientifiques et théologiens. Le royaume idrisside étend régulièrement ses frontières mais se retrouve menacé par la puissante dynastie des Fatimides à l'est. Indiqués califes de Cordoue au début du Xe siècle, les Idrissides subiront également au nord la pression des Omeyyades. En 985, les Fatimides poussent les Idrissides à se réfugier en Al-Andalus.

Dès le milieu du Xe siècle, l'affaiblissement des Idrissides du fait non seulement des pressions externes mais surtout des dissensions internes entraîne un regain d'activité des grandes tribus berbères qui fondent et conquièrent de nombreuses cités. Les États de Sijilmassa dans le sud et de Nekor dans le nord se maintiennent et gagnent de l'ampleur durant cette période.

Royaume des Berghouata (entre les VIIIe et Xe siècles)

Les Barghawata (ou encore Barghwata ou Berghouata) forment un émirat berbère, appartenant au groupe de l'ethnie des Masmoudas. Après que les kharijites ont échoué dans leur rébellion au Maroc contre les califes de Damas, ils établissent (7441058) un royaume dans la région de Tamesna sur les côtes de l'Atlantique entre Safi et Salé sous l'égide de Tarif al-Matghari[52]. La particularité de cet État est de créer une religion purement berbère, s'appuyant sur un livre saint inspiré du Coran, et dirigé par un gouvernement théocratique fixant les rituels d'un nouveau culte empruntant à la fois à l'islam, au judaïsme et aux antiques croyances locales. Les Barghwata maintiennent leur suprématie dans la région des plaines atlantiques durant quatre siècles, et entretiennent des relations diplomatiques et commerciales avec le califat omeyyade de Cordoue qui voit probablement en eux des alliés potentiels contre les Fatimides et leurs alliés zénètes. Il semble que sur les vingt-neuf tribus constitutives de ce royaume, douze aient adopté réellement la religion barghwata, les dix-sept autres étant restées fidèles au kharijisme[53],[52].

Royaume de Sijilmassa (758-1055)

Un émirat fondé par les Zénètes émerge dans la région du Tafilalet à partir de 758. Dirigé par la dynastie des Midrarides (dont le fondateur est Semgou Ibn Ouassoul), il prend pour capitale la cité de Sijilmassa. Ce royaume professe officiellement le kharidjisme de rite sufrite mais finit par reconnaître à partir de 883 la suprématie religieuse du califat sunnite des Abbassides. Les Midrarides se consacrent cependant à maintenir une alliance avec les autres États kharidjites, comme le royaume des Rostémides de Tahert, et à établir un fructueux commerce caravanier de l'or avec le royaume du Ghana, à l'époque maître des plus importants gisements aurifères de l'Afrique de l'Ouest. L'émirat de Sijilmassa atteint ainsi son apogée au IXe siècle grâce à son rôle de plaque tournante du trafic des métaux précieux, et sa renommée s'étend ainsi jusqu'aux pays méditerranéens et au Moyen-Orient. C'est précisément cette position de débouché de l'or africain qui excite les convoitises des Omeyyades et des Fatimides qui s'affrontent pour sa domination. Ce sont finalement les Almoravides qui s'emparent du royaume midraride en 1055. Par la suite, la fondation de Marrakech éclipse définitivement le prestige de Sijilmassa.

Dynastie idrisside (789-985)

Carte du royaume idrisside.
Mosquée de l'Université Al Quaraouiyine à Fès fondée sous le règne des Idrissides.

L'histoire des Idrissides commence lorsqu'un prince arabe chiite de la famille d'Ali (quatrième calife de l'islam) et son affranchi Rachid Ben Morched El Koreichi se réfugient dans le Moyen-Atlas. Fuyant la menace des Abbassides (qui avaient massacré des Alides et leurs partisans chiites lors de la bataille de Fakh près de la Mecque), ils séjournent en Égypte avant de s'installer à Walilah (Volubilis), sous la protection de la tribu berbère des Awerbas. Parvenant à rallier les tribus à sa cause, Idriss est investi Imam et fonde la ville de Fès en 789 sous le nom d'Idris Ier. C'est le début de la dynastie des Idrissides.

Idris Ier est assassiné par un émissaire du calife abbasside Hâroun ar-Rachîd, un certain Sulayman Ibn Jarir Achammakh, qui avait été en fait avisé par le puissant vizir barmécide Yahya ben Khalid[54]. Ne se doutant point que la femme d'Idris Ier (Kenza al-Awrabiya) est enceinte, les maîtres de Bagdad pensent que la menace est vaincue. Mais, quelques mois plus tard, naît Idris II. Son éducation a été confiée à l'affranchi de son père, Rachid.

Après onze années sous la tutelle de Rachid, Idriss II est proclamé Imam des croyants. Au fil des années son sens pour la politique s'affirme nettement et il réussit à fédérer un plus grand nombre de populations. La puissance du corps militaire (qui se professionnalise et dans lequel s'engagent notamment des Qaysites issus des tribus du nord de la péninsule Arabique) lui permet de développer et d'étendre le noyau de principauté dont il avait hérité. Le royaume idrisside englobe ainsi toute la portion de territoire s'étendant de Tlemcen à l'est jusqu'au Souss au sud. Il semble que la dynastie idrisside, du moins à ses débuts, ait professé le chiisme et plus précisément le zaïdisme, réputé être le plus modéré des rites chiites[55].

Sanctuaire et mausolée d'Idriss Ier dans la cité sainte de Moulay Driss Zerhoun.

Se considérant à l'étroit à Walilah, Idriss II quitte l'antique cité romaine pour Fès, où il fonde le quartier des Kairouanais (également appelé Al-Alya) sur la rive gauche de l'oued Fès (Idris Ier s'était établi sur la rive droite, le quartier des Andalous). Les Kairouanais sont issus de familles arabes orientales et arabo-persanes (originaires du Khorassan) établies en Ifriqiya depuis l'époque abbasside. Elles sont expulsées de Kairouan en raison des persécutions politiques que leur infligent les Aghlabides et notamment l'émir Ibrahim Ier. Les Andalous qui s'installent à Fès sont quant à eux des opposants aux Omeyyades, originaires des faubourgs cordouans qui s'étaient révoltés contre l'émir omeyyade d'Al-Andalus Al-Hakam Ier (notamment du faubourg de Rabed, d'où le nom de Rabedis attribué aux éléments de cette première vague d'immigration andalouse au Maroc)[56].

Sanctuaire abritant le mausolée d'Idriss II à Fès.

Le royaume idrisside connaît une importante phase d'urbanisation, illustrée par la création de villes nouvelles comme Salé, Wazzequr, Tamdoult et Basra, cette dernière inspirée de la Basra irakienne. Ces nouveaux centres sont des foyers de diffusion de culture arabe et des vecteurs d'islamisation en pays profondément berbère[57]. La fondation de la mosquée Al Quaraouiyine en 859, qui abrite également une université homonyme, assure à Fès un rayonnement qui fera participer la cité idrisside à l'Âge d'or de l'Islam des sciences, des arts et des lettres, aux côtés de métropoles aussi prestigieuses que Cordoue, Le Caire et Bagdad.

À cette même époque, les Vikings venus de la lointaine Scandinavie et menés par Hasting et le prince suédois Björn Ironside, attirés par les ressources potentielles de l'Afrique du Nord, se signalent par leurs incursions dévastatrices sur les côtes du Maroc (notamment dans les régions d'Assilah et de Nador)[58]. L'historien et géographe andalou Al-Bakri désignera les envahisseurs vikings par le terme de Majus et relatera particulièrement leurs exactions contre le royaume des Banu Salih de Nekor dans le Rif[59].

En 985, les Idrissides perdent tout pouvoir politique au Maroc et sont massivement exilés en Al-Andalus. Installés à Malaga, ils récupèrent peu à peu leur puissance, au point d'engendrer une dynastie pendant l'époque des taïfas, les Hammudites. Ces derniers vont jusqu'à revendiquer la fonction califale à Cordoue en remplacement des Omeyyades déchus en 1016[60].

Les soulèvements zénètes (954-1059)

Oujda est fondée par les Zénètes de la tribu des Maghraouas.

Vers 954 et selon Ibn Khaldoun, trois grandes confédérations tribales zénètes[61] se soulèvent et s'emparent de plusieurs villes et régions du Maghreb el Aksa (appellation arabe du Maroc), à savoir Fès, Oujda (fondée en 994 par le Maghraoui Ziri Ibn Attia), Salé (fondée au cours du Xe siècle par les Banou Ifrens, Sijilmassa), ou encore les régions du Souss et du Haouz, et ce consécutivement à l'affaiblissement de la dynastie arabe chérifienne des Idrissides.

Pendant la conquête, ces trois confédérations zénètes, les Maghraouas, les Banou Ifrens et les Meknassas, fondèrent chacune un royaume autour de leur zone d'influence mais assez rapidement, leurs points de vue divergèrent, provoquant une instabilité sur l'ensemble du territoire. Les diverses tribus maghraouas étaient tantôt alliées aux Omeyyades tantôt aux Fatimides. Les Banou Ifrens demeurèrent réfractaires à toute alliance avec les puissances arabes.

Les Fatimides profitent de ces divisions entre les trois confédérations zénètes et envoient les Zirides de l'Ifriqiya pour conquérir le Maghreb el Aksa (le Maroc actuel). Le Ziride nommé Ziri ibn Menad réussit à conquérir une partie du Maroc actuel. En 971, son fils Bologhine ibn Ziri affirme sa souveraineté sur la majorité des villes importantes. Durant cette période, les Berghouatas (confédération tribale masmouda et sanhadja) seront donc attaqués par les Zirides. Les Maghraouas demandent l'aide des Omeyyades. Ces derniers acceptent enfin d'aider les Zénètes à reconquérir les territoires, en particulier ceux des Maghraouas de l'ouest du Maghreb. Bologhine ibn Ziri est contraint de reculer devant l'armée omeyyade venue d'Al-Andalus par voie maritime et qui s'installe à Ceuta[61]. Par la suite, Ziri Ibn Attia des Maghraouas entre en conflit avec les chefs des Banou Ifrens et des Meknassas. Une lutte au pouvoir sera acharnée entre les fractions zénètes. Les Banou Ifrens attaquent les Berghouata et prennent plusieurs fois Fès, place forte maghraoua. Ces derniers rétabliront finalement l'équilibre du Maghreb el Aksa[61]. Le règne des trois confédérations zénètes s'achèvera par l'arrivée des Hilaliens et des Almoravides vers le XIe siècle en 1059. Les Zénètes seront évincés par les Almoravides du Maghreb el Aksa[61].

De tout temps, les Zénètes étaient seuls maîtres des routes et du commerce dans la région. Cette période est caractérisée par une certaine prépondérance des pratiques démocratiques tribales, comme ce fut déjà le cas deux siècles auparavant lors des révoltes kharijites[62]. Les Zénètes ont démontré par leur histoire qu'ils pouvaient négocier avec toutes les tribus au Maghreb. Plusieurs alliances et traités ont été élaborés pendant cette période. La construction s'est développée et plusieurs villes ont connu un véritable essor (construction de mosquée[63], de kalaâ, ksours, etc.). En 1068, les trois « dynasties » chutent tant à cause du zèle manifeste de certains chefs que du fait de leur détermination à se lancer dans des guerres saintes[61].

Dynastie almoravide (1055-1147)

"Empire almoravide"
Conquêtes almoravides (XIe siècle).
Coupole almoravide de Marrakech.
Carte du monde connu réalisée par le géographe Al Idrissi sous le règne des Almoravides.

Les Almoravides sont issus des tribus berbères sanhadjas des Lamtounas et des Guzzalas qui nomadisaient dans le désert saharien entre l'Adrar mauritanien et le Tafilalet à l'est du Maroc. Ces tribus guerrières se structurent au sein d'un puissant mouvement religieux, sous l'impulsion du prédicateur Abdellah ben Yassin. Leur but est d'instaurer l'islam sunnite de rite malékite dans toute l'étendue de l'Occident musulman (Al-Andalus et Afrique du Nord). Ainsi leur vient leur nom d'al-Murabitoun, c'est-à-dire les combattants du ribat, une forteresse de la guerre sainte dressée contre leurs ennemis animistes. Les Almoravides sont victorieux dans leur guerre contre les royaumes noirs du Tekrour et l'empire du Ghana. Ils s'emparent ainsi du Ghana et de sa capitale Aoudaghost, à la tête d'une grande région productrice et exportatrice d'or, et parviennent à remonter les pistes caravanières sahariennes jusqu'au Tafilalet dans les années 1050, où ils mettent fin à l'existence de l'émirat de Sijilmassa sous domination zénète. Les chefs des Almoravides sont successivement Abou Bakr ben Omar puis Youssef ben Tachfine.

Alors que le « Maroc utile » est en proie aux convoitises des entités politiques voisines ainsi qu'aux déchirements internes, trois grandes tribus berbères se partagent les régions sahariennes. Les Lemtouna, Massoufa et Goddala (ou Gadala, lointains descendants des antiques Gétules), tous trois membres de la confédération Sanhadja et islamisés deux siècles et demi plus tôt, guerroient et vagabondent régulièrement en direction du sud où ils menacent l'empire du Ghana et d'autres États soudano-sahéliens animistes. De la tribu Lemtouna, l'émir Yahya ben Ibrahim part, vers 1035, accomplir le pèlerinage à La Mecque. Là-bas, il prend conscience de la nécessité de parfaire l'islam de ses congénères des régions de l'Adrar. En halte à Kairouan, il tente pour cela d'obtenir un appui logistique de la part d'éminences religieuses locales, mais sans résultat.

Tombeau du célèbre prince et poète Al Mutamid ibn Abbad de Séville, condamné à finir sa vie dans une prison d'Aghmat au sud de Marrakech.

La guerre éclate entre les Almoravides et les Zénètes. Les Banou Ifren et les Maghraouas perdent alors tout pouvoir après la victoire finale des Almoravides. C'est Youssef ben Tachfine qui fonde Marrakech en 1062, au départ simple campement nomade destiné à devenir la capitale d'un empire. Les Almoravides font disparaître dans les régions qu'ils contrôlent toutes les doctrines qu'ils suspectent d'hérésie. C'est ainsi qu'ils suppriment le chiisme de Taroudant[64], dernier legs fatimide dans le Souss, et qu'ils détruisent le royaume berghouata qui prospérait dans les plaines centrales de la Tamesna (correspondant aux actuelles régions de Doukkala et de Chaouia) et du Tadla. Partout les Almoravides imposent le sunnisme malékite le plus strict, tel qu'enseigné par les écoles théologiques de Médine et de Kairouan. Cette unification religieuse se double d'une unification politique. Les Almoravides étendent ainsi leurs conquêtes jusqu'au Maghreb central, à la limite du royaume hammadide.

Un chrétien et un musulman disputant une partie de jeu d'échecs en Al-Andalus.

En 1086, Youssef Ibn Tachfin, appelé par les rois des taïfas d'Al-Andalus, franchit le détroit de Gibraltar à la tête de ses forces sahariennes composées de nomades Sanhadjas et de guerriers africains du Bilad as-Sûdan, et parvient ainsi à briser l'offensive du roi de Castille Alphonse VI à Zallaqa (bataille de Sagrajas). Les Almoravides mettent fin au règne des roitelets, exilent l'émir de Séville Al Mutamid ibn Abbad et celui de Grenade, Abdallah ben Bologhin, à Aghmat près de Marrakech. Ils unifient ainsi Al-Andalus, qui est incorporée à leur empire à partir de 1090. Ils ne parviennent cependant à récupérer Tolède tombée aux mains des Castillans en 1085. Youssef Ibn Tachfin, qui a pris le titre d'Émir des Musulmans (et non celui de calife, considérant ce privilège comme dévolu aux seuls Abbassides dont les Almoravides reconnaissent d'ailleurs la prééminence religieuse)[65], règne sur un ensemble géopolitique s'étendant du Sénégal jusqu'aux abords des Pyrénées et des côtes atlantiques marocaines jusqu'à Alger.

Cette domination almoravide se manifeste par une symbiose des identités andalouse, ouest-maghrébine et saharienne, préparant la voie à l'émergence d'une civilisation hispano-mauresque à cheval sur la péninsule ibérique et le Maghreb occidental. Les édifices subsistant à Marrakech, Tlemcen et Alger montrent ainsi une forte influence de l'école artistique cordouane adaptée aux canons esthétiques nord-africains. Dans le domaine économique, l'État almoravide se distingue par sa maîtrise des flux de l'or, dont il contrôle les zones de production et les voies d'acheminement, du Ghana jusqu'au bassin méditerranéen. Le dinar d'or almoravide, appelé marabotin, circule sur tous les grands marchés commerciaux comme devise de référence.

Après la mort de Youssef Ibn Tachfin en 1106, son fils Ali ben Youssef lui succède, mais la dynastie est déjà contestée aussi bien en Espagne qu'en Afrique. La famille régnante prend en effet goût aux plaisirs et aux délices d'une vie de cour raffinée héritée des califes de Cordoue et des émirs taïfas d'Al Andalus. Dans le même temps, les populations subissent la dictature rigoriste des cadis malékites et les exactions locales des chefs militaires d'origine sanhadja qui s'appuient parfois sur des milices de mercenaires chrétiens comme celle du chevalier catalan Reverter. Une telle conjoncture politique favorise un mécontentement généralisé dans l'ensemble de l'empire almoravide gravement affaibli.

Dynastie almohade (1147-1269)

Empire almohade entre 1147 et 1269.
Drapeau almohade.

Mohammad Ibn Toumert est le futur Mahdi autoproclamé du mouvement almohade ancien empire marocain et le fils d'un amghar, chef de village de la tribu des Harga, dans le Haut-Atlas. Très précocement animé par un zèle religieux, il entreprit dès sa jeunesse de multiples voyages l'amenant à visiter Bagdad, Le Caire et peut-être même Damas où il découvre toute l'ampleur de la tradition musulmane, et notamment le soufisme. Rapidement, il entretient une profonde aversion pour l'étroitesse du malikisme régnant en maître en sa patrie. C'est en 1117 qu'il regagne le Maghreb, via Tripoli, puis Tunis et enfin Béjaïa où ses pieux prêches galvanisent les foules. À Melalla, il se lie d'amitié avec le Zénète Abd El Moumen. C'est en compagnie de ce dernier qu'Ibn Toumert d'Almohades (d'« Al-Muwahidûn », الموحدون), les Unitaires.

C'est à Tinmel, au cœur de la très isolée vallée du N'fis, qu'il établit sa « capitale ».

Ses prêches rencontrent un écho considérable et il clame ouvertement son intention de liguer toutes les tribus insoumises des montagnes contre les Almoravides. Son aura grandissante suscite de jour en jour davantage d'inquiétudes de la part des Almoravides qui lancent contre lui en 1121 une expédition militaire commandée par le gouverneur du Souss, Abou Bakr Ben Mohammed El-Lamtouni. L'expédition est littéralement écrasée. À la suite de cette déconvenue, ses désirs s'estompèrent un temps mais en 1127 (ou 1129), une nouvelle expédition parvint dans les contreforts du Haut Atlas aux environs d'Aghmat dans l'espoir de frapper un grand coup en pays Hintata, fief de la doctrine « Unitaire ». Mais Abd El Moumen et El Béchir contrarièrent ce plan et profitant de l'effet de surprise, ils parvinrent même à assiéger ponctuellement Marrakech, capitale almoravide. Cependant, leurs faiblesses en combat de plaine les poussèrent à se retrancher en toute hâte. El Béchir mourut suivi quelques mois plus tard, en septembre 1130, par Ibn Toumert.

Intérieur de la mosquée de Tinmel, fief originel de la doctrine almohade.

Abd El Moumen succéda d'abord secrètement au fondateur de la secte et privilégia une politique d'alliance avec les tribus de l'Atlas. Pour ce faire, il joua non seulement de ses origines zénètes mais aussi de ce qui restait de cercles d'initiés qu'avait fondé son prédécesseur. Dès 1140, une intense campagne permet aux Almohades de s'attirer les faveurs des oasis du sud. Taza puis Tétouan sont les premières grandes cités à tomber. À la faveur du décès d'Ali ben Youssef en 1143, il s'empare de Melilla et d'Al Hoceïma, faisant ainsi du nord du Maroc sa véritable base logistique. La mort du redoutable Reverter en 1145, suivie la même année de celle de Tachfine ben Ali, permet aux Almohades les prises respectives d'Oran, de Tlemcen, d'Oujda et de Guercif. S'ensuit ensuite le long et éprouvant siège de Fès qui durera neuf mois durant lesquels Abd El Moumen se charge personnellement de prendre Meknès, Salé et Sebta. La conquête du Maroc s'achèvera finalement en mars 1147 par la prise de Marrakech, capitale du désormais déchu empire almoravide et dont le dernier roi Ishaq ben Ali sera ce jour-là impitoyablement tué. Pour fêter cette victoire, Abd El Moumen fit bâtir la très célèbre mosquée Koutoubia sur les ruines de l'ancien Dar El Hajar.

Minaret de la mosquée almohade de la Koutoubia à Marrakech.

De manière assez inédite, les premiers efforts militaires d'Abd El Moumen désormais intronisé comme calife de l'Occident musulman (pour marquer son indépendance religieuse par rapport aux Abbassides d'Orient) se tournent vers l'est du Maghreb, sous le double péril des Normands de Sicile menés par Roger II (qui ont pris le contrôle de Djerba et Mahdia et menacent la prospère Béjaïa) et des tribus bédouines (Banu Hilal) envoyées depuis la Haute-Égypte par les souverains fatimides du Caire, furieux de voir Zirides et Hammadides échapper à leur contrôle. Les opérations lancées s'avèrent largement fructueuses puisque les Bédouins sont complètement écrasés à Béjaïa puis Sétif en 1152. En 1159, une puissante armée terrestre est levée depuis Salé, secondée par une flotte de soixante-dix navires, obligeant les Normands à se retrancher sur Sfax et Tripoli. Ainsi l'Empire almohade s'étendait-il à la fin des années 1150 des rivages de l'océan Atlantique jusqu'au Golfe de Syrte, englobant toute l'Afrique musulmane à l'ouest de l'Égypte.

Dirham d'argent almohade.

En Andalousie la fin de la période almoravide a permis la résurgence des reinos de taifas et un regain de vigueur des Chrétiens. En 1144 les Castillans s'emparent temporairement de Cordoue. À l'ouest, Lisbonne et Santarem sont prises par les Portugais. Almería est également prise par les Aragonais pour une décennie entière. Dos au mur, les taifas se voient obligés de faire de nouveau appel aux maîtres du Maghreb. Ainsi, avant même la prise de Marrakech par les Almohades, Jerez et Cadix s'offrent à ces derniers. Dans le sillage de la prise de Marrakech, des corps expéditionnaires permettent la conquête de tout le sud de la péninsule (Grenade, Séville, Cordoue…) puis de Badajoz. En 1157, Almería est reprise. Abd El Moumen décédera finalement en 1163 à Salé. Son fils Abu Yaqub Yusuf lui succède, d'abord reconnu à Séville puis à Marrakech. Il s'efforcera jusqu'à son décès en 1184 de régner en véritable « despote éclairé », soucieux de desserrer l'étau d'orthodoxie religieuse pesant sur le Maghreb.

Sous son impulsion fleurissent des arts bien plus épanouis que sous la dynastie précédente. L'architecture en particulier atteint son apogée, se traduisant par la construction de la Giralda à Séville, fraîchement honorée du statut de capitale andalouse, ainsi que de la tour Hassan à Rabat (dont le minaret ne fut jamais achevé) et de la Koutoubia à Marrakech, toutes trois bâties sur un modèle sensiblement équivalent. Dans d'autres registres, le palais de l'Alhambra est érigé sur les hauteurs de Grenade par les Nasrides, et les Jardins de l'Agdal sont plantés à Marrakech qui se dote également d'une Casbah califale abritant les palais du souverain almohade (cf. l'article Art almoravide et almohade). C'est également sous les Almohades que vécut le brillant philosophe Averroès (de son vrai nom Ibn Rûshd ابن رشد) ainsi que Moïse Maïmonide qui ira néanmoins s'exiler au Caire afin de pouvoir pratiquer librement sa religion (il était de confession juive). Les intellectuels du califat almohade mettent à l'honneur la philosophie antique comme partout ailleurs dans le monde musulman, et plus particulièrement celle d'Aristote dont le rationalisme séduit notamment Averroès.

À la mort d'Abu Yaqub Yusuf, les Almoravides demeurés maîtres des Îles Baléares s'en vont porter le glaive là où jadis sévissaient les Normands. Ils arrachent Alger, Miliana, Gafsa et Tripoli aux Almohades et subventionnent des tribus bédouines d'Ifriqiya ainsi que les mercenaires turkmènes Ghuzz[66], qui s'en iront mener des razzias dans tout le Maghreb médian et descendront même jusque dans les oasis du Drâa. Matées par les vigilantes milices d'un certain gouverneur Abu Yusf, les tribus bédouines seront par la suite sédentarisées dans l'Ouest marocain, dans l'ancien pays berghouata où elles contribueront à l'effort d'arabisation des plaines du Gharb et de la Chaouia. Quant aux Ghuzz, ils sont incorporés dans l'armée almohade pour former des unités d'archers d'élite. Après la victoire d'Alarcos durant laquelle Alphonse VIII de Castille est battu par le souverain Abu Yusuf Yaqub al-Mansur, les derniers fauteurs de troubles almoravides sont écrasés dans le Sud tunisien. C'est l'âge d'or almohade.

Tour Hassan construite par le calife almohade Yacoub El Mansour à Rabat.
Miniature maroco-andalouse d'époque almohade illustrant le conte de Bayad et Riyad.
Averroès (Ibn Rushd), philosophe, cadi, mathématicien, médecin andalou de la Cour almohade, mort à Marrakech en 1198.

Muhammad an-Nasir succède à son père en 1199. Le 16 juillet 1212, son armée de 30 000[67],[68] hommes est mise en déroute par une coalition de près de 62 000 chrétiens venus de France, d'Aragon, de Catalogne, du Comté de Portugal, de León et de Castille. C'est la bataille de Las Navas de Tolosa que l'histoire retiendra comme l'évènement charnière de la Reconquista. Dans le même temps, an-Nasir reçoit une étrange proposition d'allégeance de Jean sans Terre, alors en froid avec les souverains chrétiens du continent européen, de faire du lointain royaume d'Angleterre un vassal du califat almohade de Marrakech[69].

L'autorité des Almohades sur leur empire sera durablement affaiblie par cette débâcle, au point que Muhammad an-Nasir renoncera à son trône l'année suivante, le cédant à son fils. À 16 ans, Yusuf al-Mustansir accède donc au trône. Dépourvu d'autorité, il voit rapidement le Maghreb médian lui échapper. Il en va de même en Andalousie où le gouverneur almohade de Murcie réclame une régence et franchit le détroit pour le faire savoir. À Séville, Al-Mamoun fait sensiblement de même. Les taïfas renaissent de leurs cendres et imposent le malikisme. À Marrakech même les cheikhs souhaitent procéder à l'élection d'un nouveau calife, ne laissant d'autre choix au jeune souverain que la fuite pour un temps. Son fils, Abd al-Wahid al-Makhlu lui succède en 1223. Il mourra étranglé l'année même.

Les cheikhs de Marrakech procéderont alors à l'élection d'Abu Muhammad al-Adil. Les Hafsides, du nom d'Abû Muhammad ben ach-Chaykh Abî Hafs, autrefois vizir de Muhammad an-Nasir déclarent leur indépendance en 1226, sous l'impulsion de Abû Zakariyâ Yahyâ. La mort d'Abu Muhammad al-Adil marquera le début de l'ingérence du royaume de Castille dans les affaires marocaines. Ferdinand III de Castille soutiendra Abu al-Ala Idris al-Mamun tandis que les cheikhs soutiendront le fils de Muhammad an-Nasir, Yahya al-Mutasim. C'est le premier qui prit pour un temps l'ascendant, parvenant à prendre Marrakech et à massacrer les cheikhs. Il renia la doctrine religieuse almohade au profit du malikisme et consentit en paiement de sa dette à construire l'église Notre-Dame de Marrakech en 1230. L'édifice fut détruit deux ans plus tard.

En 1233, son fils Abd al-Wahid ar-Rachid reprit Marrakech et chassa de Fès les Bani Marin, futurs Mérinides (ces derniers faisaient payer à la ville et à sa voisine Taza un tribut depuis 1216), permettant de réunifier le Maroc. En Andalousie, Cordoue tombe aux mains de Ferdinand III de Castille dès 1236. Valence lui emboîtera le pas deux ans plus tard, puis ce sera au tour de Séville en 1248. Entre-temps, Abu al-Hasan as-Saïd al-Mutadid parviendra à rétablir un semblant d'unité sur le Maroc mais accumulera les échecs face aux Mérinides dont l'avancée est irrésistible sur le Maroc septentrional. Pour une trentaine d'années, les Almohades survivront, retranchés sur la plaine du Haouz et payant un tribut à leurs voisins septentrionaux. En 1269, Marrakech tombe. En 1276, c'est au tour de Tinmel. Un siècle et demi plus tard, la boucle almohade est bouclée et la dynastie à l'origine du puissant califat de l'ouest disparaît définitivement.

Au cours des croisades

L'Empire almohade, sous le règne d'Abu Yusuf Yaqub al-Mansur, établit un partenariat stratégique avec l'Égypte du sultan Saladin. Le point d'orgue de cette relation est l'ambassade d'Abu Al Harith Abderrahman Ibn Moukid envoyé par Saladin auprès de la Cour califale de Marrakech, qui concrétise l'alliance entre Almohades et Ayyoubides. Cette mission débouche sur la participation de la flotte almohade aux opérations maritimes contre les Croisés (sur les côtes du Proche-Orient ainsi qu'en mer Rouge). Après la prise de Jérusalem par Saladin en 1187, une partie de la ville sainte est repeuplée de populations provenant de l'Empire almohade[70] qui fonderont et habiteront un quartier spécifique, le Quartier maghrébin[71],[72], dont l'un des vestiges les plus connus est la Porte des Maghrébins[73].

Dynastie des Mérinides (1269-1465)

Évolution territoriale de l'empire mérinide.

Contrairement aux deux dynasties précédentes, la montée en puissance des Mérinides n'est pas à mettre sur le compte d'une démarche personnelle associable à un individu mais plutôt à l'affirmation collective d'une tribu. L'autre rupture que marque l'accession au pouvoir des Mérinides est l'abandon du leitmotiv de la purification religieuse au profit d'une conception de la conquête du pouvoir plus classique, plus conforme à l'identité tribale des protagonistes.

Une des portes de Fès Jdid, la capitale des Mérinides à partir de 1276.

La tribu en question est une tribu zénète dont les origines sont issues des Wassin[74]. Toujours est-il que les Beni Merin (ou Bani Marin) constituent tout au long du XIIe siècle l'archétype d'une tribu berbère quelconque, nomadisant entre le bassin de la Haute-Moulouya à l'ouest (entre Guercif et Missour) et le Tell algérien, au sud de Sidi Bel Abbès à l'est. La première occurrence de la tribu des Beni Merin dans l'historiographie marocaine coïncide avec leur participation en tant que groupe à la bataille d'Alarcos (1196), bataille finalement remportée par le camp almohade. C'est à cette occasion que s'illustre Abd al-Haqq considéré comme le véritable fondateur de la dynastie mérinide. De retour au pays, la tribu retombe dans un anonymat relatif jusqu'à la cinglante défaite almohade de Las Navas de Tolosa à l'issue de laquelle les troupes Mérinides iront défaire 10 000 soldats almohades. À la suite de ce succès, les Mérinides s'installent temporairement dans le Rif, soutenus par des Meknassas sédentarisés au nord de Taza.

Dès 1216, ils se faisaient payer tribut par les cités de Fès et Taza. Les Almohades soucieux de restaurer leur autorité sur tout leur territoire lancent de nombreuses contre-offensives, le plus souvent vaines. C'est au cours d'une de ces manœuvres que décède Abd al-Haqq. Son fils Uthman ben Abd al-Haqq lui succède. Dès 1227, toutes les tribus entre le Bouregreg et la Moulouya ont fait allégeance aux Mérinides. En 1240, Uthman ben Abd al-Haqq décède, assassiné par son esclave chrétien. C'est son frère Muhammad ben Abd al-Haqq qui lui succède, assiégeant avec un succès relatif Meknès. Il décède en 1244, tué par des milices chrétiennes au service des Almohades. Au milieu de la décennie 1240, les troupes almohades sont mises en déroute à Guercif. Les Mérinides s'engouffrent alors dans la très stratégique Trouée de Taza, tremplin qui leur permit d'entreprendre le siège de Fès en août 1248 et d'envisager la prise de toute la moitié nord du Maroc. Mais la moitié sud n'est pas en reste. Abu Yahya ben Abd al-Haqq ayant précédemment succédé joue des amitiés traditionnelles des Beni Merin avec les Béni-Ouaraïn du Moyen Atlas et d'autres tribus du Tafilalet pour contrôler les oasis et détourner les revenus du commerce transsaharien de Marrakech vers Fès, désignée comme capitale mérinide.

Drapeau des Mérinides, empire islamique.

En 1258, Abu Yusuf Yaqub ben Abd al-Haqq succède à son frère enterré dans l'antique nécropole de Chellah qu'il avait commencé à réhabiliter[75]. Le début de son règne est marqué par une lutte avec son neveu qui réclamait la succession. Ce dernier parvient à prendre Salé. La situation à l'embouchure du Bouregreg profite à la Castille qui occupera la ville pendant deux semaines en 1260, sur l'ordre d'Alphonse X. L'ouest du Rif fut également en proie à de nombreuses insurrections Ghomaras tandis que Ceuta et Tanger étaient alors aux mains d'un sultan indépendant, un dénommé El Asefi. Rapidement le nouveau souverain exprima son désir d'en découdre rapidement avec les Almohades retranchés dans le Haouz, l'est des Doukkala et une partie du Souss. Une première tentative en ce sens se solda par un échec en 1262. Les Almohades pressèrent alors les Abdalwadides d'attaquer leurs rivaux Mérinides par surprise. Yaghmoracen Ibn Ziane, célèbre souverain abdalwadide fut défait en 1268. L'année suivante, Marrakech fut définitivement prise[76].

Médersa Attarine de Fès construite sous le règne du sultan Abû Saïd Uthmân ben Yaqub (1310-1331).

Durant les années qui suivirent, il bouta les Espagnols hors de tous leurs établissements atlantiques jusqu'à Tanger. En 1276, Fès, la capitale du royaume, se voit augmentée d'un nouveau quartier, à l'écart de l'ancienne ville, où se côtoient notamment le palais royal et le Mellah (Fès El Jedid). Globalement la ville connaîtra sous l'ère mérinide un second âge d'or, après celui connu sous les Idrissides. Après la pacification totale du territoire et la prise de Sijilmassa aux Abdalwadides, le sultan franchit le détroit et tente de reconstituer la grande Al-Andalus musulmane des Almohades. Les entreprises espagnoles des Mérinides furent complexes mais n'accouchèrent que de peu de résultats concrets. À la suite du siège de Xérès, un traité de paix stipulant le retour de nombreux documents et ouvrages d'art andalous (tombés aux mains des Chrétiens lors des prises de Séville et Cordoue) vers Fès. En 1286, Abu Yusuf Yaqub ben Abd al-Haqq décède à Algésiras. Il est inhumé à Chellah. Son fils Abu Yaqub Yusuf[75], plus tard dit an-nāsr, lui succède et se voit confronté dès son intronisation à un durcissement des révoltes dans le Drâa et à Marrakech et à un désaveu de certains membres de sa famille, s'alliant tantôt avec les Abdalwadides ou les révoltés. Il rendit Cadix aux Nasrides de Grenade en guise de bonne volonté mais six ans plus tard, en 1291, ces derniers, alliés aux Castillans dont ils sont les vassaux, entreprennent de bouter définitivement les Mérinides de la péninsule Ibérique. Après quatre mois de siège, Tarifa est prise par les Castillans. Mais les yeux d'Abu Yaqub Yusuf an-Nasr sont plutôt rivés sur Tlemcen, capitale des éternels rivaux des Beni Merin que sont les Abdalwadides. Il se dirige vers Tlemcen à la tête d'une armée cosmopolite puisqu'essentiellement composée de mercenaires chrétiens (Castillans et Aragonais principalement), de Turkmènes et de Kurdes. Le siège durera huit ans et se poursuivra jusqu'à l'assassinat du souverain, des mains d'un des eunuques de son harem, en 1307.

Jusqu'à l'avènement d'Abu al-Hasan ben Uthman en 1331, la dynastie est marquée par une forme de décadence dont les signes principaux sont la multiplication des querelles de succession, des révoltes populaires et des soulèvements militaires. En 1331 donc, Abu al-Hasan ben Uthman (surnommé le Sultan noir) succède à son père, quelques mois seulement après avoir obtenu son pardon. Rapidement, l'obsession de ses aînés pour Tlemcen le rattrape. Il entame un nouveau siège sur la ville qui s'avèrera vain. Il évince ceux qui dans son entourage familial le jalousent mais sait faire preuve d'une grande dextérité dans sa gestion des ambitions tribales. Tlemcen tombe enfin en 1337. Abu al-Hasan ben Uthman est auréolé de gloire. Cette victoire lui ouvre la voie du Maghreb médian mais avant de s'engouffrer dans cette brèche ouverte en direction d'Ifriqiya, le souverain tient à venger la mort de son fils Abu Malik, surpris par les Castillans après son succès à Gibraltar en 1333. La bataille de Tarifa, le 30 octobre 1340 se solde par une lourde défaite qui signera la fin définitive des ambitions marocaines en terre espagnole.

Sept années plus tard, le sultan et ses armées parviennent à soumettre l'Ifriqiya. L'année suivante pourtant, les Mérinides essuient une cuisante défaite à Kairouan. L'écho de la déconvenue est grand, au point que naît et se répand une folle rumeur selon laquelle le Sultan noir serait mort au combat. À Tlemcen, Abu Inan Faris est alors intronisé. C'est de sa volonté qu'émanera la construction de la médersa Bou Inania de Fès.

Il a d'ailleurs également parachevé la construction de la Medersa Bou Inania de Meknès, entamé par son aîné. Ce dernier tentera un vain retour via Alger puis Sijilmassa. Il est finalement défait et tué par les armées de son fils sur les rives de Oum Errabiâ. Abu Inan Faris, profondément chagriné par ce décès, tentera alors de faire asseoir son autorité sur l'ensemble du royaume, de nouveau fragilisé par la recrudescence des volontés insurrectionnelles. Il s'entoure à ces fins d'Ibn Khaldoun, penseur de génie et véritable précurseur de la sociologie moderne. Son neveu, maître de Fès, est exécuté, mais à l'occasion de ce déplacement au Maroc, c'est Tlemcen qui se soulève. Une intense campagne permet un certain regain de vigueur des Mérinides mais Abu Inan est étranglé des mains d'un de ses vizirs, un certain al-Foudoudi, le 3 décembre 1358, neuf ans seulement après son accession au pouvoir.

Bab el-Mrissa porte de l'arsenal maritime militaire de Salé construit par les Mérinides à la suite de l'attaque de la flotte du roi Alphonse X en 1260.

L'anarchie est alors à son paroxysme. C'est le premier grand déclin de la dynastie. Chaque vizir tente de porter sur le trône le prétendant le plus faible et manipulable. Les richesses patiemment accumulées par les souverains précédents sont pillées. Un premier prétendant venu de Castille parvient à se soustraire pour un temps à ce diktat des vizirs. Il s'appelle Abû Ziyân Muhammad ben Ya`qûb plus simplement appelé Muhammad ben Yaqub. Reconnu et acclamé dans le nord du Maroc, il règne à partir de 1362 sur un royaume dont seule la moitié nord (de la Tadla aux contreforts méridionaux du Rif) est demeurée loyale à l'autorité mérinide. Tout au long de son bref règne, il tentera de faire évincer un à un les vizirs jugés encombrants mais ce sont des mains d'un de ces derniers, le grand vizir Omar, qu'il périra en 1366.

Omar désincarcère alors le fils d'Abu l'Hasan, Abu Faris Abd al-Aziz ben Ali ou plus simplement Abd al Aziz. Après avoir réussi le tour de force d'évincer bon nombre de vizirs dont celui qui l'a porté au pouvoir, il parvient à mater le pouvoir parallèle en place à Marrakech (pouvoir dit d'Abou l'Fadel, vaincu en 1368). Il parvient à asseoir son autorité en pays Hintata, puis dans le Souss et à Sijilmassa. En 1370, Tlemcen, où s'était reconstitué le pouvoir abdalwadide, retombe aux mains des Mérinides. Mais deux ans plus tard seulement, il meurt. Le royaume est à nouveau scindé en deux, les zaouïas prenant le pouvoir à Marrakech. La peste noire provoque de graves ravages.

Medersa Bou Inania de Meknès achevée sous le règne du sultan Abu Inan Faris.

S'ensuivent 21 années de déclin durant lesquelles se multiplient les intrigues dynastiques, les coups politiques des différents vizirs, les ingérences nasrides et de vaines tentatives de coups d'éclat militaires face à Tlemcen. Durant les deux périodes de déclin, la pratique de la piraterie se développe, tant dans le Nord, dans les environs de Tanger et Ceuta, que sur la côte atlantique (à Anfa notamment, qui sera d'ailleurs détruite en représailles par les Portugais en 1468).

En 1399, alors que le Maroc est en proie à une anarchie des plus totales, le roi Henri III de Castille arme une expédition navale destinée à annihiler la pratique de la course depuis Tétouan. En fait, la ville est non seulement mise à sac mais également totalement vidée de sa population (la moitié est déportée en Castille). En 1415, c'est au tour de Ceuta de tomber aux mains des troupes de Jean Ier, roi du Portugal, lui aussi en croisade contre la course maritime des cités côtières marocaines.

La dynastie mérinide connait un tragique déclin[77]. Abû Saïd Uthmân III dit Abu Said succède à Abu Amir Abd Allah dans des circonstances troubles. Prince taciturne, il se tourne à nouveau vers Tlemcen. Mais le vent a tourné et Abou Malek, souverain abdalwadide, pétri de haine à l'encontre des maîtres de Fès, parvient à prendre la ville et impose un souverain fantoche. Les documents concernant cette période sont très flous et se contredisent. Toujours est-il que Abu Muhammad Abd al-Haqq succède à Abu Said alors qu'il n'a qu'un an (1421). Cette accession au trône appela bien sûr une régence. Les vizirs wattassides s'avéreront incontournables.

Dynastie idrisside, branche des Joutey (1465-1471)

Mohammed ibn Ali al-Idrissi al-Amrani al-Joutey (arabe : محمد بن علي العمراني الجوطي الإدريسي) est le 20e descendant en ligne directe d'Idris Ier. Chef de file des chorfas de Fès au milieu du XVe siècle, il est proclamé sultan du Maroc à la suite de la révolte de 1465 qui aboutit à l'assassinat du sultan mérinide Abd al-Haqq II, mort sans laisser d'héritier[78]. Il ne réussit cependant pas à imposer son autorité bien au-delà de Fès et de sa région.

Le règne de Mohammed ibn Ali dure jusqu'en 1471, date à laquelle il est renversé par Mohammed ach-Chaykh, qui fonde la dynastie des Wattassides[78].

Wattassides (1472-1554)

Le sultan wattasside Ahmad ben Muhammad al Wattassi (1526-1549).

Les Wattassides, Ouattassides ou Banû Watâs, sont une tribu de Berbères zénètes comme les Mérinides. Cette tribu, qui serait initialement originaire de l'actuelle Libye, était établie dans le Rif, au bord de la Méditerranée. De leur forteresse de Tazouta, entre Melilla et la Moulouya, les Beni Wattas ont peu à peu étendu leur puissance aux dépens de la famille régnante mérinide (voir l'article détaillé sur les Wattassides).

Ces deux familles étant apparentées, les Mérinides ont recruté de nombreux vizirs chez les Wattassides. Les vizirs wattassides s'imposent peu à peu au pouvoir. Le dernier sultan mérinide est détrôné en 1465. Il s'ensuit une période de confusion qui dure jusqu'en 1472. Le Maroc se trouve coupé en deux, avec à Marrakech les émirs Hintata auxquels succède la dynastie arabe émergente des Saadiens, et à Fès le sultanat wattasside déclinant. Plus au nord, à Tétouan et à Chaouen, apparaît une principauté à dominante andalouse peuplée par les réfugiés du royaume de Grenade (conquis par les Espagnols catholiques en 1492) et dirigée par une femme nommée Sayyida al-Hurra[79]. Sayyida al-Hurra (ou Sitt al-Hurra) mène une lutte implacable contre les Portugais qui occupent Ceuta depuis 1415, et contracte une alliance matrimoniale avec les Wattassides en épousant le sultan Abu al-Abbas Ahmad ben Muhammad. Sur le plan stratégique elle joint ses forces à celles de l'amiral turc Arudj Barberousse qui lutte contre les Espagnols en Méditerranée occidentale.

Le Maroc au début du XVIe siècle : en rouge, le domaine des Wattasides ; en rose, les vassaux des Wattassides.

En 1472, les sultans wattassides ont perdu tous leurs territoires d'importance et ne contrôlent plus la rive marocaine du détroit de Gibraltar. Les Portugais prennent possession de Tanger en 1471 puis cèdent la ville à l'Angleterre en 1661 comme dot apportée par Catherine de Bragance à son époux Charles II d'Angleterre.

Durant la domination portugaise (1471-1661, avec un intermède espagnol entre 1580 et 1640), Tanger constitue la capitale de l'Algarve d'Afrique, car il existe alors deux Algarves, celle d'Europe et celle d'Afrique, toutes deux considérées comme territoires relevant personnellement de la dynastie d'Aviz puis de la dynastie de Bragance (le roi du Portugal porte aussi le titre de roi des Algarves). Durant la domination anglaise, Tanger est une place forte stratégique, dotée d'un statut spécial et élisant des représentants à la Chambre des communes à Londres, mais l'entretien d'une garnison importante se relève trop coûteux aux yeux de l'opinion anglaise[80]. Cela pousse Charles II à faire évacuer la place, qui est prise par les troupes marocaines du sultan Moulay Ismail en 1684.

Citerne aux voûtes gothiques, construite par les Portugais à El Jadida (Mazagan) en 1514.
Vue de Safi au XVIe siècle.

Sous les règnes successifs d'Alphonse V, Jean II et Manuel Ier (période marquant l'apogée de l'expansion portugaise) l'Algarve africaine englobe presque tout le littoral atlantique marocain, à l'exception de Rabat et de Salé. Les Portugais contrôlent la portion côtière s'étendant de Ceuta à Agadir et à Boujdour, avec pour points de jalon les places fortes de Tanger, Assilah, Larache, Azemmour, Mazagan, Safi et Castelo Real de Mogador. Ces possessions forment des fronteiras, équivalent portugais des presidios espagnols, et sont utilisées comme escales sur les routes maritimes du Brésil et de l'Inde portugaise. Néanmoins la plus grande partie du Maroc portugais est reconquise par les Saadiens en 1541. La dernière fronteira de la Couronne lusitane est Mazagan, récupérée par les Marocains en 1769. Les Espagnols pour leur part s'attribuent la côte méditerranéenne avec les présides de Melilla et le rocher de Vélez de la Gomera, ainsi que la région de Tarfaya faisant face aux îles Canaries. Ils prennent également le contrôle de Ceuta à l'issue de la débâcle portugaise à la Bataille des Trois Rois qui se solde par l'Union ibérique (1580).

De cette époque, émerge la figure étonnante de Mustapha Zemmouri, plus connu sous le nom d'Estevanico (ou Esteban le Maure), Marocain natif d'Azemmour revendu par les Portugais comme esclave à Andrés Dorantes de Carranza, et qui s'illustre par son exploration de l'Amérique du Nord dans les rangs des conquistadors espagnols au début du XVIe siècle[81].

Les Wattassides affaiblis donnent finalement le pouvoir à une dynastie se réclamant d'une origine arabe chérifienne (les Saadiens) en 1554.

Liens avec Al-Andalus

« Cour des Lions » de l'Alhambra à Grenade, le palais des sultans nasrides qui eurent d'étroites relations avec les Mérinides.
La ville de Chefchaouen dans le nord du Maroc fut peuplée par des populations andalouses fuyant la disparition du royaume de Grenade en 1492.

En 1492, sept siècles après la conquête musulmane de la péninsule Ibérique, le dernier royaume musulman en Espagne, Grenade, est reconquis par les rois catholiques.

Dès le début des succès de la Reconquista au XIIe siècle, certains Andalous avaient commencé à se replier vers le Maroc ; mais la majorité d'entre eux a été contrainte de quitter l'Espagne principalement en deux temps : à la chute de Grenade en 1492, et en 1609 avec l'expulsion des Morisques. Par ailleurs les ultimes descendants de la dynastie nasride menés par Boabdil se réfugièrent à Fès après la chute du dernier royaume musulman andalou de Grenade.

L'exode de ce peuple, que le pays devra intégrer dans ses tissus sociaux et économiques, va marquer un nouveau tournant dans la culture, la philosophie, les arts et la politique. L'immigration andalouse sera plus délicate dans certaines villes marocaines. Les Andalous vont soit habiter dans d'anciennes cités, soit en construire de nouvelles ; néanmoins, ils s'installeront surtout dans le nord du pays, notamment à Tanger, Tétouan, Oujda, Chefchaouen, mais aussi à Rabat, Salé et Fès.

Les Morisques installés à Rabat (dite Salé-le-Neuf) et Salé (aussi dite Salé-le-Vieil) formèrent une république corsaire inspirée des Régences barbaresques d'Alger et de Tunis, vivant de courses commerciales fructueuses qui les emmenèrent à négocier avec de nombreux États (Espagne, Portugal, France, Angleterre, Hollande).

Dynastie des Saadiens (1554-1659)

L'Empire saadien à son extension maximale (fin du XVIe siècle).
Tombeau des sultans saadiens à Marrakech.

Les Saadiens, appelés parfois Zaydanides[82], constituent une dynastie arabe chérifienne originaire de la vallée du Drâa. Elle arrive au pouvoir en 1511 avec le sultan Muhammad al-Mahdi al-Qaim bi-Amr Allah et choisit Marrakech pour capitale définitive après Taroudant. À partir de 1554 elle contrôle entièrement le Maroc, alors que le Maghreb central et oriental est sous la domination des Ottomans. Mohammed ech-Cheikh est un adversaire résolu du sultan-calife ottoman Soliman le Magnifique.

Pour conjurer la menace exercée par les gouverneurs turcs d'Alger, le sultan saadien n'hésite pas à chercher l'alliance des Espagnols qui occupent Oran et lui permettent de s'emparer de la région de Tlemcen.

Cependant en 1554 les troupes turques de Salah Raïs bousculent le dispositif saadien établi autour de Tlemcen, et poussent l'offensive jusqu'à Fès avec l'intention d'occuper la moitié nord du Maroc et de l'incorporer à l'Empire ottoman[83]. Alors que l'armée commandée par le pacha d'Alger s'apprête à pénétrer dans la vallée du Sebou, une sortie des forces espagnoles du comte d'Alcaudete, gouverneur d'Oran, oblige les Ottomans à évacuer précipitamment leur éphémère conquête marocaine et à revenir défendre l'Ouest algérien menacé par les Espagnols. Ce retrait turc est profitable aux Saadiens qui récupèrent ainsi Fès et les marches orientales du nord-est marocain. Charles Quint a également évité de voir les Ottomans atteindre la rive sud du détroit de Gibraltar et devenir ainsi des voisins directs de l'Espagne[84].

L'alliance stratégique hispano-saadienne a montré ainsi son efficacité. Mais la diplomatie pro-espagnole de Mohammed ech-Cheikh lui vaut l'inimitié tenace de la Sublime Porte. En effet, en 1557 des assassins à la solde du beylerbey d'Alger Hassan Pacha décapitent le sultan marocain et envoient sa tête en trophée à Constantinople, où Soliman la fera accrocher aux remparts de la forteresse d'Europe sur les bords du Bosphore. Ce meurtre n'a cependant pas d'incidence sur le front militaire et consolide même les assises de la dynastie saadienne.

Le sultan Ahmed al-Mansour, dont le règne (1578-1603) marque l'apogée de la dynastie saadienne.
Le sultan ottoman Mourad III, qui aida les princes saadiens Abd al-Malik et Ahmed (futur al-Mansour) à reconquérir le trône du Maroc contre Muhammad al-Mutawakkil en 1576 (miniature ottomane extraite du Livre du Bonheur, 1582).
La mosquée Djingareyber à Tombouctou, grande cité des Songhaï conquise par les Saadiens, capitale du pachalik du Soudan marocain à partir de 1591.

L'influence ottomane qui caractérise pourtant ensuite l'évolution de l'État saadien[85] s'explique par l'exil des princes Abu Marwan Abd al-Malik et Ahmed (futur Ahmed al-Mansour) à Alger et à Constantinople durant le règne de leur demi-frère Abdallah el-Ghalib qui avait voulu les éliminer afin d'être l'unique représentant de la dynastie. Le soutien du sultan ottoman Mourad III aux prétentions des deux princes saadiens peut paraître paradoxal en raison des conflits permanents entre Marocains et Turcs, mais Abd al-Malik puis son frère savent exploiter intelligemment cet appui pour récupérer le trône, prendre Fès avec l'aide des forces ottomanes commandées par Caïd Ramdan, et éliminer leur neveu Muhammad al-Mutawakkil (fils d'al-Ghalib) qui de son côté s'était allié au Portugal. La mort de Murad III en 1595 met fin par ailleurs aux appétits hégémoniques de la Sublime Porte et renforce ainsi l'indépendance marocaine[86].

Si les Turcs sont surtout présents dans l'état-major et dans l'artillerie, l'essentiel de l'armée saadienne est composé de renégats d'origine européenne et de tribus militaires arabes Cheragas ainsi que de contingents du Souss (les Ehl el-Souss, constituant l'ossature militaire de la dynastie)[87]. Cette force considérable, estimée à 40 000 hommes par l'historien Henri Terrasse[88], fait du sultan Ahmed al-Mansur le plus puissant chef politique et militaire de cette partie de l'Afrique. Il le prouve en lançant un de ses plus brillants officiers, le général Djoudar Pacha, à la conquête de l'Empire songhaï du Mali qui devient après la bataille de Tondibi et la défaite des Songhaï, le pachalik marocain de Tombouctou et du Bilad as-Sûdan (le Soudan occidental situé autour du fleuve Niger, par opposition au Soudan oriental où coule le Nil), incluant les prestigieuses cités de Gao et de Djenné. Sur le plan religieux, la primauté du califat saadien est reconnue jusqu'au Tchad par Idrīs Alaoma, roi du Kanem et du Bornou[89]. Cette allégeance spirituelle marque une victoire indéniable pour le sultan al-Mansur sur la scène africaine au détriment de l'Empire ottoman qui entendait user également de son statut de puissance religieuse califale auprès des royaumes musulmans du Sahel.

Pavillon saadien des jardins de la Ménara à Marrakech.

Marrakech retrouve une partie de sa gloire de l'époque almohade. Les sultans font bâtir des médersas (la célèbre médersa Ben Youssef), des mosquées, réaménagent les jardins (comme celui de la Ménara), mais c'est surtout le fabuleux palais El Badi, réalisé en matériaux précieux, qui contribue au rayonnement de la capitale saadienne et à la réputation fastueuse de la dynastie. L'attrait culturel pour le Maroc s'exprime jusqu'en Europe avec les écrits de Théodore Agrippa d'Aubigné et ceux de Michel de Montaigne[90], mais aussi avec William Shakespeare et son Othello. Ahmed al-Mansur, qui maîtrise parfaitement l'italien (appris au cours de son exil de jeunesse à Alger), entretient une correspondance avec Élisabeth Ire d'Angleterre, Henri III et Henri IV, et se montre fort intéressé par les avancées techniques de la Renaissance occidentale, ainsi que par la découverte du Nouveau Monde (il proposera même aux Anglais une offensive conjointe anglo-marocaine contre les colonies espagnoles d'Amérique)[91]. Le prestige des Saadiens auprès des chancelleries européennes remonte à la Bataille des Trois Rois à Ksar El Kébir le , au cours de laquelle l'armée du sultan Abdelmalik met en déroute la croisade du roi Sébastien Ier du Portugal, marquant ainsi la fin définitive de l'hégémonie portugaise sur la façade atlantique du Maghreb.

La dynastie s'achève avec le règne du dernier sultan El Abbas tué en 1659 dans une lutte de pouvoir au sein de son propre entourage mené par Kerroum al-Hajj de la tribu Chebânat qui s'empare alors de Marrakech.

Dynastie des Alaouites (1666-présent)

Empire chérifien alaouite vers 1700.
Le sultan Moulay Ismail (1672-1727) représenté sur une gravure française du XVIIe siècle.

Les Alaouites (al-Alaouiyoune, à ne pas confondre avec les Alaouites de Syrie), sont au pouvoir au Maroc depuis le XVIIe siècle. D'après la légende, les Alaouites descendent de Mohamed Nefs Zakiya (« Âme Pure »), lui-même fils de Abdallah El-Kamil, fils de Hassan El-Mouthanna, fils de Hassan Sibt, fils aîné d'Ali ibn Abi Talib, gendre et cousin du prophète de l'islam, Mahomet. Mohamed Nefs Zakya fut proclamé Mahdi en 737 et tué au combat en 762. Théologien éminent, il a laissé la réputation d'un saint homme et vécut sous le règne du calife Al-Mansour.

Les Chérifs alaouites se disent originaires de Yanboâ an-Nakhil, une oasis située dans la péninsule Arabique, appelés à venir au Maroc par de nobles pèlerins berbères du Tafilalet au XIIIe siècle : Hassan Dakhil, se réclamant 21e descendant du prophète Mahomet, 17e descendant de Nefs Zakya, se serait installé alors en 1266 à Sijilmassa. Son 5e descendant, Moulay Mohamed ben Cherif, est le père du premier sultan de la dynastie alaouite, Moulay Rachid ben Chérif.

Entrée de Dar el-makhzen, palais royal de Meknès construit sous le règne de Moulay Ismail.

Lointains descendants d'Ali, gendre du prophète Mahomet, les Alaouites gouvernent aujourd'hui encore le royaume du Maroc. Originaire du Tafilalet, le fondateur de leur dynastie n'est autre que Moulay Ali Cherif qui, en 1631 règne comme émir indépendant sur sa région natale. Après sa mort prématurée en 1636, son successeur Moulay Mohammed Ier décide de reprendre les rênes et continue ce que son père avait commencé. Organisateur méticuleux et fin stratège, il va prendre graduellement le pouvoir aux Saadiens en plein déclin depuis la mort d'al-Mansur en 1603. Son frère, Moulay Rachid, va l'aider dans cette tâche en s'emparant du Rif, de Taza et de Fès, puis de la république des corsaires de Salé. Les rivaux potentiels, comme la puissante zaouïa de Dila dans le Tadla, et le royaume soufi du Tazeroualt dirigé par les Semlalides, États locaux à base théocratique et tribale, sont vaincus et soumis. Moulay Rachid devient sultan du Maroc en 1666 et écrase les révoltes qui sévissent encore à Marrakech. Une chute de cheval qui lui est fatale projette son successeur, Moulay Ismail, à la tête du sultanat en 1672.

Abdellah Benaïcha ambassadeur du Maroc auprès de Louis XIV, à Paris en 1699.

Cette date rime avec autorité, le nouveau sultan purge à coups de sévères répressions toute forme d'opposition à son régime. Ce qui permettra enfin à l'Empire chérifien d'accéder à la puissance, à la sécurité et à la crédibilité auprès de ses partenaires et de ses adversaires étrangers. Moulay Ismaïl forme une grande armée composée essentiellement d'esclaves-soldats noirs originaires d'Afrique de l'Ouest, (les Abid al-Bukhari ou Bouakhers, équivalent marocain des janissaires et des mamelouks de l'Empire ottoman) et de soldats issus de tribus militaires arabes (tribus guich) comme les Oudayas. Des unités sont également levées parmi les Rifains, réputés pour leurs qualités guerrières, pour former le Jaysh al-Rifi[92].Grâce à cette force dont l'effectif atteint 150 000 hommes[93] Ismaïl mène une guerre continuelle contre les tribus rebelles du Moyen et du Haut-Atlas (qu'il finit par soumettre) mais aussi contre les ennemis extérieurs : les Espagnols qui occupent Larache et Assilah, les Anglais de la colonie britannique de Tanger jusqu'en 1684, ainsi que les Turcs de la Régence d'Alger qui convoitent Oujda et les provinces orientales. Le sultan étend l'autorité chérifienne sur la Mauritanie jusqu'au fleuve Sénégal grâce au concours des émirs maures et hassanis de l'Adrar, du Trarza, du Tagant et du Brakna, réaffirmant la souveraineté du makhzen sur le pays de Bilad Chenguitt. À l'est, les oasis du Touat reconnaissent l'autorité du pouvoir central de Meknès. Durant les années 1700, Ismaïl livre également des campagnes militaires contre quelques-uns de ses propres fils désireux de se tailler des principautés dans le Souss, à Marrakech et dans l'Oriental.

De 1727 à 1757, le Maroc connaît une grave crise dynastique au cours de laquelle les Bouakhers font et défont les sultans, tandis que les tribus guich se soulèvent et razzient les villes impériales. Les autres tribus profitent de l'anarchie pour entrer en dissidence (siba). De cette période troublée émerge la personnalité du sultan Abdallah ben Ismaïl, renversé et rétabli à plusieurs reprises entre 1729 et 1745. Sa mère la sultane douairière Khnata bent Bakkar, veuve de Moulay Ismail issue de l'une des plus prestigieuses tribus des provinces sahariennes, joue alors un rôle prédominant de régente et tente de préserver les institutions fondamentales de l'Empire chérifien[94].

Abdallah doit subir les sécessions de ses demi-frères qui fondent des quasi-royaumes dans chacune des provinces qu'ils contrôlent (Gharb, Fès, Marrakech, Tafilalt), avec l'appui des différentes factions armées des Bouakhers ou des guich. Les habitants de Salé et de Rabat renouent avec l'autonomisme corsaire, tandis que dans le Nord les pachas de la famille Rifi établissent une véritable dynastie qui contrôle Tanger et Tétouan. Les puissantes confédérations tribales berbères naguère soumises au makhzen ismailien, comme les Aït Idrassen et les Guerrouanes, participent à la dissidence politique et s'emparent du trafic caravanier qui relie les centres commerciaux au nord de l'Atlas aux oasis sahariennes et au Soudan marocain. Les gouverneurs de Tombouctou se comportent également en princes indépendants, et font reculer l'autorité marocaine dans la région de la boucle du Niger en traitant séparément avec les Touaregs et les Peuls.

Bombardement de Larache par la flotte française en 1765.
Traité de paix et de commerce franco-marocain de 1767.
Lettre de George Washington adressée à Mohammed III à l'occasion du traité de paix et d'amitié maroco-américain signé à Marrakech en 1787.

L'ordre est rétabli par Mohammed III (1757-1790) qui restaure l'unité du sultanat et l'autorité du makhzen. La politique de Mohammed III se caractérise par l'ouverture diplomatique et commerciale de l'État marocain qui entend percevoir les taxes douanières afin d'alléger la pression fiscale intérieure[95]. Des traités sont conclus avec les principales puissances européennes (royaume de France, royaume de Grande-Bretagne, royaume d'Espagne, royaume de Naples, république de Venise, Suède, Autriche), qui entretiennent des consulats et des compagnies de commerce dans les ports marocains fondés par Mohammed III. L'exemple le plus connu des nouvelles places économiques est Mogador (Essaouira), entièrement crée et conçue par l'ingénieur français Théodore Cornut pour le compte du souverain chérifien. Les ports d'Anfa (Casablanca) et de Fédala (Mohammédia) sont également aménagés et symbolisent le développement du littoral atlantique, libéré de toute occupation étrangère après la reconquête de Mazagan qui marque la fin définitive du Maroc portugais en 1769. Mohammed III est également le premier chef d'État à reconnaître l'indépendance des États-Unis en 1777. Le sultan établit une amitié épistolaire avec George Washington[96], ce qui vaut aux États-Unis, en vertu de la « politique de la porte ouverte », de conclure avec le Maroc un traité de paix, d'amitié et de commerce le (pour une durée de cinquante ans, renouvelé par le traité de Meknès de 1836)[97].

Mosquée de Sidi Ahmed Tijani construite à Fès sous le règne du sultan Moulay Slimane (1792-1822).

Moulay Slimane (1792-1822) mène une politique isolationniste, à l'inverse de Mohammed III. Le sultan ferme le pays au commerce étranger, notamment européen, et supprime les postes de douane créés par son père. Sur le plan interne, ses dahirs d'inspiration ouvertement salafiste provoquent des révoltes tribales et urbaines, liées à sa décision d'interdire les moussems et le soufisme militant des zaouïas très influentes dans certaines régions. Les Berbères du Moyen Atlas, notamment les Aït Oumalou, se regroupent sous la direction du chef de guerre Boubker Amhaouch et forment une grande coalition tribale à laquelle se joignent même les Rifains et la puissante zaouïa d'Ouezzane[98]. Durant les années 1810, l'armée makhzen essuie ainsi de lourdes défaites entraînant la chute de Fès et le repli du sultan sur les provinces de l'ouest qui lui sont restées loyales. Les tribus insurgées et la ville de Fès vont jusqu'à essayer d'imposer les princes Moulay Ibrahim et Moulay Saïd, fils de l'ancien sultan Yazid et neveux de Sulayman sur le trône chérifien, mais finissent par échouer dans leur tentative de changement du pouvoir[99].

Sur le plan extérieur, le sultan parvient à écarter les velléités de pression exercées par Napoléon Ier et par son frère Joseph Bonaparte intronisé roi d'Espagne à Madrid, proches voisins de l'Empire chérifien depuis l'occupation de la péninsule Ibérique par les troupes françaises en 1808, et affiche une neutralité bienveillante à l'égard des Britanniques qui occupent les présides espagnols du Maroc depuis 1808. Sulayman noue des relations diplomatiques avec Saoud ben Abdelaziz, prince de l'Émirat saoudien du Najd en Arabie, manifestant un intérêt certain pour le salafisme wahhabite en pleine progression[100]. Ce rapprochement stratégique s'explique par les affinités anti-ottomanes que partagent le sultan alaouite et l'émir saoudien, ainsi que par les sensibilités salafistes du chérif[101]. Profitant de sa campagne militaire contre la Régence d'Alger, Moulay Sulayman parvient à expulser définitivement les troupes ottomanes du bey d'Oran qui occupaient l'est du Maroc et à rétablir ainsi son pouvoir sur le Touat et les autres oasis du Sahara oriental, en y nommant des caïds représentants du makhzen.

Abderrahmane ben Hicham, sultan de l'Empire chérifien, devant son palais de Meknès par Eugène Delacroix (1845).

Le sultan finit néanmoins par abdiquer en 1822 au profit de son neveu Abderrahmane ben Hicham, après la lourde défaite infligée à l'armée makhzen par la zaouïa Cherradia près de Marrakech[102]. Moulay Abd ar-Rahman (1822-1859) essaie de sortir l'Empire chérifien de son isolement extérieur, mais ses volontés sont contrecarrées par les premières agressions du colonialisme européen moderne. Le règne de ce sultan correspond en effet à la conquête de l'Algérie par la France, dans laquelle le Maroc se trouve impliqué en apportant son soutien à l'émir Abdelkader ibn Muhieddine mais se retrouve défait à la bataille d'Isly (campagne militaire française du Maroc de 1844). La fin du règne est également assombrie par la guerre hispano-marocaine de 1859-1860, suscitée par des incidents entre la garnison de Ceuta et la tribu des Anjra, et qui s'achève par l'occupation espagnole de Tétouan jusqu'en 1862.

À la suite de ce conflit catastrophique pour le makhzen, qui doit payer aux Espagnols une indemnité de guerre de plusieurs millions de livres sterling empruntés auprès des banques britanniques, Mohammed IV (1859-1873) successeur de Moulay Abd al-Rahman amorce une politique de modernisation de l'Empire chérifien. L'armée est le premier champ de ces réformes structurelles. Le système des tribus guich est aboli et remplacé par un recrutement au sein de toutes les tribus nouaïbs (soumises à l'impôt régulier) qui sont tenues de fournir des tabors (unités) d'askars (soldats). Leur formation est confiée à des conseillers militaires turcs puis européens, à l'instar de l'Écossais Harry Mac-Lean (nommé caïd pour avoir créé un régiment d'élite sur le modèle britannique[103]), et l'armement est acheté auprès d'entreprises étrangères telles que la firme Krupp[104](ce qui marque le début de l'ingérence allemande dans les affaires marocaines), quand il n'est pas fabriqué localement. En 1871 le sultan envisage de demander la protection politique et militaire des États-Unis du président Ulysses S. Grant sortis de leur guerre de Sécession, afin de se soustraire aux pressions anglo-espagnoles[105].

Combats entre cavaliers espagnols et marocains durant la guerre de 1860.
Hassan ben Mohammed, sultan de 1873 à 1894.

Parallèlement à cette modernisation de l'armée, des industries sont créées, comme l'arsenal de Dar al-Makina fondé à Fès par des Italiens[106], des progrès techniques sont enregistrés comme l'installation de la première imprimerie arabe du Maroc, également à Fès depuis 1865. Mais cette politique entraîne de considérables dépenses qui nécessitent d'importants financements. Le makhzen, ruiné par les conséquences de la guerre de 1860 contre l'Espagne et par les emprunts bancaires contractés auprès des Anglais, se voit donc contraint de lever des taxes supplémentaires non conformes à la Loi islamique, rapidement impopulaires et désapprouvées par les oulémas et l'ensemble des corps sociaux et professionnels. Les tensions liées à cette décision éclatent au lendemain de la mort de Mohammed IV et à l'avènement de son successeur Hassan ben Mohammed en 1873. Elles prennent dans les villes la forme d'émeutes sociales violemment réprimées, dont la révolte des tanneurs de Fès est un exemple illustratif[107]. Le règne de Hassan Ier correspond à la volonté du sultan de concilier les exigences d'une modernisation de l'État aux complexités sociales et politiques du Maroc. Ce règne s'inscrit de plus dans la perspective des rivalités impérialistes européennes qui deviennent plus pressantes encore à la suite de la Conférence de Madrid de 1880, qui préfigure le futur partage de l'Empire chérifien sur l'échiquier international. À l'instar de la Turquie, de l'Iran ou de la Chine de cette époque, le Maroc devient un homme malade selon l'expression consacrée dans les milieux colonialistes et expansionnistes européens du XIXe siècle[108].

Abdelaziz, sultan de 1894 à 1908.

Par le biais des concessions économiques et du système des emprunts bancaires, chacune des puissances européennes intéressées, notamment la France, l'Espagne, le Royaume-Uni puis l'Allemagne, espère préparer la voie à une conquête totale du pays. L'habileté du makhzen est de savoir tenir à distance les convoitises conjuguées de l'impérialisme européen et de jouer des rivalités entre les puissances. Mais le décès de Hassan Ier, survenu au cours d'une expédition dans le Tadla en 1894, laisse le pouvoir au très jeune Abdelaziz ben Hassan, fils d'une favorite circassienne du harem sultanien du nom de Reqiya et originaire de Constantinople[109], qui par ses intrigues et son influence, favorise l'ascension du grand vizir Ahmed ben Moussa dit Bahmad[110].

Une ambassade marocaine en partance à Berlin, vers 1890 ou 1900.

Une véritable régence est alors exercée jusqu'en 1900 par le grand vizir Bahmad ben Moussa, issu de l'ancienne corporation des Abid al-Bukhari du Palais impérial. Le grand-vizir sait continuer intelligemment la politique pragmatique de Hassan Ier, mais sa disparition entraîne une aggravation de l'anarchie et des pressions étrangères, de même qu'une rivalité entre Moulay Abdelaziz et son frère Moulay Abdelhafid, khalifa du sultan à Marrakech, rivalité qui finit par générer une guerre de course au pouvoir.

Après la victoire d'Abdelhafid sur Abdelaziz (qui est exilé sous la protection des troupes françaises qui occupent Casablanca et sa région depuis 1907), des intellectuels réformateurs influencés par la révolution des Jeunes-Turcs dans l'Empire ottoman et par la Nahda venue d'Égypte et du Levant, et dont les idées sont exprimées par le journal tangérois Lisan Al-Maghrib, tentent de soumettre au nouveau sultan un projet de Constitution chérifienne le [111]. Cependant la crise profonde des institutions du sultanat et la pression de l'impérialisme européen rendent impossible l'aboutissement du projet constitutionnel.

Jilali Ben Driss Zerhouni, alias Bou Hamara (1903)

La faiblesse du makhzen permet en outre à un aventurier du nom de Jilali Ben Driss plus connu comme étant le rogui Bou Hmara de se faire passer pour un fils de Hassan Ier, de se faire reconnaître comme sultan dans l'ensemble du nord-est du pays et de mettre en déroute l'armée chérifienne pendant quelques années avant d'être finalement capturé et exécuté à Fès en 1909.

Un autre rebelle, el-Raisuni, établit son fief dans la région des Jebalas et provoque par ses enlèvements de ressortissants américains l'intervention du président des États-Unis Theodore Roosevelt qui menace le makhzen d'envoyer des navires de l'US Navy débarquer des troupes pour occuper Tanger[112]. La libération des otages évite une invasion américaine, dans un contexte international tendu marqué par la rivalité entre la France et l'Allemagne au sujet de l'avenir du Maroc.

Protectorat franco-espagnol (1912-1956)

Abdication du sultan Abdelhafid qui avait signé le traité de protectorat avec la France en 1912.

En 1906, la Conférence d'Algésiras place le Maroc sous contrôle international et accorde à la France des droits spéciaux[113]. Ces droits sont néanmoins contestés par l'Allemagne de Guillaume II, qui convoite l'Empire chérifien et se heurte aux appétits français : affaires marocaines de la crise de Tanger et du coup d'Agadir en 1905 et 1911 : à Tanger le Kaiser vient prononcer un discours orienté contre la France, tandis qu'à Agadir la marine impériale allemande est sur le point de débarquer des troupes, ce qui provoque l'émoi dans toute l'Europe[114].

Carte du Maroc après le Traité de Fès de 1912, l'Empire chérifien est divisé en plusieurs zones de domination, française, espagnole et internationale.

À la suite du traité conclu entre la France et le Maroc le , pour l'organisation du Protectorat français dans l'Empire chérifien, le Nord et le Rio de Oro sont attribués à l'Espagne, tandis que les régions centrales avec leurs villes principales et la côte atlantique où se situent les grands ports reviennent à la France. Dans le système de protectorat, le sultan et le makhzen traditionnel sont maintenus, mais le pouvoir appartient en réalité au résident général et au haut-commissaire, qui représentent respectivement la puissance de tutelle française à Rabat et espagnole à Tétouan. La ville de Tanger constitue une zone internationale gouvernée par une commission où siègent les États-Unis et les pays européens possédant des intérêts dans l'Empire chérifien. Ce système est contesté par le mouvement national marocain à partir des années 1930, et surtout à l'issue de la Seconde Guerre mondiale. Par ailleurs, l'ensemble du territoire marocain n'est soumis aux puissances coloniales qu'à l'issue d'une longue guerre de conquête, dite pacification du Maroc, qui s'échelonne de 1907 à 1934. De 1921 à 1926 la guerre du Rif menée par Abdelkrim el-Khattabi contre l'Espagne et la France connaît un retentissement planétaire.

Immeuble de la période du protectorat français à Casablanca.

En 1943, après le débarquement des forces américaines en Afrique du Nord, Casablanca abrite une grande conférence alliée qui décide d'obtenir la reddition inconditionnelle de l'Axe Rome-Berlin-Tokyo et d'ouvrir de nouveaux fronts en Europe occidentale pour soulager l'Union soviétique de la pression militaire nazie.

Le Maroc accède officiellement à l'indépendance en 1956, après les sursauts d'une lutte de plus en plus rude entre les autorités coloniales et le mouvement national. La tension est très forte dès la fin de l'année 1952, qui voit se dérouler les émeutes des 7 et 8 décembre 1952 à Casablanca, causant de cent à trois cents morts selon les historiens[115],[116].

L'armée de libération nationale et la guerre d'indépendance

L'Armée de libération nationale (Maroc) fondée d'après une idée d'Abdelkrim el-Khattabi (Comité de Libération du Maghreb) est issue au départ de l'Istiqlal et chapeautée politiquement par le comité de Tétouan. Elle viendra se greffer sur un début de révolte de la tribu Igzenayen consécutif à la non signature par ses chefs (sur ordre de Mohand ben Messaoud Ababou) des pétitions lancées par les Caïds de l'atlas, visant à déposer le sultan Mohammed Ben Youssef (futur M5) au profit de Mohammed ben Arafa, imposé par la France et le Glaoui[117],[118],[119],[120].À partir de 1953 et la nomination du capitaine Taddi à Boured, la tribu connaitra une période d'extrême tension entre ses chefs et les autorités françaises[121].

Profitant de la proximité de la zone espagnole et de la protection de Cheikh Messaoud Ababou, membre du comité de Tétouan qui la chapeaute politiquement[122], l'ALN sera en mesure de s'entrainer en pleins territoire des Asht Assem des Igzenayen de 1954 à son premier, coup d'éclat, l'attaque simultanée de trois bureaux indigènes (Boured, Tizi ouasli, Imouzzer Marmoucha) dont la principale à Boured le . Ce fut le commencement de la guerre d'indépendance aussi appelé " La deuxième guerre du Rif "[123],[124]. Les combats, d'une rare intensité et mobilisant 15 000 soldats français dureront jusqu'au mois de mars 1956, principalement sur le territoire des Igzenayen (le front rifain étant le seul à se développer), et au retour du Roi puis à la proclamation de l'indépendance à travers les accords d'Aix-les-Bains en 1955[117],[118],[119].

L'ALN a été fondée politiquement par des gens de tout le Maroc (Abbas, Khatib etc), le Chef des opérations était Hassan Zkriti (Igzenayen), le Chef Militaire Mohamed Ghabouchi (Igzennayen) et le coordinateur front nord (principalement depuis Nador) était Abbas Mesaaâdi cependant l'immense majorité de ses troupes combattantes et de ses commandants (Mohamed Ghabbouchi, Hassan Zkriti, Massoud Akjoud, Akoudad etc) étaient issus de Igzennayen, Ait Ammart et dans une moindre mesure Ait Ouriaghel[117],[118],[119].À son plus fort elle est composée de prêt de 5 000 hommes[125].

Le , à la suite de l'appel au calme du sultan Sidi Mohammed ben Youssef après l'annonce de l'indépendance du Maroc, le haut commandement de l'ALN en accord avec le Mouvement de la Résistance annonce dans un tract la cessation provisoire des opérations militaires notamment dans le Rif, tout gardant ses positions jusqu'à ce que la souveraineté marocaine soit entièrement libérée sans condition ni réserve[126].Le 31 mars, le sultan reçoit trente chefs de l'ALN, venant des secteurs du Rif, du Maroc oriental, de l'Atlas et des confins algéro-marocains, confirmant leur allégeance et obéissance à la monarchie et l'ALN est intégrée officiellement au Far le 14 mai 1958[126], elle est alors composée des effectifs de l'ALN et l'ALN sud (ALNS).

Maroc indépendant (depuis 1956)

Le Maroc accède à son indépendance le et se trouve confronté dès lors à de nombreux enjeux d'ordre politique, économique et social (parachèvement de l'intégrité territoriale et stabilisation de la situation intérieure). En 1961, le décès de Mohammed V, qui a été le dernier sultan de l'Empire chérifien et le premier roi du Maroc moderne (le titre de roi remplace celui de sultan en 1957), laisse le trône à son fils Hassan II qui doit relever dès lors un ensemble de défis, consolider son pouvoir et assurer la place du Maroc dans le contexte mondial de la guerre froide et de la décolonisation.

Le roi Hassan II à Marrakech en 1967.

En 1963, lors de la guerre des Sables, le Maroc et l'Algérie nouvellement indépendante s'opposent pour le contrôle des régions des confins situées entre Figuig et Tindouf. Le pays est marqué en 1965 par les émeutes de Casablanca, et par la disparition du chef de l'opposition de gauche et chef de file du tiers-mondisme Mehdi Ben Barka (enlevé à Paris en collaboration entre le pouvoir monarchique marocain et les services secrets français), ce qui conduit à la proclamation de l'état d'exception jusqu'en 1970. Les deux ans qui suivent connaissent l'échec de deux coups d'État militaires — dits « de Skhirat » (lieutenant-colonel Ababou et général Medbouh le 10 juillet 1971), et « des aviateurs » (Général Oufkir 16 août 1972) —, entre lesquels la Constitution a été modifiée. En novembre 1975, l'ensemble des partis politiques joignent leurs efforts avec le souverain dans son projet de la Marche verte pour la récupération des Provinces du Sud dans l'ancien Sahara espagnol. Au fil du temps, le royaume retrouve sa stabilité politique. Durant les deux dernières décennies du XXe siècle, une succession d'années de sécheresses ainsi que le plan d'ajustement structurel imposé par le Fonds monétaire international entraînent une crise économique et sociale très profonde.

À partir des années 1990, une opération de grande envergure pour la privatisation des entreprises publiques est menée par le roi et André Azoulay, le conseiller économique de la monarchie. Le groupe français Accor a ainsi pu acquérir six hôtels de la chaîne marocaine Moussafir et la gestion du palais Jamaï de Fès. Cette opération de privatisation permet d'une part aux notables marocains proches du pouvoir de contrôler les entreprises publiques les plus en vue, et, d'autre part, aux sociétés françaises d'opérer un retour en force dans l'économie du pays. La famille royale acquiert notamment le groupe minier Monagem[127].

Un gouvernement d'alternance, dominé par la Koutla et mené par Abderrahman Youssoufi de l'USFP, est formé à la suite des élections législatives de 1997. Après le décès de Hassan II en juillet 1999, Mohammed VI accède au trône.

En 2011, douze années après le début du règne, le Maroc est touché par les remous du Printemps arabe et connaît une série de manifestations populaires. Le roi fait alors approuver une nouvelle Constitution par référendum. Les élections législatives qui s'ensuivent sont remportées par les islamistes modérés du PJD, qui forment un gouvernement de coalition avec d'autres partis politiques, mené par Abdel-Ilah Benkiran.

Le PJD remporte à nouveau les élections législatives en 2016. Cette année-là, le Maroc opère un virage stratégique en direction de la Russie[128] et de la Chine[129]. En outre le royaume réintègre l'Union africaine en 2017[130], et a fait une demande d'adhésion à la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest[131].

Armoiries
Armes du Maroc (1957)

Les armes du Maroc se blasonnent ainsi : « de gueules, avec en chef un soleil naissant à quinze rayons d'or sur champ azur, soutenu d'une fasce divisée voûtée de sinople, fuselée d'or et d'argent ; le tout surchargé d'un pentalpha de sinople. L'écu est timbré de la couronne royale marocaine d'or, ornée de perles de gueules et de sinople alternées et surmontée d'une étoile (pentalpha) d'or ; il est bordé de lambrequins d'or soutenus de deux cornes d'abondance et supporté par lions au naturel : celui de dextre étant de profil et celui de senestre est léopardé, et pour devise, sur un listel d'or : (Arabe : إن تنصروا الله ينصركم) Si vous glorifiez Allah, il vous donnera la gloire (le verset 7 de la sourate XLVII du Coran) ».

Économie

Évolution du PIB réel par habitant de Maroc.

Le Maroc est la cinquième puissance économique en Afrique en étant classé onzième pays africain en nombre d'habitants et 25e en superficie. Il est certes la troisième puissance économique d'Afrique du Nord, derrière l'Égypte et l'Algérie, classées respectivement troisième et huitième populations africaines et douzième et premier pays plus vastes du continent, néanmoins, le royaume chérifien devient deuxième[132] pays investisseur sur son propre continent. L'évolution de l'économie marocaine a manifesté un degré de résilience remarquable au sein de son environnement régional : le Maroc a enregistré un rythme de croissance parmi les plus élevés de la zone MENA, région ayant, relativement bien surmonté la crise mondiale en réalisant une croissance moyenne supérieure à la zone euro, les PECO et l'Amérique latine. Ainsi, le Maroc a réalisé une croissance annuelle moyenne de 4,3 %[133] durant la période 2008-2013 contre 4 % pour la zone MENA, -0,3 % dans la zone euro, 2,3 % dans les PECO et 3,2 % dans l'Amérique latine et Caraïbes. Cette performance est le résultat de la hausse de 9,2 % par an de la valeur ajoutée du secteur primaire et de la bonne tenue du secteur non agricole, grâce, notamment, aux performances du secteur tertiaire. De 2004 à 2014 le PIB marocain est passé de 56 à 107 milliards de dollars avec une inflation bien maîtrisée se situant à une moyenne annuelle de 1,8 %. Selon le ministère de l'économie le Maroc a enregistré en 2015 une inflation de 1,6 % et une croissance de 4,8 %[134] tirée par une bonne année agricole, un chiffre supérieur aux prévisions de la loi de finances 2015 qui tablait sur une croissance de 4,4 %. En 2022, le Maroc est classé en 67e position pour l'indice mondial de l'innovation[135].

Répartition de l'économie marocaine en 2014.

En 2014 la valeur ajoutée du secteur tertiaire atteint 55,8 %[136] du PIB suivie de 29,6 % pour l'industrie et 13,6 % pour l'agriculture. L'industrie manufacturière est dominée par le textile, les articles de cuir, la transformation des aliments, du raffinage de pétrole et du montage électronique. De nouveaux secteurs offrent un potentiel de croissance élevé et diminuent la dépendance du royaume à son secteur agricole : chimie, équipement automobile, informatique, électronique et industrie aéronautique.

En 2019, le Maroc « reste le pays le plus inégalitaire du nord de l'Afrique et dans la moitié la plus inégalitaire des pays de la planète, En 2018, les trois milliardaires marocains les plus riches détenaient à eux seuls 4,5 milliards de dollars, soit 44 milliards de dirhams. L'augmentation de leur fortune en un an représente autant que la consommation de 375 000 Marocains parmi les plus pauvres sur la même période », souligne un rapport de l'ONG Oxfam[137].

Le Maroc progresse régulièrement au classement Doing Business — ou « indice de facilité de faire des affaires » — établit chaque année par la Banque mondiale. En 2020, il occupe la 53e place, ce qui représente un progrès de sept rangs par rapport à l'année précédente. Néanmoins, les investissements ne profitent qu'à une faible portion de la population. L'indice de développement humain (IDH) établi par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) place en 2021 le royaume à la 123e place, loin derrière l'Algérie (91e) et la Tunisie (97e). L'économiste Taïeb Aisse, conseiller du gouvernement marocain, « remarque qu'il y a 10 % de citoyens en situation de pauvreté extrême, totale ; c'est-à-dire qu'ils n'ont rien, aucun revenu ; c'est très dangereux[138]. »

Sources : Fonds monétaire international[139]
Indicateur 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015
Produit intérieur brut en milliards de dollars US 65,64 74,41 85,21 91,41 90,80 99,17 100,35 105,50 107 112*
Croissance du PIB (prix constants) 7,8 % 2,7 % 6,5 % 5,5 % 3,6 % 4,2 % 3,1 % 4,1 % 2,4 %[140] 4,8 %[134]
PIB par habitant en dollars US 2 151* 2 422* 2 901* 2 868 2 823* 3 044* 2 900* 3 095* 3 140* 3 275*
Taux d'inflation1 3,3 % 2,0 % 3,7 % 1,0 % 1,0 % 0,9 % 1,3 % 1,9 % 0,4 % 1,6 %[134]

(*) Donnée estimée (1) Banque mondiale

PIB par région

Twin Center, Casablanca.
Centre des affaires de Rabat.
Aéroport de Marrakech Ménara.
Gare ONCF de Tanger ville.
Baie d'Agadir (2011).
Ifrane en Hiver.
Ancien découpage régional
Rang Régions La part du PIB total PIB régionalisé (million de $)/équivalent
1 Grand Casablanca 18,8 % 16 709 Drapeau de Bahreïn Bahreïn
2 Souss-Massa-Drâa 12,2 % 10 843 Drapeau du Sénégal Sénégal
3 Rabat-Salé-Zemmour-Zaër 9,8 % 8 710 Drapeau du Cambodge Cambodge
4 Marrakech-Tensift-Al Haouz 8,2 % 7 288 Drapeau de la Macédoine Macédoine
5 Tanger-Tétouan 7,4 % 6 577 Drapeau du Mali Mali
6 L'Oriental 7,1 % 6 310 Drapeau de Malte Malte
7 Gharb-Chrarda-Beni Hssen 6,9 % 6 132 Drapeau d'Haïti Haïti
8 Doukkala-Abda 5,4 % 4 799 Drapeau du Nicaragua Nicaragua
9 Chaouia-Ouardigha 5,2 % 4 621 Drapeau de la Guinée Guinée
10 Drâa-Tafilalet 4,9 % 4 355 Drapeau de la Moldavie Moldavie
11 Fès-Boulemane 4,2 % 3 732 Drapeau de la Mongolie Mongolie
12 Tadla-Azilal 4,2 % 3 732 Drapeau du Tadjikistan Tadjikistan
13 Provinces du Sud 3,0 % 2 666 Drapeau de la Mauritanie Mauritanie
14 Taza-Al Hoceïma-Taounate 2,7 % 2 399 Drapeau du Togo Togo

Direction des Études et des Prévisions Financières (DEPF)[141]

Le nouveau découpage territorial marocain comporte douze régions ; le Maroc dans sa nouvelle constitution adoptée en 2011 donne une grande autonomie et responsabilité aux régions afin d'agir pour le développement économique local. L'objectif du nouveau découpage est de former des régions assez grandes en vue d'une meilleure complémentarité économique et sociale, contrairement à plusieurs pays européens qui ont eu une expérience plus avancée en organisations territoriales qui spécifient des langues locales à introduire dans l'enseignement public par régions, au Maroc deux langues officielles sont retenues (l'arabe, et l'amazigh) et qui sont enseignées dans toutes les régions. Afin de mieux organiser les départs en vacances un calendrier de vacances scolaires décalées selon les régions est en cours d'élaboration.

Les aménagements futurs du territoire seront calqués sur ce découpage régional actuel à savoir les nouvelles zones d'activités économiques, les zones logistiques, les nouveaux aéroports, les nouvelles autoroutes pour relier les régions, les voies express, les lignes ferroviaires et les nouveaux ports. Mis à part les trois régions centrales qui n'ont pas accès à la mer toutes les autres régions qui n'ont pas de port commercial seront dotées chacune d'un port en eau profonde, la région 6 quant à elle, hérite de deux grands ports avec le nouveau découpage, le port de Casablanca et le port de Jorfsfar. Rabat qui n'avait pas de port dans l'ancien découpage aura à disposition le futur grand port Kénitra Atlantique, le grand port de Safi en construction sera baptisé le port de Marrakech sa capitale de région (région 7), pour les régions qui n'ont pas accès à la mer un arc d'autoroute de 900 km reliera les régions 7, 5, 3 et 1 sous forme d'une nouvelle autoroute Safi - Marrakech - Beni Mellal - Fès - Tanger. La région 11 détient un grand port commercial à Laâyoune, la région 12 voisine sera dotée d'un port en eau profonde (Dakhla Atlantique), ces deux régions seront reliées aux régions 9 et 10 par une voie express de 1 200 km partant de Agadir - Tiznit - Laâyoune - Dakhla[142].

Carte des nouvelles régions (depuis 2015)
Nouveau découpage (depuis janvier 2015[143])
Rang Régions Part du PIB total Population PIB/Habitant (en $)/équivalent
1 Casablanca-Settat 24,5 % 6 085 000 en augmentation 4 369 Drapeau de la Tunisie Tunisie
2 Rabat-Salé-Kénitra 15,8 % 4 272 901 en augmentation 4 025 Drapeau du Paraguay Paraguay
3 Marrakech-Safi 11 % 4 108 000 en diminution 2 870 Drapeau des Philippines Philippines
4 Souss-Massa 10,5 % 2 475 143 en augmentation 4 681 Drapeau de la Jordanie Jordanie
5 Fes-Meknes 9 % 4 022 128 en diminution 2 407 Drapeau du Honduras Honduras
6 BeniMellal-khenifra 8,1 % 2 611 499 en augmentation 3 333 Drapeau de l'Eswatini Eswatini
7 Oriental-Rif 7,6 % 2 434 870 en diminution 3 127 Drapeau du Sri Lanka Sri Lanka
8 Tanger-Tétouan 7,2 % 2 830 101 en diminution 2 751 Drapeau du Vanuatu Vanuatu
9 Drâa‐Tafilalet 3,3 % 1 392 501 en diminution 2 716 Drapeau de la Bolivie Bolivie
10 Laâyoune‐Saguia al Hamra 1,4 % 364 000 en augmentation 4 993