Robert Bellarmin — Wikipédia

Robert Bellarmin
Saint et Docteur de l'Église
Image illustrative de l’article Robert Bellarmin
Biographie
Naissance
Montepulciano, Drapeau de la République florentine République de Florence
Ordre religieux Compagnie de Jésus
Ordination sacerdotale (Gand)
Décès (à 78 ans)
Rome,  États pontificaux
Saint de l'Église catholique
Canonisation par le pape Pie XI
Béatification par le pape Pie XI
Cardinal de l'Église catholique
Créé
cardinal
par le
pape Clément VIII
Titre cardinalice Cardinal-prêtre de S. Matteo in Via Merulana
Cardinal-prêtre de S. Prassede
Évêque de l'Église catholique
Ordination épiscopale par le
pape Clément VIII
Archevêque de Capoue

Blason
(en) Notice sur www.catholic-hierarchy.org

Roberto Francesco Romolo Bellarmino (francisé en Robert Bellarmin), né à Montepulciano en Toscane (Italie) le et mort à Rome le , est un prêtre jésuite italien, théologien, écrivain et apologiste. Le pape Clément VIII, dont il est proche conseiller, le crée cardinal-prêtre en 1599. Nommé archevêque de Capoue et consacré évêque en 1602, il est rappelé à Rome en 1605 par Paul V, qui l'y estime indispensable. Membre de la Sacrée congrégation de l'Inquisition romaine et universelle, il participe activement au procès de Giordano Bruno, brûlé vif le , et à la controverse née des théories astronomiques de Galilée. Il participa à la révision de la Vulgate de saint Jérôme. Il fut également un exégète de talent et rédigea une grammaire hébraïque et un commentaire des Psaumes[1],[2].

Le pape Pie XI, qui lui voue une grande admiration, le béatifie en 1923, le canonise en 1930 et le déclare Docteur de l'Église en 1931. Sa fête est fixée au [3].

Biographie[modifier | modifier le code]

Formation et enseignement à Louvain[modifier | modifier le code]

Issu d'une riche et nombreuse famille toscane, Robert est fils de Vincenzo Bellarmino. Sa mère, Cinthia Cervini, est sœur du cardinal Marcello Cervini, futur pape Marcel II. Après avoir rejoint le collège récemment ouvert par les jésuites à Montepulciano et envisagé d'être médecin, Robert Bellarmin entre à la Compagnie de Jésus le . Dispensé du noviciat, il part étudier au Collège romain.

Trois années de philosophie sont suivies d'humanités à Florence puis à Mondovì. Il entame l'étude de la théologie à Padoue en 1567 pour l'achever deux ans plus tard à Louvain, au théologat jésuite tout juste inauguré. Il y devient professeur l'année suivante. Grand admirateur de Thomas d'Aquin, il y introduit la théologie thomiste et y enseigne jusqu'en 1576. Ordonné prêtre à Gand le , il acquiert rapidement, aux Pays-Bas méridionaux, une réputation de prédicateur éloquent et d'enseignant rigoureux. Il s'oppose vigoureusement au baïanisme propagé par le théologien louvaniste Michel De Bay.

Il insistera plus tard pour que le thomisme soit à la base de l'éducation théologique des jésuites (Ratio Studiorum approuvé par la cinquième Congrégation générale de 1593).

Rôle à Rome[modifier | modifier le code]

L'art de la controverse[modifier | modifier le code]

Appelé à Rome en 1576 pour y tenir la « chaire de controverses » au Collège romain[3], il se distingue par ses compétences théologiques mises au service de la défense de la foi catholique et, plus encore, par sa courtoisie vis-à-vis des Protestants. À une époque où les débats tournent vite aux injures et attaques personnelles, Bellarmin réfute certes des doctrines que Rome estime erronées mais il respecte les personnes. Maître dans l'art de débattre, il rédige entre 1586 et 1593 les Disputationes de controversiis Christianæ fidei, adversus hereticos (Débats sur les controverses de la foi chrétienne, contre les hérétiques). Cet ouvrage rencontre un vif succès, y compris chez les Protestants d'Angleterre et d'Allemagne dont les plus éminents théologiens prennent la plume pour tenter une réfutation[4], puisqu'il connaît vingt éditions du vivant de son auteur. L'évêque anglican de Chichester Richard Montagu tient Bellarmin en haute estime[5]. Dans son Léviathan, Hobbes s'essaiera non sans mal à réfuter De Summo Pontifice - 3e controverse du corps[6].

Simultanément, il participe à la commission chargée de réviser le texte de la Vulgate préparé sous le pontificat de Sixte-Quint, et qui aboutit à la Vulgate sixto-clémentine (1592).

Monument à Robert Bellarmin dans l'église du Gesù à Rome.

Au Collège romain où tous les deux résident, il assume la direction spirituelle de l'étudiant jésuite Louis de Gonzague, qui mourra peu après victime de son dévouement aux pestiférés. Bellarmin exprimera le souhait d'être enterré à ses côtés[7].

Cardinal et théologien papal[modifier | modifier le code]

Il accompagne Henri Caietan, envoyé en France comme légat par Sixte Quint. Puis il est théologien de Clément VIII, qui ordonne aux paroisses d'utiliser le petit catéchisme de Bellarmin, publié en 1597 sous le titre italien « Dottrina cristiana breve », et le crée cardinal en 1599.

Nommé archevêque de Capoue en 1601, il apprécie également le travail pastoral : il organise régulièrement des synodes dans son diocèse, dont il visite toutes les paroisses. Sans le véto de l'Espagne, il aurait été élu pape au conclave de 1605.

Auprès de Paul V[modifier | modifier le code]

Aussitôt fait pape, Paul V l'appelle à Rome, où il siège dans diverses congrégations (Index, Saint-Office, Propagation de la foi...). Il s'engage dans la défense des droits et du pouvoir temporel de la papauté. En 1620, il est créé cardinal-prêtre du titre cardinalice « Sainte Praxède »[3].

Les écrits des dernières années de Bellarmin sont empreints d'ascétisme et de spiritualité. Plusieurs fois, il demande de se retirer. Paul V refuse en disant : « l'Église ne peut pas se passer de lui ! ». Devenu sourd, il finit ses jours à Rome au noviciat jésuite de Saint-André du Quirinal , où il meurt le .

La postérité conserve de lui l'image d'un homme qui, par amour de l'Église, a défendu toute sa vie la doctrine catholique contre les hérétiques et le pouvoir temporel des papes (De potestate summi Pontificis in rebus temporalibus, 1610). Cependant, n'étant pas allé aussi loin que d'autres théologiens de son temps, il a été considéré comme trop modéré par Rome et ultramontain par la France.

Membre de la Congrégation du Saint-Office[modifier | modifier le code]

Proche conseiller du pape et cardinal inquisiteur, Robert Bellarmin participe activement, mais différemment, à deux procès ecclésiastiques restés célèbres[3].

C'est à lui que Clément VIII confie l'instruction du procès de Giordano Bruno, ancien frère dominicain qui développe une doctrine philosophique jugée non conforme à la foi catholique. Au cours des sept années de ce procès, le cardinal Robert Bellarmin conduit une vingtaine d'interrogatoires. L'Inquisition fait alors usage de la torture pour obtenir des aveux mais Giordano Bruno ne cède pas. Bellarmin lui rend visite dans sa prison et tente, avec des succès éphémères, de le ramener à la foi[8]. Considéré comme athée et hérétique, Bruno est brûlé vif le .

En 1616, Bellarmin ordonne à Galilée de cesser d'enseigner comme vrai l'héliocentrisme de Nicolas Copernic. Selon lui, ce système ne doit rester qu'une simple hypothèse mathématique dépourvue d'affirmation philosophique. C'est du reste ce que préconise, dans la préface au « De revolutionibus orbium coelestium » de Copernic qu'il a publié en 1543, le théologien luthérien Andreas Osiander. Cette interdiction d’enseigner, qui n’est pas encore une condamnation, est notifiée à Galilée début 1616.

Mais le bruit circule que Galilée a été condamné et puni. Sur sa demande, Bellarmin fournit au savant un document daté du , infirmant les rumeurs mais interdisant de défendre et d’enseigner l’héliocentrisme[9]. Retiré de la vie publique et décédé en 1621, Bellarmin ne participera pas au procès de Galilée, qui conduira à son abjuration en 1633.

En 1992, lors de la conclusion des travaux de la « Commission d'étude de la controverse ptoléméo-copernicienne », le pape Jean-Paul II reconnaît les erreurs de « la plupart des théologiens » dans le cadre d'une repentance de l'Église, sans toutefois mentionner explicitement le rôle de l'Inquisition[10].

Postérité[modifier | modifier le code]

Exemple de bellarmine.

Ouvrages[modifier | modifier le code]

Dottrina cristiana breve, 1752.
  • Apologia Roberti S. R. E. Cardinalis Bellarmini, pro responsione sua ad librum Iacobi Magnæ Britanniæ Regis, cuius titulus est, Triplici nodo triplex cuneus; in qua apologia refellitur Præfatio Monitoria Regis eiusdem. Accessit eadem ipsa responsio, iam tertio recusa, quæ sub nomine Matthæi Torti Anno superiore prodierat.Köln, Johann Kinckes, 1610.
  • Apologie de l'illustrissime Robert Bellarmin, … pour la responce dudit sieur au livre du serenissime roy de la Grand'Bretaigne… avec la responce cy-devant publiée, sous le nom de Matthieu Torty. - Responce du cardinal Bellarmin au livre intitulé « A triple coing, triple nœud » ou autrement « Apologie pour le serment de fidélité contre deux brefs du Pape Paul V et les dernières lettres du cardinal Bellarmin, escrites à Georges Blacwel, archiprêtre d'Angleterre ». (S. l.), 1610.
  • Roberto Bellarmino, De scriptoribus ecclesiasticis: liber unus : cum adiunctis indicibus undecim, & breui chronologia ab orbe condito usque ad annum M.DC.XII, Romae, Ex typographia Bartholomaei Zannetti, (lire en ligne)
  • Disputationes de controversiis christianæ fidei adversus hujus temporis hæreticos.
  • De ascensione mentis in deum per scalas rerum creatarum , 1615
  • Catéchisme, très répandu.
  • 3 volumes in-folio d'Œuvres diverses (Cologne, 1619).

Il a adressé l'Histoire de sa vie au jésuite Andreas Eudaemon-Joannes. Ses Œuvres complètes ont paru à Naples en 1857-1860, en 7 volumes in-4.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (la + he) Roberto Bellarmino, Institutiones linguae hebraicae ex optimo quoque auctore collectae, et ad quantam maximam fieri potuit breuitatem, perspicuitatem, atque ordinem reuocatae, Romae, apud Franciscum Zanettum, (lire en ligne)
  2. (la) Roberto Bellarmino, In omnes Psalmos dilucida explanatio, Brixiae, apud Io. Baptistam, & Antonium Bozzolas, (lire en ligne)
  3. a b c et d Franco Motta, Les Jésuites, Histoire et Dictionnaire, Paris, Bouquins éditions, , 493-495 p. (ISBN 978-2-38292-305-4)
  4. Ainsi William Whitaker, théologien de Cambridge, dans son Disputation on Holy Scripture against Papists especially Bellarmine and Stapleton de 1588.
  5. Il écrit : « He was a man, I must say, of wonderful industry and learning, and his reading was stupendous. He was the first and only one to put his hand with amazing skill to that shapeless mass and huge chaos of controversies to reduce its confusion to order and to give it elegance. And all this was done carefully and accurately after years of study. Outdistancing every rival, he snatched away the palm and won for himself all the praise in the world. Those who treat of controversies in our day borrow practically all their material from his stores, as the poets do from Homer », dans James Brodrick, Robert Bellarmine, saint and scholar, Westminster, Newman Press, 1961, p. 70.
  6. Note de Gérard Mairet dans Léviathan, éditions Gallimard, 2000, ch. 42 « Du pouvoir ecclésiastique », p. 700.
  7. Les deux corps reposent dans des chapelles latérales droites de l'église Saint-Ignace de Rome.
  8. Angelo Mercati, « Il sommario del processo di Giordano Bruno », dans Studi e Teste, Vol. 101, 1942, p. 126 et sv.
  9. Texte dans James Brodrick, Robert Bellarmin, Saint and Scholar, Westminster, Newman Press, 1961, p. 176.
  10. Annibale Fantoli : Problèmes historiques posés par la "clôture" de la question galiléenne (1992), dans : Francesco Beretta (dir.), Galilée en procès, Galilée réhabilité ?, p. 91-112.

Pour approfondir[modifier | modifier le code]

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Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Nicolas Frizon, La vie du cardinal Bellarmin de la Compagnie de Jésus, Nancy, Paul Barbier, 1708.
  • « Le cardinal Bellarmin », dans Louis Ellies Dupin, Nouvelle bibliothèque des auteurs ecclésiastiques, chez Pierre Humbert, Amsterdam, 1711, tome XVII, p. 18-25 [lire en ligne].
  • Alfred Bernier, Un cardinal humaniste. Saint Robert Bellarmin de la C.d.J. et la Musique liturgique, Montréal-Paris, 1939.
  • James Brodrick, Robert Bellarmin, l'humaniste et le Saint, Bruges, DDB, 1963.
  • Peter Godman, Histoire secrète de l'Inquisition. De Paul III à Jean-Paul II, Perrin, coll. « Tempus », .
  • Francesco Beretta (sous la direction de), Galilée en procès, Galilée réhabilité ?, Éditions Saint-Augustin, 2005.

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]