Rafle des intellectuels arméniens du 24 avril 1915 à Constantinople — Wikipédia

Quelques intellectuels arméniens raflés le puis assassinés :
- première ligne : Krikor Zohrab, Taniel Varoujan, Roupen Zartarian, Ardachès Haroutunian et Siamanto ;
- seconde ligne : Roupen Sévag, Dikran Tcheugurian, Diran Kélékian, Tlgadintsi et Eroukhan.

La rafle des intellectuels arméniens du à Constantinople parfois appelé dimanche rouge (en arménien : Կարմիր կիրակի) est un évènement marquant le commencement du génocide arménien, qui a consisté en l'arrestation des élites arméniennes de Constantinople, le . Ceux-ci ont ensuite été conduits dans des centres de rétention où la plupart ont été immédiatement assassinés. Ces arrestations ont été décidées par le ministre de l'intérieur de l'Empire ottoman Talaat Pacha. Dans la nuit du , 235 à 270 intellectuels arméniens sont arrêtés. En comptant les arrestations survenues les jours suivants à Constantinople, on atteint le chiffre de 2 345 déportations ; l'écrivain Vrtanes Papazian et le musicien Komitas sont parmi les rares à y avoir survécu.

La date du 24 avril a été choisie comme journée de commémoration du génocide arménien à travers le monde, en Arménie où le jour est férié comme pour la diaspora arménienne[1].

Déportations[modifier | modifier le code]

Original de l'ordre du ministre de l'intérieur Talaat Pacha du 24 avril 1915.

Détentions à Constantinople[modifier | modifier le code]

Le ministre de l'intérieur Talaat Pacha du gouvernement Jeunes-Turcs donne le l'ordre de l'arrestation d'intellectuels arméniens. L'opération débute à 20 heures[2] à Constantinople et est conduite par Bedri Bey, le chef de la police de Constantinople[3]. Dans la nuit du 24 au , 235 à 270 intellectuels arméniens sont alors arrêtés, en particulier des ecclésiastiques, des médecins, des éditeurs, des journalistes, des avocats, des enseignants et des hommes politiques[4],[5]. Les personnes arrêtées sont maintenues en détention pour identification durant une journée, soit en commissariat de police (en turc ottoman : Emniyeti Umumiye) soit à la prison centrale. Une seconde vague d'arrestation est alors lancée et conduit à l'arrestation de 500 à 600 Arméniens[4],[6]. Quelques-uns, comme l'écrivain et poète Alexandre Panossian (1859-1919), ont été libérés rapidement mais la plupart ont été ensuite déportés. Au total, on estime que 2 345 notables Arméniens ont été arrêtés en quelques jours, avant d'être déportés[7],[8]. La plupart d'entre eux n'avaient aucune activité politique ou nationaliste[7].

Centres de rétention[modifier | modifier le code]

Le , peu après la promulgation de la loi Tehcir, les Arméniens détenus à Constantinople sont déportés vers la Syrie ottomane.

Une partie des détenus est conduite à la gare de Haydarpasa après avoir emprunté le bateau à vapeur (vapur) no 67 de la compagnie Şirket. Après dix heures d'attente, ils prennent le lendemain un train spécial en direction d'Ankara. 220 Arméniens étaient dans ce convoi ferroviaire[9]. Un conducteur de train qui avait obtenu la liste des Arméniens déportés par ce convoi, parvient à la transmettre à Zaven Ier Der Eghiayan ; celui-ci tente alors de faire libérer autant de prisonniers que possible. Il est aidé dans cette tâche par l'ambassadeur américain Henry Morgenthau senior[10]. Malgré leurs efforts, cette tentative n'aboutit pas. Après 20 heures de voyages, les déportés arrivent à Sincanköy : ils sont alors divisés en deux groupes, conformément au tri réalisé auparavant par le directeur de la prison centrale de Constantinople. Le premier groupe est envoyé à Çankırı et à Çorum (entre Çankırı et Amasya) et le second groupe à Ayaş. Les déportés du second groupe seront presque tous assassinés durant les mois suivants[11]. Seuls dix (ou treize) membres[3] de ce groupe pourront revenir vivants à Constantinople[Note 1].

Cour martiale[modifier | modifier le code]

Certains notables tels que le Dr Nazareth Daghavarian et Sarkis Minassian ont été évacués de la prison d'Ayaş le et pris sous escorte militaire vers Diyarbakır avec Haroutioun Djangulian, Karékine Khajag, et Roupen Zartarian pour comparaître devant une cour martiale. Ils ont été, apparemment, assassinés par des groupes paramilitaires soutenus par l'État et dirigés par Tcherkesse Ahmet, et les lieutenants Halil et Nazım, dans une localité appelé Karacaören peu avant d'arriver à Diyarbakır[12]. Marzbed, un autre déporté, a été envoyé à Kayseri pour comparaître devant une cour martiale le [13].

Les militants responsables des meurtres ont été jugés et exécutés à Damas par Djemal Pacha en , l'incident est devenu plus tard l'objet d'une enquête en 1916 par le Parlement ottoman dirigé par Artin Boşgezenyan, député d'Alep. Après la libération de Marzbed de la cour, il a travaillé sous une fausse identité ottomane pour les Allemands à Intilli (le tunnel ferroviaire d'Amanus). Puis il s'est échappé à Nusaybin, où il est mort d'une chute de cheval peu de temps avant l'armistice[13].

Liste de personnalités raflées[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Selon le journal de Teotig, il s'agissait de : Dikran Ajemian, Mkrtich Garabedian, H. Asadurian, Haig Tiriakian, Shavarsh Panossian, Krikor Siurmeian, Servet, Dr Parseghian, Piuzant Bozajian et le Docteur Avedis Nakashian.

Références[modifier | modifier le code]

  1. (en) « At the Origins of Commemoration: The 90th Anniversary Declaring April 24 as a Day of Mourning and Commemoration of the Armenian Genocide », sur genocide-museum.am, Musée du génocide de Tsitsernakaberd (consulté le ).
  2. (en) Archavir Chiragian (trad. Sonia Shirakian), The legacy : Memoirs of an Armenian Patriot [« Կտակն էր Նահատակներուն) »], Boston, Hairenik Press,‎ (OCLC 4836363).
  3. a et b Ternon 1989, p. 27.
  4. a et b (en) Christopher J. Walker, « World War I and the Armenian Genocide », dans Collectif, The Armenian People From Ancient to Modern Times, vol. II: Foreign Dominion to Statehood: The Fifteenth Century to the Twentieth Century, Palgrave Macmillan, (ISBN 978-0-333-61974-2, OCLC 59862523), p. 252.
  5. (en) Teotig, The Golgotha of the Armenian clergy [« Գողգոթա հայ հոգեւորականութեան) »], Constantinople,‎ .
  6. Der Eghiayan 2002, p. 63.
  7. a et b (en) Vahakn Dadrian, The history of the Armenian genocide : ethnic conflict from the Balkans to Anatolia to the Caucasus, New York, Berghahn Books, , 460 p. (ISBN 1-57181-666-6, lire en ligne), p. 221.
  8. (en) John Horne, A Companion to World War I : ethnic conflict from the Balkans to Anatolia to the Caucasus, Chichester, Royaume-Uni, John Wiley & Sons, , 724 p. (ISBN 978-1-119-96870-2 et 1-119-96870-4, lire en ligne), p. 221.
  9. (en) Avedis Nakashian, A Man Who Found A Country, New York, Thomas Y. Crowell, coll. « Rouben Mamoulian Collection (Library of Congress) », (OCLC 382971, LCCN 40007723), p. 208–278.
  10. Der Eghiayan 2002, p. 58.
  11. Grigoris Balakian, Le Golgotha arménien, mémoires du père Balakian : de Berlin à Deir-es-Zor, vol. 1, La Ferté-sous-Jouarre, Le Cercle d'Écrits Caucasiens, (ISBN 978-2-913564-08-4, OCLC 163168810), p. 95-102.
  12. (en) Khachig Boghossian, « My Arrest and Exile on April 24, 1915 », Armenian Reporter,‎
  13. a et b Grigoris Balakian et Hratch G. Bedrossian, Le Golgotha arménien : de Berlin à Deir-es-Zor, vol. 1, La Ferté-sous-Jouarre, Le Cercle d'Écrits Caucasiens, , 87–94 p. (ISBN 978-2-913564-08-4, OCLC 163168810)

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Articles connexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]