Référendum constitutionnel turc de 2017 — Wikipédia

Référendum constitutionnel turc de 2017
Méthode de vote
Type d’élection Référendum
Corps électoral et résultats
Population 79 814 871
Inscrits 58,4 MVoir et modifier les données sur Wikidata
Votants 49 798 920
85,32 % en augmentation 11,6
Votes exprimés 48 934 116
Votes nuls 865 047
Résultats par province
Carte
Oui
51,41 %
Non
48,59 %

Le référendum de 2017 en Turquie est un scrutin qui a eu lieu le . Il vise à inscrire dans la Constitution de 1982 les amendements de 2017 qui constituent le passage des institutions d'un régime parlementaire vers un régime présidentiel.

Projet[modifier | modifier le code]

Bulletins de vote oui (blanc) et non.

Le projet de réforme constitutionnelle entend supprimer le poste de Premier ministre, ses pouvoirs étant conférés au président qui deviendrait le chef de l'exécutif, tandis qu'un poste de vice-président de la république de Turquie est créé. Il s'agit aussi de faire coïncider les dates des élections législatives et présidentielles et enfin à réformer la Justice. En effet, alors que la Constitution de 1982 garantit l'indépendance de la justice, dans ce projet de révision constitutionnelle, le président et le Parlement interviendront directement dans la nomination de membres du Haut Conseil des juges et procureurs (en) (HSYK), chargé de nommer et de destituer les magistrats[1],[2],[3] ; l'opposition affirme que cela conforterait la dérive autoritaire constatée depuis l'échec de la tentative de coup d'État du 15 juillet 2016 suivie par l'arrestation de milliers de personnes, notamment des magistrats, policiers, journalistes, militaires et universitaires[4].

Contexte[modifier | modifier le code]

Date[modifier | modifier le code]

Le référendum est convoqué le jour de l'adoption de la dernière partie de l'amendement de [5],[6]. La date de sa tenue doit alors être annoncée après l'approbation du projet de révision constitutionnelle par le président Recep Tayyip Erdoğan[7]. Celle-ci est théoriquement prévue le dimanche ou à une date antérieure[8],[6],[9],[10]. Le le groupe parlementaire du Parti de la justice et du développement annonce la date du en invoquant des « impératifs climatiques » justifiés dans les provinces orientales[11]. Le , le président Erdoğan approuve le projet et convoque finalement le référendum pour le [12].

En France, en Allemagne, en Suisse, en Autriche et au Danemark, le scrutin a lieu en continu du 27 mars au [13].

Campagne[modifier | modifier le code]

L'article 94/A de la loi électorale turque du interdit les campagnes électorales à l'étranger. Cette interdiction n'est pas respectée par la plupart des partis politiques turcs, y compris par le Parti républicain du peuple (CHP) et le Parti de la justice et du développement (AKP)[14]. Cela s'explique notamment par l'absence de sanction spécifique, même si le Conseil électoral supérieur (Yüksek Seçim Kurulu) est compétent dans ce domaine[15].

Oui[modifier | modifier le code]

Logo de la campagne du oui de l'AKP.

En Turquie[modifier | modifier le code]

À l'étranger[modifier | modifier le code]

Mevlüt Çavuşoğlu réagissant aux événements.

À partir du , des meetings favorables au « oui » et auxquels devait notamment participer le ministre des Affaires étrangères, Mevlüt Çavuşoğlu, sont annulés en Allemagne. Le président turc Recep Tayyip Erdoğan dénonce alors des « pratiques nazies »[16].

Le , des meetings sont de nouveaux annulés aux Pays-Bas et Çavuşoğlu et Fatma Betül Sayan Kaya, ministre de la Famille, sont empêchés d'y assister. Erdoğan évoque alors des pratiques « nazies et fascistes », provoquant une nouvelle crise diplomatique[17]. Des rassemblements similaires sont également annulés en Suisse et en Autriche[18]. Cependant, le 12 mars, le gouvernement français autorise la participation du ministre turc des Affaires étrangères à un meeting à Metz, provoquant une polémique[19].

Dans la nuit du , plusieurs comptes Twitter, dont UNICEF, Amnesty International, ministère français de l'Économie et des Finances ou encore Forbes, France 3 Normandie et Envoyé spécial, ont été piratés pour faire la propagande d'Erdoğan, du « oui » au référendum et traiter l'Allemagne et les Pays-Bas de « pays nazis »[20],[21].

Le 19 mars, Erdoğan réitère ses accusations et accuse personnellement la chancelière Angela Merkel[22]. En réaction, celle-ci menace d'interdire ces meetings[23].

Le , Ankara décide d'annuler tous les meetings pro-oui prévus en Allemagne jusqu'au référendum[24].

Non[modifier | modifier le code]

La campagne pour le « non » a notamment été soutenue par Tuna Bekleviç, fondateur du Parti du « non ».

En Turquie[modifier | modifier le code]

À l'étranger[modifier | modifier le code]

Le , une campagne en turc en faveur du « non » au référendum est lancée sur les chaînes allemandes appartenant au groupement public ARD[25].

Sondages[modifier | modifier le code]

À l'échelle nationale[modifier | modifier le code]

À l'échelle régionale[modifier | modifier le code]

Expatriés[modifier | modifier le code]

Résultats[modifier | modifier le code]

Dès l'annonce des premiers résultats, le « oui » est en tête du scrutin, avec une très courte majorité[30].

Résultats nationaux[31],[32],[33]
Choix Votes %
Pour 25 157 463 51,41
Contre 23 779 141 48,59
Votes valides 48 936 604 98,27
Votes blancs et invalides 862 251 1,73
Total 49 798 855 100
Abstention 8 493 043 14,57
Inscrits/Participation 58 291 898 85,43
Oui
(51,41 %)
Non
(48,59 %)

Résultats dans la diaspora[modifier | modifier le code]

Selon l'agence Anadolu, les Turcs de la diaspora ont voté à 59,09 % pour le « oui »[34].

Près de 60 % des inscrits ont participé au scrutin en Belgique[35] et le « oui » l'emporte à 74,98 % (agence Anadolu)[34].

En Suisse, 54 436 des 95 263 électeurs inscrits ont voté et le « oui » n'a obtenu que 38,08 % des voix (agence Anadolu)[34].

En Allemagne, 63,07 % des votants ont voté « oui » (agence Anadolu)[34].

En Autriche, le « oui » obtient 73,23 % (agence Anadolu)[34]. Il l'emporte également en France (64,86 %) et aux Pays-Bas (70,94 %), toujours selon l'agence Anadolu[34].

Réactions[modifier | modifier le code]

Critiques et contestations[modifier | modifier le code]

La campagne est marquée par des incidents, plusieurs meetings en faveur du « non » ayant été annulés ou perturbés par des casseurs. Durant les débats parlementaires, des députés du camp présidentiel se battent en plein hémicycle avec des opposants au projet de référendum afin de les faire taire[36].

Un changement de dernière minute du Conseil électoral supérieur autorisant le décompte de bulletins de vote non vérifiés est notamment très critiqué par l'opposition, selon laquelle cette décision aurait rajouté 1,5 million de bulletins de vote supplémentaires[37].

Après l'annonce des résultats, une mission commune d'observateurs de l'OSCE et du Conseil de l'Europe dénonce le fait que la campagne s'est déroulée dans des conditions inéquitables, critiquant des modifications tardives dans la procédure de comptage des voix, des manquements dans le déroulement du scrutin et l'engagement prononcé de l'administration turque en faveur du « oui ». Un membre de la délégation a déclaré que la campagne avait été « ternie par de hauts responsables qui ont assimilé les partisans du non à des sympathisants des terroristes », le président Recep Tayyip Erdoğan pour sa part ayant plusieurs fois affirmé avant le scrutin que les partisans du « non » faisaient le jeu des « organisations terroristes » et des putschistes[38].

L'opposition dénonce des fraudes et demande un recomptage des voix[39]. Le , celle-ci dépose un recours pour faire invalider le résultat du scrutin[40]. Celui-ci est rejeté le lendemain 19 avril par le Haut Conseil électoral[41].

Des milliers de personnes manifestent les jours suivants, notamment à Ankara, Istanbul et Izmir, contre les suspicions de fraude au référendum. Avec l'intervention de la police, plusieurs manifestants sont arrêtés et des journalistes agressés. Le gouverneur de Gaziantep décrète une interdiction de manifestation d'une durée d'un mois sur son territoire pour des raisons de « sécurité publique »[42],[43].

Trois semaines après le scrutin, les manifestations de rue s'essoufflent tandis que le régime poursuit de nombreuses arrestations d'opposants[44].

Réactions internationales[modifier | modifier le code]

Le , le président américain Donald Trump félicite son homologue turc[45].

Il est suivi le jour même par le président russe Vladimir Poutine[46].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. « En Turquie, le Parlement vote le renforcement des pouvoirs du président Erdogan », lemonde.fr,‎ (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consulté le ).
  2. « Turquie : un projet de nouvelle constitution sur-mesure pour Erdogan », France 24,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  3. « À l'épicentre de la crise avec la Turquie, ce projet pour renforcer les pouvoirs d'Erdogan », sur Le Huffington Post (consulté le ).
  4. « Turquie : Erdogan valide la révision constitutionnelle renforçant ses pouvoirs », lemonde.fr,‎ (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consulté le ).
  5. (tr) Hilal Köylü, « Anayasa değişikliği meclisten geçti », sur dw.com, (consulté le ).
  6. a et b (tr) SoL Haber, « Anayasa değişikliği teklifinin tümü TBMM Genel Kurulunda 339 oyla kabul edildi », sur sol.org.tr, (consulté le ).
  7. « Turquie : la réforme constitutionnelle soumise à Erdogan », sur L'Obs (consulté le ).
  8. (tr) BirGün, « Anayasa değişikliği teklii Meclis'ten gençti », sur birgun.net, (consulté le ).
  9. (tr) Al Jazeera, « Kararı halk verecek », sur aljazeera.com.tr, (consulté le ).
  10. (tr) CNN Türk, « 2017 Referandum ne zaman? Referandum nedir? »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), sur cnnturk.com, (consulté le ).
  11. (tr) SoL Haber, « AKP'den referandum için bir tarih daha: 23 Nisan! », sur sol.org.tr, (consulté le ).
  12. « Le président turc Erdogan valide le renforcement de ses pouvoirs », sur lexpress.fr (consulté le ).
  13. « Référendum : Turcs de l'étranger appelés aux urnes », sur Journal du Jura (consulté le ).
  14. (en) Shabtai Gold, Can Merey, Linda Say, « Turkish law prohibits campaigning abroad - as row with Europe deepens », sur Deutsche Presse-Agentur, (consulté le ).
  15. (tr) Miray Tamer, « Yurt dışında propaganda serbest mi, YSK ve kanun ne diyor? », sur T24, (consulté le ).
  16. « Meetings turcs annulés en Allemagne : Erdogan évoque des « pratiques nazies » », sur Le Monde, (consulté le ).
  17. « Ministres turcs refoulés : Ankara tempête contre les Pays-Bas », sur lexpress.fr (consulté le ).
  18. Thomas Wieder, « La tension ne faiblit pas entre la Turquie et les Pays-Bas », sur Le Monde, (consulté le ).
  19. « A Metz, un meeting pro-Erdogan divise la classe politique française », sur L'Obs (consulté le ).
  20. « Plusieurs comptes Twitter, dont celui de Bercy, piratés avec un message en turc », sur francetvinfo.fr, (consulté le ).
  21. (en) Associated Press, « Hackers hijack Twitter accounts over Turkish diplomatic feud », sur abcnews.go.com, (consulté le ).
  22. Libération, « Erdogan accuse de nouveau Merkel d’avoir recours à des « pratiques nazies » », sur Libération, (consulté le ).
  23. « Merkel menace d'interdire les meetings pro-Erdogan en Allemagne », sur euronews (consulté le ).
  24. Agence France-Presse, « La Turquie annule tous ses meetings pro-Erdogan en Allemagne jusqu’au référendum », sur Le Monde, (consulté le ).
  25. Video Haber, « Alman devlet TV'si ARD'den Türkçe hayır kampanyası », (consulté le ).
  26. (tr) « Başkanlık sistemi haftaya meclise geliyor », sur DW.COM, (consulté le ).
  27. (tr) « AKP ve MHP Anayasa metninde uzlaştı… Uzmanlar uyarıyor: 15 Temmuz anayasası ».
  28. (tr) « AKP'nin MHP'ye götüreceği başkanlık teklifi belli oldu ».
  29. (tr) « Başbakan: Bahçeli'nin referandum teklifini kabul ediyoruz; başkanlık için derhal adım atacağız, kararı millet verecek! ».
  30. « Turquie : le « oui » sortirait vainqueur du référendum », sur Franceinfo (consulté le ).
  31. « Türkiye Geneli Canlı Referandum Sonuçları - İllere Göre Evet Hayır Oy Oranları », sur referandum.ntv.com.tr (consulté le ).
  32. « https://web.archive.org/web/20170517012447/http://www.ysk.gov.tr/ysk/content/conn/YSKUCM/path/Contribution%20Folders/SecmenIslemleri/Secimler/2017HO/2017HO-Ornek136.pdf »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?),
  33. « Türkei, 16. April 2017 : Verfassungsreform ».
  34. a b c d e et f « Les Turcs de Suisse ont voté «non» », sur La Tribune de Genève, .
  35. « Turquie : environ 6 électeurs sur 10 ont pris part au référendum en Belgique », sur La Libre Belgique (consulté le ).
  36. Delphine Minoui, « Sera Kadigil, frondeuse anti-Erdogan », Le Figaro Magazine, semaine du 14 avril 2017, page 26.
  37. (en-GB) Raf Sanchez et Burhan Yüksekkaş, « Erdogan claims victory in Turkish referendum but result swiftly challenged by opposition », sur The Telegraph, (ISSN 0307-1235, consulté le ).
  38. « Référendum en Turquie. Les observateurs pointent un manque d'équité », sur Ouest-France.fr, (consulté le ).
  39. « Référendum en Turquie : le oui l'emporte, l'opposition crie à la fraude », rfi.fr, 16 avril 2017.
  40. « Référendum en Turquie : l'opposition dépose un recours », sur euronews (consulté le ).
  41. « Référendum en Turquie : les recours de l'opposition rejetés - France 24 », sur France 24 (consulté le ).
  42. (en) « Referendum fraud protests across Turkey », sur news.sol.org.tr, (consulté le ).
  43. (en) « Second night of protests against Turkish referendum result », sur euronews.com, (consulté le ).
  44. Delphine Minoui, « Après le référendum turc, Erdogan durcit son régime », Le Figaro, samedi 6 / dimanche 7 mai 2017, page 12.
  45. « Référendum en Turquie : alors qu'Erdogan essuie les critiques, Trump le félicite », sur RFI, (consulté le ).
  46. « Référendum en Turquie: Poutine félicite Erdogan pour sa victoire », sur RTBF Info, (consulté le ).