Rébellion de Shimabara — Wikipédia

Rébellion de Shimabara
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Carte de bataille de Shimabara
Informations générales
Date
Lieu Château de Hara, Shimabara, Province de Hizen
Issue Victoire du Shogunat
Belligérants
Shogunat Tokugawa Rebelles chrétiens
Commandants
Matsudaira Nobutsuna
Itakura Shigemasa
Toda Ujikane
Hosokawa Tadatoshi
Nabeshima Katsushige
Matsukura Katsuie
Terazawa Katataka
Kuroda Tadayuki
Arima Naozumi
Amakusa Shirō
Masuda Yoshitsugu †
Ashidzuka Chūemon †
Yamada Emosaku
Matsushima Gennojō †
Watanabe Denbe'e †
Akaboshi Michishige †
Aidzu Sōin †
Mori Sōiken
Forces en présence
125 800[1] 37 000 (en incluant les civils)
Pertes
Plus de 8 000 Tous, sauf Yamada Emosaku

Carte de la préfecture de Nagasaki avec la ville de Shimabara en foncé.

La rébellion de Shimabara (島原の乱, Shimabara no ran?) est une importante révolte de paysans japonais au cours du Shogunat Tokugawa en 16371638 qui eut lieu dans la presqu’île de Shimabara et les îles Amakusa, situées dans Kyūshū, à 70 kilomètres de Nagasaki.

Les causes du soulèvement furent loin d'être exclusivement religieuses, mais les paysans insurgés et leur chef Amakusa Shirō (de son vrai nom Masuda Tokisada (1621?-1638)[2]), étaient généralement portés par la foi chrétienne[3].

Origines de la révolte[modifier | modifier le code]

Vue du château de Shimabara.

Les missions jésuites implantées depuis plus d'un siècle rencontraient de grands succès dans ces régions pauvres, à tel point que deux daimyō locaux, Arima Harunobu et Konishi Yukinaga, furent convertis.

Le , le shogunat Tokugawa promulgua le décret, rédigé par le moine Suden, visant le départ des missionnaires, dans un premier temps vers Nagasaki, puis de là, vers Macao. Durant les 20 années qui suivirent, les persécutions des Chrétiens au Japon furent violentes, surtout dans cette région, foyer du christianisme japonais.

Par ailleurs, les tozama daimyō de Kyushu, faisaient partie des daimyō de l’extérieur (ceux qui ne s'étaient pas soumis aux Tokugawa immédiatement après leur victoire après la bataille de Sekigahara en 1600). Ils avaient donc toujours été traités de façon plus dure et avec plus de suspicion que les autres vassaux. Aussi, les charges et les réquisitions du shogunat étaient-elles souvent plus lourdes[4]. Il faut noter que Konishi avait été exécuté après la victoire de Sekigahara et qu'Arima avait été décapité en 1612.

L'ancien fief de Konishi, Amakusa, était devenu possession de Terazawa Hirotaka (1574-1630), seigneur de Karatsu. Les persécutions des Chrétiens au Japon s'amplifièrent lorsque fut décrétée l'expulsion des prêtres. Lors de sa mort, son fils Katataka lui succéda et continua la répression.

Matsukura Shigemasa (1574-1630), un proche des Tokugawa, nommé daimyō du domaine de Shimabara en 1616, imposa de nouvelles taxes sur le bétail, le foyer, les naissances, etc. sans compter les frais liés à la construction du château de Shimabara. Son fils et successeur Katsuie (aussi appelé Shigeharu) poursuivit la même politique[5].

Depuis 1634, les récoltes devinrent maigres et les paysans ne furent rapidement plus en mesure de payer l'impôt du riz. La situation fut bientôt dramatique et culmina lors des grandes famines de 1636 et 1637.

La rébellion[modifier | modifier le code]

Siège du château de Hara
Navire 'De Ryp' à la rébellion de Shimabara

La persécution religieuse se doubla alors de harcèlements vis-à-vis des paysans qui ne pouvaient payer leurs dus. La révolte contre la tyrannie de Matsukura grondait depuis quelques mois et ce furent de nouvelles atrocités qui la déclenchèrent le . Quelques chefs de villages accompagnés d'une poignée de rōnins décidèrent alors d'agir.

Amakusa Shirō, encore adolescent, fut institué chef spirituel des rebelles[6]. Sa jeunesse et les raisons qui le portèrent à la tête de la rébellion furent tressées de légendes et demeurent encore assez obscures.

Il était le fils d'un samouraï chrétien au service de Konishi, Masuda Yoshitsugu et vraisemblablement travailla au service de la maison d'Hosokawa de Kumamoto.

Le ralliement populaire, la réaction lente des autorités féodales et l'éloignement d'Edo[7], permirent au mouvement d'obtenir rapidement des premiers résultats, de s'organiser et de s'étendre. Les insurgés se regroupèrent dans la forteresse désaffectée de Hara. Les sources japonaises mentionnent qu'environ 37 000 personnes, dont quelques anciens chefs dissidents et plusieurs dizaines d'anciens samouraïs, y auraient trouvé refuge.

Ruines du château de Hara situé à l'est de la péninsule de Shimabara.

La pénurie de munitions et la raréfaction des vivres ne sembla pas troubler le moral des assiégés qui envoyaient des yabumi (messages attachés à des flèches) aux troupes du shogunat indiquant leur volonté de pratiquer leur culte librement[8].

Une première offensive menée par l'envoyé du shogunat, Itakura Shigemasa (1588-1638), fut repoussée le . Une seconde, le , se termina en désastre et coûta la vie à plusieurs milliers de soldats ainsi qu'à leur chef[9].

Le gouvernement d'Edo ordonna alors aux han de Kyūshū de se joindre aux forces de Matsudaira Nobutsuna (1596-1662). Ce dernier sollicita également le concours des Hollandais (Nicolaes Couckebacker, responsable du comptoir hollandais de Hirado), qui firent tirer leurs canons depuis le vaisseau De Rijp, quelques jours durant, en direction de la forteresse[10]. Matsudaira essaya vainement de trouver des solutions de compromis avec Amakusa Shirō. Elles furent systématiquement repoussées. Le , l'assaut fut donné et le massacre dura trois jours, durant lesquels les insurgés furent exterminés et décapités. La tête de Amakusa Shirō, décapité pendant la bataille par Jinno Sazaemon du clan Hosokawa, fut envoyée à Edo, et le château fut rasé.

Conséquences[modifier | modifier le code]

Caraque portugaise à Nagasaki - XVIIe siècle

La plupart des dissidents de l'ouest du Kyūshū, hostiles au régime Tokugawa, avaient pu être éliminés lors de la prise du château de Hara, et avec eux nombre de samouraïs chrétiens[11]. Cette terrible répression servit d'exemple et donna un coup d'arrêt aux manifestations d'opposition et aux soulèvements pendant la période Tokugawa.

Elle marque aussi la fin de la pratique ouverte du christianisme au Japon. Les décrets dans ce domaine furent appliqués beaucoup plus strictement. Toutefois, de nombreux chrétiens réussirent à perpétuer la religion catholique au Japon en se cachant, les Kirishitan.

Iemitsu en profita pour instituer, dès 1639, un contrôle encore plus fort sur les relations avec l'étranger, notamment avec le Portugal[12]. Ainsi, le , un navire portugais, fraîchement arrivé de Macao, fut incendié en rade de Nagasaki, les 57 envoyés d'une ambassade portugaise qu'il transportait furent ensuite décapités. Seul l'équipage fut autorisé à appareiller pour rendre compte de ce qui s'était passé. Ces mesures furent toutefois plus souples, dans un premier temps du moins, pour les Néerlandais, qui avaient démontré leur allégeance en aidant les troupes gouvernementales lors de la révolte de Shimabara.

Le Japon inaugure alors une période d'isolement total qui dura plus de deux siècles.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Hiroyuki Ninomiya (préf. Pierre-François Souyri), Le Japon pré-moderne : 1573 - 1867, Paris, CNRS Éditions, coll. « Réseau Asie », (1re éd. 1990), 231 p. (ISBN 978-2-271-09427-8, présentation en ligne), chap. 2 (« La situation internationale »), p. 62.
  2. Voir page 30 in Le Japon : dictionnaire et civilisation, Louis Frédéric, Robert Laffont, 1996
  3. Voir page 88 in Samurai Armies 1467-1649, Stephen Turnbull, Osprey Publishing, 2008
  4. Voir pages 117-120 in Early Modern Japan, Conrad D. Totman, University of California Press, 1995
  5. Voir page 2441 in Dictionnaire historique du Japon, Susumu Ishii et Seiichi Iwao, Maison franco-japonaise Tōkyō, Maisonneuve & Larose, 2002
  6. Voir le chapitre consacré à Amakusa Shiro, le Messie japonais in La noblesse de l'échec: Héros tragiques de l'histoire du Japon, Ivan Morris, Gallimard 1975
  7. Voir pages 204-206 in Early modern Japan volume IV de The Cambridge History of Japan, John Whitney Hall, James L. McClain, Marius B. Jansen, Cambridge University Press, 1991
  8. Voir page 202 in La noblesse de l'échec: Héros tragiques de l'histoire du Japon, Ivan Morris, Gallimard 1975
  9. Voir page 469 in Le Japon : dictionnaire et civilisation, Louis Frédéric, Robert Laffont, 1996
  10. Voir page 141 in Japan's Hidden Christians, 1549-1999: 1549-1999, Stephen R. Turnbull, Routledge ed., 2000
  11. Voir page 217 in La noblesse de l'échec: Héros tragiques de l'histoire du Japon, Ivan Morris, Gallimard, 1975
  12. Voir page 204 in A History of Japan: Revised Edition, R. H. P. Mason et J. G. Caige, Tuttle Publishing, 1997

Bibliographie[modifier | modifier le code]