Pseudosuchia — Wikipédia

Les Pseudosuchia (Pseudosuchiens en français) sont une classe de reptiles diapsides de l'embranchement des archosaures. C'est la branche contenant les crocodiliens et apparentés – par opposition à son groupe frère, Avemetatarsalia, qui contient les dinosaures (oiseaux compris).
Cette branche était auparavant le clade Crurotarsi, défini par Paul Sereno en 1991 comme le clade regroupant les crocodiliens et les phytosaures, mais les dernières études ayant déplacé ces derniers en dehors des archosaures, Crurotarsi est aujourd'hui le clade regroupant les phytosaures ainsi que tous les archosaures[1].

Description[modifier | modifier le code]

Outre les espèces de crocodiliens existantes, les plus anciens fossiles de pseudosuchiens découverts sont datés de la fin du Trias[2]. Les crânes sont massifs, contrairement par exemple à ceux des ornithodiriens, le museau est étroit et il a parfois tendance à être allongé, le cou est court et fort. On note une tendance à l'applatissement dorsoventral du crâne avec le groupe des Crocodylomorpha, même si des exceptions notables existent (Notosuchia et Metriorhynchidae par exemple). La posture des membres varie dans le groupe, avec de nombreux groupes présentant une posture parasagittale (notamment les groupes triassiques comme les Aetosauria, les Poposauroidea, mais aussi de nombreux représentants des Notosuchia du Crétacé) alors que d'autres groupes présentent une posture rampante, typique des espèces actuelles (comme les Pholidosauridae, les Goniopholididae ou les Eusuchia). Le corps est souvent protégé par du cuir épais, avec des rangées de plaques protectrices appelées ostéodermes. Le nombre d'espèces de plus de trois mètres est important, ce qui est rare par exemple chez les mammifères.

Évolution de l’endothermie[modifier | modifier le code]

On suspecte aujourd’hui que les pseudosuchiens étaient ancestralement endothermes (soit capable de produire une température interne importante, comme les oiseaux et mammifères actuels). Cette hypothèse a été proposée par Seymour et al. en 2004[3] et se base sur plusieurs particularités existant chez les espèces actuelles.

Caractéristiques présentes chez les crocodiliens[modifier | modifier le code]

Les crocodiliens actuels sont ectothermes (incapables de produire leur température, ils se régulent avec leur comportement) mais présentent des caractéristiques anatomiques inhabituelles pour des organismes à sang froid. On leur connaît notamment :

Les deux premières existent chez les oiseaux, des organismes endothermes très performants et leurs plus proches parents actuels. On estime que l’endothermie n’est pas soutenable sans un cœur à quatre cavités et que le flux d’air unidirectionnel renforce la production d’énergie nécessaire à la thermogenèse. La présence de ces caractéristiques peut donc s’interpréter comme un héritage d’un ancêtre qui était endotherme. Cette hypothèse est renforcée par le fait qu’on retrouve ces particularités chez les oiseaux, ce qui laisse supposer la présence de ces caractéristiques chez l’ancêtre commun aux oiseaux et aux crocodiliens, au nœud Archosauria.

Les preuves fossiles[modifier | modifier le code]

Sur le plan morphologique, une hypothèse couramment reprise dans la littérature soutient que la posture parasagittale (membres érigés sous l’organisme) nécessite l’endothermie pour être viable. En effet, il demande plus d’énergie à l’organisme de maintenir une telle position, d’autant plus qu’elle facilite la perte de chaleur par le ventre qui s’éloigne du sol. Un endotherme produisant sa propre chaleur corporelle, il peut alors facilement contrebalancer ce phénomène. Or, on trouve de nombreux groupes de Pseudosuchia qui présentent une telle posture, notamment chez les groupes triassiques.

La paléophysiologie a apporté de nombreuses études ces dernières années. L’histologie quantitative a notamment démontré que les Archosauria étaient endothermes ancestralement, et que cette endothermie subsistait chez les Aetosauria et les Rauisuchidae au moins[7]. Une étude plus récente montre la perte de cette endothermie chez les Notosuchia[8].

L’étude des isotopes stables de l’oxygène a permis de montrer que les Teleosauridae possédaient une température typique d’ectothermes, contrairement aux Metriorhynchidae qui présentaient une température dans la gamme des endothermes[9].

L’hypothèse de Seymour et al.[3] prédisait une perte de l’ectothermie en même temps qu’un retour au milieu aquatique et l’acquisition de la prédation de type embusquée, qu’on retrouve chez les crocodiliens actuels. Cette hypothèse est cependant mise à mal par le fait que les Notosuchia, terrestres et prédateurs actifs pour beaucoup d’entre eux, étaient également ectothermes. Une chose semble certaine, la perte de l’endothermie ne concerne que les crocodylomorphes mais il reste encore à déterminer quand elle a eu lieu et pourquoi.

Systématique et taxonomie[modifier | modifier le code]

Histoire évolutive[modifier | modifier le code]

Ce clade est apparu à la fin du Trias vers 230 Ma. L'explosion radiative à la suite de l'extinction du Permien a permis l'émergence de nombreuses espèces carnivores, mais aussi d'espèces omnivores bipèdes (dont les Poposauroidea et les Ornithosuchidae) et des herbivores (les Aetosauria), certaines espèces ayant des tailles colossales tandis que d'autres avaient des tailles de l'ordre des lézards actuels. Physiquement, ils devaient être très semblable aux dinosaures, bon nombre de taxon ayant d'ailleurs été passés d'un groupe à l'autre lors des révisions de la systématique du groupe. Le nombre des espèces de pseudosuchiens est bien plus élevé que le nombre de dinosaures au Trias, montrant ainsi qu'ils étaient bien plus adaptés à leur biotope que les dinosaures contemporains. Bon nombre de pseudosuchiens et de dinosaures partageaient les mêmes biotopes et ressources alimentaires. Les dinosaures les ont cependant surclassé, sans que la raison en soit connue.

L'extinction du Trias-Jurassique d'il y a 200 Ma, due vraisemblablement à un bouleversements climatiques, a été particulièrement redoutable pour ce clade. Seul les Crocodylomorpha survivent, représenté notamment par les Sphenosuchia et les Protosuchidae. Une nouvelle radiation évolutive donnera naissance lors du Jurassique à de nombreux groupes, jusqu'à aboutir aux crocodiliens modernes. Une grande partie de ces groupes se tourne alors vers la conquête du milieu aquatique. Les Thalattosuchia du Jurassique ne comportent ainsi que des espèces exclusivement marine. Les différents groupes du clade des Neosuchia sont tous essentiellement semi-aquatique, à l'image des crocodiliens actuels, faisant partie par ailleurs de ce même groupe. Ces différents retour au milieu aquatique sont indépendants et la terrestrialité ancestrale subsiste dans plusieurs clades, notamment chez les Notosuchia et les Protosuchidae[10].

Finalement, la crise Crétacé-Paléogène fauche une grande part de cette diversité, ne laissant que trois lignées survivantes : les Sebecosuchia (faisant partie des Notosuchia), supposément terrestres, et les Dyrosauridae et Eusuchia (faisant partie des Neosuchia), qui sont majoritairement semi-aquatiques. Les Dyrosauridae sont les premiers à s'éteindre, les derniers représentants connus datant du Paléogène. C'est ensuite le tour des Sebecosuchia, dont le dernier représentant connu date du milieu du Miocène. Aujourd'hui, seuls subsistent les Eusuchia, représentés par la vingtaine d'espèces des crocodiliens actuels.

Taxonomie[modifier | modifier le code]

Le terme de Pseudosuchia a été proposé par Karl Alfred von Zittel vers la fin du XIXe siècle pour regrouper trois taxons (deux Aetosauria et un Dyoplax), genre dont les fossiles rappelaient ceux des actuels crocodiliens, sans pour autant pouvoir en être. Ce taxon fut utilisé par la suite pour regrouper un certain nombre de groupes dans les études de systématique précladistique. L'application de la cladistique fit exploser ce groupe, le rendant paraphylétique et donc caduc. Sereno lui préféra alors le terme de Crurotarsi[11]. Par la suite, Nesbitt démontra que les résultats de Sereno étaient erronés, notamment en ce qui concerne la position des Phytosauria. Le nom Crurotarsi n'étant alors plus valide pour le nœud qu'il désignait, Nesbitt ressuscita le nom de Pseudosuchia et l'attribua à ce nouveau nœud (voir l'arbre phylogénétique ci-après). Cependant, il faut garder à l'esprit que le terme Pseudosuchia "moderne" n'est pas équivalent à la version utilisé avant Sereno. Il définit désormais un groupe monophylétique comprenant tous les organismes plus proches de Crocodylus niloticus que de Passer domesticus[1].

Systématique[modifier | modifier le code]

Pseudosuchia est le groupe frère d'Avemetatarsalia, la branche des dinosaures et des ptérosaures.
Cladogramme d'après Nesbitt, 2011[1]:

 Crurotarsi 

 †Phytosauria


Archosauria
Avemetatarsalia

 Ornithodira (Dinosauromorpha et †Pterosauromorpha)



Scleromochlus



Pseudosuchia

 †Ornithosuchidae


 Suchia 

Gracilisuchus



Turfanosuchus




Revueltosaurus



 †Aetosauria





Ticinosuchus


Paracrocodylomorpha
Poposauroidea

Qianosuchus




 †Ctenosauriscidae





Poposaurus




Lotosaurus



 †Shuvosauridae







Loricata

Prestosuchus




Saurosuchus




Batrachotomus




Fasolasuchus




 †Rauisuchidae


Crocodylomorpha

†CM 73372




Hesperosuchus



Dromicosuchus




Sphenosuchus




Dibothrosuchus



Terrestrisuchus




Litargosuchus




Kayentasuchus



 Crocodyliformes



















Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • M. J. Benton, Vertebrate Paleontology, Blackwell Science, 2004, 3rd ed.
  • (en) Paul Sereno, « Basal archosaurs: phylogenetic relationships and functional implications », Journal of Vertebrate Paleontology, vol. (Suppl.) 11,‎ , p. 1–51
  • B. G. Lovegrove, Fires of Life: Endothermy in Birds and Mammals, Yale University Press, 2019

Référence taxonomique[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b et c (en) S.J. Nesbitt, « The early evolution of archosaurs: relationships and the origin of major clades », Bulletin of the American Museum of Natural History, vol. 352,‎ , p. 1–292 (DOI 10.1206/352.1, lire en ligne)
  2. (TPBD, 2008)
  3. a b c et d Roger S. Seymour, Christina L. Bennett‐Stamper, Sonya D. Johnston et David R. Carrier, « Evidence for Endothermic Ancestors of Crocodiles at the Stem of Archosaur Evolution », Physiological and Biochemical Zoology, vol. 77, no 6,‎ , p. 1051–1067 (ISSN 1522-2152, DOI 10.1086/422766, lire en ligne, consulté le )
  4. (en) C. G. Farmer et K. Sanders, « Unidirectional Airflow in the Lungs of Alligators », Science, vol. 327, no 5963,‎ , p. 338–340 (ISSN 0036-8075 et 1095-9203, DOI 10.1126/science.1180219, lire en ligne, consulté le )
  5. Allison R. Tumarkin-Deratzian, « Fibrolamellar Bone in Wild Adult Alligator Mississippiensis », Journal of Herpetology, vol. 41, no 2,‎ , p. 341–345 (ISSN 0022-1511 et 1937-2418, DOI 10.1670/0022-1511(2007)41[341:FBIWAA]2.0.CO;2, lire en ligne, consulté le )
  6. Axel Janke, Dirk Erpenbeck, Malin Nilsson et Ulfur Arnason, « The mitochondrial genomes of the iguana (Iguana iguana) and the caiman (Caiman crocodylus): implications for amniote phylogeny », Proceedings of the Royal Society of London. Series B: Biological Sciences, vol. 268, no 1467,‎ , p. 623–631 (PMID 11297180, PMCID PMC1088649, DOI 10.1098/rspb.2000.1402, lire en ligne, consulté le )
  7. Lucas J. Legendre, Guillaume Guénard, Jennifer Botha-Brink et Jorge Cubo, « Palaeohistological Evidence for Ancestral High Metabolic Rate in Archosaurs », Systematic Biology, vol. 65, no 6,‎ , p. 989–996 (ISSN 1063-5157 et 1076-836X, DOI 10.1093/sysbio/syw033, lire en ligne, consulté le )
  8. Jorge Cubo, Mariana V A Sena, Paul Aubier et Guillaume Houee, « Were Notosuchia (Pseudosuchia: Crocodylomorpha) warm-blooded? A palaeohistological analysis suggests ectothermy », Biological Journal of the Linnean Society, vol. 131, no 1,‎ , p. 154–162 (ISSN 0024-4066 et 1095-8312, DOI 10.1093/biolinnean/blaa081, lire en ligne, consulté le )
  9. Nicolas Séon, Romain Amiot, Jeremy E. Martin et Mark T. Young, « Thermophysiologies of Jurassic marine crocodylomorphs inferred from the oxygen isotope composition of their tooth apatite », Philosophical Transactions of the Royal Society B: Biological Sciences, vol. 375, no 1793,‎ , p. 20190139 (PMID 31928186, PMCID PMC7017436, DOI 10.1098/rstb.2019.0139, lire en ligne, consulté le )
  10. (en) Eric W. Wilberg, Alan H. Turner et Christopher A. Brochu, « Evolutionary structure and timing of major habitat shifts in Crocodylomorpha », Scientific Reports, vol. 9, no 1,‎ , p. 514 (ISSN 2045-2322, DOI 10.1038/s41598-018-36795-1, lire en ligne, consulté le )
  11. Paul C. Sereno, « Basal Archosaurs: Phylogenetic Relationships and Functional Implications », Journal of Vertebrate Paleontology, vol. 11, no sup004,‎ , p. 1–53 (ISSN 0272-4634, DOI 10.1080/02724634.1991.10011426, lire en ligne, consulté le )