Produit cartésien — Wikipédia

Illustration d'un produit cartésien A × B où A = {x,y,z} et B = {1,2,3}.
Cet article fait référence au concept mathématique sur les ensembles. Pour les graphes, voir produit cartésien de graphes.

En mathématiques, le produit cartésien de deux ensembles X et Y, appelé également ensemble-produit, est l'ensemble de tous les couples dont la première composante appartient à X et la seconde à Y. On généralise facilement cette notion, valable pour deux ensembles, à celle de produit cartésien fini, qui est un ensemble de n-uplets dont les composantes appartiennent à n ensembles. La généralisation à un produit cartésien infini nécessite, quant à elle, la notion de fonction.

Les produits cartésiens doivent leur nom à René Descartes, qui, en créant la géométrie analytique, a le premier utilisé ce que nous appelons maintenant ℝ2 = ℝ × ℝ pour représenter le plan euclidien, et ℝ3 = ℝ × ℝ × ℝ pour représenter l'espace euclidien tri-dimensionnel (ℝ désigne la droite réelle).

Produit cartésien de deux ensembles[modifier | modifier le code]

Définitions[modifier | modifier le code]

  • Pour tout ensemble A et tout ensemble B, il existe un ensemble P dont les éléments sont tous les couples dont la première composante appartient à A et la seconde à B :
    .
    Cet ensemble est noté A × B (lire « A croix B ») et est appelé produit cartésien de A par B.
  • Cas particulier : A × A est noté A2 et appelé carré cartésien de A :
    .

Exemple[modifier | modifier le code]

Soit A l'ensemble { A, R, D, V, 10, 9, 8, 7, 6, 5, 4, 3, 2 }. Soit B l'ensemble { pique, cœur, carreau, trèfle }. Alors le produit cartésien A × B de ces deux ensembles est un jeu classique de 52 cartes, c'est-à-dire l'ensemble :

{ (A, pique) ... (2, pique) , (A, cœur) ... (2, cœur) , (A, carreau) ... (2, carreau) , (A, trèfle) ... (2, trèfle) }.

Propriétés[modifier | modifier le code]

  • Un produit cartésien A × B est vide si et seulement si A ou B est vide. En particulier : pour tout ensemble ,
    .
  • Les deux facteurs d'un produit sont entièrement déterminés par ce produit, s'il est non vide. Plus précisément : si alors et de même, si alors .
  • Si A et B sont finis, alors le cardinal de A × B est égal au produit des cardinaux de A et de B.
  • Le produit cartésien de deux ensembles est unique d'après l'axiome d'extensionnalité. Si on considère couples et produits cartésiens comme des notions primitives, on aura comme axiome cette propriété d'existence et d'unicité. Elle se démontre, en théorie des ensembles ZFC, pour la représentation des couples choisie.

Représentation en théorie des ensembles[modifier | modifier le code]

En théorie des ensembles, si on choisit, comme usuellement, la représentation des couples de Kuratowski, les couples dont la première composante est dans A et la seconde dans B sont des éléments de P[P(AB)] (où P(E) désigne l'ensemble des parties de E). L'existence de cet ensemble résulte de l'axiome de la réunion et de l'axiome de l'ensemble des parties.

On peut par conséquent définir le produit cartésien par compréhension. On aura alors besoin des couples et donc, en plus des axiomes précédents, dans Z de l'axiome de la paire et du schéma d'axiomes de compréhension ou dans ZF de l'ensemble des parties à nouveau et du schéma d'axiomes de remplacement (dont conjointement se déduit l'existence de paires) :

.

On peut même se passer de l'ensemble des parties en utilisant deux fois le schéma d'axiomes de remplacement[1] : une fois pour A × {b} et une autre fois pour :

.

Représentation en théorie des catégories[modifier | modifier le code]

dessin pour fonctions de deux variables

Se donner une application d'un ensemble dans le produit cartésien de deux ensembles et revient à se donner deux applications : l'une de dans et l'autre de dans . Plus formellement : l'ensemble , muni des deux projections et , est caractérisé à un isomorphisme canonique près[2],[3] par la propriété universelle suivante : pour tout ensemble et toutes applications et , il existe une unique application telle que et [4]. On résume cette propriété universelle en disant que est le produit de et dans la catégorie des ensembles.

La théorie des catégories définit ainsi de façon systématique des produits plus généraux, soit prenant en compte des structures supplémentaires (groupes produits, espaces topologiques produits), soit rajoutant des contraintes (produit d'une famille d'ensembles, produit fibré, etc.).

Généralisation à plus de deux ensembles[modifier | modifier le code]

Triplets[modifier | modifier le code]

De façon analogue aux couples la propriété visée est que deux triplets sont égaux si et seulement si leurs premières composantes sont égales entre elles, puis leurs deuxièmes composantes, et enfin leurs troisièmes :

Plusieurs définitions sont possibles pour le triplet (a,b,c), par exemple :

  • (a, b, c) = ((a, b), c)[5] ;
  • (a, b, c) = (a, (b, c))[6] ;
  • une famille dont l'ensemble des indices est un ensemble à 3 éléments[7].

Ces définitions ne sont pas équivalentes mais donnent toutes la propriété précédente.

Produit cartésien de trois ensembles[modifier | modifier le code]

Il est défini par :

(avec la première définition proposée au paragraphe précédent, A × B × C = (A × B) × C, avec la seconde A × B × C = A × (B × C), la troisième est un cas particulier de celle donnée au paragraphe #Produit cartésien d'une famille d'ensembles).

Le produit A × A × A est appelé cube cartésien de A et il est noté A3 (lire « A au cube ») :

.

n-uplets[modifier | modifier le code]

Les définitions précédentes se généralisent à un n-uplet quelconque. La propriété visée pour ceux-ci est la suivante.

Propriété fondamentale d'un n-uplet :

.

Les deux premières définitions se généralisent par récurrence[6], par exemple pour la première :

(a1, a2, … , an) = ((a1, a2, … , an-1), an).

Pour la dernière il suffit de disposer d'un famille indexée par un ensemble à n éléments.

Le produit cartésien de n ensembles est alors défini par :

et donc la puissance cartésienne n-ième d'un ensemble par :

.

Produits infinis[modifier | modifier le code]

On peut généraliser la notion de produit cartésien à celle de produit d'une famille d'ensembles indexée par un ensemble quelconque, fini ou infini.

Bien que plus générale, cette notion peut difficilement être introduite en théorie des ensembles avant celle de produit cartésien binaire, du moins naturellement, car elle fait appel à la notion de fonction, qui utilise la notion de produit cartésien binaire[8].

Famille d'ensembles[modifier | modifier le code]

Une famille A d'ensembles indexée par un ensemble I est une fonction définie sur I. L'image de i par A est notée Ai. Il s'agit juste d'une notation (adaptée à un certain usage) pour une construction connue. La famille A indexée par I sera plutôt notée (Ai)iI.

Produit cartésien d'une famille d'ensembles[modifier | modifier le code]

On peut maintenant définir le produit cartésien d'une famille d'ensembles (Ai)iI, que l'on note habituellement , ou parfois .

Il s'agit de l'ensemble des fonctions f de I dans la réunion de la famille, telles que pour tout i dans I, f(i) appartienne à Ai :

.
  • Pour utiliser cette définition, il faut pouvoir extraire d'un élément du produit sa composante d'indice j, élément de I. Pour cela, on définit pour tout j dans I, la fonction appelée j-ème projection,
  • On peut définir plus généralement, pour toute partie J de I, la « projection d'indice J », à valeurs dans le « produit partiel » indexé par J[9] :
    (Si J est un singleton { j }, le produit partiel indexé par J est en bijection canonique avec Aj[9].)
  • On peut énoncer l'axiome du choix ainsi : le produit d'une famille d'ensembles non vides est non vide.
  • Le produit d'une famille d'ensembles indexée par l'ensemble vide est, d'après la définition ci-dessus, le singleton dont l'unique élément est la fonction vide de ∅ dans ∅.

Lien avec le produit de deux ensembles[modifier | modifier le code]

Soient A et B deux ensembles. Pour toute paire I = {α, β} (par exemple α = et β = {∅}), on a une bijection canonique entre le produit A×B des deux ensembles et le produit de la famille (Ai)iI définie par Aα = A et Aβ = B, en associant à tout couple (x, y) de A×B l'élément f défini par f(α) = x et f(β) = y[9].

Associativité[modifier | modifier le code]

Soient (Ai)iI une famille d'ensembles et (Jk)kK une partition de I[10]. L'application canonique

est bijective[11].

Par récurrence, le produit de n ensembles s'identifie ainsi au produit d'une famille indexée par {1, 2, … , n}.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Harvey Friedman.
  2. (en) John C. Baez, « Quantum Quandaries: A Category-Theoretic Perspective — §4: The Monoidal Category of Hilbert Spaces », (arXiv:quant-ph/0404040).
  3. (en) Colin McLarty (en), Elementary Categories, Elementary Toposes, Oxford, Clarendon Press, .
  4. Saunders Mac Lane, Garrett Birkhoff et Jean Weil, Algèbre et solutions développées des exercices : structures fondamentales, les grands théorèmes, théorie de Galois, Paris, J. Gabay, (ISBN 2-87647-138-8 et 978-2-87647-138-2, OCLC 490130463), p. 18
  5. (en) Thomas Jech, Set Theory : The Third Millennium Edition, revised and expanded, Springer, , 3e éd., 772 p. (ISBN 978-3-540-44085-7, lire en ligne), p. 7.
  6. a et b Jean-Louis Krivine, Théorie des ensembles, Paris, Cassini, coll. « Nouvelle bibliothèque mathématique », , 1re éd., p. 9.
  7. Paul Halmos, Introduction à la théorie des ensembles [détail des éditions] p. 46.
  8. Une fonction de A dans B est souvent introduite comme un triplet (A, B, C), où C est un sous-ensemble du produit cartésien A × B, appelé graphe de la fonction et tel que tout élément de A figure (en première composante) dans exactement un couple de C. En pratique toutefois, s'il n'y a pas de risque d'ambiguïté, on peut par abus de langage assimiler la fonction à son graphe C. D'ailleurs, en théorie des ensembles, on définit souvent une fonction directement comme un ensemble de couples. Cette pratique est cohérente — être une fonction de A dans B devient alors une propriété de la fonction — mais elle est déconseillée dans les cours d'introduction aux mathématiques.
  9. a b et c N. Bourbaki, Éléments de mathématique : Théorie des ensembles [détail des éditions], p. II.33.
  10. Ou même seulement un recouvrement de I par des sous-ensembles disjoints deux à deux, mais pouvant être vides.
  11. Bourbaki, p. II.35.

Articles connexes[modifier | modifier le code]