Prisonniers de guerre allemands en Union soviétique — Wikipédia

La mère d'un prisonnier remercie Konrad Adenauer à son retour de Moscou le . Adenauer avait réussi à conclure les négociations pour le retour en Allemagne, à la fin de cette année, de 15 000 civils et prisonniers de guerre allemands.
Un prisonnier de retour en 1955 annonce à une femme la mort de son fils.

Environ trois millions de prisonniers de guerre allemands avaient été capturés par l'Union soviétique pendant la Seconde Guerre mondiale, la plupart d'entre eux lors des grandes avancées de l'Armée rouge dans la dernière année de la guerre. Les prisonniers de guerre furent utilisés comme travailleurs forcés dans l'économie de guerre soviétique et lors de la reconstruction d'après-guerre. En 1950, presque tous les survivants avaient été libérés. Officiellement, le dernier prisonnier de guerre allemand survivant rentra d'URSS en 1956. Selon les archives soviétiques, 381 067 prisonniers de guerre de la Wehrmacht moururent dans les camps du NKVD (356 700 ressortissants allemands et 24 367 d'autres pays)[1],[2]. Les estimations allemandes évaluent le nombre de prisonniers de guerre allemands morts en URSS à environ 1 million. Elles soutiennent que, parmi ceux signalés comme disparus, beaucoup étaient en fait morts comme prisonniers de guerre[3].

Prisonniers de guerre allemands en URSS[modifier | modifier le code]

Dans les premiers mois de la guerre germano-soviétique, peu d'Allemands avaient été capturés par les forces soviétiques. Après la bataille de Moscou et la retraite des forces allemandes, le nombre de prisonniers dans les camps soviétiques pour prisonniers de guerre (souvent d'anciens camps du Goulag dont les détenus - Zeks - avaient été soit enrôlés dans l'Armée rouge, soit transférés plus à l'est)[4] augmenta pour atteindre les 120 000 au début de 1942[5].

Quand la 6e armée allemande se rendit lors de la bataille de Stalingrad, 91 000 des survivants devinrent des prisonniers de guerre, portant leur nombre à 170 000[5] au début de 1943. Affaiblis par la malnutrition et mal équipés pour l'hiver russe, beaucoup gelèrent et moururent dans les mois suivant leur capture à Stalingrad ; seuls environ 6 000 d'entre eux survécurent et purent être rapatriés après la guerre[6],[7]. Comme la situation économique désespérée de l'Union soviétique s’améliora en 1943, le taux de mortalité dans les camps de prisonniers de guerre diminua de manière drastique. Au même moment, les prisonniers de guerre devinrent une source importante de travailleurs pour l'économie soviétique manquant de main-d'œuvre. Avec la formation du « Comité national pour une Allemagne libre » et la «Ligue des officiers allemands », les prisonniers de guerre procommunistes obtinrent plus de privilèges et de meilleures rations. À la suite de l'opération Bagration et l'effondrement de la partie sud du front de l'Est, le nombre de prisonniers de guerre allemands doubla presque dans la deuxième moitié de 1944. Dans les premiers mois de 1945, l'Armée Rouge avança jusqu'à la rivière Oder et jusqu’aux Balkans. Là encore, le nombre de prisonniers de guerre s’accrut pour atteindre 2 000 000 en [5].

Soldats allemands prisonniers de guerre sous garde soviétique dans les rues de Kiev.

Selon les archives soviétiques, 2,8 millions de membres de la Wehrmacht étaient détenus comme prisonniers de guerre par l'Union soviétique à la fin de la guerre. Un grand nombre de prisonniers de guerre allemands fut libéré à la fin de 1946 : l'Union soviétique détenait alors moins de prisonniers que le Royaume-Uni et la France réunis. Avec la création en d'un État allemand pro-soviétique dans la zone d'occupation soviétique en Allemagne, la République démocratique allemande (RDA), tous les prisonniers de guerre furent libérés et rapatriés, à l'exception de 85 000. La plupart des prisonniers encore détenus avaient été reconnus comme criminels de guerre et nombre d'entre eux avaient été condamnés à de longues peines dans des camps de travail forcé, généralement de 25 ans. Ce ne fut qu’en 1956 que le dernier de ces Kriegsverurteilte fut rapatrié, à la suite de l'intervention du chancelier ouest-allemand Konrad Adenauer à Moscou[8],[9].

L'historien britannique Richard Overy estime que 356 000 sur les 2 880 000 prisonniers de guerre allemands moururent dans des camps de travail soviétiques[10]. Selon Anne Applebaum, 570 000 prisonniers de guerre de l’Axe moururent en détention en Union Soviétique et les vrais totaux pourraient être plus élevés : « Dans les quelques mois de 1943, le taux de mortalité chez les prisonniers de guerre capturés avoisinait les 60 %... un taux de mortalité similaire avait prévalu parmi les soldats soviétiques en captivité en Allemagne : la guerre germano-soviétique était vraiment une lutte à mort[11]. » Une commission ouest-allemande[12] a estimé que près d'un million de prisonniers allemands étaient morts dans les camps soviétiques entre 1941 et 1952[13].

Selon Edward N. Peterson (en), les États-Unis choisirent de remettre plusieurs centaines de milliers de prisonniers allemands à l'Union soviétique en comme « geste d'amitié »[14]. Niall Ferguson soutient que de nombreuses unités allemandes avaient cherché à se rendre aux Américains, de préférence à d'autres forces alliées, et en particulier à l'Armée Rouge[15]. Heinz Nawratil (en) soutient que les forces américaines refusèrent la capitulation des troupes allemandes en Saxe et en Bohême, et à la place les ont remises à l'Union soviétique[16].

Des milliers de prisonniers furent transférés aux autorités soviétiques depuis les camps de prisonniers de guerre à l'Ouest : on sait par exemple que 6 000 officiers allemands furent envoyés depuis l'Ouest au camp de concentration de Sachsenhausen, qui était à l'époque l'un des camps spéciaux du NKVD et à partir duquel il est connu qu'il y avait des transferts plus à l'est vers la Sibérie[17].

Estimations allemandes[modifier | modifier le code]

Prisonniers de guerre allemands à Moscou (1944)

Le gouvernement ouest-allemand mit en place la commission Maschke pour enquêter sur le sort des prisonniers de guerre allemands durant la guerre. Dans son rapport de 1974, elle constata que pour près de 1,2 million de militaires allemands portés disparus, le plus probable était qu’ils étaient morts comme prisonniers de guerre, dont 1,1 million en URSS[18]. L'historien allemand Rüdiger Overmans évalue le nombre de prisonniers de guerre allemands morts en captivité en Union soviétique à 1,0 million. Sur la base de ses recherches, Overmans estime que la mort de 363 000 prisonniers de guerre en captivité en URSS peut être confirmée par les fichiers de la Deutsche Dienststelle (WASt). Il soutient qu'il semble tout à fait plausible, bien que non prouvable, que 700 000 militaires allemands répertoriés comme disparus soient effectivement morts en détention dans des camps soviétiques[3],[19].

Selon la section de la Croix-Rouge allemande chargée de tracer les captifs, 1 300 000 militaires allemands sont toujours officiellement portés disparus; on soupçonne que la plupart sont décédés comme prisonniers de guerre[20],[21].

Prisonniers de guerre allemands
détenus par l'URSS
Année Trimestre Nombre de prisonniers
de guerre allemands
1941 IV 26 000
1942 I 120 000
II 120 000
III 110 000
IV 100 000
1943 I 170 000
II 160 000
III 190 000
IV 200 000
1944 I 240 000
II 370 000
III 560 000
IV 560 000
1945 I 1 100 000
II 2 000 000
III 1 900 000
IV 1 400 000
1946 IV 1 100 000
1947 IV 840 000
1948 IV 500 000
1949 IV 85 000
1950 IV 29 000

Source du tableau: Rüdiger Overmans, Soldaten hinter Stacheldraht. Deutsche Kriegsgefangene des Zweiten Weltkriege. Ullstein., 2000 Page 246

Statistiques soviétiques[modifier | modifier le code]

Ci-dessous, le nombre total de prisonniers de guerre allemands de la Wehrmacht rapportés par le NKVD en date du (en excluant les citoyens de l'URSS qui servaient dans Wehrmacht). Les Soviétiques considéraient les Allemands originaires d'Europe de l'Est enrôlés par l'Allemagne comme des ressortissants de leur pays de résidence avant la guerre, par exemple les Allemands des Sudètes furent considérés comme des Tchèques[22].

Nationalité Nombre total de prisonniers de guerre Libérés et rapatriés Morts en captivité
Allemands 2 388 443 2 031 743 356 700
Autrichiens 156 681 145 790 10 891
Tchèques et Slovaques 69 977 65 954 4 023
Français 23 136 21 811 1 325
Yougoslaves 21 830 20 354 1 476
Polonais 60 277 57 149 3 128
Néerlandais 4 730 4 530 200
Belges 2 014 1 833 181
Luxembourgeois 1 653 1 560 93
Espagnols 452 382 70
Danois 456 421 35
Norvégiens 101 83 18
Autres 3 989 1 062 2 927
Total de la Wehrmacht 2 733 739 2 352 671 381 067
% 100 % 86,1 % 13,9 %

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Références[modifier | modifier le code]

  1. G. I. Krivosheev. Soviet Casualties and Combat Losses. Greenhill 1997 (ISBN 1-85367-280-7) Pages 276-278.
  2. In his revised Russian language edition of Soviet Casualties and Combat Losses Krivosheev put the number of German military POW at 2,733,739 and dead at 381,067 G. I. Krivosheev Rossiia i SSSR v voinakh XX veka: Poteri vooruzhennykh sil ; statisticheskoe issledovanie OLMA-Press, 2001 (ISBN 5-224-01515-4) Table 198
  3. a et b Rüdiger Overmans, Soldaten hinter Stacheldraht. Deutsche Kriegsgefangene des Zweiten Weltkriege. Ullstein., 2000 Page 246 (ISBN 3-549-07121-3)
  4. Anne Applebaum, Pierre-Emmanuel Dauzat (trad.), Goulag : Une histoire, Paris, éditions Bernard Grasset, 2003, 2005. (ISBN 2246661218)
  5. a b et c (de) Rüdiger Overmans, Soldaten hinter Stacheldraht. Deutsche Kriegsgefangene des Zweiten Weltkriege. Ullstein., 2000 Page 272 (ISBN 3-549-07121-3)
  6. (en) Nicolas Werth, Karel Bartošek, Jean-Louis Panné, Jean-Louis Margolin, Andrzej Paczkowski, Stéphane Courtois: The Black Book of Communism: Crimes, Terror, Repression, Harvard University Press, 1999, hardcover, 858 pages, (ISBN 0-674-07608-7), page 322. Ils estiment le nombre de prisonniers faits à Stalingrad à 100 000, dont 6 000 survécurent.
  7. (en) The Great Patriotic War: 55 years on La BBC estime le nombre de prisonniers faits à Stalingrad à 91 000, dont 6 000 survécurent.
  8. (de) Rüdiger Overmans: Soldaten hinter Stacheldraht. Deutsche Kriegsgefangene des Zweiten Weltkriegs. Ullstein, München 2002, (ISBN 3-548-36328-8), p.258
  9. (de) Andreas Hilger: Deutsche Kriegsgefangene in der Sowjetunion 1941-1956. Kriegsgefangenschaft, Lageralltag und Erinnerung. Klartext Verlag, Essen 2000, (ISBN 3-88474-857-2), p. 137 (Tabelle 3 and Tabelle 10)
  10. (en) Richard Overy The Dictators: Hitler's Germany and Stalin's Russia (2004), (ISBN 0-7139-9309-X)
  11. (en) Anne Applebaum: Gulag: A History, Doubleday, April, 2003, (ISBN 0-7679-0056-1); page 431. « Introduction online »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?) (consulté le ). Les soviétiques détenaient des prisonniers allemands, ainsi qu'italiens, roumains, hongrois et japonais.
  12. Nicolas Werth, Karel Bartošek, Jean-Louis Panné, Jean-Louis Margolin, Andrzej Paczkowski, Stéphane Courtois, The Black Book of Communism: Crimes, Terror, Repression, Harvard University Press, 1999, hardcover, 858 pages, (ISBN 0-674-07608-7), page 322
  13. (en) German POWs and the Art of Survival « Copie archivée » (version du sur Internet Archive)
  14. (en) Edward N. Peterson: The American Occupation of Germany, pp 116, "Some hundreds of thousands who had fled to the Americans to avoid being taken prisoner by the Russians were turned over in May to the Red Army in a gesture of friendship."
  15. (en) Niall Ferguson: Prisoner Taking and Prisoner Killing in the Age of Total War: Towards a Political Economy of Military Defeat War in History, 2004, 11 (2) 148–192 pg. 189
  16. (de) Heinz Nawratil Die deutschen Nachkriegsverluste unter Vertriebenen, Gefangenen und Verschleppter: mit einer Übersicht über die europäischen Nachkriegsverluste. Munich and Berlin, 1988, pp. 36f.)
  17. (en) Desmond Butler, « Ex-Death Camp Tells Story Of Nazi and Soviet Horrors », New York Times,‎ (lire en ligne)
  18. Erich Maschke, Zur Geschichte der deutschen Kriegsgefangenen des Zweiten Weltkrieges Bielefeld, E. und W. Gieseking, 1962-1974 Vol 15 P 185-230
  19. Rüdiger Overmans. Deutsche militärische Verluste im Zweiten Weltkrieg. Oldenbourg 2000. (ISBN 3-486-56531-1) Page 286-289
  20. Willi Kammerer; Anja Kammerer- Narben bleiben die Arbeit der Suchdienste - 60 Jahre nach dem Zweiten Weltkrieg Berlin Dienststelle 2005 ( Published by the Search Service of the German Red Cross. The forward to the book was written by German President Horst Köhler and the German interior minister Otto Schily)
  21. stern-Serie: Besiegt, befreit, besetzt - Deutschland 1945-48 "Die Schätzungen über die Zahl der in Haft gestorbenen Männer schwanken zwischen 600 000 und einer Million. Nach Angaben des Suchdienstes des Deutschen Roten Kreuzes ist bis heute das Schicksal von 1,3 Millionen Kriegsgefangenen ungeklärt - sie gelten offiziell als vermisst."
  22. Dans son édition en langue russe sur les pertes soviétiques, Krivosheev estime le nombre de prisonniers de guerre militaire allemand à 2 733 739 et de décès à 381 067.