Camp de Pithiviers — Wikipédia

Camp d'internement de Pithiviers
Bundesarchiv Bild 183-S69236, Frankreich, Internierungslager Pithiviers.jpg
Camp de Pithiviers en 1941.
Présentation
Gestion
Date de création mai 1941
Date de fermeture août 1944
Victimes
Géographie
Pays Drapeau de la France France
Région Loiret
Localité Pithiviers
Coordonnées 48° 10′ 14″ nord, 2° 14′ 30″ est
Géolocalisation sur la carte : France
(Voir situation sur carte : France)
Camp d'internement de Pithiviers

Le camp de Pithiviers était un camp d'internement situé à Pithiviers dans le département du Loiret (France).

Avec les camps de Beaune-la-Rolande et de Jargeau, le camp de Pithiviers était l'un des trois camps implantés dans le département du Loiret.

Localisation[modifier | modifier le code]

Le camp était situé sur le territoire de la commune de Pithiviers, à proximité de la gare. Pithiviers est situé à environ quatre-vingt kilomètres au sud de Paris et dix-neuf au nord-ouest de Beaune-la-Rolande.

Contexte historique[modifier | modifier le code]

Le camp a été construit au début de la Seconde Guerre mondiale avec l'objectif d'y accueillir des familles réfugiées de Paris, puis des prisonniers de guerre allemands.

Après l'armistice du 22 juin 1940, il est utilisé d'abord pour des prisonniers de guerre français. Joseph Darnand, fondateur et dirigeant de la Milice française, fait prisonnier de guerre le , a été interné au camp de Pithiviers avant de s'en évader en .

À partir de , les autorités françaises recensent les Juifs étrangers sur ordre des Allemands, puis le régime de Vichy prend l'initiative de promulguer une loi sur le statut des Juifs (loi du 4 octobre 1940).

Un camp d'internement des Juifs[modifier | modifier le code]

Theodor Dannecker, représentant d'Adolf Eichmann à Paris de à , souhaite cependant accélérer l'exclusion des Juifs, non seulement en les recensant et en les spoliant, mais également en les internant. Il peut compter sur Carltheo Zeitschel, qui partage avec lui les mêmes objectifs, et qui est chargé à l'ambassade d'Allemagne à Paris des relations avec le Commissariat général aux questions juives, créé le .

L'internement des Juifs étrangers[modifier | modifier le code]

Le , Theodor Dannecker informe le préfet régional Jean-Pierre Ingrand (1905-1992), représentant du ministère de l'Intérieur en zone occupée, de la transformation du camp de prisonniers de Pithiviers en camp d'internement, avec transfert de sa gestion aux autorités françaises. Les Allemands exigent dans le même temps l'application de la loi du , qui permet l'internement des Juifs étrangers. Le seul camp de Pithiviers étant insuffisant, celui de Beaune-la-Rolande est également requis, pour une capacité totale de 5000 places[1].

Le gouvernement de Vichy transforma ainsi le camp de prisonniers de guerre en camp d'internement pour les Juifs arrêtés lors des rafles et plus particulièrement la Rafle du billet vert le , puis les rafles du Vel d'hiv du 16 et . Après la rafle du Vel d'Hiv, environ 7 600 personnes sont transférées dans les camps du Loiret, où rien n’a été prévu pour les accueillir. Des épidémies se déclarent. Des enfants meurent[2].

La déportation des Juifs[modifier | modifier le code]

Six convois partirent de Pithiviers les 25 juin, 17 juillet, 31 juillet, 3 août, 7 août et , transportant 6 079 Juifs vers Auschwitz pour y être assassinés. Les autorités françaises ont proposé qu’on déporte également les enfants, que les nazis pourtant ne réclamaient pas encore. Dans l’attente de la réponse d’Eichmann à Berlin, les Allemands décident de déporter les adultes sans les enfants. Si les adolescents sont déportés avec leur père et les adolescentes avec leurs mères, à chaque départ, les gendarmes utilisent la force pour séparer les mères et les enfants en bas âge. La violence est extrême, les scènes d’une grande cruauté[2]. Les très jeunes enfants ne seront déportés qu'à partir du 13 août 1942 vers Drancy[3] (puis Auschwitz).

Il n'y eut que 115 survivants à la Libération, soit 1,8 % des déportés.

Après son arrestation à Saint-Benoît-sur-Loire, Max Jacob fut interné au camp de Drancy et y mourut.

Arrêtée le , la romancière Irène Némirovsky, auteure du roman inachevé Suite française, y est transportée le avant d'être déportée le à Auschwitz par le convoi n°6. Elle y meurt un mois plus tard de la grippe (selon le certificat du camp), en fait plus sûrement du typhus.

Un camp de détenus politiques[modifier | modifier le code]

Le camp de Pithiviers fut évacué à la fin du mois de pour être transformé en camp de concentration pour détenus politiques jusqu'en [4],[5].

Lieux de mémoire[modifier | modifier le code]

Les bâtiments ont été détruits au cours des années 1950 pour des raisons matérielles, non sans l'accord des associations mémorielles[6]. Seule l'infirmerie, actuel 2 rue de Pontournois, a été conservée, pour servir d'habitation. Le poste de garde, à l'entrée du camp, se trouvait au centre de l'actuel square Max-Jacob, 50 rue de l'Ancien camp, et non à côté, où a été dressée une stèle explicative à une époque où seuls les récits des survivants permettaient de se faire une idée des lieux. La limite opposée se situait à hauteur de l'actuel stade d'athlétisme, en retrait du 14 rue Gabriel-Lelong[7].

  • Depuis , le Centre d'étude et de recherche sur les camps d'internement du Loiret a inauguré à Orléans un musée-mémorial.
  • Un monument a été édifié, en 1957, sur le site du camp d'internement, rue de l'Ancien camp, non loin de la gare. Une urne noire contenant des cendres d'Auschwitz-Birkenau y a été déposée. Sur la stèle sont gravés les noms de Juifs internés dans le camp.
  • En 1992, une plaque commémorative rappelant la déportation des enfants fut apposée sur le monument.
  • Une plaque commémorative a été apposée sur la façade de l'ancienne gare, en 1994, par l'association Fils et filles de déportés juifs de France.

Photographies[modifier | modifier le code]

Au début des années 2010, 200 planches-contacts traitant de Paris sous l'Occupation réapparaissent lors d'une foire à Reims. Cinq d'entre elles, soit une centaine de clichés, concernent la rafle du billet vert et la vie des déportés aux camps de Beaune-la-Rolonde et de Pithiviers. Un brocanteur normand les achète et n'y pense guère jusqu'au visionnage d'un documentaire sur la Seconde Guerre mondiale. Il prend alors contact avec des collectionneurs, qui finissent par les léguer au Mémorial de la Shoah. Leur photographe pourrait être Harry Croner, membre d'une Compagnie de propagande qui accompagnait ce jour-là Theodor Dannecker et quelques officiels allemands assister aux opérations. Certaines photos furent publiées dans la presse collaborationniste, figurant par la suite dans des fonds d'archives ou des ouvrages historiques mais sans que le nom du photographe soit indiqué. L'un des clichés est célèbre pour avoir été repris dans le film Nuit et Brouillard (1956) d'Alain Resnais ; il était autrefois convenu qu'elle avait été prise à Pithiviers alors qu'on sait de nos jours qu'il s'agit de Beaune-la-Rolande[8].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Denis Peschanski, La France des camps. L'internement 1938-1946, Paris, Gallimard, 2002, p. 198-202.
  2. a et b « Le camp d’internement de Pithiviers », sur le site officiel de la Ville de Pithiviers,
  3. « Les familles du Vel d’hiv dans les camps de Pithiviers et Beaune-la-Rolande »,
  4. « Le camp d'internement de Pithiviers », pithiviers.fr
  5. « Pithiviers et Beaune-la-Rolande, internement et déportation des juifs », jewishtraces.org
  6. Nathalie Grenon, Orléans, 18 mars 2010, citée in Alexandra Derveaux, La valorisation des lieux de mémoires de la Shoah en France, entre mémoire et patrimoine culturel., p. 32, Université Panthéon-Sorbonne, Paris, septembre 2010.
  7. « Sur les traces de l'ancien camp de Pithiviers », Cercil, Orléans, 2008.
  8. Benoît Hopquin, « Des photos inédites lèvent le voile sur la « rafle du billet vert », en 1941, dans Paris occupé », sur Le Monde, (consulté le ).

Pour approfondir[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Kalma Apfelbaum (trad. du yiddish par Gérard Frydman), Lettres d'un interné au camp de Pithiviers, Orléans, CERCIL, coll. « Littérature et politique », , 185 p. (ISBN 2-7011-3963-5).
  • Cercle d'étude de la déportation et de la Shoah-Amicale d'Auschwitz, La rafle du billet vert, 14 mai 1941, et l'ouverture des camps d'internement du Loiret : conférence-débat du mercredi 8 juin 2011, Paris, Union des déportés d'Auschwitz, Association des professeurs d'histoire et de géographie et Cercle d'étude de la déportation et de la Shoah-Amicale d'Auschwitz, coll. « Petit cahier » (no 17), , 122 p. (ISBN 978-2-917828-12-0).
  • Éric Conan, Sans oublier les enfants : les camps de Pithiviers et de Beaune-la-Rolande, 19 juillet-16 septembre 1942, Paris, Librairie générale française, coll. « Le livre de poche » (no 30570), , 219 p. (ISBN 978-2-253-11721-6).
  • Jacques Fredj (dir.), Derniers souvenirs : objets des camps de Pithiviers et Beaune-la-Rolande, 1941-1942, Paris, Mémorial de la Shoah, , 63 p. (ISBN 978-2-916966-56-4).
    Publié à l'occasion de l'exposition présentée au Mémorial de la Shoah, Paris, 27 janvier-23 mars 2008.
  • Lycée Duhamel du Monceau, Cicatrices : 3 camps français : Pithiviers, Jargeau, Beaune-la-Rolande, Paris, le Bar floréal, , 109 p. (ISBN 2-912239-06-0).
  • Isaac Millman (préf. Odile Belkeddar), Je m'appelle Isaac et j'ai été un enfant caché, Orléans, CERCIL, , 79 p. (ISBN 978-2-9540903-0-6).
  • Mission d'étude sur la spoliation des Juifs de France et Annette Wieviorka (dir.), Les Biens des internés des camps de Drancy, Pithiviers et Beaune-la-Rolande, Paris, la Documentation française, , 97 p. (ISBN 2-11-004548-5).
  • Monique Novodorsqui-Deniau (dir.), Katy Hazan (dir.), Benoît Verny (dir.) et Nadine Fresco (dir.) (préf. Simone Veil), Pithiviers-Auschwitz, 17 juillet 1942, 6h15 : convoi 6, camps de Pithiviers et Beaune-la-Rolande, Orléans, CERCIL, , 359 p. (ISBN 2-9507561-6-6).
  • Isaac Schoenberg et Serge Klarsfeld (préf. Pierre Pachet), Lettres à Chana : camp de Pithiviers : mai 1941-juin 1942, Orléans, CERCIL, , 164 p. (ISBN 2-9507561-1-5).
  • Camille Vaillot et Robert Chantin (dir.), Mineur de Montceau-les-Mines : mémoires, Paris, l'Harmattan, coll. « Mémoires du XXe siècle », , 265 p. (ISBN 2-7384-5735-5).
  • Bernard Valéry (préf. Jacques-Henri Bauchy), Jours de peine et jours d'espoir : chroniques du pays d'entre Beauce et Gâtinais pendant la Deuxième guerre mondiale, Orléans, éd. Page à page, , 179 p. (ISBN 2-910912-04-3).

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]