Pierre Louÿs — Wikipédia

Pierre Louÿs
Pierre Louÿs vers 1890-1900.
Biographie
Naissance
Décès
(à 54 ans)
Paris (France)
Sépulture
Nom de naissance
Pierre Félix Louis
Nationalité
Formation
Activité
Période d'activité
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Fratrie
Georges Louis (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Conjoint
Louise de Heredia (d) (de à )Voir et modifier les données sur Wikidata
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Distinction
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Œuvres principales
signature de Pierre Louÿs
Signature de Pierre Louÿs dans son dossier de Légion d’honneur.

Pierre Félix Louis, dit Pierre Louÿs, est un poète et romancier français, né le à Gand (Belgique) et mort le à Paris 16e[2].

Il est également connu sous les noms de plume Chrysis, Peter Lewys et Pibrac[3].

Biographie[modifier | modifier le code]

Famille[modifier | modifier le code]

Pierre Louÿs est le fils de Pierre Philippe Louis (1812-1889) et de sa deuxième épouse, Claire Céline Maldan (1832-1879), petite-fille de Louise Junot (1772-1820), sœur du duc d'Abrantès, et du docteur Sabatier, médecin de Napoléon. Il est peut-être en réalité le fils de Georges Louis (1847-1917), son demi-frère[4],[5], diplomate en Égypte en qualité de délégué de la France à la Commission de la dette égyptienne (1893-1903), puis ambassadeur de France en Russie (1909-1913), et grand-croix de la Légion d'honneur en 1913[6], fils né d'une première union de leur père. Jusqu'à ce que la mort les sépare, ils échangeront une correspondance quasi quotidienne.

Formation[modifier | modifier le code]

Louÿs fait ses études à l'École alsacienne de Paris, où il se lie d'amitié avec son condisciple André Gide. Il rédige ses premiers textes durant son adolescence et tient un journal. Encore jeune homme, il commence à s'intéresser au mouvement littéraire du Parnasse, fréquentant les poètes emblématiques, Leconte de Lisle, José-Maria de Heredia (dont il épousera en 1899 la plus jeune fille, Louise). Il évolue aussi dans le réseau symboliste[7], mais Gide écrivait en 1892 : « Louÿs n'est pas symboliste du tout[8]. »

Débuts littéraires[modifier | modifier le code]

Pierre Louÿs fonde en la revue littéraire La Conque, où sont publiées les œuvres d'auteurs parnassiens et symbolistes, des maîtres servant de modèles, comme Mallarmé, Moréas, Leconte de Lisle ou Verlaine, mais également de jeunes poètes encore inconnus comme Valéry, André Gide et Louÿs lui-même[9].

Son premier recueil de poésies, Astarté, paraît en à compte d'auteur, puis aux Arts indépendants Chrysis ou la cérémonie matinale en , Poésies de Méléagre, traduction, en , Lêda ou la louange des bienheureux ténèbres en , La maison sur le Nil ou les Apparences de la Vertu en , Scènes de la vie des courtisanes de Lucien de Samosate, traduction, en , et la même année Les Chansons de Bilitis qui reste son œuvre la plus connue, et un exemple de mystification littéraire. En effet, Louÿs a fait passer ces poèmes pour une traduction d'une poétesse grecque contemporaine de Sappho.

Ce recueil de courts poèmes en prose est marqué par les influences du Parnasse hellénisant et du symbolisme avec un profond goût de la sensualité, du bucolique (dans sa première partie) et de l'érotisme élégant. Les évocations naturelles et précieuses y côtoient ainsi des scènes érotiques. Ces poèmes inspirèrent certains musiciens, dont Claude Debussy qui en tira trois compositions, avec la collaboration amicale de Louÿs.

Romans[modifier | modifier le code]

Son premier roman, Aphrodite (mœurs antiques), est publié en au Mercure de France. D'un style associant raffinement extrême, évocations sensuelles et décadentisme recherché, il est, selon Yves-Gérard Le Dantec[10], « le drame sans remède d'une adolescence passée à la recherche de l'amour vrai[11] ». Ce roman connaît un grand succès, aussi bien dans les milieux littéraires post-parnassiens qu'auprès du grand public, grâce à un article louangeur de François Coppée.

Portrait de Pierre Louÿs par Henry Bataille.

Son roman suivant, La Femme et le Pantin (), inspiré des mémoires de Casanova, se déroule à l'époque contemporaine. Soulignant les aspects dramatiques de la sensualité, il est souvent considéré comme le chef-d'œuvre de Louÿs, avec Trois filles de leur mère. Dans un style plus sobre que celui des œuvres précédentes, il allie pessimisme et cruauté mentale dans une atmosphère complexe d'affects torturés. De ce livre seront tirés d'abord une pièce de théâtre, La Femme et le Pantin, écrite par Pierre Louÿs et Pierre Frondaie, créée en , puis un drame musical, Conchita () de Maurice Vaucaire et Carlo Zangarini sur une musique de Riccardo Zandonai, puis plusieurs films, La Femme et le Pantin, de Jacques de Baroncelli avec Conchita Montenegro (muet, 1929), La Femme et le Pantin (The Devil is a Woman) de Josef von Sternberg avec Marlène Dietrich (), La Femme et le Pantin de Julien Duvivier avec Brigitte Bardot (), et Cet obscur objet du désir de Luis Buñuel avec Fernando Rey et Carole Bouquet ().

Avec François Coppée, et bien d'autres artistes et hommes de lettres (dont José-Maria de Heredia, Jules Verne, les peintres Edgar Degas, Auguste Renoir, le compositeur Vincent d'Indyetc.), il est membre de la Ligue de la patrie française, ligue anti-dreyfusarde modérée[12]. Il écrit encore un ouvrage d'une ironique grivoiserie Les Aventures du roi Pausole (, roman, adapté sous la forme d'une opérette, par Arthur Honegger, en 1930). À partir du début du XXe siècle, accablé de difficultés financières, Louÿs a beaucoup de mal à écrire et plus encore à publier. Il donne alors essentiellement des recueils d'articles et de nouvelles, préalablement publiés dans les journaux. Ses nouvelles sont teintées de fantastique comme celles du recueil Sanguines, publié en , qui fait apparaître Honoré de Balzac dialoguant avec un de ses personnages : Esther Gobseck.

Autres activités[modifier | modifier le code]

Portrait de Pierre Louÿs par Félix Vallotton paru dans Le Livre des masques de Remy de Gourmont (1898).

Après 1906 il écrit très peu, mais vers 1917 fait paraître Isthi (publié sans nom d'auteur à quelques centaines d'exemplaires), Poétique et surtout son chef-d'œuvre lyrique, le Pervigilium mortis, longtemps resté inédit. Ses Derniers vers, très amers, ne sont pas non plus publiés de son vivant. En , il publie dans la revue littéraire Comœdia un article intitulé « Molière est un chef-d'œuvre de Corneille », annonçant avoir mis au jour une supercherie littéraire, qui est à l'origine du débat de la paternité des œuvres de Molière[13].

Tout au long de sa vie, Louÿs a écrit un très grand nombre de curiosa, doublant notamment ses œuvres publiées d'une version érotique. D'autres textes, souvent ironiques, reprennent sous une forme coquine, voire pornographique, des œuvres sérieuses comme les quatrains de Pybrac ou le Manuel de civilité pour les petites filles à l'usage des maisons d'éducation. Il a également raconté ses difficiles relations avec les trois filles Heredia et leur mère dans Trois filles de leur mère, publié sous le manteau après sa mort, puis officiellement dans le catalogue de Jean-Jacques Pauvert.

Grand connaisseur de la littérature ancienne, Pierre Louÿs était aussi un bibliophile, qui possédait une bibliothèque de plus de 20 000 volumes (dont des unica). Passionné de bibliographie, il publia plusieurs articles sur ces questions et rédigea des milliers de fiches qu'il céda à son ami Frédéric Lachèvre, auteur d'une Bibliographie des recueils collectifs de poésies publiés de 1597 à 1700 qui fait encore référence aujourd'hui. Frédéric Lachèvre a lui-même publié les lettres qu'il a reçues de Pierre Louÿs, après la mort de ce dernier sous le titre, Pierre Louÿs et l'histoire littéraire (Paris, 1925).

Vie privée[modifier | modifier le code]

Il épouse en 1899 la plus jeune fille de José-Maria de Heredia, Louise, après avoir été l'amant de sa seconde fille, Marie, épouse d'Henri de Régnier.

À partir de 1917, il vit avec Aline Steenackers (1895-1979), qu'il épouse en 1923. Elle lui donne possiblement[14] trois enfants : Gilles (Paris 15e, 1920 - L'Escarène, 1993), Suzanne (Paris, 1923) et enfin Claudine (Paris 16e, 1925 - Saint-Cloud, 2020), dont postérité.

Parmi ses différentes demeures, il demeura au 147 boulevard Malesherbes à Paris 17e de 1897 à 1902.

Dernières années[modifier | modifier le code]

Tombe de Pierre Louÿs au cimetière du Montparnasse (division 26).

La fin de sa vie est difficile ; ruiné, paralysé et atteint de cécité partielle, il vit ses dernières années retiré dans la solitude. Mort d'une crise d'emphysème, il est inhumé à Paris, au cimetière du Montparnasse (division 26)[15].

L'œuvre de Pierre Louÿs est entrée dans le domaine public en 2000.

Distinctions[modifier | modifier le code]

Pierre Louÿs est nommé chevalier de la Légion d'honneur le en qualité d'homme de lettres, puis promu officier le [16].

Citation[modifier | modifier le code]

« Ici gît le corps délicat de Lydé, petite colombe, la plus joyeuse de toutes les courtisanes, qui plus que toute autre aima les orgies, les cheveux flottants, les danses molles et les tuniques d’hyacinthe.

Plus que toute autre, elle aima les glottismes savoureux, les caresses sur la joue, les jeux que la lampe voit seule et l’amour qui brise les membres. Et maintenant, elle est une petite ombre.

Mais avant de la mettre au tombeau, on l’a merveilleusement coiffée et on l’a couchée dans les roses ; la pierre même qui la recouvre est tout imprégnée d’essences et de parfums.

Terre sacrée, nourrice de tout, accueille doucement la pauvre morte, endors-la dans tes bras, ô Mère ! et fais pousser autour de la stèle, non les orties et les ronces, mais les tendres violettes blanches. »

— Tombeau d'une jeune courtisane (Les Chansons de Bilitis)

Œuvre[modifier | modifier le code]

Correspondance inédite
Pierre Louÿs-José-Maria de Heredia.

Poésie[modifier | modifier le code]

  • Astarté, 1891
  • Chrysis ou la cérémonie matinale, 1893
  • Lêda ou la louange des bienheureuses ténèbres, 1894
  • Ariane ou le chemin de la paix éternelle, 1894
  • La Maison sur le Nil ou Les apparences de la vertu, 1894
  • Les Chansons de Bilitis, 1894
  • Danaë ou le malheur, 1895
  • Byblis changée en fontaine, illustré par Jacques Wagrez, Paris, Borel, 1898
  • Mimes des courtisanes de Lucien, 1899
  • Isthi, 1916
  • Pervigilium Mortis (non publié), 1917
  • Poëtique, 1917
  • Pybrac, 1927. Réédition Allia 2005.
  • Douze douzains de dialogues ou Petites scènes amoureuses, 1927. Réédition Allia 1995

Romans[modifier | modifier le code]

Recueils de contes et nouvelles[modifier | modifier le code]

  • Sanguines, 1903 (comprenant les contes suivants : L'Homme de pourpre, Dialogue au soleil couchant, Une volupté nouvelle, Escale en rade de Nemours, La fausse Esther, La Confession de Melle X, L'Aventure extraordinaire de Mme Esquollier, Une Ascension au Venusberg, La Persienne, Un piano)
  • Archipel, 1906 (comprenant les articles et contes suivants : La nuit de printemps, L'île mystérieuse, Les chercheurs de trésors, Une fête à Alexandrie, Sports antiques, Lesbos d'aujourd'hui, La femme dans la poésie arabe, La désespérée, Liberté pour l'amour et pour le mariage, Une réforme dangereuse, La ville plus belle que le monument, La statue de la vérité, La censure, Le boulevard, Le capitaine aux guides, Un cas juridique sans précédent)

Essais[modifier | modifier le code]

Théâtre[modifier | modifier le code]

Diverses publications posthumes[modifier | modifier le code]

  • Psyché, 1927 avec une finale la fin de Psyché par Claude Farrère
  • Poésies nouvelles (1928, éditions Montaigne)
  • Au Temps des Juges, 1933
  • La Sirène, Les Amis de Pierre Louys, sans date
  • Son journal est publié après sa mort et complété en 2003 (Mon Journal (-), éd. Alban Cerisier, Les Cahiers de la NRF, 232 p.)
  • Pierre Louÿs est l'auteur d'une correspondance dont une partie a déjà été publiée avec Claude Debussy, Paul Valéry et André Gide, son frère Georges Louis (Mille Lettres inédites de Pierre Louÿs à Georges Louis 1890-1917, éd. Jean-Paul Goujon, Fayard, 1320 p.) ou (Correspondance inédite, éd. Jean-Paul Goujon, Champion, 2006)
  • Une compilation du meilleur des recueils Sanguines et Archipel, selon l'auteur, est publiée sous le titre L'homme de pourpre (éd. Le Castor Astral)
  • Son Œuvre érotique, enrichie de nombreux poèmes inédits, a été rééditée en 2012 par Jean-Paul Goujon (collection Bouquins, éd. Robert Laffont, (ISBN 2-221-12747-1) ) - Sélection Prix Mauvais genres 2012[17]
  • Paroles : accompagnées de quinze photographies anonymes, Paris, Allia, , 72 p. (ISBN 2-911188-87-X)

Iconographie[modifier | modifier le code]

Jacques-Émile Blanche a fait son portrait en 1893 (coll. privée) ; œuvre exposée à la fondation Pierre Bergé-Yves Saint-Laurent à Paris, d' à .

Beaucoup d'artistes ont illustré les œuvres de Pierre Louÿs, notamment : Édouard Chimot, Antoine Calbet, Carlos Schwabe, Louis Icart, Marcel Vertès, Rojan, Paul-Émile Bécat, Mariette Lydis, Milo Manara, Claire Wendling, Georges Pichard, Willy Pogány, Silvio Cadelo, Laure Albin-Guillot, Erich von Götha, Jacobsen.

Adaptations cinématographiques[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. « ark:/36937/s005b076e4a67bd0 », sous le nom LOUYS Pierre (consulté le )
  2. Extrait de naissance et bulletin de décès de Pierre Louÿs sur la base Léonore.
  3. (BNF 11913504)
  4. Jean d'Ormesson, Saveur du temps, éditions Héloïse d'Ormesson, , 224 p. (ISBN 978-2-35087-306-0, lire en ligne), « Pierre Louÿs : ombres et lumières d'un poète libertin ».
  5. Michel Bounan, « Pierre Louÿs et l'inconvenance », dans Pierre Louÿs, Manuel de civilité pour les petites filles à l'usage des maisons d'éducation, éditions Allia, , 108 p. (ISBN 978-2-904235-43-6, lire en ligne).
  6. Michel Wattel et Béatrice Wattel, Les Grand’Croix de la Légion d’honneur : De 1805 à nos jours, titulaires français et étrangers, Paris, Archives et Culture, 2009, p. 270.
  7. André Barre, Le Symbolisme : essai historique sur le mouvement symboliste en France de 1885 à 1900, suivi d’une bibliographie de la poésie symboliste, Paris, B. Franklin, , ix, 411, in-8° (OCLC 556941818, lire en ligne), p. 421.
  8. François Lesure, Claude Debussy, biographie critique, Fayard, , p. 168.
  9. (en) David J. Niederauer, Pierre Louÿs : His Life and Art, Paris, David J. Niederauer, , 300 p. (ISBN 978-0-920050-97-2, lire en ligne), p. 109.
  10. Yves-Gérard Le Dantec sur data.bnf.fr
  11. Dictionnaire des auteurs Laffont-Bompiani, 1983, vol. III, p. 181.
  12. Jean-Pierre Rioux, Nationalisme et conservatisme : la Ligue de la patrie française, 1899-1904, Paris, Beauchesne, (lire en ligne).
  13. L’Intermédiaire des chercheurs et curieux, t. 79, Paris, Benjamin Duprat, , 392 p. (lire en ligne), p. 198.
  14. Voir le site internet consacré à Pierre Louÿs ; il existe un doute sur ces paternités tardives.
  15. Cimetières de France et d'ailleurs
  16. « Notice LH ».
  17. Lauréats 2012, site de France Culture.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Bibliographie[modifier | modifier le code]

Ouvrages (par ordre chronologique)
Divers
  • Yves-Gérard Le Dantec, « Pierre Louÿs », in Dictionnaire des auteurs Laffont-Bompiani, 1983, vol. III, p. 181
  • Gérard Manset lui consacre son 21e album, une suite de 18 titres, intitulé Opération Aphrodite, sorti le .

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

Notices et ressources[modifier | modifier le code]