Pierre-Gaspard Chaumette — Wikipédia

Pierre-Gaspard Chaumette
Pierre-Gaspard Chaumette
(estampe de François Bonneville, Paris, BnF, fin du XVIIIe siècle).
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Voir et modifier les données sur Wikidata (à 30 ans)
ParisVoir et modifier les données sur Wikidata
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Anaxagoras ChaumetteVoir et modifier les données sur Wikidata
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Pierre-Gaspard Chaumette, dit Anaxagoras Chaumette, né le à Nevers (Nièvre) et mort guillotiné le à Paris, fut procureur de la Commune de Paris pendant la Révolution française. Porte-parole des sans-culottes, artisan de la déchristianisation, il lutta aussi pour l'abolition de l'esclavage. Il fut condamné à la guillotine avec les hébertistes.

Biographie[modifier | modifier le code]

Enfance et formation[modifier | modifier le code]

D'extraction sociale modeste, fils d'un maître cordonnier de Nevers, Chaumette fut chassé du collège à treize ans. Mousse puis timonier dans la marine de guerre, il participa aux combats contre l'Angleterre pendant la guerre d'indépendance des États-Unis. Il assista à l'esclavage aux Antilles, à Saint-Domingue en particulier, ce qui influença sa lutte pour l'abolition de l'esclavage et l'égalité entre Noirs et Blancs pendant la Révolution[1]. De 1783 à 1786, il étudia la médecine à Moulins et à Nevers. Infirmier chirurgien, il devint l'élève et le secrétaire de Thuck, docteur de la faculté de Londres lors de ses voyages en France[2]. Chaumette est influencé par les idées de Jean-Jacques Rousseau dans le domaine de la politique (Du Contrat social), de l'éducation (L'Émile), de la morale et de la religion (Profession de foi du vicaire savoyard).

La Révolution[modifier | modifier le code]

Après avoir participé à la fondation d'un club révolutionnaire à Nevers, il rejoignit Paris en . Il devint l'un des orateurs les plus écoutés dans le jardin du Palais-Royal. Il fut reçu au Club des cordeliers, adhéra à la section communale du Théâtre-Français et collabora au journal Révolutions de Paris. Le , il fut élu procureur syndic de la Commune. Il fut, avec Hébert, son substitut, à la tête d'une faction dite des « exagérés ». Il participa à l'agitation des sans-culottes à la Convention nationale.

Il proposa et prit de nombreuses mesures sociales et morales pour les indigents, les veuves, les fous, les prostituées. Il interdit les jeux de hasard et le fouet dans les écoles, ce qui lui donna une certaine popularité[3]. Il lutte pour l'abolition de l'esclavage notamment dans le journal jacobin Les Révolutions de Paris . Les articles étaient anonymes mais on peut croire d'après des sources thermidoriennes que sur le sujet il a pris le relais de Sonthonax et a écrit tous les articles de à . À l'automne 1791 il salua avec enthousiasme l'insurrection des esclaves de Saint-Domingue, et regretta la timidité des membres de la Société des amis des Noirs : « à qui l'humanité et la philanthropie n'ont qu'un seul reproche à faire, c'est celui de n'avoir pas été assez humains ni assez philanthropes[4],[5] ». En 1791 et 1792, il était opposé à la guerre et partisan de l'abolition de la peine de mort.

Deux ans plus tard, il était fervent partisan de la Terreur : dénonciations, loi des suspects, guillotine pour les accapareursetc.

Il est contre l'égalité des sexes. Il s'est publiquement félicité de l'exécution de Manon Roland et d'Olympe de Gouges, au prétexte qu'elles auraient oublié les devoirs qui conviennent aux femmes. S'adressant aux citoyennes de Paris, il ajoutait à leur sujet : « Et vous voudriez les imiter ? Non, vous ne serez vraiment dignes d'estime qu'en vous efforçant d'être ce que la Nature a voulu que vous fussiez. Nous voulons que les femmes soient respectées, c'est pourquoi nous les forcerons à se respecter elles-mêmes »[6].

À Nevers et dans le district de Château-Chinon comme commissaire de Joseph Fouché durant l'automne 1793 et à Paris comme procureur, il fut un artisan de la déchristianisation, ce qui le brouilla avec Robespierre. Défenseur du peuple, Chaumette considérait que le peuple devait être l'objet des fêtes nationales. Il prit le nom d'Anaxagoras, en référence au philosophe grec. Il tenta d'instaurer de nouveaux rituels républicains, comme les fêtes de la Raison. Cependant, il s'opposa aux mesures de vandalisme contre les églises préconisées par Hébert et cassa l'arrêté municipal du qui ordonnait la fermeture de tous les lieux de culte et la persécution des prêtres[7].

Chaumette voulait étendre la Révolution à tous les domaines. Il inventa ainsi la mode de porter des sabots.

Discours de Chaumette lors de la fête de l'abolition le dans Notre-Dame, devenue Temple de la Raison[8].

Il continua son combat contre l'esclavage. Le , il se présenta à la Convention, porteur d'une pétition sans-culotte qui demandait l'abolition de la servitude des Noirs. Il prit de multiples initiatives pour populariser le décret du 16 pluviôse an II () : publication d'un article dans les révolutions de Paris du 25 pluviôse an II (), intitulé Les nègres enfin libres : l'article assez sec attribuait tout le mérite de la loi aux sans-culottes, en même temps qu'il regrettait le retard pris dans cette décision. Le 30 pluviôse an II () fut une apothéose avec l'organisation à Paris d'une grande fête au « Temple de la Raison » et l'audition par le public d'un très long discours sur l'esclavage[9],[5].

Il eut l'intention de renverser la Montagne et projeta une insurrection au Club des cordeliers, mais il se heurta au refus de la Commune de Paris[10].

Arrestation et exécution[modifier | modifier le code]

Portraits de Gobel et Chaumette pris sur le vif, dans la charrette les conduisant à l'échafaud, par Vivant Denon. Coll. part..

Il fut arrêté et jugé pour « conspiration contre la république » et pour avoir « cherché à anéantir toute espèce de morale, effacer toute idée de divinité et fonder le gouvernement français sur l'athéisme ». Il fut également accusé d'être un agent de l'Angleterre. Victime du Comité de salut public qui cherchait à casser le pouvoir de la Commune et à mettre fin à la déchristianisation, il fut condamné à mort au terme d'un procès inique et truqué. Il fut guillotiné le avec un groupe d'exagérés et de modérés, dont l'« évêque constitutionnel » de Paris Jean-Baptiste Gobel, le député Philibert Simond, le général Arthur Dillon, Lucile Desmoulins, veuve de Camille Desmoulins, la veuve de Jacques Hébert, ainsi que des membres de l'armée révolutionnaire comme le lieutenant Alexandre Nourry-Grammont[11].

Vie privée[modifier | modifier le code]

On a publié anonymement en 1793 un pamphlet attaquant Chaumette, intitulé Vie privée de P. G. Chaumette ; on y parlait de ses différentes maîtresses et on le blâmait d'avoir fait accuser des femmes qui ne se prêtaient pas à ses avances. En 1908, l'historien Frédéric Braesch publie une anthologie des papiers de Chaumette[12] qui voulait mettre en contradiction les réquisitoires publics de Chaumette sur les bonnes mœurs avec la réalité de sa vie privée. L'auteur crut déceler dans les lettres échangés avec son ami Doin au temps de sa jeunesse « autre chose que de l'amitié » et parla des « goûts contre nature de Chaumette » sans publier toutefois ces lettres ; on lui a reproché à l'époque une faute d'interprétation. L'essayiste militant Didier Godard affirme que les papiers saisis au domicile de Chaumette confirmeraient l'homosexualité de celui-ci[13] mais cette hypothèse apparaît « hasardeuse » pour les historiens[14].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Bossut 1998, p. 21.
  2. Bossut 1998, p. 34.
  3. Bossut 1998, p. 124.
  4. Benot 1987.
  5. a et b Piquet 2002.
  6. Olivier Blanc, Marie-Olympe de Gouges, une humaniste à la fin du XVIIIe siècle, 2003.
  7. Bossut 1998, p. 364.
  8. Luce-Marie Albigès, « La fête de l'abolition de l'esclavage à Paris : Histoire analysée en images et œuvres d’art », sur L'histoire par l'image, (consulté le )
  9. Bossut 1998.
  10. Roger Caratini, Dictionnaire des personnages de la Révolution française, Le Pré aux Clercs, 1988, p. 174.
  11. Bossut 1998, p. 483.
  12. Papiers de Chaumette publiés avec une introduction et des notes par F. Braesch. Paris, Société de l’histoire de la Révolution française, 1908.
  13. Didier Godard, L'Amour philosophique, Béziers, 2005, p. 226.
  14. Bossut 1998, p. 36.

Sources imprimées[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

Hébert, Chaumette, Vincent et Gobel sur la charrette les menant à la guillotine. Tableaux historiques de la Révolution française, Paris, BnF, département des estampes, 1802.
  • Yves Benot, La Révolution française et la fin des colonies, Paris, La Découverte,
  • Nicole Bossut, « Aux origines de la déchristianisation dans la Nièvre : Fouché, Chaumette ou les jacobins nivernais ? », Annales historiques de la Révolution française, no 264,‎ , p. 181-202 (lire en ligne).
  • Nicole Bossut, « Chaumette porte-parole des sans-culottes », Annales historiques de la Révolution française, no 298,‎ , p. 744-746 (lire en ligne).
  • Nicole Bossut, Chaumette, porte-parole des sans-culottes, Paris, Éditions du CTHS, coll. « Mémoires et documents / Commission d'histoire de la Révolution française » (no 51), , 535 p. (ISBN 2-7355-0374-7, présentation en ligne).Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • Olivier Douville, « La France révolutionnaire et l’esclavage, présentation du discours de Chaumette prononcé à la Convention Nationale en 1793 », Cahiers des anneaux de la mémoire, n° 3, 2001.
  • Jean-Daniel Piquet, L’émancipation des Noirs dans la Révolution française (1789-1795), Paris, Karthala,
  • Jean-François Surrateau et François Gendron (dir.), Dictionnaire historique de la Révolution française, Presses universitaires de France, 1989.
  • Roger Clay, « Gaspard Chaumette (Nevers 1763 Paris 1794) Un collégien facétieux » dans Cahier nivernais d'histoire de l'éducation, Nevers, n° 27, 2014.

Liens externes[modifier | modifier le code]