Physique (Aristote) — Wikipédia

Physique
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(el) ΦυσικάVoir et modifier les données sur Wikidata
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Commentaire à la Physique d'Aristote (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Manuscrit médiéval en latin de la Physique d'Aristote.

La Physique (en grec ancien : Φυσικὴ ἀκρόασις) est un traité de physique et de philosophie d'Aristote. Il s'agit d'une œuvre majeure de la philosophie occidentale.

Présentation générale[modifier | modifier le code]

La Physique est une introduction épistémologique à l'ensemble des ouvrages d'Aristote, notamment dans le domaine des sciences naturelles. Elle est une réflexion sur la connaissance des réalités naturelles et sur la nature en général[1].

La nature se définit de différentes manières pour Aristote, quoique le sens principal soit un principe de changement immanent aux êtres qui le possèdent. Suivant le fil directeur de son enquête sur les choses de la nature, Aristote aborde de nombreux concepts majeurs de sa philosophie, comme la théorie des quatre causes, soulève les enjeux principaux de sa philosophie, notamment le rapport entre la forme et la matière[1].

Ce traité a été considéré par de nombreux penseurs, tels Heidegger, comme un ouvrage fondamental de la philosophie occidentale[2],[3].

Résumé[modifier | modifier le code]

Livre Α[modifier | modifier le code]

Les bases de l'enquête[modifier | modifier le code]

Le livre A permet à Aristote de poser les bases de son approche de la nature, à savoir l'enquête sur les principes, les causes et les éléments. Par une rapide doxographie, il rappelle les positions tenues par Parménide, Mélissos et Anaxagore, et les réfute (chap. 3 et 4)[4].

Les trois principes naturels[modifier | modifier le code]

Aristote identifie ensuite trois principes naturels : les substances, les opposés, et la privation. Il définit le concept de hylé, qui signifie la matière, ou l'essence fondamentale (chap. 7). Il en donne une définition plus approfondie plus tard, soutenant que la matière est le substrat premier de chaque chose[5].

Livre B[modifier | modifier le code]

La nature comme principe immanent commandant le mouvement et le repos[modifier | modifier le code]

Dans le deuxième livre, Aristote définit la nature comme la cause du mouvement et du repos de ce dont elle est immanente. Les entités naturelles sont capables de mouvement, c'est-à-dire de croître, d'acquérir des qualités, de naître et de mourir. Cela les distingue des choses artificielles, qui, pour celles qui peuvent se mouvoir, ne se meuvent pas en fonction de ce qu'elles sont, mais de ce dont elles sont faites[1].

Dans les derniers chapitres (chap. 7 à 9), Aristote revient à sa théorie de la nature sur la base de ce qui a été conclu au sujet des quatre causes (voir infra). Il conclut que la nature agit selon une fin (cause finale), et discute de la nécessité qui est présente dans les choses naturelles[6].

La théorie des quatre causes[modifier | modifier le code]

Le livre B est central en ce qu'il s'agit du livre où Aristote dévoile sa théorie des quatre causes[1]. Il entend le mot cause sous quatre sens, qui chacun peut répondre à la question « pourquoi ? » :

  • La cause matérielle (la matière dont la chose est faite), qui inspirera la substance dans la scolastique. La « matière première » d'Aristote est pure puissance, non connaissable car elle n’a pas par elle-même de forme.
  • La cause formelle (la forme de la chose) : on la désigne sous le nom de quiddité ou essence formelle. Selon Aristote, tout ce que l'on connaît est un composé (sunolon) de matière et de forme. La forme est pour Aristote un concept ambivalent, qui désigne à la fois la forme géométrique et l’idée, le concept d’une chose.
  • La cause efficiente ou motrice : le premier commencement du mouvement et du repos. La cause efficiente de la physique moderne est en discontinuité avec son effet, ce qui n’est pas le cas chez Aristote.
  • La cause finale (ce pour quoi la chose a été faite) : fin ou principe téléologique.

Une même chose peut avoir une pluralité de causes mais non au même sens. Il peut y avoir « rétroaction » de la cause finale sur l’événement. La même chose peut être cause des contraires, selon qu’elle est présente ou absente.

Le hasard et la chance[modifier | modifier le code]

La sagesse populaire, dit Aristote, soutient que la chance (τύχη / tukhé) et le hasard (αὐτόματον / automaton) sont des causes. Aristote s'oppose à cette conception, remarquant qu'on attribue souvent à la chance ce qu'on n'arrive pas à saisir par les causes. Pourtant, des évènements imprévus et non-voulus arrivent. Les faits rares et par accident s'ajoutent à l'essence sans lui être nécessaire. Le hasard appartient au monde des êtres inanimés et des animaux, c'est-à-dire que la chose qui a lieu se déroule en vue d'une fin, sans avoir en vue le résultat. La chance, elle, est confinée aux affaires humaines[1].

Aristote s'oppose donc, après une doxographie, aux atomistes (Démocrite, Leucippe, Épicure…), pour qui le hasard est la déviation de la trajectoire des atomes, qui, normalement, tombent verticalement. Ce hasard atomiste est spécifiquement appelé le clinamen[7].

Livre Γ[modifier | modifier le code]

Différence entre en puissance et en acte[modifier | modifier le code]

Comprendre la nature exige, selon le philosophe, de modifier notre compréhension de ce qu'est le mouvement. Il définit alors le couple de concepts puissance et acte. Ce qui est en puissance est potentiel, peut arriver et peut ne pas arriver ; ce qui est en acte est ce qui est actuellement, ce qui a été réalisé. Le changement est l'actualisation d'une potentialité[1].

Discussion de l'apeiron[modifier | modifier le code]

Aristote traite ensuite de l'apeiron, c'est-à-dire de l'infini, de l'illimité, et de l'incorruptible[8]. Il distingue l'infini par des opérations mathématiques d'addition et de division, ainsi que par la différence entre ce qui est infini en acte et infini en puissance.

Livre Δ[modifier | modifier le code]

Le lieu, le vide et le temps[modifier | modifier le code]

L'auteur revient sur les trois concepts qui permettent de supposer le mouvement : le lieu (topos), le vide (kenon), et le temps (chronos). Le livre commence par une étude de comment une chose peut être dans une autre[9].

Le philosophe définit le temps comme un attribut constant du mouvement. Il soutient que le temps n'existe pas seul, mais est relatif au mouvement des choses. Le temps est ainsi un mouvement en rapport avec l'avant et l'après[10].

La non-existence du vide[modifier | modifier le code]

Aristote soutient, en réfutation des atomistes, que le vide est non seulement non nécessaire, mais qu'il mène en plus de cela à des contradictions physiques.

Livre Ε et Ζ[modifier | modifier le code]

Les quatre catégories du mouvement[modifier | modifier le code]

Les livres E et Z traitent des modalités du mouvement. Il en existe quatre catégories : un mouvement de quantité, de qualité, de lieu et de substance. Le mouvement de substance est une génération ou corruption.

Le passage au contraire[modifier | modifier le code]

Le livre Z se concentre sur les modalités du changement d'un contraire à un autre[11].

Livre Η[modifier | modifier le code]

Aristote s'intéresse à la relation entre le moteur et le mouvement. Il rompt avec Platon au sujet du mouvement de l'âme, qu'il ne croit pas pouvoir être autonome. Tout ce qui meut a été mu par un moteur[1].

Livre Θ[modifier | modifier le code]

Le premier moteur[modifier | modifier le code]

Le livre thêta est le plus volumineux du traité. Il traite en majeure partie du premier moteur substance éternelle et immobile, qui meut par la simple volonté. Le premier moteur est l'un des trois ordres de recherche dans la nature : l’immobile (le premier moteur qui doit être immobile sinon il serait mu), le mu incorruptible (le ciel) et le mu corruptible (le monde sublunaire)[1].

La finitude de l'univers[modifier | modifier le code]

Aristote se questionne sur la question de la limite de l'univers. Il considère que l'hypothèse d'un univers infini et illimité est intenable pour des raisons physiques[12].

Postérité[modifier | modifier le code]

Aristote traite, dans le livre B, de la matière dite première. L'équivalent moderne de la matière première est, selon Leibniz, la masse au sens des physiciens[13].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b c d e f g et h Annick Stevens, Aristote : un fondateur méconnu, (ISBN 978-2-918112-86-0 et 2-918112-86-0, OCLC 1107042775, lire en ligne)
  2. «La "Physique" d'Aristote, qui est « en retrait », et pour cette raison jamais suffisamment traversé par la pensée, est le livre de fond de la philosophie occidentale. » (M. Heidegger, "Ce qu'est et comment se détermine la φύσις", dans Questions I et II, trad. François Fédier, Paris, Gallimard, coll. Tel, 1968, 1998, p. 489) ; « La Physique d'Aristote demeure le livre fondamental de ce qu'on appellera plus tard la métaphysique. Celle-ci a déterminé la structure de la pensée occidentale tout entière [...]. » (M. Heidegger, Le principe de raison, trad. André Préau, Paris, Gallimard, coll. Tel, 1962, 2003, p. 151).
  3. Heidegger, Martin (1998), On the Essence and Concept of φὐσις in Aristotle's Physics Β, 1. Cambridge, Cambridge University Press, p. 183-230, 185. «Aristotle's Physics is the hidden, and therefore never adequately studied, foundational book of Western philosophy.»
  4. Mantas Adomenas, Qu'est-ce que la philosophie présocratique ?: What is presocratic philosophy ?, Presses Univ. Septentrion, (ISBN 978-2-85939-740-1, lire en ligne)
  5. Cristina Cerami, Génération et Substance: Aristote et Averroès entre physique et métaphysique, Walter de Gruyter GmbH & Co KG, (ISBN 978-1-61451-969-0, lire en ligne)
  6. Aristote, Physique, Flammarion, (ISBN 978-2-08-070887-8 et 2-08-070887-2, OCLC 490562163, lire en ligne)
  7. (en) John Dudley, Aristotle's Concept of Chance: Accidents, Cause, Necessity, and Determinism, SUNY Press, (ISBN 978-1-4384-3228-1, lire en ligne)
  8. Robert Locqueneux, Une histoire des idées en physique, Vuibert, (ISBN 978-2-7117-2487-1, lire en ligne)
  9. Cornelius Castoriadis, Le Monde morcelé, Les Carrefours du labyrinthe, Seuil, (ISBN 978-2-02-148729-9, lire en ligne)
  10. Robert Petkovšek, Le statut existential du platonisme: Platon dans l'analytique existentiale de Heidegger, Peter Lang, (ISBN 978-3-03910-335-5, lire en ligne)
  11. Marwan Rashed et Alexander (Aphrodisiensis), Alexandre d'Aphrodise, commentaire perdu à la "Physique" d'Aristote (livres IV-VIII): les scholies byzantines : édition, traduction et commentaire, Walter de Gruyter, (ISBN 978-3-11-018678-9, lire en ligne)
  12. Daniel Larose, Aristote de A à Z, Que sais-je, (ISBN 978-2-7154-0754-1, lire en ligne)
  13. Sept occurrences du mot masse dans son De ispsa natura (De la nature en elle-même), qui renvoient à la fois à la « matière première » d'Aristote et à notre sens contemporain : « la notion même de matière première ou de masse, qui est partout la même dans le corps et proportionnelle à sa grandeur... » (p. 217 de la traduction du latin par P. Schrecker, in Opuscules philosophiques choisis, Paris, Vrin, 2001 ; aperçu en ligne).

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Articles
  • Michel Bastit, « Aristote et la séparation », Revue philosophique de Louvain, t. 90, no 87,‎ , p. 297-316 (lire en ligne, consulté le ).
  • Maxime Vachon, « Les apories sur l'existence du temps et du maintenant (Aristote, Physique Δ, 10) », Laval théologique et philosophique, vol. 71, no 1,‎ , p. 133-149 (lire en ligne)
  • Antoine Côté, « Aristote admet-il un infini en acte et en puissance en Physique III, 4 ? », Revue philosophique de Louvain, t. 88, no 80,‎ , p. 487-503 (lire en ligne)
  • Gérard Verbeke, « La structure logique de la preuve du Premier Moteur chez Aristote », Revue philosophique de Louvain, vol. 46, no 10,‎ , p. 137-160 (lire en ligne)
Ouvrages

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]