Persécution des homosexuels en Tchétchénie — Wikipédia

Manifestation "Mères tchétchènes pleurants leurs enfants" destinée à attirer l'attention sur les persécutions, le à Saint-Pétersbourg.

La persécution des homosexuels en Tchétchénie est un ensemble d'exactions commises depuis 2017 en Tchétchénie (république de la fédération de Russie), à l'encontre des personnes LGBT. Novaïa Gazeta, journal de l'opposition libérale, affirme, dans une enquête publiée le , qu'une centaine d'hommes auraient été enlevés, détenus et torturés. L'accusation a été reprise tout d'abord par Amnesty International, puis par plusieurs médias américains, britanniques et français. Elle est rejetée en bloc par les autorités tchétchènes et russes. Néanmoins, le président russe Vladimir Poutine a ordonné une enquête[1].

Déroulement[modifier | modifier le code]

Elena Milachina, journaliste à Novaïa Gazeta, média russe d'opposition, publie le un article dans lequel elle affirme qu'un plan de répression est mené en Tchétchénie contre les homosexuels (réels ou présumés[2]). Une centaine d'individus, âgés de 16 à 50 ans, auraient été enlevés et seraient détenus dans des « prisons secrètes »[3], torturés, parfois électrocutés, pour leur soutirer le nom d'autres homosexuels[4],[5]. Trois auraient ainsi été tués[6], les familles auraient été incitées à assassiner leurs proches pour « laver leur honneur »[3]. La responsable de l'association russe LGBT Network déclare que « l'homosexualité en Tchétchénie est considérée comme un déshonneur, une tache pour toute la famille. Et [elle croit] que la seule façon de nettoyer cette tache est de tuer cette personne ». Ainsi, la mort d'un jeune de 17 ans, poussé par son oncle du neuvième étage d'un immeuble, est déclarée. Le journal mentionne également au moins trois morts[7].

Le , lors d'une manifestation pacifique à Saint-Pétersbourg pour des droits aux citoyens LGBT et pour la libération des prisonniers, 17 militants sont arrêtés[8] pour « trouble à l'ordre public »[9]. Le , trois associations françaises[10] LGBT portent plainte à la Cour pénale internationale contre le président tchétchène Ramzan Kadyrov, pour « génocide » et « persécutions », précisant que « ces actes ne sont pas le fait de groupes isolés, mais sont l'œuvre des autorités tchétchènes, sous la direction du président, Ramzan Kadyrov »[11]. Alexandre Marcel, président du comité IDAHO France et porte-parole de Stop Homophobie, affirme que la plainte est « le seul moyen de poursuivre [ces] comportements nazis »[12].

L'Organisation non gouvernementale russe LGBT Network ouvre une ligne d'appel d'urgence et permet, en mai, d'évacuer une quarantaine d’homosexuels à l'étranger[7].

Le , cinq militants LGBTI sont arrêtés alors qu'ils tentaient de remettre une pétition (de deux millions de signatures[13]) au bureau du procureur général russe[14]. Ils sont libérés le lendemain mais convoqués pour un procès du [13].

Le , le député et ministre d'État aux Affaires étrangères britannique Alan Duncan annonce devant la Chambre des communes que la République tchétchène souhaite « éliminer » tous les LGBT du pays avant le Ramadan ()[15],[16].

Maxime Lapounov est la première victime à témoigner contre les violences policières envers les personnes homosexuelles et à porter plainte contre les autorités tchétchènes à visage découvert[17],[18],[19],[20].

En , la presse internationale mentionne le cas de la disparition du chanteur Zelim Bakaev, qui est arrêté puis assassiné par des siloviki anti-gays[21].

Deux années après, en , Human Rights Watch dénonce une « nouvelle vague de répression anti-gay » en Tchétchénie. Selon l'ONG, la police tchétchène a procédé à une « nouvelle série d’arrestations illégales, de passages à tabac et d’actes humiliants à l’encontre d’hommes présumés homosexuels ou bisexuels »[22].

Réactions[modifier | modifier le code]

En Russie[modifier | modifier le code]

Le porte-parole du gouvernement tchétchène, Alvi Karimov, assure en que ces condamnations sont des « mensonges absolus ». Il poursuit : « Vous ne pouvez pas arrêter et persécuter des gens qui n’existent pas dans la République. [...] S’il y avait de telles personnes en Tchétchénie, les forces de l’ordre n’auraient rien à faire car leurs proches les enverraient vers un endroit dont on ne revient pas. » Il affirme ainsi que les LGBT ne sont pas présents et n'existent pas dans son État[6].

Le , le Président russe Vladimir Poutine annonce avoir ordonné une enquête afin de vérifier la véracité des allégations[1].

Le , Dmitri Peskov, porte-parole de la présidence russe, annonce qu'« il n'y a jusqu'à présent aucune confirmation concrète » de telles persécutions[8]. Une enquête a été ouverte par le parquet général, mais les enquêteurs disent n'avoir reçu aucune plainte officielle de victime[23].

Le , un nouvel article d'Elena Milachina, toujours dans la Novaïa Gazeta, fait état de l'engagement de l'enquête. Il y est indiqué que les forces de l'ordre seraient contraintes à témoigner par les enquêteurs, qu'elles donneraient la liste des personnes illégalement détenues, mais que les parents des victimes seraient contraintes à signer des déclarations selon lesquelles elles seraient parties pour des raisons professionnelles[24].

À l'étranger[modifier | modifier le code]

Divers candidats à l'élection présidentielle française d'avril-mai 2017 ont choisi de se prononcer sur cet événement : Benoît Hamon (Parti socialiste), dans un post du sur le réseau social Twitter déclare que « la communauté internationale doit condamner les exactions rapportées par la presse de Kadyrov contre les homosexuels en Tchétchénie ». Le futur président Emmanuel Macron (En marche !) « condamne [ces] actes odieux » et ajoute que « la France et l'Europe doivent s'engager contre ces attaques ». De son côté, Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise), dans son meeting à Lille du apporte son soutien aux victimes et déplore que certains pays répriment encore cette orientation sexuelle. Le même jour, Philippe Poutou (Nouveau Parti anticapitaliste) exprime également sur Twitter sa « colère et [sa] révolte face aux violences homophobes en Tchétchénie »[2]. Marine Le Pen (Front national), arrivée au second tour et François Fillon (Les Républicains), arrivé troisième, ne s'expriment pas sur le sujet[25]. Cécile Duflot, candidate à la primaire écologiste de l'année précédente, s'indigne de cet « infâme crime d'État à dénoncer puissamment »[26].

La chancelière allemande Angela Merkel demande, lors d'une conférence de presse à Sotchi le , au président russe Vladimir Poutine d'utiliser son « influence » pour que les homosexuels soient respectés en Tchétchénie[8].

Au Royaume-Uni, le député et ancien maire de Londres Boris Johnson affirme sur Twitter que c'est « un gouvernement scandaleux de la Tchétchénie qui soutient plutôt que d'arrêter les mauvais traitements ». La ministre d'État aux Affaires étrangères Joyce Anelay ajoute que les persécutions « sont extrêmement [préoccupantes] »[27].

Le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères français informe dans un communiqué de presse du qu'il est prêt à « examiner les demandes de visa à caractère humanitaire » pour les homosexuels tchétchènes persécutés[3], mais change de direction le lendemain, lors de l'annonce du nouveau gouvernement. D'autres pays réalisent la même offre : neuf Tchétchènes ont pu obtenir leur visa dans plusieurs États dont sept faisant partie de l'Union européenne et la Lituanie[28] mais les États-Unis déclare qu'« ils n'ont pas de volonté politique » et « qu'ils ne délivreront pas de visas », selon un porte-parole du réseau russe LGBT joint par BFM TV[28],[29],[30].

Le jury de la Queer Palm au festival de Cannes interpelle en l'opinion publique sur la persécution des homosexuels en Tchétchénie[31].

Sur Internet[modifier | modifier le code]

Dès l'annonce des événements, plusieurs faits sont référencés sur l'Internet francophone et mondial : une pétition « pour une enquête sur les massacres et tortures d'homosexuels en Tchétchénie », de 450 000 signatures au , est postée sur Change.org[3] par le MAG Jeunes LGBT pour informer l'UNESCO, l'ONU, ainsi que les candidats à l'élection présidentielle française[16] et les hashtags #Kiss4LGBTQrights (« un baiser pour les droits des LGBT »)[3], #Chechya100[25] et #TchétchénieURGENCE (un temps numéro un des hashtags sur Twitter France[32]) sont créés pour soutenir la cause des victimes tchétchènes et faire circuler l'information[33]. L'association brésilienne LGBT [SSEXBBOX], auteur du hashtag #Kiss4LGBTQright[12] lance une campagne contre l'homophobie de la présidence russe et incite les couples homosexuels à se prendre en photo en train de s'embrasser puis de la poster sur le réseau social Instagram avec son hashtag[34].

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • (ru) Elena Milachina, « Crime d'honneur : Comment les ambitions d'un activiste LGBT notoire ont réveillé une ancienne et terrible coutume », Novaïa Gazeta, no 34,‎ (lire en ligne)

Vidéographie[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a et b « Homosexuels persécutés en Tchétchénie : Poutine intervient », sur RFI, .
  2. a et b « Philippe Poutou condamne « les violences homophobes en Tchétchénie » », sur Libération, (consulté le ).
  3. a b c d et e Moréa Lahalle, « La France se dit prête à accueillir des homosexuels persécutés en Tchétchénie », sur France Bleu, (consulté le ).
  4. Fanny Marlier, « Arrestations, tortures... La Tchétchénie accusée de tuer des homosexuels », sur Les Inrockuptibles, .
  5. « La Tchétchénie accusée de persécuter des homosexuels », sur Le Monde, .
  6. a et b Kahina Sekkai, « L'inquiétante situation des homosexuels en Tchétchénie », sur Paris Match, (consulté le ).
  7. a et b « Enlevés, torturés ou tués en raison de leur homosexualité », sur Amnesty Suisse, (consulté le ).
  8. a b et c « À Sotchi, Angela Merkel interpelle Vladimir Poutine sur la situation des homosexuels en Tchétchénie », sur Charente libre, (consulté le ).
  9. Paul Gogo, « Russie : 17 militants LGBT arrêtés à Saint-Pétersbourg », sur Libération, (consulté le ).
  10. (en) « Chechnya accused of 'gay genocide' in ICC complaint », sur BBC, (consulté le ).
  11. « Persécution d'homosexuels en Tchétchénie: (sic) une plainte pour "génocide" déposée », sur Paris Match, (consulté le ).
  12. a et b Chloé Gaborit, « Tchétchénie : trois associations LGBT portent plainte pour génocide des homosexuels », sur L'Obs, (consulté le ).
  13. a et b « Russie : justice pour les 100 Tchétchènes », sur Go allout, (consulté le ).
  14. « Russie. L'arrestation de militants LGBTI qui essayaient de remettre une pétition que la Tchétchénie est une mesure de répression impulsive », sur Amnesty International, (consulté le ).
  15. (en) Loulla-Mae Eleftheriou-Smith, « Chechnya wants to eliminate gay community by end of May, reports suggest », sur The Independent, (consulté le ).
  16. a et b Mélissa Perraudeau, « La Tchétchénie voudrait "éliminer" tous les homosexuels du pays d'ici fin mai », sur Konbini, (consulté le ).
  17. Julie Baret, « Cet homme est le premier gay à porter plainte contre les autorités tchétchènes à visage découvert », sur Têtu, (consulté le ).
  18. « Russie: une victime témoigne des violences policières contre les homosexuels en Tchétchénie », sur BFMtv, (consulté le ).
  19. « Russie: un militant homosexuel raconte les violences policières en Tchétchénie »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), sur Libération, (consulté le ).
  20. Edwy Malonga, « Russie : un militant homosexuel dévoile les violences policières en Tchétchénie », sur LCI, (consulté le ).
  21. « Tchétchénie : un chanteur homosexuel russe torturé, puis assassiné », sur L'Obs, (consulté le ).
  22. « En Tchétchénie, un journaliste américain fait son coming-out au chef de la police », sur TÊTU, (consulté le )
  23. La Rédaction, « Persécution d’homosexuels en Tchétchénie: une plainte pour "génocide" déposée », Paris Match,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  24. (ru) Elena Milachina, « В Чечне паника и саботаж » [« Panique et sabotage en Tchétchénie »], Новая газета - Novayagazeta.ru,‎ , p. 22 mai 2017 (lire en ligne, consulté le )
  25. a et b « Tchétchénie : Mélenchon s'indigne, Hamon et Macron condamnent, Fillon et Le Pen s'abstiennent », sur Têtu, (consulté le ).
  26. « Hamon et Macron condamnent la répression des homos en Tchétchénie », sur Libération, (consulté le ).
  27. (en) Ashley Cowburn, « Boris Johnson condemns Chechen ‘detention of 100 gay men’ calling on Russian authorities to investigate », sur The Independent, (consulté le ).
  28. a et b « Tchétchénie: (sic) des pays commencent à accorder des visas aux homosexuels persécutés », sur BFM TV, (consulté le ).
  29. (en) J. Lester Feder, « Russian activists say they've been told US Vvisas are out of reach for gay Chechens », sur BuzzFeed, (consulté le ).
  30. (en) « Chechen gay men hopeful of finding refuge in five countries », sur BBC, (consulté le ).
  31. (de) Christian Lütjens, « Cannes-Jury im Tschetschenien-Protest - MÄNNER », MÄNNER,‎ (lire en ligne, consulté le )
  32. Donia Ismail, « Tchétchénie : Des homosexuels persécutés », sur Politis, (consulté le ).
  33. Esther, « Il faut parler de l’horreur homophobe en Tchétchénie, alerte Hugo Travers », sur Madmoizelle, (consulté le ).
  34. Charlotte Viguié, « Un mouvement de solidarité se lance sur Instagram pour soutenir les personnes LGBT persécutées en Tchétchénie », sur Mashable, (consulté le ).