Ordre de l'Écu d'or — Wikipédia

Ordre de l'Écu d'or
Image illustrative de l’article Ordre de l'Écu d'or
Hommage du sire de Barbançon à Louis II de Bourbon, accompagné des chevaliers de l'Écu d'or[1].

Devise allen
Création [2]
Statut Ordre chevaleresque
Langue officielle Bourbonnais d'oïl
Siège Château des ducs de Bourbon
Grand maître Duc de Bourbon
Membres 17 chevaliers[3].

L’ordre de l’Écu d’or est est l'un des trois ordres de chevalerie[n. 1] du duché de Bourbon. Il fut fondé à la fin du XIVe siècle par Louis II, duc de Bourbon, à son retour de captivité en Angleterre, d'une part pour réaffirmer son autorité après sa longue absence, d'autre part pour récompenser les gentilshommes de sa principauté qui lui étaient restés fidèles et avaient défendu ses intérêts[4].

Il aurait été ainsi nommé parce que l'insigne consistait en un médaillon ou écu d'or, sur lequel se voyait le mot allen.

L'historien François Sicard l'assimile[5], vraisemblablement à tort, à un énigmatique « ordre de l'Écu vert ou de la Dame blanche »[n. 2]. L'articulation de cet ordre avec celui de Notre-Dame du Chardon, créé en 1370, à l'occasion du futur mariage du duc avec Anne Dauphine d'Auvergne, n'est pas claire : il est difficile de déterminer s'il a remplacé l'Écu d'or, si ces deux ordres ont fusionné ou s'ils ont existé conccuremment[6], d'autant que, comme ceux du Chardon, les chevaliers de l'Écu d'or portaient la ceinture Espérance[7].

Quelques auteurs ont même mis en doute l'existence de l'Ordre et ont suggéré que le bijou était simplement une pièce de plaisir que Louis II avait distribué aux seigneurs de sa cour à l'occasion du 1er janvier[8]. Néanmoins, il semble désormais établi que le duc a réellement créé l'ordre de l'Écu au lendemain de son retour d'exil[9].

Fondation[modifier | modifier le code]

L'ordre de l'Écu d'or fut institué un 1er janvier, peu de temps après le retour de captivité du duc, mais les sources divergent sur l'année[2]. Jean Cabaret d'Orville, qui relate avec force détails les circonstances de sa fondation dans deux chapitres de la Chronique du bon duc Loys de Bourbon[10],[11], mais qui est peu fiable sur les datations[n. 3], la situe le [10], alors qu'il date pourtant – et erronnément – le retour de Louis II dans ses domaines « deux jours devant Noël, l'an de grâce mil IIIc LXIIJ ». D'autres auteurs donnent l'année 1369[5],[8], tandis que D'Arcy Boulton, fixant le retour du duc en Bourbonnais au mois d'octobre 1366 et l'adoption de la devise espérance au jour de Noël de la même année, retient la date du [2].

Olivier Troubat, s'appuyant sur les archives du prieuré Saint-Pierre-et-Saint-Paul, qui permettent de suivre les préparatifs de cette journée, indique comme probable l'année 1366 pour l'annonce faite aux barons bourbonnais de la création de l'Ordre[6], à l'occasion de la fête de saint Odilon à Souvigny[n. 4]. D'autres historiens, comme Laurent Hablot, valident l'année, mais suivent la chronique qui fixe cette annonce aux fêtes de Noël[12].

Quelques jours plus tard, « la veille du jour de l'an », selon Cabaret, Louis II réunit ses chevaliers à Moulins et, le lendemain, avant qu'ils ne se rendissent ensemble à la messe en « l'église Nostre-Dame », le duc « les voulut estrener d'une belle ordre qu'il avoit faite, qui s'appeloit l'ecu d'or » et « en baillant ladicte ordre, commença à dire le duc de Bourbonnois à ung chascun »[10] :

« Messeigneurs, cet ordre de l’Ecu d’Or que j’ai créé signifie beaucoup de choses honorables pour tous les chevaliers et les autres que je vous dirais après le service divin et après que nous ayons dîné, ainsi nous pourrons jurer et promettre tous ensemble[12]. »

Après la messe, le duc poursuivit :

« Mes seigneurs, recevez ce don pour le bon espoir que j'ai en vous auprès de Dieu. Le dit ordre veut que tout chevalier qui le porte doit mener de bonnes œuvres, ne doit jamais blasphémer, doit honorer les dames et ne pas tolérer qu'on en médise car des femmes auprès de Dieu vient une partie de l'honneur de ce monde ; et tous les membres de l'ordre se doivent porter foi l'un à l'autre.

Dores en avant vous porterez cette ceinture où il y a écrit un joyeux mot Espérance ; et le mot Allen mis en travers de l'écu nous redira à tous, à vous et à moi : allons tous ensemble au service de Dieu, et soyons tous unis en la défense de notre pays[13]. »

Chevaliers[modifier | modifier le code]

Chevalier de l'ordre de l'Écu d'or.

La chronique de Cabaret nomme quinze chevaliers qui reçurent cette distinction le jour de la fondation et précise qu'il y en eut « plusieurs autres »[14]. La liste semble donnée selon un ordre de préséance, au moins pour les quatre premiers, qui font partie des plus fidèles alliés de Louis II et occuperont, par la suite, des charges importantes. Les autres chevaliers sont presque tous membres de l'ost et de l'hôtel ducal de Louis II et portent aussi le titre de conseiller[4] :

  • Henri de Montaigu, sire de La Tour (Henri Aycelin, fils de Gilles Aycelin et Mascaronne de La Tour), qui deviendra conseiller du duc[4].
  • Guichard Daulphin, seigneur de Jaligny et parmi les plus grands barons du Bourbonnais[4]. Il est l'un des plus fidèles du duc et sera choisi comme exécuteur testamentaire. Conseiller du duc, il sera également conseiller et précepteur du dauphin de France, grand-maître des arbalétriers de France et sénéchal du Nivernais.
  • Griffon de Montaigu, frère d'Henri (Bernard de Montaigut, dit le Griffon de Montaigut), qui sera également conseiller et chevalier banneret.
  • Hugues de Chastellus, sire de Chastelmorand, père de Jean de Châteaumorand, qui deviendra conseiller et chambellan[4].
  • le sire de Chastel de Montaigne (Guillaume de Châtel-Montagne).
  • le sire de la Palice (Imbert de La Palice, sire de Lubié).
  • Guillaume de Vichi, sire de Busset, chambellan du duc.
  • Phelippes des Serpens (Philippe d'Isserpent, grand bailli d'Auvergne).
  • Lordin de Saligny (Jean Lourdin, seigneur de Saligny et de Randan).
  • le sire de Chantemerle (Pierre de Chantemerle).
  • Regnault de Baserne, sire de Champroux (Renaud de Bazarnes, de la maison de Toucy).
  • le sire de Veaulce (Pierre le Borgne de Veauce).
  • le sire de Blot (Jean de Chauvigny de Blot).
  • Guillaume de La Mothe (La Mothe Saint-Jean, près de Digoin).
  • Pierre de Fontenai, du pays de Berri (Fontenay, près de Germigny).

Insignes et habits de cérémonie[modifier | modifier le code]

Les insignes de l'ordre étaient une broche d'or en forme d'écu[12] « et en celui escu d'or estait une bande de perles ou il avait escript : allen[10] », ainsi qu'une ceinture bleue sur laquelle apparaissait en émail le mot espérance[13].

Sur une tunique bleue, les chevaliers portaient un manteau de la même couleur, doublé d’hermine, au côté droit duquel était brodé l’écu d'or à la devise allen.

Allen, devise de l'ordre[modifier | modifier le code]

Le jour de l'institution de l'Ordre, après le repas, le duc avait expliqué à ses chevaliers le sens de cette devise : « Allen est à dire : allons tous ensemble au service de Dieu, et soyons tous ung en la deffense de nos pays, et là ou nous porrons trover et conquester honneur par fait de chevalerie[10] ».

Si la signification générale de la devise choisie par Louis II est claire, l'origine du mot Allen a été expliquée de plusieurs manières par les commentateurs. Pour Louis Moreri, qui consacre une entrée de son dictionnaire au mot Allen, c'est un « mot dont la signification n'est pas connue »[15]. Pourtant, à la même époque, Jean-Marie de La Mure déclare que le mot signifie, en forézien, « Allons »[16], ce que réfute l'un de ses commentateurs, André Steyert[17], précisant que ce terme n’est pas du patois forésien mais le terme saxon « all » : « tous »[12]. Au XIXe siècle, Achille Allier[18] écrit : « Le duc Louis avait rapporté cette devise d'Angleterre : allen, qu'on écrit aujourd'hui all, est un mot anglais qui signifie « tout » ». Valery Larbaud, quand il fait d’Allen le titre de l'un de ses romans (1927), se place dans les pas d'Achille Allier. Aujourd'hui, la plupart des historiens, comme André Leguai[19], rapproche bien le mot de l'anglais « all » et le comprend comme « tous », « tout ».

Allen a été choisi par Jean Cluzel, alors président du conseil général de l'Allier, comme nom de l'ensemble de prix annuels qu'il a fondé en 1985 pour récompenser des œuvres et des actions humaines remarquables en rapport avec le Bourbonnais[20].

L'Écu d'or dans la culture populaire[modifier | modifier le code]

L'ordre de l'Écu d'or a donné son nom à un « jeu de piste immersif » sous la forme d’une application mobile en téléchargement gratuit. Ce jeu propose à un public large deux parcours scénarisés :

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Laurent Hablot (Op. cit. infra) précise : « Il faut se garder de donner au mot ordre la valeur formelle que nous lui connaissons aujourd’hui. La devise permettant de réunir sous un même signe un certain nombre de fidèles est fréquemment qualifié d’ordre dès la fin du XIVe siècle, quand bien même cet ordre ne comporte ni statuts ni numerus clausus. »
  2. Il s'agit peut-être d'une confusion avec l'ordre de la dame blanche à l'écu vert, fondé en 1399 Jean II Le Meingre, maréchal de Boucicaut, qui pourrait s'expliquer par le fait que certaines familles étaient représentées à cette époque dans plusieurs institutions. Ainsi, la famille de Châteaumorand, dont le père, Hugues de Chastellux était chevalier de l'Écu d'or et le fils, Jean, chevalier de l'Écu vert à la Dame blanche. (Voir à ce sujet : Marie Blaise-Groult, Op. cit. en référence).
  3. Alphonse-M. Chazaud, en publiant les manuscrits de Cabaret, souligne les multiples inexactitudes que ceux-ci comportent.
  4. Le Martyrologe romain fixe la fête d'Odilon de Cluny au 1er janvier.

Références[modifier | modifier le code]

  1. Lors du dénombrement de la comté de Clermont en Beauvaisis, Jean, sire de Barbançon, châtelain de Bulles, rend hommage à Louis II, duc de Bourbon, en présence de chevaliers de l'ordre de l'Écu d'or, au château de Bulles.
  2. a b et c (en) D'Arcy Jonathan Dacre Boulton, The Knights of the Crown : The Monarchical Orders of Knighthood in Later Medieval Europe, 1325-1520, Boydell Press, , 643 p. (ISBN 0851157955 et 9780851157955, lire en ligne), p. 271 et suiv.
  3. Louvan Geliot et Pierre Palliot, La Vraye et Parfaite Science des Armoiries : L'indice armorial, Dijon, Pierre Palliot, , 678 p. (lire en ligne).
  4. a b c d et e Marie Blaise-Groult, « Étude comparée de trois ordres de chevalerie français à la fin du XIVe siècle : l’ordre de l’Écu d’or, l’ordre de la Pomme d’or et l’ordre de l’Écu vert à la Dame blanche », Publications du Centre Européen d'Etudes Bourguignonnes, vol. 59 « Rencontres de Vienne (24-27 septembre 2018) : Autour de la Toison d’or. Ordres de chevalerie et confréries nobles aux XIVe – XVIe siècles »,‎ , p. 337-352 (ISSN 1016-4286, e-ISSN 2034-6786, lire en ligne [PDF], consulté le ).
  5. a et b François Sicard, Histoire des institutions militaires des Français : suivie d'un aperçu sur la marine militaire, t. 4, Paris, Corréard Jeune, , 444 p. (lire en ligne), p. 35-36.
  6. a et b Olivier Troubat, La guerre de Cent Ans et le prince chevalier : Le « bon duc » Louis II de Bourbon (1337-1410), t. 2, Montluçon, Cercle d'archéologie de Montluçon et de la région, , 832 p. (ISBN 2915233004 et 978-2915233001).
  7. Jacques Dallier, « Les ordres de la chevalerie bourbonnaise », Limousin-Magazine, no 334,‎ .
  8. a et b W. Maigne, Dictionnaire encyclopédique des ordres de chevalerie, Paris, Adolphe Delahays, , 240 p., p. 145.
  9. Jean-Bernard de Vaivre, « Un document inédit sur le décor héraldique de l'ancien hôtel de Bourbon à Paris », Archivum heraldicum, vol. 86, no Cahier 1,‎ , p. 2-10 (lire en ligne, consulté le ).
  10. a b c d et e Jean Cabaret d'Orville, La chronique du bon duc Loys de Bourbon ; publiée, pour la Société de l'Histoire de France, par Alphonse-M. Chazaud sur Gallica
  11. Jean Cabaret d'Orville, Op. cit, p. 8-15 : III.– Comment le duc de Bourbon donna à plusieurs chevaliers son ordre de l'Escu d'or, le jour de l'an… et IV.– Comment le duc de Bourbon expousa la signifiance de l'escu d'or aux chevaliers, et comment messire Phelipes des Serpens parla pour tous, et quelles paroles le duc lui répliqua.(en ligne)
  12. a b c et d Laurent Hablot, La ceinture Espérance et les devises des ducs de Bourbon, in Espérance : le mécénat religieux des ducs de Bourbon à la fin du Moyen Âge (Catalogue de l'exposition du 15 juin-11 novembre 2001.), Musée municipal de Souvigny, , 12 p. (HAL hal-00280613, lire en ligne).
  13. a et b Gabriel Depeyre, Les ducs de Bourbon, Paris, H. Champion, , 480 p. (lire en ligne), p. 185-186.
  14. Achille Allier (L'Ancien Bourbonnais) et Simon de Coiffier Demoret (Histoire du Bourbonnais et des Bourbons qui l'ont possédé, Paris, Michaud, 1814 et 1816, 2 vol.) se sont efforcés d'identifier ces quinze chevaliers et proposent des noms pour ceux qui ne sont pas nommés.
  15. Louis Moreri, Le Grand Dictionnaire historique, vol. I, (books), p. 252.
  16. Jean-Marie de La Mure, Histoire des ducs de Bourbon et des comtes de Forez, en forme d'annales sur preuves authentiques, t. III, Paris, (books), ch. IV. : « L’an 1363, il institua un ordre de chevalerie qu’il appela de l’Écu d’Or, dont la devise était le mot Allen qui, au langage vulgaire forésien, signifie « Allons », comme si, par ce mot, il invitait ses chevaliers d’aller où l’honneur et la gloire appelait leur valeur. »
  17. Boulton, Op. cit. : « Apparently Bourbonnais dialect for Allons ».
  18. Achille Allier, L'Ancien Bourbonnais, vol. I, Moulins, Crépin-Leblond, , p. 537.
  19. André Leguai, Le Bourbonnais pendant la guerre de Cent Ans, Moulins, Imprimeries réunies, , p. 240.
  20. Pascal Larcher, « Cinq nouveaux chevaliers au service du Bourbonnais », La Montagne,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  21. « Jeu de piste l'ordre de l'écu d-or : Allen chevaliers de Montluçon », sur Allier-Bourbonnais (consulté le ).
  22. « Jeu de piste l'ordre de l'écu d-or : Ondines et sortilèges de Tronçais », sur Allier-Bourbonnais (consulté le ).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • André Favyn, Le Theatre d'honneur et de chevalerie, ou l'histoire des ordres militaires des roys, & princes de la chrestienté, & leur genealogie : De l'institution des armes, & blasons, vol. I, Robert Foüet, , 915 p. (lire en ligne), p. 763-790.
  • [1660-1668] Jean-Marie de La Mure, Histoire des ducs de Bourbon et des comtes de Forez, en forme d'annales sur preuves authentiques (4 vol.), Paris, éditeur scientifique Régis de Chantelauze (1821-1888) ; éd. Potier (A. Picard et fils), 1860-1897, 1660-1668, sur books.google.fr (lire en ligne).
  • Henri Sauval, Histoire et recherches des antiquités de la ville de Paris : réédité sous le titre : Paris ancien et moderne, Paris, Charles Moette et Jacques Chardon, . Trois tomes : tome 1, tome 2, tome 3.
  • (en) D'Arcy Jonathan Dacre Boulton, The Knights of the Crown : The Monarchical Orders of Knighthood in Later Medieval Europe, 1325-1520, Woodbridge, Boydell Press, , 643 p. (ISBN 0851157955 et 9780851157955, lire en ligne), p. 271 et suiv.
  • Olivier Troubat, La guerre de Cent Ans et le prince chevalier : Le « bon duc » Louis II de Bourbon (1337-1410), t. 2, Montluçon, Cercle d'archéologie de Montluçon et de la région, , 832 p. (ISBN 2915233004 et 978-2915233001).
  • Laurent Hablot, La ceinture Espérance et les devises des ducs de Bourbon, in Espérance : le mécénat religieux des ducs de Bourbon à la fin du Moyen Âge (Catalogue de l'exposition du 15 juin-11 novembre 2001.), Musée municipal de Souvigny, , 12 p. (HAL hal-00280613, lire en ligne).
  • Auguste Savagner, Les Bourbons : histoire de la maison de Bourbon, des princes et personnages illustres qui en sont issus, J. Delahaye et Dartout, Paris, 1845, p. 32-35, sur Gallica.
  • Jean-Bernard de Vaivre, « Un document inédit sur le décor héraldique de l'ancien hôtel de Bourbon à Paris », Archivum heraldicum, vol. 86, no Cahier 1,‎ , p. 2-10 (lire en ligne, consulté le ).

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]