Oleh Sentsov — Wikipédia

Oleh Sentsov
Biographie
Naissance
Nom de naissance
Oleh Hennadiyovitch Sentsov
Nationalité
ukrainienne (depuis )Voir et modifier les données sur Wikidata
Formation
Université nationale d'économie de Kiev Vadym-Hetman (en)Voir et modifier les données sur Wikidata
Activités
Période d'activité
depuis Voir et modifier les données sur Wikidata
Fratrie
Natalia Kaplan (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Autres informations
Lieu de détention
Distinctions
Œuvres principales

Oleh Sentsov (en ukrainien : Оле́г Сенцо́в ; souvent écrit en français « Oleg Sentsov » qui correspond à la transcription phonétique de son nom en russe), né le à Simferopol (RSS d'Ukraine), est un réalisateur, scénariste et producteur ukrainien de cinéma principalement connu pour le film Gámer (2011)[1].

Il est arrêté en 2014 par le Service fédéral de sécurité de la fédération de Russie (FSB) sous l'accusation de « préparation d'actes terroristes » et condamné l’année suivante à 20 ans de réclusion aux termes d'un procès contesté en Occident et qualifié de « stalinien » par Amnesty International[2]. Emprisonné dans la colonie pénitentiaire de Labytnangui en Sibérie occidentale, en 2018 il fait 145 jours de grève de la faim ; sa cause devient mondialement célèbre[3],[4]. Il reçoit en le prix Sakharov du Parlement européen. Il est libéré le au cours d'un échange de prisonniers entre l'Ukraine et la Russie.

Biographie[modifier | modifier le code]

Cinéaste[modifier | modifier le code]

Oleh Hennadiyovitch Sentsov (en ukrainien : Оле́г Генна́дійович Сенцо́в) est né en 1976 à Simferopol, en Crimée[5]. Il a étudié l’économie à Kiev et suivi ensuite des cours sur la direction de film et la rédaction de scénarios à Moscou[5]. Ses deux premiers courts-métrages sont Un jour rêvé pour le poisson-banane (2008) et La corne d’un bœuf (2009)[5]. Gámer (2011) est son premier long-métrage[5]. Il a été projeté en 2012 au Festival international du film de Rotterdam[3]. Il y a rencontré le succès, ainsi que dans d’autres festivals, ce qui a permis à Sentsov d’obtenir un financement pour son futur long-métrage Rhino, retardé par son engagement dans le mouvement de protestation Euromaïdan[6]. Le tournage devait commencer pendant l’été 2014[7].

En 2016, avec l'ukase no 77 du président d'Ukraine, on lui attribue le prix national Taras Chevtchenko pour les films Gámer (Гамер, 2011) et Rhino (Носоріг, 2014)[8].

Activiste[modifier | modifier le code]

Après le début du mouvement Euromaïdan en , Oleh Sentsov est devenu un activiste d’AutoMaidan (en) et durant la crise de Crimée en 2014 il a aidé les militaires ukrainiens assiégés dans leurs bases en leur livrant des provisions[3]. Il a alors déclaré qu’il ne reconnaissait pas « l’invasion » puis l’annexion russe de la Crimée[9].

Arrestation et procès[modifier | modifier le code]

Oleg Sentsov durant son procès en 2015.

Sentsov a été arrêté le sur supposition de préparation d’actes terroristes[3],[9]. Il est l’un des quatre citoyens ukrainiens (avec Hennady Afanasyev, Oleksi Chirniy et Oleksandr Koltchenko) détenus par le FSB, qui les accuse de préparer des actes terroristes contre les infrastructures de Simferopol, Yalta et Sébastopol[3]. Ces charges sont passibles de vingt ans de prison[3]. Après une détention de trois semaines sans charges[10], une note du FSB a accusé les quatre Ukrainiens d’être « membres d’une organisation terroriste qui devait déposer des explosifs artisanaux le près du mémorial de Lénine de Simferopol et mettre le feu aux bâtiments administratifs de la communauté russe de Crimée et du parti politique russe « Russie unie » à Simferopol les 14 et  »[11]. Sentsov, Afanasyev, Chirnogo et Kolchenko ont aussi été accusés d’être des membres du groupe ultranationaliste ukrainien Secteur droit, ce que Sentsov et Secteur droit ont nié[3],[9],[11]. Les procureurs russes ont déclaré que Sentsov avait confessé les préparatifs d’actes terroristes[3]. Mais Sentsov et son avocat, Dmitry Dinze (connu pour avoir défendu Nadejda Tolokonnikova et Maria Alyokhina, membres du groupe Pussy Riot) n’ont pas confirmé et ont déclaré qu'on avait battu Sentsov pour le forcer à avouer[3],[9]. Depuis le , Sentsov est détenu à la prison de Lefortovo à Moscou[3],[11]. Des cinéastes du monde entier comme Agnieszka Holland, Ken Loach, Mike Leigh et Pedro Almodóvar ont adressé le au président de Russie Vladimir Poutine une lettre demandant la libération de Sentsov[3],[6]. Le , le Conseil de Russie pour les Droits de l’Homme a fait appel au vice-procureur général Viktor Grin pour qu’il vérifie les accusations contre Oleh Sentsov et Oleksandr Kolchenko[3]. Une réponse, publiée sur le site du conseil, mentionne qu’on n’a trouvé « aucune raison » de libérer les suspects[3]. Le , la détention de Sentsov a été prolongée jusqu’au [7], puis en encore prolongée au [12]. Les autorités ukrainiennes sont empêchées par les autorités russes de contacter ou d’aider Sentsov[13], qui a déclaré qu’il avait été privé de sa nationalité ukrainienne[9]. L’Union européenne et les États-Unis ont condamné la détention d’Oleh Sentsov et demandé sa libération[14]. Le , Oleh Sentsov est condamné à 20 ans de prison pour « organisation d’un groupe terroriste »[15], au terme d'un procès qualifié de « stalinien » par Amnesty International[15],[16].

Détention et mobilisation pour sa libération[modifier | modifier le code]

Manifestants arborant des tee-shirt à l’effigie de Sentsov à Moscou.
En couverture de Culture et Vie.

En , à nouveau, une pétition réclame la libération urgente d’Oleg Sentsov dont l’état de santé commence à se dégrader. Ken Loach, Mike Leigh, Pedro Almodovar ou Wim Wenders qui s’étaient déjà engagés, sont rejoints par Arnaud Desplechin, Bertrand Tavernier, l'Américain Frederick Wiseman, et au-delà du monde du cinéma, le philosophe slovène Slavoj Zizek, la sociologue Eva Illouz, le metteur en scène polonais Krzysztof Warlikowski, ou encore l’écrivaine Annie Ernaux et le romancier américain Russel Banks[17].

Manifestation de soutien à Munich.

Le , une petite délégation s’est rendue à l’Ambassade de Russie à Paris, à l'instigation de Michel Eltchaninoff et d'Adélaïde Fabre, mais aussi de l’ambassadeur de France pour les Droits de l’homme, François Croquette, et Christiane Taubira qui a décidé de parrainer ce combat pour la libération d’Oleg Sentsov[17].

Pour protester contre sa condamnation qu'il estime illégale, Sentsov entame une grève de la faim le [18]. Il la poursuit pendant le mondial russe[19]. Vladimir Poutine reste inflexible devant les pétitions et appels des organisations internationales des intellectuels étrangers. Début août, l'administration russe refuse à Amnesty International le droit de visite[20]. Mi , son état de santé est décrit comme « catastrophique »[21],[22],[23],[24]. Un grand nombre de personnalités s'associent le pour demander sa libération et la mobilisation de l’ensemble de la communauté internationale[25]. Le 15 aout 2018, quatre experts indépendants des Nations unies, y compris Michel Forst, rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits humains, « ont appelé les autorités russes à veiller à ce que M. Sentsov bénéficie immédiatement d'un traitement médical approprié, sur la base de son consentement complet et éclairé. La vie de Sentsov serait en danger imminent. Sa grève de la faim fait suite à un procès et à une condamnation non conforme au droit international. Nous exhortons les autorités russes à le libérer sans condition de toute urgence, ont déclaré les experts »[26]. Le , alors qu'il est en grève de la faim depuis 100 jours, des dizaines de personnalités demandent sa libération immédiate[27]. Un nouvel appel est lancé à la Mostra de Venise[28]. Fin septembre, ses jours sont en danger[29]. Le , il est hospitalisé[30]. Il arrête sa grève de la faim le [31], sous la contrainte, ayant été alimenté de force[32], mais son état de santé reste critique[33]. Il était « entre la vie et la mort[34] » selon Natalya Kaplan, la cousine d'Oleg Sentsov qui, accompagnée de l’avocat Dmitriy Dinze, a représenté le cinéaste lors de la remise du prix Sakharov pour la liberté de l'esprit par Antonio Tajani, président du Parlement européen, le . En , l'Assemblée générale des Nations unies adopte une résolution appelant à la libération immédiate des citoyens ukrainiens Oleh Sentsov, Volodymyr Balukh et Emir-Usein Kuku[35].

Libération et retour en Ukraine[modifier | modifier le code]

Retour de Sentsov en Ukraine.

Le , le nouveau président ukrainien, Volodymyr Zelensky, propose de l'échanger contre le journaliste russo-ukrainien Kyrylo Vychynsky, travaillant pour RIA Novosti et jugé pour « haute trahison »[36]. Fin , il est transféré dans une prison moscovite, en prévision d'un échange de prisonniers entre la Russie et l'Ukraine[37],[38] qui a lieu le [39].

Le , il se rend au Parlement européen à Strasbourg pour recevoir formellement le prix Sakharov, attribué en 2018 pendant sa détention en Russie. Dans son discours de remerciement, il appelle à la méfiance contre la Russie et à ne pas céder à Vladimir Poutine[40].

Lors de l'invasion de l'Ukraine par la Russie en 2022, Sentsov a rejoint la défense territoriale de Kiev, qui fait partie des forces armées de l'Ukraine. Il a appelé la communauté cinématographique internationale à boycotter le cinéma russe[41]. En juillet 2022, il a quitté la défense territoriale qu'il jugeait « ennuyeuse » pour rejoindre les forces spéciales[42].

Il annonce le avoir été blessé dans un bombardement d'artillerie sur le front et ne devoir la vie qu’à un blindé fourni par les Etats-Unis à Kiev[43].

Filmographie[modifier | modifier le code]

Distinctions[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. « Oleh Sentsov On Getting Life Back After Release From Russian Prison – Deadline », sur web.archive.org, (consulté le )
  2. (en-US) Andrew E. Kramer, « Rights Prize Goes to Oleg Sentsov, a Russian Prisoner, in a Rebuke to Putin », The New York Times,‎ (ISSN 0362-4331, lire en ligne, consulté le )
  3. a b c d e f g h i j k l et m (en) Ukrainian Filmmaker Remains Behind Bars Despite Growing Support, Radio Free Europe (26 juin 2014).
  4. (en) « Russian court jails Ukrainian film-maker for 20 years over terror offences », sur the Guardian, (consulté le )
  5. a b c et d (nl) Short Bio, Festival international du film de Rotterdam.
  6. a et b (en) Ken Loach, Mike Leigh and others call for release of Ukrainian director, The Guardian, .
  7. a et b (uk) Суд у Москві продовжив арешт українського режисера, Ukrayinska Pravda, .
  8. (uk) Petro Porochenko, « УКАЗ ПРЕЗИДЕНТА УКРАЇНИ №77/2016. Про присудження Національної премії України імені Тараса Шевченка », sur president.gov.ua,‎ (consulté le ).
  9. a b c d et e (uk) Oleg Sentsov: I was tortured and humiliated, Ukrayinska Pravda (7 juillet 2014).
  10. (en) For Ukrainian director Oleg Sentsov, a battle with no end in sight, Los Angeles Times, .
  11. a b et c (en) Ukrainian film director Sentsov to remain in custody - Moscow City Court, Interfax-Ukraine, .
  12. (en) Ukraine film director Sentsov to stay in custody, Interfax-Ukraine, .
  13. (uk) Russia does not even because of arrested Ukrainian director Sentsov, Ukrayinska Pravda, .
  14. (en) US calls on Russia to immediately release detained Ukrainian citizens Savchenko and Sentsov, Interfax-Ukraine, .
  15. a et b Isabelle Mandraud, « La Russie condamne le réalisateur ukrainien Oleg Sentsov à vingt ans de prison », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  16. « La Russie condamne le réalisateur ukrainien Oleg Sentsov à 20 ans de prison », Libération,‎ (lire en ligne).
  17. a et b France Culture, « Christiane Taubira : “Ce n'est pas de l'ingérence que de réclamer à la Russie la libération du cinéaste Oleg Sentsov” », France Culture - Billet culturel de Mathilde Serrell,‎ (lire en ligne, consulté le )
  18. Benoït Vitkine, « Le cas d’Oleg Sentsov, une ombre sur le Mondial russe », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  19. « La vie d’Oleg Sentsov suspendue à la grâce de Vladimir Poutine », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  20. (en) « Russia: Amnesty International denied access to Oleg Sentsov, on hunger strike for 81 days », sur www.amnesty.org (consulté le ).
  21. « "L'état de santé d'Oleg Sentsov est catastrophique" », France Culture,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  22. « Oleg Sentsov en danger de mort après trois mois de grève de la faim », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  23. Mgr Borys Gudziak, « Dans un camp russe près du cercle arctique, la vie d’un jeune homme talentueux s’éteint », La Croix,‎ (lire en ligne).
  24. Charles Delouche, « Le cinéaste ukrainien Oleg Sentsov dans un état critique », Libération,‎ (lire en ligne).
  25. « Il faut agir vite pour ne pas laisser Oleg Sentsov mourir », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  26. (en) « UN experts call for immediate release of Oleg Sentsov », Protecting Defenders,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  27. « « Oleg Sentsov peut mourir à chaque minute qui passe » », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne).
  28. AFP, « Mostra : un réalisateur russe lance un appel en faveur de Oleg Sentsov », Libération,‎ (lire en ligne).
  29. Samuel Bernard et Sébastien Lopoukhine, « Zoya Svetova : "Les jours d'Oleg Sentsov sont aujourd’hui bel et bien en danger" », France Culture,‎ (lire en ligne).
  30. Le Point, magazine, « Le cinéaste ukrainien Sentsov, en grève de la faim, hospitalisé », Le Point (consulté le ).
  31. AFP, « Russie : Oleg Sentsov arrête sa grève de la faim de peur d'être nourri de force », Le Point (consulté le ).
  32. Pierre Avril, « Sentsov arrête sous la contrainte sa grève de la faim », Le Figaro, 6-, p. 9.
  33. AFP, « Le cinéaste ukrainien Oleg Sentsov serait toujours dans un état critique », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  34. « Le cinéaste Oleg Sentsov entre la vie et la mort à la suite de sa grève de la faim, d'après sa cousine », Le Figaro,‎ (lire en ligne).
  35. UN adopts Ukrainian resolution on abuse of human rights in Crimea
  36. Le Point, magazine, « L'Ukraine propose à Moscou d'échanger Sentsov contre un journaliste », sur Le Point (consulté le )
  37. (en) The Moscow Times, « Jailed Ukrainian Filmmaker Sentsov Moved to Moscow Ahead of Rumored Exchange, Media Reports », sur The Moscow Times, (consulté le )
  38. « Le crash du MH17 trouble l’échange de prisonniers entre l’Ukraine et la Russie », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  39. Nicolas Ruisseau, « La Russie et l’Ukraine échangent 35 prisonniers chacun, dont le cinéaste ukrainien Oleg Sentsov », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  40. « Libéré par la Russie, le réalisateur ukrainien Oleg Sentsov a pu recevoir le prix Sakharov décerné en 2018 », sur Franceinfo, (consulté le )
  41. Brian Welk, « Ukrainian Filmmaker Fighting on Front Lines Calls for Russian Cinema Boycott », sur TheWrap, (consulté le )
  42. Rémy Ourdan, « Oleg Sentsov, le cinéaste-soldat qui abat les hélicoptères russes », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne Accès payant, consulté le )
  43. https://www.lefigaro.fr/cinema/le-cineaste-ukrainien-oleg-sentsov-blesse-au-combat-sur-le-front-de-zaporijjia-20230718
  44. (en) « Semena, Crimea Realities Receive Sakharov Order For Courage », RFE/RL,‎ (lire en ligne).
  45. (uk) « УКАЗ ПРЕЗИДЕНТА УКРАЇНИ №77/2016 — Офіційне інтернет-представництво Президента України », Офіційне інтернет-представництво Президента України,‎ (lire en ligne).
  46. Benoît Vitkine, « Oleg Sentsov fait citoyen d’honneur de la Ville de Paris », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  47. « Le prix Sakharov 2018 décerné au cinéaste ukrainien emprisonné Oleg Sentsov », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le ).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Sur les autres projets Wikimedia :

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Maria Prokopenko, « Oleg Sentsov jusqu'au bout et au nom de tous les autres », Courrier international N°1450, Courrier international S.A., Paris, , p.9, (ISSN 1154-516X) (article original paru dans Den, Kiev du )
  • Clémence Dubost, « Oleg Sentsov prêt à mourir en martyr », Le Républicain Lorrain, Groupe Républicain Lorrain Communication, Woippy, , p.10, (ISSN 0397-0639)

Documentaires[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]