Odeur — Wikipédia

Une odeur est le résultat, perçu par le sens de l’odorat, de l’émanation des corps volatils contenus dans certaines substances comme les molécules souvent qualifiées de molécules odorantes ou de parfum, ou de fragrance dans le cas des fleurs. Les aérosols (particules solides ou liquides) dégagent aussi une odeur (vapeur, fumée).

Nature chimique[modifier | modifier le code]

Les molécules odorantes sont caractérisées par leur composition chimique.

Les signaux odorants peuvent être répartis dans différentes classes. Chez les espèces aquatiques, les composés générateurs d’odeurs sont en majorité des acides aminés ou des sels biliaires.

Perception[modifier | modifier le code]

Un être humain brasse en moyenne 12 m3 d’air par jour à raison de 23 000 respirations, ce qui lui donne la capacité de détecter quotidiennement un nombre très élevé d’odeurs.

Une étude parue le dans la revue Science laisse à penser que l’humain pourrait détecter plus de 1 000 milliards d’« odeurs » différentes[1],[2] ce qui est très supérieur a ce qui était admis jusqu'alors (10 000 odeurs différentes).

Quelque 80 % des odeurs perçues par l’humain donnent une aversion (cela correspond à la fonction d’alerte acquise par l’odorat de l’humain au cours de l’évolution) tandis que 20 % suscitent des émotions positives[3].

La sensation agréable, neutre ou désagréable associée à une odeur est propre à chaque individu et pour partie innée, pour partie socialement construite. Elle dépend aussi de la concentration du produit dans l’air et du fait qu’il soit ou non associé à sa source naturelle[4].

Cette perception très variable selon les individus et les sociétés explique que les études qui tentent de catégoriser les odeurs soient controversées, tels les résultats d’une recherche factorielle en 2013[5] qui réduit une liste de 144 combinaisons olfactives en 10 odeurs de base[6]. Une autre méthodologie pour décrire les odeurs, le champ des odeurs, a été élaboré en 1983 par le CNRS. Au lieu de classer les odeurs, il s'agit de définir un langage commun de description[7].

Persistance[modifier | modifier le code]

Certains parfums sont très éphémères et d’autres plus durables. Le système olfactif peut aussi faire preuve d’accoutumance (la terminologie médicale emploie le terme « habituation »), certaines odeurs n’étant plus perçues après un certain délai.

Odeurs et pollution de l’air[modifier | modifier le code]

La pollution de l’air se traduit elle-même souvent par des odeurs (gaz d’échappement, fumées, odeurs de décomposition, de fermentation, etc.).

De plus, les conditions environnementales (hygrométrie, température, lumière, ultraviolets, vent ou turbulences) influent sur la durée et la portée d’une odeur. Elles font que les odeurs portées par l’air voyagent plus ou moins loin ; par exemple, un air propre et humide porte loin la plupart des odeurs.

Il semble aussi que la pollution de l’air ait une importance qu’on a pu sous-estimer ;

  • Un air pollué dégrade les molécules odorantes et freine la dispersion de nombreuses odeurs, dont le parfum des fleurs ;
    Des chercheurs de l’université de Virginie (États-Unis) ont modélisé[8] l’impact de la pollution de l’air sur la dispersion des fragrances de fleurs : dans un air pur, ces fragrances se dispersent sur des distances pouvant parfois dépasser le kilomètre, alors que dans un air pollué, l’ozone, les acides, divers oxydants et radicaux libres (hydroxyles et nitrés) et d’autres polluants dégradent ou modifient ces molécules en réduisant fortement la portée de la fragrance des fleurs (50 % du parfum d’une fleur est alors “ perdu ” avant d’avoir parcouru 200 m).
    Selon Jose D. Fuentes, coauteur de l’étude “Cela rend beaucoup plus difficile la localisation des fleurs par les pollinisateurs”. Il estime que ces arômes sont détruits jusqu’à 90 % par la pollution (par rapport à des périodes où les industries lourdes et les véhicules n’existaient pas encore).
  • des molécules qui ne sont pas consciemment perçues (hormones, phéromones, et leur équivalent végétal, phytohormones dans le monde des plantes) pourraient peut-être également être détruites ou modifiées par la pollution de l’air.
  • Ce phénomène de dégradation des odeurs par la pollution pourrait en partie expliquer le déclin de certaines populations d’abeilles et d’autres pollinisateurs (dont certains oiseaux, chauve-souris nectarivore) constaté dans tous les pays industriels et agricoles[9]. Il pourrait aussi expliquer les difficultés qu’ont les individus de certaines espèces (lézards, serpents, amphibiens, certains mammifères) à se reproduire (mâles et femelles ne se retrouvant plus, ou moins bien) ou de certaines espèces à se nourrir (l’individu ne percevant plus aussi bien l’odeur qui le conduisait à sa source de nourriture).
  • Il est possible que certaines phytohormones ne jouent plus normalement leur rôle de messages de communication et que des végétaux soient alors plus facilement victimes de leurs prédateurs.
  • Des proies pourraient être plus vulnérables si elles sentent moins l’odeur de leurs prédateurs, et inversement un prédateur qui chasse à l’odorat peut avoir plus de mal à détecter ses proies dans une région où l’air est pollué. Un phénomène identique a été récemment identifié en laboratoire puis vérifiés in situ dans l'eau (sur un récifs du centre de la barrière de corail de Papouasie-Nouvelle-Guinée naturellement acidifié par un dégazage volcanique sous-marin permanent de CO2). Les poissons exposés par les chercheurs à une eau acidifié (comparable à celle qui baignera la plupart des récifs coralliens du monde entier dans 50 à 80 ans, selon les chercheurs) sont victimes de troubles comportementaux inattendus et très marqués : ils ne fuient plus l’odeur de leur prédateur, et ils s’exposent anormalement, de manière suicidaire au risque d’être mangé[10]. L'étude in situ, qui a confirmé ce phénomène, a été présenté dans un documentaire australien diffusé sur Arte en 2014[11]). On ignore si c'est l'acidification ou l'effet du CO2 en tant que molécule sur le poisson qui est en cause.
    De plus beaucoup d’animaux qui se déplacent de nuit en utilisant leur odorat sont par ailleurs perturbés par le phénomène dit de pollution lumineuse.

Les odeurs chez l’humain[modifier | modifier le code]

L’odeur de la mère a une grande importance pour le nourrisson, et inversement. Certaines odeurs sont mémorisées et durablement associées à des souvenirs positifs ou négatifs (comme une « madeleine de Proust », par exemple).

La sociologie du corps montre que si certaines odeurs corporelles sont facteur d’attraction[12], sexuelle notamment, d’autres (ou les mêmes en d’autres circonstances) sont au contraire facteur de répulsion[12]. La culture hygiéniste du XIXe siècle a probablement renforcé le dégoût pour certaines odeurs associées aux microbes ou aux maladies[13],[14] (excréments, urines, aliments en décomposition, eaux fétides, etc.). Les parfums naturels ou de synthèse peuvent être des moyens de séduction ou de masquage des odeurs supposées désagréables pour soi ou pour autrui. Des parfums sont depuis l’Antiquité aussi utilisés pour masquer les odeurs d’animaux, de cuisine, de moisi, de cadavre, etc.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. « L'homme sait distinguer 1 000 milliards d'odeurs au moins », sur journaldelascience.fr, .
  2. « Humans Can Discriminate More than 1 Trillion Olfactory Stimuli », sur sciencemag.org, .
  3. Bernard Sablonnière, La chimie des sentiments, Paris, Jean-Claude Gawsewitch Éditeur, , 208 p. (ISBN 978-2-35013-359-1).
  4. Article[PDF] « Pourquoi sommes-nous gênés par les odeurs ? Le rôle de quelques facteurs psychosociaux », par Barbara Bonnefoy (Revue Air Pur no 73).
  5. (en) Jason B. Castro, Arvind Ramanathan, Chakra S. Chennubhotla, « Categorical Dimensions of Human Odor Descriptor Space Revealed by Non-Negative Matrix Factorization », PLoS ONE, vol. 8,‎ (DOI 10.1371/journal.pone.0073289).
  6. « Parfumé », « boisé », « résineux », « fruité, autre que citron », « écœurant », « chimique », « mentholé, menthe poivrée », « sucré », « pop-corn », « citronné » et « âcre ».
  7. Sylvie Briet, « Un alphabet des odeurs », Libération,‎ (lire en ligne)
  8. Quinn S. McFrederick et al., Air pollution modifies floral scent trails, Atmospheric Environment 42(10): 2336-2348, 2008 DOI  10.1016/j.atmosenv.2007.12.033
  9. Étude sur le statut des pollinisateurs en Amérique du nord (2006) ; ”Status of Pollinators in North America ”, Committee on the Status of Pollinators in North America, National Research Council Accès à l’étude.
  10. TV5 Les poissons perdent leur instinct de survie quand les océans s’acidifient, brève mis en ligne le 14/4/2014 dans la rubrique « Actualités » (Coraux, Gaz à effet de serre, Océans)".
  11. Arte Quand les océans deviennent acides, reportage australien (52 min), 1re diffusion : à 22 h 20.
  12. a et b Annick Le Guérer, « Le déclin de l'olfactif, mythe ou réalité ?[PDF] », Anthropologie et Sociétés, vol. 14, no 2, 1990, p. 25-45. URI: http://id.erudit.org/iderudit/015126ar DOI 10.7202/015126ar, consulté 2012-12-02. Voir p. 5/22 « L'olfactif et la relation sexuelle ».
  13. Alain Corbin, Le Miasme et la Jonquille, Paris, Aubier-Montaigne, 1982.
  14. Jean-Alexandre Perras et Érika Wicky, « La sémiologie des odeurs au XIXe siècle : du savoir médical à la norme sociale », Études françaises, vol. 49, no 3,‎ , p. 119-135 (lire en ligne)

Annexes[modifier | modifier le code]

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Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Robert Muchembled, La Civilisation des odeurs (XVIe-début XIXe siècle), Les Belles Lettres, 2017, 272 p.
  • "Chap. 14 - Les sens chimiques", dans Purves D. et al., Neurosciences, 3e édition, De Boeck Université, "Neurosciences & Cognition", Bruxelles, 2005, pp. 337-367 ( (ISBN 978-2804147976), (en) lire en ligne, consulté le ).
  • Rémy, E., Estades, J., « Nez à nez avec des nuisances odorantes, l’apprentissage de la cohabitation spatiale », Sociologie du travail, vol. 49, no 2, 2007, p. 237–252.
  • Brigitte Proust, Petite géométrie des parfums, Science ouverte, Seuil, 2006. (ISBN 978-2-0208-0279-6)
  • Alain Corbin, Le Miasme et la Jonquille, Paris, Aubier-Montaigne, 1982, 332 p.
  • (en) Baron R. et Kalsher, Psychology : Better World Books, 1998. (ISBN 978-0-2053-1402-7)
  • (en) Robert A. Baron, Deborah R. Richardson, Human aggression, New York, Plenum, 2e  éd., 1994.
  • (en) Ehrlichman & Halpern, « Affect and memory: Effects of pleasant and unpleasant odors on retrieval of happy and unhappy memories », Journal of Personality and Social Psychology, 1988, 55, 5, p. 769–779.
  • Schaal et al., Les stimulations olfactives dans les relations entre l’enfant et la mère, 1980, Reprod. Nutr. Dev. 20, p. 843–858.
  • (en) Raudenbush, Corley et Eppich, « Enhancing athletic performance through the administration of peppermint odor », Brief Report Journal of Sport & Exercise Psychology, 2001, 23, p. 156–160.
  • Pierre Laszlo, Rivière, S., Les sciences du parfum, Que sais-je ?, PUF, 1997. (ISBN 978-2-1304-8798-2)
  • Annick Le Guérer, Les Pouvoirs de l'odeur, Paris, François Bourin, 1988 ; Odile Jacob, édition revue et augmentée, 2002, 320 p. (ISBN 978-2-7381-8085-8) (en ligne)
  • Robert Dulau et Jean-Robert Pitte, Géographie des odeurs, actes du colloque de Pierrefonds (1995), Paris, L'Harmattan, 1998, 247 p.

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]