Nepenthes bicalcarata — Wikipédia

Nepenthes bicalcarata (du latin bi "deux", calcaratus "éperon") est une espèce de plantes à fleurs de la famille des Nepenthaceae. C'est une plante carnivore endémique de l'Île de Bornéo en Asie du Sud-Est. Cette espèce se retrouve dans les marécages tourbeux des forêts du Nord-Ouest de l'île à une altitude généralement inférieure à 300 m.

Morphologie[modifier | modifier le code]

Cette espèce, endémique de Bornéo est considérée comme la plus grande de tout le genre : la liane atteint souvent la canopée à 20 m au-dessus du sol. Les urnes peuvent mesurer jusqu'à 25 cm de haut et 16 cm de large. La particularité de ce Nepenthes tient aux deux nectaires géants que l'on retrouve sous l'opercule et d'où l'espèce tire son nom. La fonction de cette spécificité est encore largement inconnue à l'heure actuelle.

Association avec une fourmi mutualiste[modifier | modifier le code]

Nepenthes bicalcarata abrite dans ses vrilles creuses une fourmi mutualiste, Camponotus schmitzi[1],[2],[3],[4].

Cette interaction plante-fourmi unique a été décrite pour la première fois par Frederick William Burbidge en 1880[5]. En 1904, Odoardo Beccari suggère que les fourmis se nourrissent d'insectes qu'elles récupèrent au fond de l'urne, au risque d'y tomber elles-mêmes[6]. En 1990, B. Hölldobler et E.O. Wilson proposent que N. bicalcarata et C. schmitzi constituent un mutualisme[7].

Une série d'observations et d'expériences menées au Brunei par Charles Clarke in 1992 and 1998[8],[9],[10], et par Clarke et Kitching en 1993 et 1995[11],[1], renforcent l'hypothèse du mutualisme. John Thompson suggère que N. bicalcarata pourraient être la seule espèce myrmécotrophe et carnivore[12]

Les fourmis Camponotus schmitzi s'alimentent de nectar et des proies, récupérées au fond de l'urne. Ces fourmis nagent et remontent ainsi des proies, capturées par la plante[1]. Paradoxalement, ce comportement peut profiter à la plante, car Clarke montre que le retrait des proies concerne surtout les grosses proies, et empêche de fait un relargage soudain d'ammoniac, du fait de leurs décomposition, et la perte consécutive de l'urne par putréfaction[1]. Le pH du liquide digestif des urnes de cette espèce est d'ailleurs plus élevé (moins acide) que celui des autres espèces étudiées jusqu'ici.

D'autres recherches menées par Dennis and Marlis Merbach montrent que C. schmitzi est également bénéfique pour N. bicalcarata car elles diminuent la prédation des jeunes urnes par un charançon du genre Alcidodes[13].

D'autres hypothèses sont avancées pour expliquer ce mutualisme : C. schmitzi nettoie, entretient et lubrifie les urnes du népenthès, ce qui favorise la prise de proies[14], C. schmitzi contribue jusqu'à 76 % à l'apport en azote de la liane grâce à ses excréments et ses propres cadavres[15].

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Références[modifier | modifier le code]

  1. a b c et d Clarke, C.M. & R.L. Kitching 1995. Swimming Ants and Pitcher Plants: a Unique Ant-Plant Interaction from Borneo. Journal of Tropical Ecology 11(4): 589–602.
  2. Shelford, R. 1916. A naturalist in Borneo. T. Fisher Unwin, London.
  3. Cresswell, J.E. 2000. Resource input and the community structure of larval infaunas of an eastern tropical pitcher plant Nepenthes bicalcarata. Ecological Entomology 25(3): 362–366. DOI 10.1046/j.1365-2311.2000.00267.x
  4. Merbach, M.A., G. Zizka, B. Fiala, U. Maschwitz & W.E. Booth 2000. Carnivory and myrmecophytism—a contradiction? Studies on Nepenthes bicalcarata Hook.f. and its ants. Tagungsband gtö 2000 13. Jahrestagung der Deutschen Gesellschaft für Tropenökologie 1–3. March 2000 in Würzburg Lehrstuhl für Tierökologie und Tropenbiologie Universität Würzburg. p. 106.
  5. Burbidge, F.W. 1880. The Gardens of the Sun. Murray, London. 364 pp.
  6. Beccari, O. 1904. Wanderings in the great forests of Borneo. Archibald and Constable, London.
  7. Hölldobler, B. & E.O. Wilson 1990. The Ants. Springer-Verlag, Berlin, Germany.
  8. Clarke, C.M. 1992. The ecology of metazoan communities in Nepenthes pitcher plants in Borneo, with special reference to the community of Nepenthes bicalcarata Hook.f. Ph.D. thesis, University of New England, Armidale, New South Wales. 269 pp.
  9. Clarke, C.M. 1998. Initial colonisation and prey capture in Nepenthes bicalcarata (Nepenthaceae) pitchers in Brunei. Sandakania 12: 27–36.
  10. Clarke, C.M. 1998. The aquatic arthropod community of the pitcher plant, Nepenthes bicalcarata (Nepenthaceae) in Brunei. Sandakania 11: 55–60.
  11. Clarke, C.M. & R.L. Kitching 1993. The Metazoan Food Webs from Six Bornean Nepenthes Species. Ecological Entomology 18(1): 7–16. DOI 10.1111/j.1365-2311.1993.tb01074.x
  12. Thompson, J.H. 1981. Reverse animal-plant interactions: the evolution of insectivorous and ant-fed plants. Biological Journal of the Linnean Society 16: 147–155.
  13. Merbach, M.A., G. Zizka, B. Fiala, D.J. Merbach, W.E. Booth & U. Maschwitz 2007. Why a carnivorous plant cooperates with an ant:- selective defense against pitcher-destroying weevils in the myrmecophytic pitcher plant Nepenthes bicalcarata Hook.f.. Ecotropica 13: 45–56.
  14. (en) Daniel G. Thornham et col, « Setting the trap : cleaning behaviour of Camponotus schmitzi ants increases long-term capture efficiency of their pitcher plant host, Nepenthes bicalcarata », Functional Ecology, vol. 26, no 1,‎ , p. 11-19 (DOI 10.1111/j.1365-2435.2011.01937.x)
  15. (en) Vincent Bazile et col, « A Carnivorous Plant Fed by Its Ant Symbiont : A Unique Multi-Faceted Nutritional Mutualism », PLoS ONE, vol. 7, no 5,‎ (DOI 10.1371/journal.pone.0036179)