Naplouse — Wikipédia

Naplouse
نابلس ;
Naplouse
La tour de l'horloge (époque ottomane)
Administration
Pays Drapeau d’Israël Israël
Autorité palestinienne (administration)
Maire Samih Raouhi Toubaila[1]
Démographie
Population 156 906 hab. (2017[2])
Densité 5 486 hab./km2
Géographie
Coordonnées 32° 13′ 18″ nord, 35° 15′ 40″ est
Superficie 2 860 ha = 28,6 km2
Localisation
Géolocalisation sur la carte : Palestine
Voir sur la carte administrative de Palestine
Naplouse
Liens
Site web http://www.nablus.org/

Naplouse (نابلس Nablus en arabe ; שְׁכֶם Chékhem en hébreu) est une ville de Palestine située en Cisjordanie entre le mont Ebal et le mont Gerizim, à environ 50 kilomètres au nord de Jérusalem. Elle est la capitale du gouvernorat de Naplouse et est administrée par l'Autorité palestinienne.

La ville comptait une population d'environ 150 000 habitants en 2016. Elle abrite des lieux saints juifs, samaritains, musulmans et chrétiens.

Histoire[modifier | modifier le code]

Antiquité[modifier | modifier le code]

Monnaie frappée en la cité de Néapolis, en hébreu et en grec.

La cité fut fondée en l'an 72 par les Romains et fut initialement nommée Flavia Neapolis (« nouvelle cité de l'empereur Flavius »), à environ deux kilomètres à l'est de la cité biblique de Sichem (שְׁכֶם), première capitale du royaume d'Israël. Vespasien l'a fait construire à la place d'un ancien village samaritain dénommé Mabartha. Elle est peuplée d'anciens légionnaires romains qui reçoivent des parcelles de terre à cultiver. L'empereur Hadrien y fait construire un grand théâtre pouvant accueillir sept mille spectateurs. Les archéologues ont trouvé des pièces de monnaie de cette époque avec des emblèmes militaires et les visages des dieux et déesses grecs Zeus, Artémis, Sérapis ou Asclépios. Neapolis est entièrement païenne à l'époque. Le chrétien Justin de Naplouse naît dans la cité au IIe siècle et étudie le platonisme. La cité est prospère et tire encore des bénéfices de la lutte entre Septime Sévère et Pescennius Niger en 198-199. Cependant, elle prend parti pour ce dernier, et Septime Sévère en conséquence lui ôte ses privilèges commerciaux en faveur de Sébaste.

Philippe l'Arabe transforme Flavia Neapolis en Julia Neapolis en 244 et y fait venir de nouveaux colons romains. Elle garde le statut de colonie jusqu'en 251 sous Trébonien Galle. La ville à cette époque devient majoritairement chrétienne, avec une minorité samaritaine[3]. L'évêque de Neapolis participe au concile de Nicée en 325.

Des révoltes de Samaritains interviennent au Ve siècle, notamment en 451, à cause de relèvements de taxes. La ville, comme toute la Palestine, fait partie de la Syrie sous administration de l'Empire romain d'Orient, ou Empire byzantin et elle est agitée par les querelles du monophysisme - les monophysites refusant le retour du patriarche Juvénal au siège de Jérusalem. Les tensions augmentent en 485, lorsque des Samaritains assassinent des fidèles chrétiens qui se trouvaient dans la cathédrale de la ville, sous prétexte de rumeurs indiquant que les dépouilles des fils et petits-fils d'Aaron seraient transférées ailleurs par les chrétiens. L'évêque Térébinthe, qui a été blessé dans l'affaire, se rend à Constantinople pour demander un renforcement de la garnison. L'empereur Zénon fait bâtir une église dédiée à la Théotokos (Vierge Marie) au mont Guérizim - lieu saint des Samaritains - et empêche ces derniers de se rendre sur leur colline sacrée. Ils se rebellent sous le règne de son successeur, l'empereur Anastase Ier, et plus tard la révolte est matée par Procope, gouverneur romain (c'est-à-dire byzantin) d'Édesse. Une dernière révolte intervient en 529, qui débute par l'assassinat de l'évêque Ammonas, tandis que les prêtres de la cité sont écartelés, puis brûlés avec les reliques des saints. Justinien Ier envoie ses troupes qui saccagent la cité ; les Samaritains qui ne s'enfuient pas sont en grande partie massacrés.

Neapolis connaît ensuite une grande période de prospérité qui dure un siècle.

Conquête arabe[modifier | modifier le code]

Après la conquête de la cité par les Arabes en 636, la cité est renommée نابلس (Nablus, arabisation de son ancien nom). La cité continue d'être une ville commerciale d'importance, et change de population sous la pression démographique de nouveaux immigrés musulmans venus de Perse et d'Arabie, et de l'arrivée de commerçants juifs. Les chrétiens et les Samaritains demeurent toutefois une fraction importante de la population.

Le géographe arabe Al-Maqdisi la décrit au Xe siècle, comme un « petit Damas ». Naplouse est réputée pour ses ateliers de tissage, en particulier du lin, ses oliveraies et sa grande place du marché. La ville est entourée de moulins. On y construit la première mosquée fort imposante, tandis que la population s'islamise peu à peu, les chrétiens et les Samaritains étant soumis à des impôts plus importants. De plus, l'usage de l'arabe supplante définitivement l'usage du grec vers le Xe siècle.

Royaume de Jérusalem[modifier | modifier le code]

La reine Mélisende

Les Croisés arrivent ici en 1099 avec Tancrède et la renomment « Naples » (le nom de la « Naples » italienne vient aussi d'une ancienne « Neapolis », tout comme « Nabeul » en Tunisie). La cité devient la ville majeure en la seigneurie de Naplouse, un fief du royaume de Jérusalem. Elle est épargnée des combats, et des croisés s'y installent même. Le concile de Naplouse s'y réunit en 1120 et jette les fondations des premières codifications et lois du royaume franc. La communauté samaritaine a le droit de construire une nouvelle synagogue vers 1130, l'ancienne étant transformée en église.

C'est vers 1140 et le milieu du XIIe siècle que les Arabes musulmans et leurs troupes turques reprennent leurs attaques à partir de leur base arrière de Damas. Ils brûlent les églises et une partie de la ville en 1137, mais finissent par être repoussés. La reine Mélisende de Jérusalem demeure à Naplouse qui retrouve sa prospérité, entre 1150 et 1161. Les croisés restaurent et agrandissent la ville, font construire une nouvelle église dédiée à la Passion du Christ et une autre à sa Résurrection, ainsi qu'une vaste hôtellerie pour les pèlerins chrétiens.

Cependant, les musulmans commandés par la dynastie ayyoubide s'emparent de Naplouse en 1187. La majorité des chrétiens latins s'enfuit par crainte de vengeance, tandis que les chrétiens arabes grecs-orthodoxes et les Samaritains demeurent, ainsi bien sûr que les musulmans.

Les églises croisées et la synagogue samaritaine sont transformées en mosquées.

Les Mamelouks[modifier | modifier le code]

Le mont Guérizim à la fin du XIXe siècle

Les Mamelouks d'Égypte s'emparent de Naplouse en 1260, y font construire de nouvelles écoles et de nouvelles mosquées, des bains turcs et des canalisations d'eau. L'huile d'olive et le savon de Naplouse sont exportés et réputés, jusqu'en Syrie, Arabie, Égypte et les îles méditerranéennes, ainsi que la confiture de caroube.

Les Ottomans[modifier | modifier le code]

La Palestine tombe sous l'autorité ottomane en 1517. Elle fait partie de la Syrie ottomane et est divisée en six districts (sandjak) dont Naplouse est l'un d'eux[4]. Le district de Naplouse est lui-même divisé en cinq sous-districts en plus de la ville. Les subdivisions correspondent aux terres et à l'influence de puissantes familles. L'islam devient nettement majoritaire au XVIe siècle. En 1552, seules quelque douze famille juives se trouvent dans la ville, rencontrées par le voyageur Moïse Bassola (en). Des recensements municipaux effectués au XVIe siècle témoignent toutefois d'une communauté juive comptant de 30 à 70 familles. Naplouse est pacifiée à plusieurs reprises surtout en 1657 grâce à l'intervention et aux finances de familles et tribus syriennes. En remerciement pour leur participation au retour au calme, le pouvoir du sultan attribue des terres et des villages à ces familles, comme les Nimr, originaires d'Homs, les Djarrar ou les Touqan, qui dirigent l'administration de la ville.

Daher el-Omar, gouverneur galiléen en rivalité avec le pouvoir ottoman s'allie au milieu du XVIIIe siècle avec les Mamelouks pour les faire revenir dans la région, et fait lever des troupes, mais Naplouse ne succombe pas, cependant Naplouse passe sous la juridiction de Saint-Jean-d'Acre, jusqu'en 1804.

Entrée de Naplouse, gravure de Thomson
Savon de Naplouse en train de sécher (vers 1910)

L'Égypte obtient son autonomie sous Méhémet Ali et part à la conquête de la Palestine en 1831-1832. Cependant en 1834, les clans des grandes familles de Naplouse se rebellent contre l'autorité égyptienne, à cause de l'augmentation des impôts et d'une politique de conscription répressive. Jérusalem est conquise par la rébellion le , mais les rebelles sont délogés un mois plus tard par les soldats d'Ibrahim Pacha. La forteresse de Saint-Jean-d'Acre est détruite, ce qui a pour conséquence de favoriser le développement de Naplouse. Les Ottomans reprennent le pouvoir en main et mettent le clan Abd al-Hadi à la tête des instances locales.

Naplouse surpasse en importance Jérusalem, Acre, ou Jaffa. Son activité principale est liée à la fabrique et au commerce d'huile d'olive et de ses produits dérivés, comme le savon. C'est aussi une des régions principales de la Syrie ottomane pour le coton, dépassant Damas.

Du fait de sa situation entourée de collines, Naplouse cultive un certain esprit et aussi un certain état d'autonomie par rapport au pouvoir central ottoman. En 1848, le voyageur historien Baptistin Poujoulat écrit dans Récits et souvenirs d'un voyage en Orient que la ville compte alors 6 000 habitants, musulmans, juifs, samaritains et chrétiens, et qu' « ils vivraient dans l'aisance s'ils n'étaient pas pressurés par l'impôt du gouvernement turc »[5].

À partir de la fin du XIXe siècle, la présence juive à Naplouse décline, malgré la présence de rabbins reconnus, mais qui n'étaient entourés que de poignées de fidèles. De plusieurs dizaines de familles au début du XVIIIe siècle, la communauté n'en compte aux débuts du sionisme qu'une douzaine, en partie par l'attraction produite par les nouvelles localités juives, relativement éloignées de la Samarie. Le passage au XXe siècle voit l'effacement de la présence juive à Naplouse.

Illustrations[modifier | modifier le code]

XXe siècle[modifier | modifier le code]

Vue de Naplouse en 1998

Naplouse passe sous autorité britannique à partir de . C'est la fin du pouvoir ottoman. La Société des Nations donne mandat en 1920 aux Britanniques pour favoriser en Palestine la création d'un foyer de peuplement juif.

Un tremblement de terre sévère détruit en 1927 la partie historique de la ville, dont trois-cents bâtiments et la mosquée de la Victoire. La ville est reconstruite, mais elle perd son caractère historique en grande partie. De plus, les Britanniques détruisent le vieux quartier de Qaryoun, foyer de rébellion, après les révoltes de 1936-1939.

Naplouse fait partie de la Cisjordanie, après le plan de partage de 1947. Des milliers de Palestiniens ayant quitté les territoires administrés par le nouvel État d'Israël s'installent dans des camps de réfugiés aux abords de la ville et dans la ville elle-même, annexée par la Jordanie. Les camps principaux sont Ein Beit al-Ma, Balata et Askar. Raymonda Hawa-Tawil (La « Lionne de Naplouse ») y tient dans les années 1960-1970 un salon d'intellectuels.

La guerre des Six Jours a pour conséquence l'administration israélienne et la fondation de localités juives autour de la ville, Berakha, Itamar et Elon Moreh étant les plus proches. Finalement, l'autorité palestinienne obtient l'administration de la ville à partir du , selon les accords d'Oslo, ce qui provoque l'élimination quasi totale de la circulation de Juifs dans la ville (à titre d'exemple la ligne de bus Jérusalem-Afula de la compagnie israélienne Egged comptait auparavant Naplouse parmi ses stations principales).

Seconde Intifada[modifier | modifier le code]

Martyrologie : fresque en l'honneur de (en) Fadi Kafisha, organisateur de plusieurs attentats-suicides sanglants, Naplouse.

Les tensions augmentent en l'an 2000 entre les forces israéliennes et les habitants des camps de réfugiés, en particulier ceux de Balata et d'Askar. Lorsque les Palestiniens déclenchent la seconde intifada, des armements sont fabriqués dans ces camps et la présence juive dans la ville est éliminée. La répression aboutit selon le bureau de la coordination des affaires humanitaires à 522 morts dans la ville de Naplouse et les camps environnants et à 3 104 blessés entre 2000 et 2005.

L'attentat du 27 mars 2002 à l'hôtel Park de Netanya qui cause la mort de 30 civils juifs et en blesse 143, suivi du meurtre de 4 membres de la famille Gavish le lendemain à Elon Moreh[6] et de l'attentat meurtrier à Netzarim le surlendemain[7], provoque l'opération Rempart de la part des autorités israéliennes du gouvernement Sharon[8],[9]. Naplouse est une des villes visées du fait de la présence de responsables des massacres[10]. Quatre-vingts habitants de Naplouse sont tués et plusieurs maisons détruites. Une seconde opération démarre le suivant et les forces armées israéliennes restent à Naplouse jusqu'en septembre, imposant un couvre-feu de vingt-quatre heures pendant soixante-dix jours. Soixante maisons d'activistes palestiniens sont détruites au bulldozer, la grande mosquée et d'autres mosquées, ainsi que l'église grecque-orthodoxe, sont endommagées par les combats[11].

XXIe siècle[modifier | modifier le code]

Le , des Palestiniens incendient le tombeau de Joseph, un lieu de pèlerinage pour les Juifs orthodoxes[12].

Un raid israélien fait onze morts et au moins cent deux blessés par balles le 19 février 2023[13].

Politique et administration[modifier | modifier le code]

La ville est dirigée par un conseil de quatorze membres.

Liste des maires successifs
Période Identité Étiquette Qualité
décembre 2005 octobre 2012 Adli Yaïch    
octobre 2012 août 2015 Ghassan Chakaa    
août 2015 mai 2017 Samih Raouhi Toubaila   intérim
mai 2017 août 2019 Adli Yaïch    
août 2019 En cours Samih Raouhi Toubaila    
Les données manquantes sont à compléter.


Panorama de Naplouse (2005)

Sites archéologiques[modifier | modifier le code]

Le puits de Jacob en 1903

Puits de Jacob[modifier | modifier le code]

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Le puits de Jacob est situé à l'entrée de l'actuelle Naplouse.

Tombeau de Joseph[modifier | modifier le code]

Tombeau de Joseph.
  • Sichem, site du tombeau de Joseph. Le monument fait partie du patrimoine juif, ce qui l'inclut parmi les sites ouverts aux Israéliens, bien que situés en zone palestinienne A dont l'accès leur est interdit. L'espace abritait jusqu'à l'an 2000 une yechiva. L'armée israélienne assurait la protection du tombeau de Joseph jusqu'à la seconde intifada et il est depuis saccagé à plusieurs reprises par les Palestiniens. L'accès aux Israéliens est très limité (généralement une nuit par mois), malgré la réglementation des lieux saints par les accords d'Oslo.
  • Ce tombeau est également important pour les Samaritains, du fait de sa proximité avec le mont Garizim.

Jumelages[modifier | modifier le code]

Personnalités[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Conseil municipal, site officiel
  2. State of Palestine Cities Report 2016, unhabitat.org, p. 13.
  3. Il n'y a aucun juif à cette époque, cf Negev et Gibson, op. cité
  4. Les autres étant Safed, Jérusalem, Jénine, Gaza, Ajloun
  5. Baptistin Poujoulat, Récits et souvenirs d'un voyage en Orient, Tours : A. Mame, 1848, p. 233 (lire en ligne).
  6. (en) « Soldier Recalls His Role In Elon Moreh Terror Attack », Arutz Sheva,‎ (lire en ligne).
  7. (en) « Two Persons Murdered in Netzarim Attack », Arutz Sheva,‎ (lire en ligne).
  8. (en) Ministère des Affaires étrangères, « Statements by Prime Minister Ariel Sharon and Defense Minister Binyamin Ben-Eliezer at press conference following Cabinet meeting », (consulté le ).
  9. Catherine Dupeyron, « L'armée de Sharon envahit le QG d'Arafat », sur Le Parisien,
  10. (en-US) Elizabeth Rubin, « The Most Wanted Palestinian », The New York Times,‎ (ISSN 0362-4331, lire en ligne, consulté le )
  11. Josselin Brémaud, « Vivre et survivre à Naplouse : portrait d'une ville en reconstruction », sur Ragemag, (consulté le )
  12. Le service METRONEWS, « Des Palestiniens incendient le Tombeau de Joseph à Naplouse », Metronews,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  13. « Naplouse frappée par un raid israélien meurtrier », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • (en) Avraham Negev et Shimon Gibson, Archeological Encyclopedia of the Holy Land, Continuum International Publishing Group, 2005.

Article connexe[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]