Mouvement de la paix — Wikipédia

Mouvement de la paix
Militants du Mouvement de la paix marchant en 2007.
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Le Mouvement de la paix est une organisation pacifiste française. Créée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale par de grands courants de la Résistance, notamment ceux d'inspiration communiste, chrétienne ou de libres-penseurs, elle est directement liée au Mouvement mondial des partisans de la paix, dont le but est la lutte pour la paix. Dès 1948 toutefois, elle passe sous le contrôle du Parti communiste : durant les années 1950 et 1960, le Mouvement de la paix est un mouvement de masse transnational dont la plus grande partie des participants est formée par des militants et des sympathisants communistes et dont les Partis communistes locaux détiennent les leviers de commande. Il bénéficie alors de la caution morale et de l'étiquette d'indépendance que lui ont apporté les personnalités non adhérentes au PC.

Historique[modifier | modifier le code]

Origine[modifier | modifier le code]

L’origine du Mouvement de la paix est à chercher à Paris dans la création des « Combattants de la Liberté » au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. C’est Charles Tillon, l'un des cadres dirigeants du Parti communiste français qui, fin 1947, lance un appel à créer une organisation destinée à « soutenir le régime républicain et interdire le retour du fascisme et de la dictature »[1]. Dès lors, le , une soixantaine de personnalités issues de la Résistance fondent à l'Hôtel des Deux Mondes à Paris « les Combattants de la Liberté », sous la direction d’Yves Farge, qui avait été nommé préfet de la région Rhône-Alpes par le général de Gaulle à la Libération. Les statuts de ce tout jeune mouvement qui veut préserver l'esprit unitaire de la Résistance sont déposés notamment par Raymond Aubrac. L'Humanité, principal quotidien des communistes en France, présente le 13 mars 1948 le manifeste de ce « mouvement national pour la défense des principes et des droits de la Résistance française » et met en avant Yves Farge, Jean Cassou et le colonel Henri Manhès, compagnons de route du PCF. Leur appel en cinq points entend « recréer le climat moral dans lequel s'est formée la Résistance », lutter pour l'indépendance nationale et pour défendre la République afin de « rendre impossible toute tentative de fascisme et de dictature », convaincre qu'une guerre n'est pas inévitable et mettre fin aux guerres coloniales, empêcher la « réapparition dans les affaires publiques et l'opinion des doctrines et des hommes qui ont déshonoré le pays et l'ont livré à l'ennemi ». Farge présente les Combattants de la liberté comme un « mouvement répondant au désir de regroupement des anciens résistants qui se voient aujourd'hui bafoués par les vichystes revenus à la surface » et sont désireux de défendre d'anciens résistants poursuivis par la justice et de mobiliser l'opinion contre le retour des anciens « collaborateurs  », au moment où une association d'anciens résistants non-communistes ayant les mêmes buts est en voie de formation, le Comité d'action de la Résistance. Le journal publie le lendemain la liste des signataires du manifeste, parmi lesquels figurent notamment des personnalités communistes et des compagnons de route, anciens résistants : José Aboulker, Emmanuel d'Astier de La Vigerie, Aubrac, Claude Aveline, Laurent Casanova, André Chamson, Pascal Copeau, Justin Godart, Maurice Kriegel-Valrimont, Louis Martin-Chauffier, Marcel Prenant, Charles Tillon, Vercors, Pierre Villon, etc[2],[3].

Les Combattants de la liberté s'associent avec le Comité d'action de la Résistance et d'autres résistants pour protester dans un meeting commun contre la constitution en avril 1948 d'un comité d'honneur pour la libération de Pétain, préfiguration de l'Association pour défendre la mémoire du maréchal Pétain. Yves Farge, Jean Cassou, le colonel Manhès, Claude Aveline ou encore Marcel Prenant y participent[4],[5],[6].

La création de ce mouvement se produit dans le contexte de la guerre froide nourrie notamment par le coup de Prague et le début du « schisme » yougoslave[7].

Dès la fin 1948, le Mouvement est récupéré par les communistes[7], qui mettent en avant le thème de la paix. « Les Combattants de la liberté » deviennent « les Combattants de la paix et de la liberté ». Lors des 1res Assises du peuple français pour la paix et la liberté, qui se tiennent à Paris les 27 et à leur initiative, les thèmes du réarmement allemand, de l'usage de l'arme atomique et du désarmement général reflètent l'adéquation avec les positions communistes[8]. Ces derniers en profitent d'ailleurs pour installer plusieurs responsables à la direction du Mouvement, comme Laurent Casanova[9].

L’initiative française est relayée par celles d'intellectuels d'Europe centrale, qui organisent après avoir reçu l'accord d'Andreï Jdanov[7], un Congrès des peuples pour la paix en Pologne à Wroclaw du 25 au . Parmi les 500 délégués représentant une cinquantaine de pays, tous n'appartiennent pas au Parti communiste, mais peu d'entre eux protestent quand le délégué soviétique dénonce à la tribune « les hyènes dactylographes de la culture bourgeoise » : Miller, Eliot, Malraux et Sartre[7].

Du congrès de Wroclaw naît un Bureau international de liaison des intellectuels pour la paix, qui est « clairement aligné sur les positions du Kominform »[7]. C'est de cet organisme auquel se sont joints la Fédération démocratique internationale des femmes également proche du mouvement communiste, et 75 personnalités « de renommée mondiale » qu'émane la décision de réunir le Congrès mondial des partisans de la paix en février 1949[7]. Au cours du congrès de Wroclaw, un « Mouvement mondial des partisans de la paix » se constitue, avec pour vice-président Laurent Casanova[10] et incite à la création de comités nationaux. En France, « les Combattants de la paix et de la liberté » deviennent en 1951 « le Conseil national français du Mouvement de la paix », appelé communément « Le Mouvement de la paix ».

Les années de guerre froide[modifier | modifier le code]

Cette période est la plus riche en actions, en influence et en effectif. Le Mouvement participe au Congrès mondial des partisans de la paix à Paris en 1949 qui crée le Conseil mondial de la paix. La direction en est confiée au grand intellectuel scientifique Frédéric Joliot-Curie. Soutenant l'appel de Stockholm contre la prolifération nucléaire, le Mouvement de la paix organise en France une vaste campagne de soutien, qui recueillera des millions de signatures, dont celle du jeune Jacques Chirac. Cette campagne marquera l'apogée de la popularité du Mouvement de la Paix en France.

Le Mouvement de la paix tient son second congrès à Varsovie en novembre 1950 et élit à cette occasion un Conseil mondial de la paix qui sera présidé jusqu'à son décès en 1958 par Frédéric Joliot-Curie. Comme le mouvement communiste international qui lui a donné naissance, c'est alors un mouvement de masse transnational fortement structuré sur le modèle de l'organisation communiste[7]. Si la grande partie des participants est formée par des militants et des sympathisants communistes et si les Partis communistes locaux détiennent les leviers de commande du mouvement, celui-ci est ouvert à tous et bénéficie de la caution morale et de l'étiquette d'indépendance que lui ont apporté les personnalités non adhérentes au PC[7].

Le Mouvement se radicalise ensuite et perd de son influence dans les masses. Plusieurs campagnes se succèdent, contre la guerre de Corée en 1950 (manifestation contre Ridgway), ou contre le réarmement allemand au sein de la CED, à partir de 1952.

Les autres campagnes[modifier | modifier le code]

L'année 1956 marque le début de la déstalinisation et bouleverse le paysage communiste en Europe. Avec la mort de Staline, le Mouvement de la paix entre en demi-sommeil[7].

Il fait des efforts d'ouverture pour attirer des militants. Concernant la guerre d'Algérie, il prend position contre les hostilités et pour l'indépendance. Il est directement visé par un attentat à Issy-les-Moulineaux en 1962. Il continue à perdre de sa vitalité, notamment après la campagne contre la guerre d'Algérie.

La flamme se ravive au moment de la guerre du Viêt Nam, puis avec la crise des euromissiles dans les années 1980. En 1995, il participe à la vaste campagne internationale contre les derniers essais nucléaires menés au centre d'expérimentation nucléaire du Pacifique à Mururoa, qui sont réalisés en 1995-1996 par la France et permettront de valider les données nécessaires aux futurs essais par simulation numériques réalisés à l'aide du Laser Mégajoule au laboratoire CESTA-CEA[11]. Les campagnes organisées contre les armes nucléaires visent essentiellement celles de la France, le site de l'organisation ne référence ainsi aucune campagne[12] contre les nouvelles armes chinoises (déploiement de cinquante missiles DF-31A de 2010 à 2015) ou russes (déploiement de 40 missiles en 2015[13] et Satan 2 en 2016 pouvant atteindre des cibles à courte portée en violation du Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire[réf. souhaitée] et capable de détruire la France ou le Texas avec un seul missile[14]). Les essais nucléaires nord-coréens et la non-signature du Traité de Non-prolifération nucléaire par l'Inde, la Chine, le Pakistan, la Corée du Nord, les États-Unis, Israël, l'Iran et la République démocratique de Corée sont condamnés[15].

Depuis les années 2000 le Mouvement de la Paix anime en France les larges réseaux d'opposition aux guerres (Afghanistan, Irak, Proche-Orient…).

Très actifs dans le mouvement alter-mondialiste et les partenariats internationaux, il soutient en France « Mayors for Peace » et le PNND « Parlementaires pour la non-prolifération et le désarmement nucléaire ».

Le Mouvement de la Paix est membre du Conseil mondial de la Paix, du Bureau international de la Paix, d'Abolition 2000 et de l'Association internationale des Éducateurs à la paix. En 2007, il a également rejoint la nouvelle Campagne internationale pour l'abolition des armes nucléaires (ICAN).

Vie du mouvement[modifier | modifier le code]

Le siège national du Mouvement de la Paix se situe à la Maison de la Paix, 9 rue Dulcie September à Saint Ouen (93400)[16].

Actions[modifier | modifier le code]

Manifestation organisée par des associations pacifistes dont le Mouvement de la Paix à Avignon en contre la guerre entre Israël et le Liban ou le Hezbollah.

Le Mouvement de la Paix est aujourd'hui la plus importante ONG pacifiste[réf. nécessaire] avec près de 150 comités locaux. Il coordonne fréquemment les coalitions anti-guerre et s'investit fortement auprès des jeunes. La journée internationale de la Paix du 21 septembre marque un de ses temps forts annuels.

L'association semble connaître un regain de mobilisation depuis la guerre en Irak de 2003 et le développement des mobilisations altermondialistes. Elle joue un rôle important dans l'organisation des Forums sociaux européens, et elle s'est mobilisée contre la guerre en Irak, contre la situation en Tchétchénie et en Israël, et contre l'utilisation des armes nucléaires, avec une campagne autour du traité de non-prolifération nucléaire. Elle demande une réduction du budget de la Défense. Depuis quelques années, à l'occasion des violences urbaines, elle promeut l'idée de « comités pour une culture de la paix » dans les quartiers.

Depuis l'année 2000, année internationale de la Culture de la Paix, le Mouvement de la Paix a fait de l'engagement des jeunes, un axe fort et identitaire de l'association. En , ce sont 128 jeunes qui portent à l'ONU les signatures recueillies sur le Manifeste 2000 des Prix Nobel de la Paix. En , 125 jeunes se rendent à Hiroshima et Nagasaki pour les 60 ans des bombardements atomiques. En , ce sont 230 citoyens de France qui se rendent à l'ONU à New-York pour la Conférence d'examen du Traité de non-prolifération nucléaire. Elle organise des rencontres internationales de jeunes pour la culture de la paix (2002 - 2003 - 2005 - 2010 - 2011).

Le Mouvement de la Paix est aussi attentif à la situation des droits de l'homme dans le monde comme au Tibet[17] (2008), en Russie[18] (2009) ou en Tunisie[19] (2013).

En septembre 2016, le mouvement lance « En marche pour la Paix » avec une cinquantaine d'associations[20],[21], puis édite un Livre Blanc pour la Paix formulant des propositions concrètes pour une politique de paix qui s'appuie sur les résolutions de l'ONU[22].

Organe de presse[modifier | modifier le code]

Après plus de cinquante années d'existence (premier numéro en ) et de 500 numéros, la revue Combat pour la Paix change de nom et devient Planète Paix à partir de .

Personnalités membres[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. in. Un procès de Moscou à Paris, Seuil, Paris, 1971.
  2. «Yves Farge, Jean Cassou et le colonel Manhès appellent les anciens résistants à se regrouper. Formez dans chaque commune un comité des Combattants de la liberté », L'Humanité, 13 mars 1948, « Benoit Frachon et André Tollet donnent leur adhésion aux Combattants de la liberté », L'Humanité, 14 mars 1948
  3. Annie Kriegel, Le Système communiste mondial, Paris, PUF, 1984 (L'auteure cite mars 1948 comme le début du mouvement et évoque son manifeste en cinq points, qui ne comporte pas encore le mot de paix)
  4. Michèle Cointet, « Le banquet des Mille », dans Gilles Richard (dir.) et Jacqueline Sainclivier (dir.), La recomposition des droites : En France à la Libération, 1944-1948 (actes du colloque organisé par l'Institut d'études politiques de Rennes et l'université Rennes 2, -), Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », , 389 p. (ISBN 2-7535-0016-9, DOI 10.4000/books.pur.16324, lire en ligne).
  5. Michel Fratissier, Jean Moulin, ou, La fabrique d'un héros (texte remanié de Jean Moulin : enjeux et lieux de mémoire, 1945-2000, thèse de doctorat à l'université Paul-Valéry-Montpellier, sous la direction de Gérard Cholvy, 2004), Paris, L'Harmattan, coll. « Mémoires du XXe siècle », , 755 p. (ISBN 978-2-296-55463-4), p. 31 [lire en ligne].
  6. « Pétain », Le Populaire, 18 avril 1948, « Anciens résistants de toutes opinions ont protesté contre le " comité d'honneur " pour la libération de Pétain », Le Monde, 22 avril 1948, « TOUTE POLITIQUE PARTISANE SERA EXCLUE DE LA MANIFESTATION DE DEMAIN À LA SALLE WAGRAM », Ibid., 20 avril 1948, « Hier soir à Wagram. La Résistance a relevé le défi des collaborateurs », L'Humanité, 21 avril 1948, Combat, 21 avril 1948, « Hier soir à Wagram. Manifestation enthousiaste de la Renaissance unanime », L'Ordre, 21 avril 1948
  7. a b c d e f g h i et j Pierre Milza, Les mouvements pacifistes et les guerres froides depuis 1947, Publications de l'École Française de Rome, Année 1987, 95, p. 265-283.
  8. Laurent Piron, Le Mouvement de la Paix français, pacifisme militant et propagande communiste (1952-1975), Archives départementales de la Seine-Saint-Denis, Bobigny, 2007.
  9. Olivier Le Cour Grandmaison, « Le Mouvement de la paix pendant la guerre froide : le cas français (1948-1952) », Communisme, no 18-19, 1988, p. 120-138.
  10. Le Monde du 22 mars 1972 (lire en ligne).
  11. « Le Laser Mégajoule », sur www-lmj.cea.fr (consulté le )
  12. « Pétitions et soutiens », (consulté le )
  13. « Sous-marin et missiles nucléaires : Poutine face aux États-Unis et à l'Otan » (consulté le )
  14. « Satan 2, le missile nucléaire russe capable de détruire un pays de la taille de la France », sur directmatin.fr (consulté le )
  15. « Le Mouvement de la Paix condamne l’essai nucléaire nord-coréen et appelle à l’action pour un traité d’interdiction des armes nucléaires », sur mvtpaix.org (consulté le )
  16. « Site officiel, page « Contact » », sur mvtpaix.org (consulté le )
  17. « Tibet : Respect des droits de l’homme et négociations avec l’ensemble des parties », sur mvtpaix.org (consulté le )
  18. « Russie : Arrêtez les assassinats politiques », sur mvtpaix.org (consulté le )
  19. « Tunisie : à travers les assassinats politiques et l’exacerbation des violences c’est au caractère démocratique, citoyen et non violent de la révolution tunisienne qu’on s’attaque », sur mvtpaix.org (consulté le )
  20. « En Marche pour la Paix », sur mvtpaix.org, .
  21. « "Construire ensemble une culture de la paix" », sur humanite.fr, .
  22. « Première : un livre blanc pour la paix », sur ladepeche.fr, .

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]