Moïse Tshombé — Wikipédia

Moïse Tshombé
Illustration.
Moïse Tshombe en 1963.
Fonctions
Président de l'État du Katanga

(2 ans, 6 mois et 4 jours)
Prédécesseur Poste créé
Successeur Poste supprimé
Premier ministre du Congo-Léopoldville

(1 an, 3 mois et 3 jours)
Président Joseph Kasa-Vubu
Gouvernement Gouvernement Tshombe
Prédécesseur Cyrille Adoula
Successeur Évariste Kimba
Ministre des Affaires étrangères

(1 an)
Prédécesseur Cyrille Adoula
Successeur Thomas Kanza
Biographie
Nom de naissance Moïse Kapend Tshombe
Date de naissance
Lieu de naissance Musumba (Congo belge)
Date de décès (à 49 ans)
Lieu de décès Alger (Algérie)
Nature du décès Crise cardiaque
Nationalité Congolaise
Parti politique Convention nationale congolaise
(1964 à 1969)
Confédération des associations tribales du Katanga
(1958 à 1964)
Père Joseph Kapend Tshombe
Mère Princesse Kat A Kamin
Conjoint Machik Ruth Louise A Ditend
Enfants 9, dont Isabel Machik Tshombe
Profession Homme d'affaires
Religion Protestant méthodiste

Moïse Tshombé
Premiers ministres du Congo-Léopoldville

Moïse Tshombé, également retranscrit Tshombe ou Tchombe, né le et mort le , est un homme d'État congolais. Il a été président de l'État sécessionniste du Katanga de 1960 à 1963, puis Premier ministre de la république démocratique du Congo de 1964 à 1965.

Biographie[modifier | modifier le code]

Jeunesse[modifier | modifier le code]

Fils d'un homme d'affaires, Joseph Kapend Tshombe, premier millionnaire africain de l'époque coloniale belge, aîné de 11 enfants et descendant direct de Mwata Yamvo ou Mwant Yav Mushid Ier, empereur des Lundas (ou Aruund), Moïse Tshombé est né à Musumba au Congo belge. Il fait ses études dans une école des missionnaires américains méthodistes à Mulungwishi dans la province actuelle du Haut-Katanga puis à Kanene dans la province actuelle du Haut-Lomami. L'administration coloniale lui refusa l'autorisation d'aller poursuivre des études supérieures à l'étranger comme l'avait prévu son père. C'est ainsi qu'il fut contraint de poursuivre des études supérieures de comptabilité par correspondance (Canada).

Dans les années 1950, il développa une chaîne de magasins au Katanga, et s'impliqua en politique, fondant le parti CONAKAT, prônant un Katanga indépendant.

Élections de 1960[modifier | modifier le code]

L'indépendance du Katanga[modifier | modifier le code]

Aux élections législatives de 1960, la CONAKAT obtint ses meilleurs résultats dans son fief de la province du Katanga. La république démocratique du Congo devint indépendante, et Tshombe et la CONAKAT déclarèrent la sécession de la province du reste du Congo le . De graves troubles ethniques éclatèrent alors, les Katangais se mirent à chasser les immigrés kasaïens, de l'ethnie luba, que l’administration coloniale avait fait venir pour travailler dans les mines. Il y eut de nombreux morts.

Chrétien, anti-communiste, pro-occidental, Tshombe fut élu président du Katanga en , annonçant : « Nous faisons sécession du chaos » (en référence aux troubles apparus dans le pays dès la proclamation de l'indépendance). Certains analystes pensent que Tshombe a fait sécession parce qu'il n'était pas dans le gouvernement de Lumumba.

Souhaitant la continuation des liens privilégiés avec la Belgique et notamment avec l'Union minière du Haut Katanga, Tshombe demanda au gouvernement belge une aide pour constituer et former une armée katangaise, et reçut un soutien important de l'ancienne métropole coloniale, conduisant à une détérioration notable des relations entre le nouvel État indépendant du Congo et le gouvernement belge.

La France voulant profiter elle aussi de minerais katangais, envoie à Moïse Tshombe le renfort du mercenaire Bob Denard et de ses hommes. Il bénéficie en effet du soutien des réseaux de Jacques Foccart, le « monsieur Afrique » de l’Élysée[1].

Le Premier ministre Patrice Lumumba et son successeur Cyrille Adoula demandèrent de leur côté l'intervention des forces des Nations unies pour préserver l'unité du Congo ; les Nations unies répondirent favorablement à cette demande.

Rôle dans l'assassinat de Patrice Lumumba[modifier | modifier le code]

Le Premier ministre du Congo, Patrice Lumumba, est arrêté en à la suite de ses tensions grandissantes avec le Président Joseph Kasa-Vubu et le chef de l'armée Joseph Mobutu. Il s'évade peu après et tente de gagner Stanleyville pour y organiser un contre-gouvernement. Arrêté à Port-Francqui le , il est placé en détention à Thysville.

Les 12 et , une mutinerie militaire éclate dans la ville, pour des raisons financières. C'est « la panique à Léopoldville. « On » craint que la libération de Lumumba et son retour soient imminents […]. Le collège des commissaires demande à Kasa-Vubu de transférer Lumumba « dans un endroit plus sûr ». […] Au nom du collège des commissaires [congolais], Kandolo insiste auprès du président Tshombe pour que Lumumba soit transféré au Katanga »[2]. L'ambassadeur belge au Congo, Dupret, en informe son gouvernement et conseille « il vous apparaîtra sans doute indiqué appuyer opération envisagée et insister auprès autorités katangaises[2] ».

À cette date, le gouvernement congolais et le gouvernement katangais sont encore en négociation[3] et se sentent tous les deux menacés par Lumumba et ses partisans. Le gouvernement katangais est ainsi à cette date en proie à des attaques de troupes lumumbistes dans le Nord-Katanga[4]. Une action commune contre Lumumba est donc dans leur intérêt commun.

Le gouvernement congolais livre finalement son prisonnier au gouvernement katangais de Moïse Tshombe le . Il meurt le même soir, entre 21 h 40 et 21 h 43 d'après le rapport d'enquête belge.

Tshombe refuse d'assumer le décès de Lumumba affirmant, d'une part qu'il ne savait rien du transfert de Lumumba vers le Katanga, et d'autre part que son prisonnier est mort lors d'une tentative d'évasion.

Concernant la première affirmation, la commission d'enquête belge de 2001 est formelle « il y a trois déclarations du 18 janvier qui contredisent la version de Tshombe[5] ». Pour la commission, Tshombe a bien donné son accord au transfert de Lumumba sur son territoire. Elle cite en particulier une déclaration officielle katangaise confirmant l'accord du gouvernement sécessionniste.

Concernant la seconde affirmation de Moïse Tshombe sur son absence d'implication dans la mort de Lumumba, la commission d'enquête indique d'abord : « il apparaît que la reconstitution détaillée et illustrée des faits de ce 17 janvier est aléatoire[6] ». Mais elle considère que plusieurs faits sont assez précis. À 16 h 50 l'avion de Lumumba atterrit. De 17 h 20 à 20 h 30 Lumumba et ses deux compagnons sont enfermés à la « maison Brouwez », « où il est certain que les prisonniers ont subi des mauvais traitements de la part de leurs gardiens, mais aussi de la part de ministres katangais[6] ». Il est possible « que le président katangais [ait] participé aux sévices, même si aucune source ne le prouve. […] Il semble hors de question qu'il n'ait pas vu les prisonniers dans la maison Brouwez, au moins lors du départ des prisonniers vers le lieu d'exécution[6] ». La décision de Tshombe de l'exécution de Lumumba est donc certaine pour la commission, mais quatre représentants belges qui soutiennent la sécession katangaise y participent aussi : « le commissaire de police Frans Verscheure, le capitaine Julien Gat, le lieutenant Michels et le brigadier Son[6] ». « Vers 21 h 15-21 h 30, Lumumba [et] ses compagnons arrivent sur le lieu de leur exécution. Ils vont être tués par balle, en présence du président Tshombe et de plusieurs de ses ministres. […] Lumumba […] meurt en dernier[6],[7]. »

La fin de l'indépendance[modifier | modifier le code]

Peu après la mort de Lumumba, les relations sont rompues entre les gouvernements congolais et katangais et la guerre reprend.

Les Nations unies mirent deux ans à reprendre le contrôle du Katanga pour le compte du gouvernement congolais.

En 1963, la prise du Katanga par les forces des Nations unies contraint Moïse Tshombe à l'exil vers la Rhodésie du Nord (actuelle Zambie), et plus tard vers l'Espagne.

Le geste de trop[modifier | modifier le code]

En , il prend contact avec la revue belge Pourquoi pas ? et remet à Pierre Davister[8] à Madrid le récit signé et paraphé à chaque page pour confirmation sur l'assassinat de Lumumba (première partie). La revue (no 2357) paraît le mais est immédiatement retirée par l'autorité belge des kiosques et des librairies pour cause d'affront à un président d'un pays ami. Cette revue datée du vendredi 64, non expurgée, est devenue rarissime[9]. En couverture, le portrait de Lumumba lié[10] signé par J. Remy[11]. Un second article intitulé « Que sont devenus les corps ? » était prévu pour la semaine suivante. Cette brochure ne figure pas dans les collections de la Bibliothèque royale de Belgique.

Il est reçu à Paris par le président de Gaulle en [1]. Le soutien de Paris s’accompagne en France d'une campagne de presse orchestrée par Jean Mauricheau-Beaupré à la demande de Foccart visant à présenter Tshombé comme le seul homme capable de restaurer la stabilité au Congo[12].

Élections de 1965[modifier | modifier le code]

Premier ministre du Congo réunifié[modifier | modifier le code]

En 1964, il retourna au Congo pour prendre part à un nouveau gouvernement de coalition en tant que Premier ministre. Il prit la décision d'expulser de Kinshasa les Congolais de Brazzaville (les 2 capitales sont situées de part et d'autre du fleuve). Il négocia avec la Belgique la question de la répartition entre les deux pays de la charge des dettes publiques et le sort des participations dans les compagnies minières et autres sociétés coloniales[13]. Il fut démis un an plus tard par le président Joseph Kasa-Vubu. En 1966 Joseph Mobutu, qui avait évincé Kasa-Vubu un an plus tôt, accusa Tshombe de trahison ; celui-ci prit de nouveau la fuite pour l'Espagne.

Arrestation et mort[modifier | modifier le code]

En , un tribunal congolais le condamne à mort par contumace lors du procès Tshipola pour : avoir proclamé la sécession du Katanga ; avoir aliéné l’indépendance économique du pays lorsqu'il était Premier ministre en signant les accords réglant le contentieux belgo-congolais ; avoir constitué une armée de mercenaires ; avoir maintenu la subversion dans les unités katangaises de l’Armée nationale congolaise en vue de renverser le nouveau régime.

Le , le jet BAe 125 dans lequel il voyageait est détourné vers l'Algérie par une de ses relations d'affaires qui voyageait avec lui, Francis Bodenan, qui travaillait pour le régime de Mobutu et la CIA américaine[12]. « Pour autant que l'on puisse faire la lumière sur ce genre d'affaires, l'opération, de toute évidence, est l'œuvre de Mobutu et ses services. Bernardin Mungul Diaka, ambassadeur à Bruxelles, a sans doute reçu pour mission de l'organiser : quoique toujours à demi-mot, il l'admettra plus tard[14]. » Francis Bodenan, dans une interview dans Jeune Afrique[15] déclare d'ailleurs qu'il a agi sur ordre direct de ce dernier.

Considéré comme le meurtrier de Lumumba, Tshombé est placé en résidence surveillée par le pouvoir algérien de Houari Boumédiène. Le régime de Mobutu demande son extradition, qui aurait selon toute vraisemblance conduit à son exécution, refusée par Boumédiène qui déclare préférer un procès international[12].

En , toujours privé de liberté, il meurt en Algérie, officiellement d'une crise cardiaque[16].

Moïse Tshombé dans la fiction[modifier | modifier le code]

Il est incarné par Pascal Nzonzi dans le film Lumumba (2000) de Raoul Peck, puis à nouveau par le même acteur dans Mister Bob (2011), un téléfilm de Thomas Vincent. En 2016, il est joué par Danny Sapani dans Jadotville (The Siege of Jadotville) de Richie Smyth.

Annexes[modifier | modifier le code]

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Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Moise Tshombe, Mémoires, Éditions[Lesquelles ?], 1975.
  • Moise Tshombe, Quinze mois de gouvernement au Congo, Éditions Table ronde, 1966.
  • Jacques Burlion, Moise Tshombe abandonné.
  • Guy Weber, Le Katanga de moise Tshombe ou le drame de la loyauté, Éditions Louis Musin, 1983.
  • Jules Chome, Moise Tshombe et l'escroquerie Katangaise.
  • Joseph Kayomb Tshombe, Le rapt de Tshombe. La mise à mort du leader congolais, Éditions Quorum, 1997.
  • Kayemb Uriel Nawej, Moise Tshombe Visionnaire assassiné, Éditions Booksurge Publishing, 2006.
  • Pierre De Vos, Tshombe.
  • Ikos Rukal Diyal, Joseph Emmanuel, Moise Tshombe : Sécessioniste ou Nationaliste, Éditions L'Harmattan, 2014.
  • Florent sené Tshombe à Alger: Une certaine histoire de la décolonisation africaine, Éditions L'harmattan, 2014.
  • Kyoni Kya Mulundu, Moise Kapenda Tshombe. La renaissance du Katanga, Tome 1, Éditions Edilivres, 2015.
  • Kyoni Kya Mulundu, Moise Kapenda Tshombe. Premier ministre du Congo-Lépoldville Tome 2, 2e partie, Éditions Edilivres, 2015.
  • Jacques Brassine de la Buissière, La sécession du Katanga : Témoignage, Éditions L'Harmattan, 2016.

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a et b Claude Wauthier, « Jacques Foccart et les mauvais conseils de Félix Houphouët-Boigny », Les Cahiers du Centre de Recherches Historiques. Archives, no 30,‎ (ISSN 0990-9141, DOI 10.4000/ccrh.512, lire en ligne, consulté le )
  2. a et b ENQUÊTE PARLEMENTAIRE visant à déterminer les circonstances exactes de l'assassinat de Patrice Lumumba et l'implication éventuelle des responsables politiques belges dans celui-ci, Chambre des représentants de Belgique, 16 novembre 2001, DOC 50 0312/006, pages 306-308.
  3. ENQUÊTE PARLEMENTAIRE visant à déterminer les circonstances exactes de l'assassinat de Patrice Lumumba et l'implication éventuelle des responsables politiques belges dans celui-ci, Chambre des représentants de Belgique, 16 novembre 2001, DOC 50 0312/006, page 243.
  4. ENQUÊTE PARLEMENTAIRE visant à déterminer les circonstances exactes de l'assassinat de Patrice Lumumba et l'implication éventuelle des responsables politiques belges dans celui-ci, Chambre des représentants de Belgique, 16 novembre 2001, DOC 50 0312/006, page 305.
  5. ENQUÊTE PARLEMENTAIRE visant à déterminer les circonstances exactes de l'assassinat de Patrice Lumumba et l'implication éventuelle des responsables politiques belges dans celui-ci, Chambre des représentants de Belgique, 16 novembre 2001, DOC 50 0312/006, page 319.
  6. a b c d et e ENQUÊTE PARLEMENTAIRE visant à déterminer les circonstances exactes de l'assassinat de Patrice Lumumba et l'implication éventuelle des responsables politiques belges dans celui-ci, Chambre des représentants de Belgique, 16 novembre 2001, DOC 50 0312/006, pages 374-382.
  7. Joseph Okito et Maurice Mpolo, « Le 17 janvier 1961, les assassinats de Patrice Lumumba », Pressafrique.
  8. Envoyé spécial à Madrid de cette revue bruxelloise.
  9. « Tshombe nous révèle Comment est mort Lumumba », Pourquoi pas ?, article préfacé par Pierre Davister, envoyé spécial à Madrid.
  10. Lumumba est en chemise blanche ouverte. Seul un bout de corde apparaît.
  11. Troisième vente Millon, Bruxelles, lot 25 de leur troisième vente, deux revues 2357 : l'une interdite et l'autre censurée du 1 février
  12. a b et c Maurin Picard, L'Empire qui ne veut pas mourir: Une histoire de la Françafrique, Seuil, , p. 417
  13. « Les relations belgo-congolaises », Courrier hebdomadaire du CRISP 14/1966 (no 321-322), p. 1-44.
  14. Pierre-Michel Durand, L'Afrique et les relations franco-américaines des années soixante : Aux origines de l'obsession américaine, L'Harmattan, 2007, coll. Études africaines (ISBN 2296046053), p. 466.
  15. Jeune Afrique, no 772, 24 octobre 1975.
  16. Tshilombo Munyengayi, « Tshombe est enlevé le 30 juin 1967 et meurt mystérieusement le 30 juin 1969 », Le Potentiel, 17 juillet 2006.