Melchiorre Gioia — Wikipédia

Melchiorre Gioia
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Cimetière Mojazza de Milan (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
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Collegio Alberoni (en)Voir et modifier les données sur Wikidata
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Plaque commémorative

Melchiorre Gioia, né le à Plaisance et mort le à Milan, est un économiste, politique et intellectuel italien.

Biographie[modifier | modifier le code]

Famille et formation[modifier | modifier le code]

Melchiorre Gioia naquit à Plaisance le , de parents honnêtes, mais peu riches, qui, en s’imposant de grandes privations, lui donnèrent une éducation soignée. Ayant manifesté quelque penchant pour l’état ecclésiastique, il fut reçu gratuitement à St-Lazare, dans ce fameux collège fondé par le cardinal Alberoni. C’est là qu’il fit ses études théologiques et qu’il entra dans les ordres. En sortant du séminaire, il s’adonna aux mathématiques sous la direction du savant Gregorio Fontana, professeur à l’université de Pavie[1], en remplacement de Boscovich, dans la chaire de mathématiques spéciales que ce docte père avait occupée pendant trente ans. En suivant un cours de mathématiques à Pavie, Gioia s’occupait aussi d’études de statistique et d’économie publique, et il s’efforça de mériter la bienveillance de son excellent professeur, au point de devenir son ami.

Révolution française[modifier | modifier le code]

Lorsqu’une république fut organisée dans la Lombardie en 1796, par Bonaparte, Fontana fut nommé membre du corps législatif, et plus tard désigné pour faire partie du collège dei Dotti ; Gioia, renonçant alors à l’habit ecclésiastique, vint à Milan sous les auspices de Fontana, et continua ses études d’économie publique. Un institut national ayant été fondé, on y mit au concours la question suivante : Quel est de tous les gouvernements libres celui qui conviendrait le mieux au bonheur de l’Italie ? Gioia obtint le prix ; il retourna ensuite dans sa patrie, mais le duc de Parme, Ferdinand de Bourbon, petit fils de Philippe V, le fit mettre en prison comme suspect de libéralisme. Bonaparte lui fit rendre la liberté, et Gioia, revenu à Milan, fut nommé rédacteur des séances du grand conseil législatif. Encouragé par le prix qu’il avait obtenu, il se livra à des études profondes sur les théories des gouvernements, et abandonna la rédaction des séances, ainsi que celle du Moniteur cisalpin, pour se consacrer à des travaux qui lui plaisaient davantage. Mais les événements de la guerre vinrent encore troubler la tranquillité si nécessaire à l’étude des sciences. Deux armées austro-russes descendirent en Lombardie au mois d’avril 1799, et la nouvelle république fut renversée ; tous les révolutionnaires qui n’avaient pas pris la fuite furent emprisonnés, et l’on n’oublia pas Gioia. Comme sujet du duc de Parme, on le conduisit dans sa patrie où il resta en prison jusqu’à la bataille de Marengo, qui remit la Lombardie au pouvoir des Français. Gioia revint bientôt à Milan, et il y reprit en 1801 ses études d’économie publique. Il publia :

  • Sul commercio de’ commestibili e sul caro prezzo del vitto, 1802, 2 vol. in-12, ouvrage dans lequel il indiqua les moyens de remédier à une disette épouvantable qui depuis l’année précédente désolait cette contrée ;
  • Nuovo galateo sull’educazione gioventù, Milan, 1802, 1 vol. in-12, ibid. 1822 et 1823, 2 vol. in-12, 4e édition, revue et augmentée, ibid., 1827, gros vol. in-12. L’importance de ce livre élémentaire a été constatée par trois éditions faites après la mort de l’auteur, sous différents titres.
  • Discussione economica sul dipartimento dell’Olona, Milan, 1803, vol. in-8°.
  • Discussione economica sul dipartimento del Lario, ibid., 1804, in-8°.

Sous le royaume d’Italie[modifier | modifier le code]

Lorsque Napoléon alla se faire couronner roi d’Italie, Gioia voulant lui faire sa cour, publia une brochure intitulée I Russi, li Tedeschi ed i Francesi, vol. in-8°, où il s’efforça d’établir que, de tous les gouvernements, celui des Français était le plus convenable à l’Italie[2]. Napoléon qui ne négligeait aucun service, appela auteur de cette brochure à la place d’historiographe du royaume d’Italie ; et, lorsqu’il rendit le fameux décret du blocus continental contre l’Angleterre, Gioia fit paraitre Gli Inglesi dipinti da loro medesimi, ossia cenni morali e politici sull’Inghilterra, Milan, 1806, in-8°[3]. Il publia la même année Li partiti chiamati all’ordine, in-8°. et Problema quali sieno i mezzi più spediti, più efficaci, e più economici per alleviare l’attuale miseria del popolo in Europa[4], Milan, 1806, in-8°. Un livre très-hardi et fort inconvenant pour un ecclésiastique fut encore publié dans la même année par Gioia, sous ce titre : Teoria del divorzio. Cet ouvrage parut si contraire aux idées religieuses et il causa tant de mécontentement que le gouvernement, pour donner une satisfaction au public, crut devoir destituer l’auteur de sa place d’historiographe. Le ministre de l’intérieur le dédommagea de cette disgrâce en le nommant chef de division au bureau de la statistique de l’économie publique ; mais le marquis Arborio de Breme qui, de commissaire général des subsistances de l’armée, avait passé à ce ministère, ayant éprouvé des contradictions de la part de son subalterne, le renvoya. Gioia, pour se venger, composa aussitôt une brochure intitulée Il povero diavolo, dans laquelle le ministre et d’autres personnages ayant cru se reconnaitre, forcèrent l’auteur à sortir du royaume. Après vingt-huit mois d’exil, Gioia obtint du vice-roi la permission de revenir, et il se fixa à Milan où il vécut du produit des ouvrages suivants :

  • La Logica statistica abbassata alla capacità di giovani agricoltori, artisti, commercianti, Milan, 1808, in-8°.
  • Tavole statistiche, ossia norma per descrivere, calcolare, classificare tutti gli oggetti di amministrazione privata e pubblica, ibid., 1808, in-8°.
  • Dissertazione sullo problema dell’amministrazione generale della Lombardia, ibid., 1808, in-8°.
  • Documenti comprovanti la cittadinanza italiana, ibid., 1809, in-8°. C’est dans cet ouvrage que l’auteur blâme le système anglais qui établit deux degrés de naturalisation, la petite et la grande ; et il démontre que tout individu naturalisé et admis à l’état de citoyen, doit être déclaré apte aux charges publiques et à la représentation nationale.
  • Indole, estensione e vantaggi della statistica, Milan, 1809, in-8°. Cet ouvrage eut une seconde édition en 1819.

La vieillesse et la mort[modifier | modifier le code]

Del merito e delle ricompense

Depuis cette dernière publication, Gioia, étant devenu propriétaire d’une mine de carbone fossile, dans le territoire de Val Gandino, s’occupa sérieusement de cette exploitation et publia :

  • Dimostrazioni dei vantaggi provenienti dalla lignite di Val Gandino, Milan, 1815, in-8°. Les avantages ne répondirent pas aux illusions que l’auteur s’était faites ; il dépensa beaucoup d’argent sans en tirer aucun profit, et dégoûté, il retourna à ses études.
  • Nuovo prospetto della scienza economica, ossia somma totale delle idee teoriche e pratiche in ogni ramo di amministrazione privata e pubblica , Milan, 1815, 6 vol., in-4°, ouvrage très-estimé par les économistes. Une troisième disette s’étant manifestée en Lombardie en 1817, notre économiste publia une seconde édition du livre qu’il avait donné en 1806, sous ce titre : Discorso popolare sul problema quali sieno i mezzi per alleviare la miseria, etc.

Le chef d’oeuvre de Gioia est sans contredit l’ouvrage suivant :

  • Del merito e delle recompense, trattato storico e filosofico , Milan, 1818, et Philadelphie, 1830, 2 vol. in-4°. L’auteur y démontre :
  1. que les hommes sont en général plus disposes à punir qu’à récompenser ;
  2. que le vrai mérite est modeste, et les récompenses enlevées par les courtisans et les charlatans.

L’argument de ce traité n’était pas nouveau, car Dragonetti avait publié en 1765 un petit volume Delle virtù e dei premj, et Diderot un Essai sur le mérite et la vertu[5] ; plus récemment Bentham, aux théories des peines, avait joint les récompenses.

Gioia publia aussi :

  • Sulle manifatture nazionali e tariffe daziarie, Milan, Pirotta, (lire en ligne).
  • Dell’ingiuria, dei danni, del soddisfacimento e relative basi di stima avanti ai tribunali civili dissertazione, Milan, 1824[6] et 1829, 2 vol. in-8°
  • Ideologia, ibid., 1822, 2 vol. in-8°.
  • Elementi di filosofia ad uso delle scuole, ibid., 1822, 2 vol. in-8°.
  • Esercizio logico sugl’errori d’ideologia e zoologia, ossia arte di trarre profitto dai cattivi libri, ibid., 1824, in-8°.
  • Riflessioni sull’opera di Bonstetten, intitolata : L’homme du Midi et l’homme du Nord, ibid., 1823, in-8°.
  • Cenni sullo stato attuale del commercio inglese e sopra li guadagni fatti dalla Grande-Bretagna nelle sue transazioni commerciali dal 1700 al 1824, estratto dagl’Annali di statistica, 1826, in-fol., ouvrage fort curieux et intéressant pour les États en contact avec l’Angleterre ;
  • Esame d’un’opinione intorno all’indole, estensione e vantaggi della statistica, ibid., 1826, in-8°[7].
  • Observations critiques sur la nouvelle encyclopédie progressive de Paris, 1826, in-8°
  • La Filosofia della statistica, Milan, 1826, 4 vol. in-8°. Cette édition fut soignée par l’auteur. Une seconde, publiée après la mort de Gioia, fut enrichie de notes, d’un appendice de Gian Domenico Romagnosi et d’un portrait, Milan, 1829 et 1830, 4 vol. in-8°.

Cependant, l’homme qui publia tant d’ouvrages utiles manquait de moyens pour faire de nouvelles éditions ; il travaillait toujours, luttant contre la faiblesse de sa santé. Enfin, le 2 janvier 1829, il mourut à Milan, ayant légué tous ses manuscrits à Giovanni Gherardini, qui les déposa à la bibliothèque impériale de Brera, dont il était directeur et conservateur[8]. On remarque parmi ces manuscrits :

  • Deux tragédies en vers, tirées de l’histoire romaine.
  • Un Traité de jurisprudence criminelle.
  • Les Éléments d’une géographie pratique.
  • Projet sur le commerce de la soie et des sucres.
  • Des notes très-importantes pour former la statistique des départements de l’ancien royaume d’Italie et de la Dalmatie.

Un ouvrage fort remarquable fut publié la même année par le comte Louis Bossi, membre de l’Institut lombard, sous ce titre : Trattato dell’amministrazione rurale, opera postuma del Gioia, Milan, 1829, in-8° ; on ignore comment il se fait que ce manuscrit soit parvenu entre les mains de l’éditeur.

Gioia avait été compromis dans les mouvements insurrectionnels de 1820-1821, mais le tribunal l’avait acquitté, ce qui donna lieu à la publication de son ouvrage Dell’ingiuria que, par reconnaissance, il dédia à une jeune et charmante personne, Bianca Milesi, qui avait entouré des soins les plus tendres ce vieillard, pendant tout le temps de sa détention, et qui avait puissamment contribué à lui faire rendre la liberté.

Postérité[modifier | modifier le code]

La vie politique de Gioia a été jugée de la manière la plus opposée, selon le parti auquel ses biographes appartenaient, mais personne n’a mis en doute son mérite comme économiste. Voici ce qu’en dit Silvio Pellico : « Melchiorre Gioia fut le penseur le plus éminent que les sciences économiques aient eu en Italie dans ces derniers temps. Cet homme re avait une érudition universelle, comme le démontrent : 1° ses Tables statistiques ; 2° son Traité des mérites et des récompenses ; 3° son Prospectus colossal de toutes les sciences économiques ; 4° sa Logique à l’usage de la jeunesse ; 5° la Philosophie de la statistique, et vingt autres ouvrages qui sont autant de preuves de son génie et un monument élevé par lui à sa gloire et à celle de sa patrie. » Giuseppe Pecchio, qui consacre à cet auteur un article très étendu, s’exprime d’une manière tout aussi élogieuse sur son compte. Il ajoute néanmoins : « M. Gioja est celui des écrivains italiens qui donne plus hardiment la préférence à l’industrie sur l’agriculture; et puis il est le seul des Italiens et des étrangers qui ait donné de l’importance à l’association des travaux, qui en ait démontré les avantages, et qui l’ait mise au nombre des causes de la production. »

Idéologie[modifier | modifier le code]

Pendant sa jeunesse il est un jacobin modéré, influencé par le jansénisme et par le sensualisme de Condillac et de John Locke ; après l'arrivée de Napoléon en Italie, il devient partisan du régime napoléonien.

Après avoir renoncé à la prêtrise, il commence sa carrière journalistique en fondant différents journaux journal d'inspiration démocratique : Il Monitore Italiano (Le moniteur italien) (fondé avec Ugo Foscolo), Il Censore (Le Censeur), La Gazzetta Nazionale della Cisalpina (Le Journal National de la République cisalpine) et Il Giornale filosofico politico (Le Journal philosophique politique).

Il fut membre de la loge maçonnique « Reale Amalia Agusta » de Brescia, qui prit son nom de l'épouse du prince Eugène de Beauharnais, premier grand maître du Grand Orient d'Italie, loge qui fut en activité jusqu'en 1814[9].

Gioia pense qu'on peut comparer la société à un « marché général », « une grande machine qui doit tourner à un rythme le plus rapide possible ».

Œuvres[modifier | modifier le code]

Ses œuvres complètes ont été réimprimées en 1837 et années précédentes (Lugano, imprimerie de Giuseppe Ruggia et Co.), en deux collections : Opere principali et Opere minori.

Références[modifier | modifier le code]

  1. Cette célèbre université, qui date du XIIe siècle, était alors une des plus fréquentées de toute l’Italie : elle réunissait les Tissot, les Frank, les Venturi, les Volta, les Tamburini, les Scarpa et autres célèbres professeurs.
  2. A ce propos nous devons citer l’ouvrage suivant publié en 1833 à Paris, sous ce titre : Della felicità che gl’Italiani possono e debbono procurarsi del governo austriaco, dal cavaliere Ferdinando Dalpozzo, già referendario al consiglio di stato e P. Presidente della corte imperiale di Genova, nel 1814. L’auteur de l’ouvrage combat tout ce qu’avait dit Gioia ; on ignore pour quel motif et dans quelle intention.
  3. Cette brochure très-rare fut traduite en français par l’ordre du prince Eugène de Beauharnais, vice-roi d’Italie.
  4. Une seconde édition sut donnée par l’auteur en 1817, lorsqu’une diseste épouvantable se fit sentir en Italie et dans la Savoie.
  5. Cet ouvrage de Diderot n’est qu’une traduction ou plutôt une imitation de Shaftesbury.
  6. Gian Domenico Romagnosi en donna en 1829, à Milan, une seconde édition avec l’éloge de l’auteur.
  7. Dans les Annali universali di statistica, etc., t. 8, Milan, 1826, on trouve ce mémoire détaillé de Gioia sur le caractère, l’étendue et les avantages des statistiques Jean-Baptiste Say avait dit : « Que sont ces énormes statistiques qui, en les supposant vraies au moment où elles ont été dressées, ne le sont plus au moment où on les consulte ! » – Gioia examine avec franchise l’opinion de ce savant économiste. Il soutient qu’un grand nombre d’éléments statistiques ne cessent jamais d’être vrais ; que plusieurs autres n’éprouvent de variations qu’après un long cours de siècles, et que ceux même qui changent plus fréquemment ne cessent pas d’être utiles, soit médiatement, soit immédiatement. On ne peut lire ce mémoire sans admirer les connaissances de Gioia, et surtout la manière libre, mais décente, avec laquelle il réfute son antagoniste. Au reste, il est à remarquer que statistiques de Prusse, qui ont servi de modèles à plusieurs gouvernements, sont dressées dans de grands tableaux qui se renouvellent tous les dix ans.
  8. (it) Francesca Sofia, « GIOIA, Melchiorre », dans Enciclopedia Treccani, vol. 55 : Dizionario Biografico degli Italiani, Rome, Istituto dell'Enciclopedia Italiana, (lire en ligne)
  9. Vittorio Gnocchini, L'Italia dei Liberi Muratori, Mimesis-Erasmo, Milano-Roma, 2005, p. 146.

Annexes[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

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Liens externes[modifier | modifier le code]