Mathilde de Flandre — Wikipédia

Mathilde de Flandre
Illustration.
Statue de Mathilde de Flandre dans la série des Reines de France et Femmes illustres du Jardin du Luxembourg.
Fonctions
Reine d'Angleterre

(16 ans, 10 mois et 8 jours)
Couronnement
en l'abbaye de Westminster
Prédécesseur Édith de Mercie
Successeur Mathilde d'Écosse
Duchesse de Normandie

(33 ans)
Prédécesseur Adèle de France
Successeur Sibylle de Conversano
Biographie
Dynastie Maison de Flandre
Date de naissance v. 1031
Lieu de naissance Bruges[1]
Drapeau de Flandre Comté de Flandre
Date de décès (à ~ 52 ans)
Lieu de décès Caen,
Drapeau du Duché de Normandie Duché de Normandie
Sépulture Abbaye aux Dames, Caen,
Drapeau du Duché de Normandie Duché de Normandie
Père Baudouin V de Flandre
Mère Adèle de France
Conjoint Guillaume le Conquérant
Enfants Robert II
Richard de Normandie
Adélaïde de Normandie
Cécile de Normandie
Guillaume II
Constance de Normandie
Adèle de Normandie
Henri Ier
Religion Catholicisme
Reine d'Angleterre

Mathilde de Flandre, née vers 1031 à Bruges et morte le à Caen, est l'épouse de Guillaume le Conquérant et, à ce titre, duchesse de Normandie et reine d'Angleterre. Elle a été régente du duché de Normandie alors que son mari était en Angleterre et a participé également à des cours de justice avec lui dans le royaume d'outre-Manche. Elle est aussi la mère de deux futurs rois : Guillaume II d'Angleterre et Henri Ier d'Angleterre.

Biographie[modifier | modifier le code]

Origines[modifier | modifier le code]

Née vers 1031[2], Mathilde est la fille de Baudouin V[2],[3] (v. 1012-1067), dit Baudouin de Lille, comte de Flandre[2], et d'Adèle de France[2], comtesse de Corbie. Elle est donc par sa mère petite-fille du roi franc Robert II le Pieux et descend de Charlemagne[2],[4]. Elle est la sœur des comtes de Flandre Baudouin VI (v. 1030-1070), dit Baudouin de Mons, et Robert Ier (v. 1031-1093), dit Robert le Frison.

Les ossements de Mathilde, conservés à l’abbaye aux Dames de Caen[5], ont été étudiés en 1961[6]. Sa taille, calculée à partir de son fémur et de son tibia, est estimée à 1,52 m[6], ce qui était probablement au-dessus de la moyenne de son temps[6]. L'examen de son squelette montre aussi qu'elle était fort mince[5]. Inexplicablement, des sources académiques ont rapporté, de manière erronée, que sa taille était d'environ 1,27 m[6],[7].

Mariage[modifier | modifier le code]

Détail du retable de l'Église Saint-Sever à Rouen représentant Mathilde fondant Notre-Dame de Bonne-Nouvelle.

En 1050[2],[3] ou 1051[8], elle épouse Guillaume[2],[3], duc de Normandie (dit plus tard le Conquérant), fils de Robert Ier (v. 1010-1035), dit Robert le Magnifique, duc de Normandie, et d'Arlette de Falaise. Ce mariage est arrangé par Baudouin V et Guillaume ; le second souhaite augmenter son prestige en s'alliant notamment avec une descendante royale, et les deux partagent une communauté d'intérêts concernant l'Angleterre[2]. Le mariage a lieu dans la forteresse d'Eu ou à Rouen, la capitale du duché de Normandie[8]. Les négociations pour leur mariage débutent probablement dès 1048, mais en , au concile de Reims[9], le pape Léon IX l'interdit, sur des arguments religieux (cousins au cinquième degré) mais probablement surtout pour des raisons politiques[note 1],[8],[9]. Toutefois, les futurs époux outrepassent l'interdiction[9],[8],[3]. En 1059, le pape Nicolas II valide rétrospectivement ce mariage, à condition que les deux époux fondent chacun une abbaye[8]. Mathilde fonde alors l'abbaye aux Dames de Caen, dédiée à la Sainte-Trinité[8], et son époux fonde l'abbaye aux Hommes[3], dédiée à saint Étienne. Son église abbatiale est dédicacée le . La fondation de l'église Notre-Dame du Pré de Quevilly lui est aussi attribuée[8].

Mathilde de Flandre a apparemment des relations cordiales avec tous ses enfants, et elle est notamment très proche de son aîné, Robert[8]. Elle est particulièrement peinée quand celui-ci se dispute avec son père et qu'il s'exile en France. Elle a l'habitude de lui envoyer de l'argent et de l'or, aux dépens de son mari, mais, quand celui-ci découvre le pot aux roses, il menace de sévices le messager breton qu'elle utilise[8]. Elle est aussi en très bons termes avec son époux, et il semble qu'ils soient heureux en mariage[8] ; leurs relations resteront bonnes même après l'aide qu'elle aura apporté à Robert[2]. On ne connaît d'ailleurs aucune maîtresse ni aucun enfant illégitime à Guillaume.

Rôle politique[modifier | modifier le code]

Témoin de son rôle politique, le signum qu'elle appose sur les actes. Sa signature est la deuxième plus grande croix sur l'accord de Winchester (1072).

Sur le plan politique, Mathilde est régente du duché de Normandie[2] pendant la conquête normande de l'Angleterre — c'est-à-dire qu'elle exerce le pouvoir en remplacement du duc qui est trop loin —, probablement avec son fils Robert[8]. Roger II de Montgommery et Roger de Beaumont[2] sont parfois ses conseillers[8]. Elle contribue à la flotte d'invasion en faisant construire à Barfleur la Mora, le navire utilisé par Guillaume pour la traversée[8]. À la Pentecôte 1068, elle est en Angleterre, où elle est couronnée reine à Westminster[2]. Elle continue à s'occuper de la régence de la Normandie durant les années 1070 et 1080[8]. Elle retourne un certain nombre de fois en Angleterre auprès de son mari et y préside avec lui des cours de justice[2]. Elle joue le rôle typique d'une reine active du Moyen Âge. Dans son entourage, on trouve l'évêque Guy d'Amiens, et elle entretient une correspondance avec le pape réformateur Grégoire VII, qui l'encourage à user de son influence sur son mari[8]. Guillaume le Conquérant sera à l'origine d'un royaume anglo-normand puissant[3].

La conquête de l'Angleterre lui apporte de nombreuses terres et fait d'elle une riche propriétaire terrienne, avec des propriétés dans huit comtés[10],[8]. Elle ne possédait auparavant qu'un maigre douaire dans le pays de Caux (Bures-en-Bray, Maintru, et Osmoy-Saint-Valery)[8]. Elle utilise ses nouvelles ressources financières pour faire divers dons à des maisons religieuses, notamment aux abbayes de Saint-Évroult, Corneille, Cluny et, bien sûr, de La Trinité de Caen[8].

Mort et legs[modifier | modifier le code]

Tombe de Mathilde de Flandre dans l'abbaye aux Dames de Caen.

Elle tombe malade à la fin de l'été 1083 et meurt le [8]. Selon sa volonté, elle est inhumée dans l'église abbatiale de La Trinité (abbaye aux Dames) de Caen[8],[3]. Sa tombe subsiste encore de nos jours[8], mais elle a été pillée par les protestants en 1562. Elle laisse toutes ses terres anglaises et son argent à son fils benjamin, Henri. Sa couronne et son sceptre vont aux nonnes de La Trinité[8]. La Normandie et l'Angleterre resteront aux mains des descendants de Mathilde de Flandre et Guillaume le Conquérant pendant des siècles ; en ce qui concerne le duché de Normandie, cela s'arrêtera avec son rattachement au domaine royal français en 1204[3].

Famille et descendance[modifier | modifier le code]

En 1050 ou 1051, elle épouse Guillaume le Conquérant à Rouen. Ils ont huit ou neuf enfants, quatre garçons[8],[2] et quatre ou cinq filles[8] (ou peut-être six filles[2]) :

  1. Robert Courteheuse (1051/52-1134), duc de Normandie (1087-1106), épouse Sibylle de Conversano. Emprisonné à vie à partir de 1106 ;
  2. Adélaïde († avant 1113), probablement la fille aînée, elle devient nonne à Saint-Léger de Préaux, probablement après plusieurs tentatives ratées de mariage[11]  ;
  3. Cécile († 1126), entre à l’abbaye aux Dames de Caen comme oblate le . Elle prononce ses vœux en 1075, et devient abbesse en 1113[4] ;
  4. Richard (v. 1054/56-1069/75), entre dans les ordres à Caen en 1066. Tué dans un accident de chasse ;
  5. Guillaume le Roux (v. 1060-1100), roi d’Angleterre de 1087 à 1100 ;
  6. Constance († ), épouse Alain IV Fergent de Cornouailles, duc de Bretagne et comte de Rennes, en 1086 ;
  7. Adèle (v. 1067-1137), épouse Étienne-Henri, comte de Blois-Chartres vers 1080/1085 ;
  8. Henri Beauclerc (vers 1068/69-1135), roi d’Angleterre (1100-1135) puis duc de Normandie (1106-1135). Il eut plusieurs épouses ou concubines (Mathilde d'Écosse, Nesta de Galles, Sybille de Montgomerry Corbet), il existe toujours actuellement des descendants de la maison des conquérants.

Et peut-être[8] :

Improbables[8] :

  • Agathe, seulement mentionnée par Orderic Vital[8], aurait été fiancée à Harold II d'Angleterre, puis à Alphonse VI de Castille, n'a peut-être jamais existé ou est en fait une des filles déjà mentionnées plus haut ;
  • Gundrade (vers 1063-1085) a été faussement identifiée comme une fille du Conquérant. Lors de son décès au château d'Acre (Norfolk), elle est dite épouse de Guillaume Ier de Warenne, futur 1er comte de Surrey, et dans un acte relevé au Vieux Sarum, Mathilde de Flandre parle de Gundrade sous le terme « ma fille ». Ordéric Vital, lors de son mariage, spécifie qu'elle est la sœur de Gerbod le Flamand, officieux comte de Chester[12].

Pour certains auteurs, Agathe et Mathilde seraient la même personne.

Postérité[modifier | modifier le code]

Alfred Guillard, La Reine Mathilde travaillant à la Telle du Conquest, 1848 (Bayeux, musée Baron-Gérard).

On a attribué au XIXe siècle[2] à Mathilde la réalisation de la très célèbre tapisserie de Bayeux, ou Tapisserie de la Reine Mathilde, qui relate la conquête normande de l'Angleterre, en 1066. Mais cette thèse est aujourd'hui totalement écartée[13],[2]. La tapisserie de Bayeux, qui est en réalité une broderie, avait été attribuée par une légende à Mathilde comme pour la faire ressembler à la mythique Pénélope, épouse du légendaire roi grec Ulysse[2], réputée avoir fait et défait quotidiennement une tapisserie en attendant le retour de son mari[3]. Toutefois, la broderie de Bayeux a en réalité été réalisée par des hommes dans des ateliers anglais, sur une commande probable du demi-frère du duc Guillaume, Odon, alors évêque de Bayeux[2].

Il existerait une légende selon laquelle la reine Mathilde fut attachée à la queue d'un cheval et traînée sur ordre de son mari dans la rue Froide de Caen. Cet évènement serait à l'origine du nom de la rue[14].

À Rouen, le pont Mathilde ne porte pas son nom, mais celui de Mathilde l'Emperesse, fille d'Henri Ier Beauclerc[15] (lui-même fils de Mathilde de Flandres et Guillaume le Conquérant). Mathilde l'Emperesse fut en effet à l'origine de la construction d'un pont en pierre de 13 arches vers le milieu du XIIe siècle, pont qui dura plusieurs siècles[16].

Ascendance[modifier | modifier le code]

Mathilde de Flandre descend notamment d'Hugues Capet et de Charlemagne (ancêtre d'Arnoul Ier de Flandre), qui sont donc également dans l'ascendance de tous les monarques successifs d'Angleterre et du Royaume-Uni[17].

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. On ne dispose pas de document contemporain expliquant les motivations papales, mais pour Orderic Vital, moine chroniqueur du XIIe siècle, elle s'explique par la consanguinité. L'Église cherchait alors à imposer ses vues en matière d'interdits de parenté pour mieux asseoir son pouvoir sur les laïcs, et les futurs conjoints étaient cousins au cinquième degré canonique. Pour le biographe de Guillaume Gilles Henry, le pape prend le prétexte juridique qu'ils descendent l'un et l'autre de Rollon et sont cousins au cinquième degré mais, pour des raisons d'équilibre politique dans la chrétienté, il veut en fait éviter cette alliance entre deux principautés naissantes, la Flandre de Baudouin et la Normandie de Guillaume, dont des mercenaires conquièrent des principautés en Italie méridionale, aux portes de Rome. De plus, le comte de Flandre est une menace pour l'empereur germanique Henri III, qui a installé Léon IX sur le siège pontifical. (Gilles Henry, Guillaume le Conquérant, Impr. C. Corlet, , p. 79).

Références[modifier | modifier le code]

  1. « Mathilde de Flandre n. 1031 d. 2 novembre 1083 », sur rodovid.org (consulté le ).
  2. a b c d e f g h i j k l m n o p q r et s Florian Mazel (Historien médiéviste, auteur) et Vincent Sorel (Auteur et illustrateur), Chevaliers, moines et paysans : De Cluny à la première croisade, France, La Découverte / La Revue dessinée, , 172 p. (ISBN 979-10-92530-45-2), p. 160-161.
  3. a b c d e f g h et i Bayeux Museum, « Guillaume le conquérant, duc de Normandie et héros de la tapisserie de Bayeux », sur Bayeux Museum (consulté le ).
  4. a et b Archives du Calvados (France), « Mathilde de Flandre », sur archives.calvados.fr (consulté le ).
  5. a et b Michel de Boüard, Guillaume le Conquérant, Fayard, (ISBN 978-2-213-01319-0), p. 173.
  6. a b c et d (en) John Dewhurst, « A historical obstetric enigma: how tall was Matilda? », Journal of Obstetrics & Gynecology, vol. 1, no 4,‎ 1981-pages=271–272.
  7. (en) Marc Morris, « 1066: The limits of our Knowledge », The Historian, no 117,‎ , p. 12-15 (lire en ligne).
  8. a b c d e f g h i j k l m n o p q r s t u v w x y z et aa (en) Elisabeth van Houts (édition en ligne, mai 2008), « Matilda (d. 1083) », dans Oxford Dictionary of National Biography, Oxford University Press, .
  9. a b et c Didier Lett, Famille et parenté dans l'Occident médiéval, Ve-XVe siècle, Hachette, , p. 97.
  10. Surrey, Hampshire, Wiltshire, Dorset, Devon, Cornouailles, Buckinghamshire et Gloucestershire.
  11. (en) Elisabeth van Houts, « Adelida (d. before 1113) », dans Oxford Dictionary of National Biography, Oxford University Press, .
  12. a et b Voir Medieval Lands.
  13. Lucien Musset, La Tapisserie de Bayeux : œuvre d’art et document historique, Paris, Zodiaque, , 272 p. (ISBN 2-7369-0281-5), p. 13.
  14. M. J. Lair, La Reine Mathilde dans la légende..
  15. « 29 février 1980 : Le pont Mathilde, 585 mètres et le prénom d'une impératrice », sur www.paris-normandie.fr, (consulté le ).
  16. L. Musset et Michel Mollat (dir.), Histoire de Rouen, Privat, , p. 56.
  17. Stéphane William Gondoin, « La reine Mathilde - Double féminin de Guillaume le Conquérant », Patrimoine Normand,‎ , p.6 à p.13 (lire en ligne).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Sur la reine Mathilde de Flandre, peu de choses sont connues. Les sources principales la concernant sont les historiens de la Normandie ducale, c'est-à-dire :

Pour des ouvrages récents la concernant, on peut trouver :

  • Annie Fettu, La reine Mathilde : princesse de Flandre, duchesse de Normandie, reine d'Angleterre, vers 1032-1083, Cully, OREP, (ISBN 978-2-912925-77-0, OCLC 469473416).
  • Michel de Boüard, « La Reine Mathilde », conférence donnée le à Bernay, les amis de Bernay, .
  • Lucien Musset, « La reine Mathilde et la fondation de la Trinité de Caen (Abbaye aux Dames) », Mémoire de l'Académie nationale des Sciences, Arts et Belles Lettres de Caen, volume 21, 1984, p. 191-210.
  • Les actes de Guillaume le Conquérant et de la reine Mathilde pour les abbayes caennaises, éditeur Lucien Musset, Caen, 1967.
  • Suzanne Turgis, La très véridique histoire de la Bonne Mathilde de Flandres, Bayeux, 1912.
  • G. Beech, « Queen Matilda of England (1066–83) and the abbey of La Chaise-Dieu in the Auvergne », Frühmittelalterliche Studien, vol. 27, 1993, p. 350-374.
  • Stéphane William Gondoin, « Mathilde de Flandre, double féminin de Guillaume le Conquérant », Patrimoine normand, no 83, octobre 2012.
  • Laura L. Gathagan, ‘Audi Israel': Apostolic Authority in the coronation of Mathilda of Flanders’, Anglo-Norman Studies XLIII: Proceedings of the Battle Conference (2020), 89-104.
  • Laura L. Gathagan, “‘Mother of heroes, most beautiful of mothers’: Mathilda of Flanders and royal motherhood in the eleventh century,” in Virtuous or Villainess? The Image of the Royal Mother from the Early Medieval to the Early Modern Era edited Ellie Woodacre and Carrie Fleiner, (Palgrave Macmillan, 2016), 37-63.
  • Laura L. Gathagan, "The Trappings of Power: The Coronation of Mathilda of Flanders." Haskins Society Journal, Volume XIII (Boydell Press, 2004), 21-39.

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

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